Impérialisme japonais

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Cette page regroupe des éléments sur l'impérialisme japonais depuis ses origines jusqu'à aujourd'hui.

1 Les origines

1.1 Ouverture de force

Au 17ème siècle, le Japon était un des pays les plus fermés du monde. Non seulement son territoire était interdit aux étrangers, mais les Japonais qui voulaient s’expatrier devaient le faire sans espoir de retour.

En 1854, le Japon est ouvert de force au marché international par les États-Unis. Les puissances occidentales ont tenté de faire du Japon, comme avec la Chine, une semi-colonie.

Mais la révolution Meiji de 1868 va constituer une vive réaction des classes dirigeantes du pays, qui va alors rapidement réclamer sa place à la table des grands.

Lénine dira par la suite que l'indépendance politique acquise par le Japon  a été une condition de son développement capitaliste rapide :

« En Asie [...] les conditions pour le développement le plus complet de la production de marchandises, pour la plus libre, la plus large et la plus rapide croissance du capitalisme, ont été créés seulement au Japon, c'est-à-dire dans un État national indépendant. »[1]

1.2 Premières offensives coloniales

Dès 1876, le gouvernement de Tokyo força celui de Corée à signer à son tour un traité inégal.

Le Japon a bénéficié des rivalités inter-impérialistes. C’est l’Angleterre, la première puissance de l’époque, qui décida de se servir du Japon pour contrer les appétits russes au nord de la Chine, du côté de la Mandchourie et de la Corée voisine. C’est l’Angleterre qui aida le Japon à constituer sa marine de guerre. Ce sont des ingénieurs anglais qui aidèrent à la construction des voies ferrées, des filatures de coton, des usines métallurgiques. C’est avec l’Angleterre que s’effectuait le tiers du commerce extérieur japonais. Et c’est l’Angleterre qui, la première, accepta en 1894 d’abroger les traités inégaux.

En 1895, le Japon déclare la guerre à la Chine dans le but d’en détacher la Corée (avec le feu vert de l'Angleterre). La Chine capitule au bout de quelques mois de guerre : la Corée devient "indépendante", l'île de Formose (aujourd’hui Taïwan) passe au Japon, et plusieurs ports chinois sont ouverts au commerce japonais. De plus, alors que les destructions ont eu lieu sur le sol chinois, c'est la Chine qui est forcée de payer des réparations...

Le traité avec la Chine donnait aussi au Japon la péninsule de Liaodong au sud de la Mandchourie, mais six jours après, le Japon doit y renoncer sous la pression de la France, de l'Allemagne et de la Russie. En 1898, l'impérialisme russe s'approprie cette même péninsule.

En 1900, le Japon envoie 8000 soldats (les occidentaux en ont 9000) pour réprimer la révolte des Boxers en Chine. En 1902, l'Angleterre signe un accord de défense mutuelle avec le Japon, ce qui de fait le reconnaît comme une grande puissance.

1.3 Guerre russo-japonaise de 1904

Issue de la rivalité russo-japonaise à propos de la Mandchourie, limitrophe à la fois de la Corée et de l’empire des Tsars et appartenant à la Chine, la guerre russo-japonaise dura un an et demi et se termina par une spectaculaire victoire navale japonaise qui détruisit la flotte russe. Le Japon récupéra la presqu’île de Port Arthur à côté de la Corée, le contrôle de la voie ferrée dans le sud de la Mandchourie et la moitié de l’île de Sakhaline prise aux Russes.

Cela impressionna fortement le monde occidental, qui considérait la Russie comme une puissance militaire quasi invincible, d'autant plus que c'était la première grande victoire d'un peuple "non blanc". Lénine (et l'ensemble de la social-démocratie) applaudissait la défaite de la Russie contre le Japon, qui aurait un« rôle historiquement progressiste », tout en affirmant qu’il ne s’agissait pas d’un soutien à « l’impérialisme japonais »[2][3][4]. Ce type de raisonnement est à mettre en relation avec les positions de Marx et Engels , qui soutenaient des guerres lorsque selon eux la victoire d'un camp pouvait favoriser le développement du capitalisme et de la classe ouvrière.

La Corée devient un protectorat du Japon en 1905, et sera formellement annexée en 1910.

2 L'essor

2.1 Première guerre mondiale

La première guerre mondiale fut avant tout européenne, mais les dirigeants japonais étaient très conscients des possibilités qu'ils pouvaient en tirer. L’un d’entre eux déclarait très nettement quelque temps avant le déclenchement  : « Il faut attendre le moment où éclatera le désordre en Europe ; ce moment surviendra tôt ou tard, et bien qu’il ne soit pas pour nous un objet de souci immédiat, nous devons le guetter, car un tel événement se répercutera en Asie et, grâce à lui, bien que notre pays ne soit pas mêlé aux affaires européennes, nous pourrons devenir la puissance dominante en Asie. »

En 1914, le Japon choisit son camp surtout en fonction du rapport de force en Asie. Plutôt que de s’attaquer à la France, l’Angleterre et la Russie réunies, il se mit en position de récupérer les colonies allemandes : une province chinoise et quelques îles du Pacifique.

La période 1914-1918 fut un temps béni pour les capitalistes nippons. Ils bénéficièrent de l’extension de leur propre empire colonial, des commandes d’armement pour équiper leur armée qui guerroyait sur le continent, des marchés coloniaux de l’Angleterre et de la France, trop occupées pour exporter vers leurs colonies, et même de la vente de munitions à leurs alliés du moment. Entre 1914 et 1919, la production, multipliée par cinq, progressa à un rythme encore jamais atteint dans le pays.

Lors de la création de la Société des Nations en 1919 (ancêtre de l'ONU), le Japon propose le « principe de l'égalité des races ». Il ne s'agissait que d'un voile idéologique : le Japon n'avait aucune intention de défendre une position de principe sincère (il colonisait lui-même d'autres nations asiatiques), mais utilisait seulement ce thème pour justifier auprès des puissances occidentales un statut de « grande puissance non-blanche mais néanmoins égale ».[5]

2.2 Le creux des années 1920

En 1921-1922, les anglais et les américains, qui commençaient à se méfier des appétits territoriaux du Japon, lui imposèrent une limitation de ses forces navales et l’évacuation des territoires qu’il avait conquis sur l’Allemagne en Chine. Le Japon dut aussi abandonner l'espoir de coloniser une partie de la Sibérie, où il guerroyait aux côtés des armées blanches russes et des autres impérialistes.

A partir de ce moment, les tensions avec les autres impérialistes se multiplièrent, en particulier avec l’impérialisme américain qui avait remplacé l’Angleterre comme premier partenaire commercial du Japon. Des droits de douane plus élevés furent mis sur les produits japonais jugés trop bon marché. Des conflits à propos de l’émigration japonaise aux USA ressurgirent.

2.3 Invasion de la Mandchourie (1931)

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Au Japon, l’impatience de l’armée à reprendre la conquête de la Chine fut de plus en plus évidente. Complots, attentats, assassinats se succédèrent, perpétrés par des militaires. Ces derniers prirent finalement l’initiative de déclencher eux-mêmes des opérations dans le nord de la Chine en s’emparant de toute la Mandchourie qui, en 1932, devint un État fantoche, appelé Manchoukuo.

Cette fois, le Japon agissait contre la volonté de l’Angleterre et des États-Unis.

2.4 Le militarisme tout puissant

La Japon est durement touché par la crise de 1929, mais l'Etat redirige toutes les richesses vers l'armée en saignant les ouvriers et les paysans. Le budget militaire atteignait la moitié du budget total. Et si la production a augmenté de 50 % entre 1929 et 1936, en pleine crise économique mondiale, c’est uniquement grâce aux commandes de l’armée.

Suite à un coup d'Etat réprimé en 1936, l'armée japonaise devient toute puissante dans la vie politique du Japon.

2.5 Guerre d'invasion de la Chine (1937-1945)

En juillet 1937, le Japon lance une offensive pour conquérir la façade maritime de la Chine. Malgré les réticences des États-Unis, de l'Angleterre et de la France, ces puissances restent passives, comme en Europe face à l’Allemagne à la même époque. Il y eut bien des résolutions votées par la Société des Nations, toutes aussi inefficaces les unes que les autres.

Et même lorsque l’aviation japonaise bombarda à la fin de l’année 1937 une canonnière américaine et une canonnière anglaise et coula trois pétroliers battant pavillon des États-Unis, rien ne se passa. Le gouvernement de Tokyo s’excusa et les grandes puissances en restèrent là.

2.6 Seconde guerre mondiale

Le Japon constituait de plus en plus une menace pour les autres puissances impérialiste, en particulier pour les États-Unis qui étaient bien présents dans le Pacifique. Non seulement il convoitait la Chine, mais s’empara d’îles proches de l’Indochine et des Philippines. Les USA firent alors un geste qui se voulait dissuasif, en envoyant une grande partie de leur flotte dans le Pacifique. Mais il fallut attendre le début de la guerre en Europe, en septembre 1939, et surtout l’avance des armées japonaises vers le sud, pour les voir vraiment réagir. En juillet 1940, le Japon entrait en Indochine, et menaçait la Malaisie, l’Indonésie et les Philippines. Les États-Unis bloquèrent alors les exportations de ferraille et d’essence pour avion. En juillet 1941, ils gelèrent les avoirs japonais aux USA et bloquèrent tout le commerce à destination du Japon, dont les exportations de pétrole.

Le Japon étranglé n’avait plus le choix qu’entre reculer ou faire la guerre. Il choisit de tenter de briser l’étau imposé par les États-Unis, et pour ce faire, en décembre 1941, il détruisit la flotte américaine à Pearl Harbour. Les États-Unis, formellement agressés, purent justifier leur entrée dans la guerre mondiale vis-à-vis de leur population et régler du même coup son compte à ce concurrent dans le Pacifique.

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En 1945, le Japon est occupé par l’armée américaine. L'occupant établit formellement une démocratie parlementaire. La Corée retrouve une indépendance à ce moment. De grandes purges spectaculaires dans l'appareil militaire japonais sont organisées, mais une grande partie des hauts gradés sont conservés, et l'Empereur est maintenu en place.

3 Après 1945

Dans l'historiographie dominante, on parle fréquemment de l'impérialisme japonais pour désigner la période des années 1930 et 1940, mais plus du tout par la suite. Il est clair également que les marxistes ont été moins nombreux à se pencher sur le cas du Japon de l'après seconde guerre mondiale. Mais le Japon reste considéré comme une puissance impérialiste, même si elle est totalement alliée aux États-Unis.

3.1 Le « miracle japonais »

En 1955, le Japon avait retrouvé son niveau de production et de consommation des années d’avant-guerre. Jusqu'en 1970, Il connaît un développement industriel colossal, avec une croissance qui fut la plus forte du monde, de 10 % par an, le double de celle de la France, le triple de celle des USA.

En 1955, le Japon était encore un pays semi-développé avec un PNB quinze fois plus faible que celui des USA. En 1970, il avait dépassé la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et se trouvait au rang de 3e puissance mondiale après les USA et l’URSS. Son PNB était alors le quart du PNB américain. Le PNB par habitant du Japon a dépassé celui des États-Unis.

Les marchandises japonaises, compétitives dans le domaine des hautes technologies, ont inondé le monde.

En 1982, le Japon est devenu le plus grand exportateur de capitaux du monde. Ses investissements sont principalement aux États-Unis (implantations d'entreprises pour contourner les barrières douanières, rachats de biens prestigieux comme le Rockfeller Center à New-York, rachats de bons du trésor...). La Bourse de Tokyo devenait en 1987 la première du monde, dépassant largement celle de Wall Street.

4 Notes et sources

  1. Lénine, The Right of Nations to Self-Determination, 1914
  2. Lénine, La chute de Port-Arthur, 14 janvier 1905
  3. Lénine, Le capital europeen et l'autocratie, 5 avril 1905
  4. Lénine, La debacle, 9 juin 1905
  5. Naoko Shimazu, Japan, Race and Equality, Routledge, 1998, 255 p. (ISBN 0-415-17207-1)