Garde rouge (Russie)

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Gardes rouges de l'usine Vulkan, Russie

Le nom de Garde rouge (en russe Красная Гвардия), dans l'histoire de la Russie, désigne les détachements ouvriers armés formés au cours de la révolution de 1917.

1 Historique

Très semblables aux détachements ouvriers qui avaient pris part à la révolution de 1905 à Moscou, ces groupes armés font leur apparition dans les usines lors de la révolution de février 1917 pour maintenir l'ordre dans la ville[1] et empêcher les pillages des usines. Leur direction est assurée par les comités d'usine. Ils assurent en partie le rôle d'une police civile ordinaire, remplaçant la police tsariste démantelée.

Les imprimeurs avaient donné l’exemple en s’organisant les premiers. Dès avril, sur l’initiative de leur syndicat, ils avaient créé une milice qui s’associa ensuite, localement, à celle de l’usine Trubocnyi. L’organisation combattante des imprimeurs servit ensuite de modèle à celle de la future Garde Rouge.

L'existence d'ouvriers en armes modifie immédiatement le rapport de force dans les usines, au détriment des patrons. Et réciproquement, le rapport de force à Petrograd permet aux ouvriers d'imposer la journée de 8 heures, qui leur laisse plus de temps pour se politiser... et participer à la garde rouge. Les ouvriers conquirent quelques heures de liberté dans la semaine pour la lecture, les réunions (leur contrôle sur les dirigeants du Soviet s'accrut), et aussi pour l'exercice du fusil qui devint régulier du moment de la création d'une milice ouvrière.

Les socialistes conciliateurs (menchéviks et SR), qui dirigent les soviets, font tout pour inciter les ouvriers à rendre les armes et reconnaître la légitimité des institutions gouvernementales, dont la milice municipale de Petrograd, plus mixte socialement.

Les bolcheviks obtiennent la majorité dans les comités d'usine dès le mois d'avril, ce qui leur permet de contrôler de plus en plus de sections de la milice ouvrière. Les Comités de Petrograd et de Moscou du parti bolchevique décident le 14 avril d'organiser une garde rouge, qui se détache de la direction de la milice aux mains des mencheviks et des socialistes révolutionnaires, ainsi que de la « milice du peuple » du soviet de Petrograd. Les Gardes rouges ont pour mission de « protéger la révolution » et de « résister aux forces réactionnaires »[2]. A la présidence du Soviet des milices ouvrières, les bolcheviks élirent un anarchiste, Neljubine.

Des gardes rouges participent aux grandes manifestations qui ont lieu le Premier mai.

Un ouvrier de l'usine Postavchtchik à Moscou raconte : « Le 1er juin, dès que fut élu le nouveau comité d'usine, composé en majorité de bolcheviks, on forma un détachement d'environ quatre-vingts hommes, lequel, à défaut d'armes, faisait l'exercice avec des bâtons sous la direction d'un vieux soldat, le camarade Lévakov. »La presse accusait la milice de violences, de réquisitions et d'arrestations illégales. Sans aucun doute, la milice employait la violence : elle était précisément faite pour cela. Son crime était, cependant, d'user de violence à l'égard des représentants de la classe qui d'ordinaire exploite et opprime.

Début juillet, il y avait environ 6000 gardes rouges à Petrograd.

La Garde rouge se réfugie dans la clandestinité après sa participation aux journées de juillet, puis en sort pour faire échouer le putsch du général Kornilov en septembre 1917. Dès lors, la Garde rouge se structure à Petrograd et à Moscou. Elle est essentiellement l'émanation des comités d'usine et ne sera jamais vraiment structurée à grande échelle. Elle était peu contrôlée par les partis. En témoigne un compte rendu de réunion du 2 août dans lequel un représentant bolchévik dit :

« Les masses ouvrières exigent des armes et une organisation, et nous dormons. Il faut nous réveiller et commencer à construire. Peut-être est-il plus raisonnable de marcher les premiers temps sous le drapeau d’un front socialiste uni, mais il faut prendre des mesures pour conquérir les centres dirigeants du mouvement. »[3]

Il pointe aussi la différence de nature entre milice ouvrière et milice petite-bourgeoise :

« Dans les quartiers où il y a une milice ouvrière, il faut la considérer comme Garde Rouge. Dans la plupart des quartiers la milice ouvrière s’est depuis longtemps changée en milice petite-bourgeoise. Les ouvriers l’ont quittée et elle s’est remplie de toute la racaille, de toute la jeunesse bourgeoise, et s’occupe de maintenir l’ordre, de protéger le régime en place et la propriété. Ces tâches sont si séduisantes que certains originaux de la classe ouvrière les assignent même à la Garde Rouge. Ceci est erroné. La Garde Rouge doit être formée pour transgresser l’ordre existant, pour exproprier, pour condamner. Nous avons déjà une force immense : 14 000 ouvriers en armes. Nous n’avons pas à attendre et à faire des manières, il faut commencer à frapper les bourgeois. Si nous continuons à bavarder et à observer l’ordre, les ouvriers créeront leurs organisations en dehors de nous. »

En octobre ils sont entre 30000 et 40000. 96% étaient ouvriers avant d’être gardes, ils sont très jeunes et, plus de la moitié sont nés à la campagne. D’après une enquête, en octobre, 44% se sont déclarés bolcheviks, 53% sans parti. À peine 15% déclarent avoir été bolcheviks dès Février, ce qui est un autre témoignage de la radicalisation des jeunes ouvriers.[3]

Le 23 octobre, dans le cadre de la préparation de l'insurrection par le Comité militaire révolutionnaire, une direction des gardes rouges de Petrograd est créée. Parmi ceux qui jouèrent un rôle organisateur majeur : K.K. Iouréniev, V.F. Malakhovsky, A.K. Skorokhodov, I.I. Gaza, Y.A. Kalinin, V.A. and E.A. Trifonovs, K.N. Orlov, V.N. Pavlov, N.I. Podvoisky, V.I. Nevsky, A.G. Chliapnikov.

À la suite de la révolution d'Octobre, elle s'implante dans la plupart des grands centres industriels de Russie et devient une véritable armée révolutionnaire. L'enrôlement est volontaire, mais nécessite une recommandation des soviets ou des cellules du Parti bolchevik. L'armée, qui comporte des régiments d'infanterie et de cavalerie, remporte des succès dans des conflits locaux (par exemple contre Alexandre Ilyitch Doutov dans la province d'Orenbourg), mais son organisation peu structurée est inefficace contre la plus grosse partie des armées blanches.

Le 31 août, les syndicats de Minsk décident de constituer une garde rouge. Le 1er septembre, c'est Cronstadt qui organise la sienne. Le 5 septembre, le soviet de Moscou adopte pour la première fois une motion présentée par les bolcheviks et décide d'organiser une garde rouge. Le 21 septembre, le soviet d'Odessa décide de constituer une garde rouge.

Elle constitue la base de l'Armée rouge, créée en janvier 1918, et elle est officiellement dissoute en avril de la même année.


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PatrouilleGardesRouges1917.jpg

2 Notes et références

  1. John Reed, Dix jours qui ébranlèrent le monde, Éditions sociales, coll. « 10/18 », Paris, 1958, p. 28.
  2. Richard Pipes, La Révolution russe, PUF, 1993, p. 383.
  3. 3,0 et 3,1 Marc Ferro, Des soviets au communisme bureaucratique, 1980

3 Bibliographie

  • Eduard Martynovich Dune, Notes of a Red Guard, Illinois press, 1993
  • Rex Wade, Red Guards and Workers’ Militias in the Russian Revolution, Stanford University Press, 1984
  • Vladimir Malakhovsky devint un des historiens soviétiques des gardes rouges
  • Georges Haupt, « Garde rouge », Encyclopædia Universalis.