Franc-maçonnerie

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Rituel d'initiation d'un apprenti franc-maçon anglais vers 1800

La franc-maçonnerie est une société, non pas réellement secrète mais très discrète, qui regroupe des membres sur la base de certaines valeurs et rituels codifiés. Les rituels, très ésotériques, font référence à l'ancien « secret maçonnique » : les savoir-faire des anciens bâtisseurs du Moyen-Âge (bâtisseurs de bâtiments aux techniques complexes pour l'époque comme les cathédrales). Mais il y a bien longtemps que la franc-maçonnerie est dite « spéculative » (philosophique), par distinction avec la maçonnerie « opérative » des bâtisseurs. La franc-maçonnerie est née en Ecosse en 1598, et s'est ensuite développée dans le monde, tout en se séparant en différentes obédiences. Ses valeurs se veulent philanthropiques, universelles, en faveur du progrès de l'humanité. Par conséquent il y a historiquement eu une très forte hostilité des milieux les plus réactionnaires contre les franc-maçons, notamment l'extrême droite catholique intégriste.

1 Franc-maçonnerie et classes sociales

On peut dire à très grands traits que la franc-maçonnerie a plutôt représenté une idéologie des franges libérales de la noblesse et de la bourgeoisie montante. Mais elle s'est répandue dans de nombreux pays, et selon les contextes, elle a pu exprimer des intérêts très différents, voire antagoniques.

Trotski s'est beaucoup intéressé à la franc-maçonnerie lorsqu'il était déporté en Sibérie en 1900. A cette époque où il découvrait le matérialisme historique de Marx, il s'est attaché à partir de ses lectures à interpréter le développement de la franc-maçonnerie d'un point de vue marxiste.

En cette période, précisément, je m'intéressais à la franc maçonnerie. Durant plusieurs mois je lus avec application des livres sur l'histoire des maçons, livres qui m'étaient apportés de la ville par des parents et des amis. Pourquoi, dans quel but, des commerçants, des artistes, des banquiers, des fonctionnaires et des avocats avaient-ils décidé, depuis le début du XVIIIe siècle de s'appeler maçons, reconstituant le rituel d'une corporation du Moyen Age? D'où venait cette étrange mascarade? Peu à peu, le tableau devenait plus clair pour moi. La corporation d'autrefois n'avait pas été seulement un groupement de production; elle avait été aussi une organisation qui avait sa personnalité morale et ses moeurs. Elle portait sur la vie de toute la population citadine, sous tous les rapports, surtout sur la corporation des demi-artisans, demi-artistes du bâtiment. La dissolution d'une économie corporative marquait la crise morale d'une société qui venait à peine de laisser derrière elle le Moyen Age. La nouvelle morale se définissait beaucoup plus lentement que ne se détruisait l'ancienne. De là cette tentative si fréquente dans l'histoire humaine pour conserver les formes de la discipline morale sous lesquelles le processus historique a depuis longtemps sapé les bases sociales et, dans le cas envisagé, les bases corporatives de la production. La maçonnerie opérante est devenue une maçonnerie spéculative. Mais, comme toujours dans des cas pareils, les formes qui procédaient de la morale et des moeurs et que des gens essayaient de garder pour elles-mêmes, ont pris par force un tout autre contenu. Dans certaines branches de la franc-maçonnerie, il y eut de forts éléments de réaction féodale, par exemple dans le rite écossais. Au XVIIIe siècle, les organisations de la franc-maçonnerie, dans un bon nombre de pays, se complètent d'une tendance militante à l'enseignement, d'un certain illuminisme, et jouent leur rôle prérévolutionnaire; à leur aile gauche il y a évolution vers les carbonari. Louis XVI était franc-maçon; mais le docteur Guillotin, qui inventa la guillotine, l'était aussi. Dans l'Allemagne du Sud, la franc-maçonnerie prit un caractère nettement révolutionnaire et, à la cour de Catherine II, elle donna la mascarade d'une hiérarchie de nobles et de fonctionnaires Le franc-maçon Novikov [Un des premiers représentants des idées libérales qui se développèrent en Russie sous l'influence de l'Occident. -N.d.T.] fut déporté en Sibérie par l'impératrice franc-maçonne.[1]

Dans la France de la fin du 19e - début du 20e siècle, on retrouvait souvent dans les loges maçonniques aussi bien des bourgeois républicains que des socialistes, en lien avec le fait que le mouvement socialiste français était très marqué par des figures et des courants peu à cheval sur l'indépendance de classe. Par conséquent, la franc-maçonnerie dans le socialisme allait souvent de pair avec la collaboration de classe et le refus de la délimitation stratégique pour la révolution prolétarienne. Cela se traduisait notamment par la mise en avant du dénominateur de "gauche" : Bloc des gauches, Cartel des gauches...

C'est pour cela que l'Internationale communiste, lors du 4e congrès (novembre 1922), a décidé qu'il était incompatible d'être communiste et franc-maçon. Un texte de Trotski en expliquant les raisons est publié dans les Cahiers communistes le 25 novembre 1922[2]. Certains auteurs ont appelé cette décision la « 22e condition de Moscou » (en référence aux 21 conditions). Cette condition posée par l'IC obligea des militants à choisir. Par exemple :

2 Théories du complot

Une des nombreuses Unes du Point sur les Franc maçons

La discrétion et l'ésotérisme de la franc-maçonnerie ont favorisé la diffusion de théories du complot qui fantasment complètement le pouvoir qu'auraient les franc-maçons. C'est un fait que le succès de la franc-maçonnerie parmi une frange républicaine de la bourgeoisie a fait que l'essor de la bourgeoisie a placé de nombreux franc-maçons à des postes de pouvoir économique et politique. C'est un fait également que le cadre de la franc-maçonnerie (ses rites et ses lieux de sociabilité) sert d'occasion d'échanges de bons procédés entre franc-maçons haut placés qui peuvent se renvoyer l'ascenseur. Mais c'est une pratique générale de la bourgeoisie, qui peut se réaliser à travers bien d'autres lieux et d'autres idéologies.

Enfin des journaux peuvent, même s'ils restent dans le factuel, surfer sur l'imagerie complotiste (le Point fait par exemple régulièrement des dossier sur la franc-maçonnerie, lui donnant de fait une importance démesurée).

3 Notes et sources