Expropriation

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Un tag à Turin

L'expropriation est le fait, pour un Etat, de prendre de force la propriété privée d'autrui. Il peut s'agir d'une propriété terrienne, de moyens de production (usines...). L'expropriation des capitalistes est l'élément central de la révolution socialiste.

Une expropriation peut aussi (même si c'est rare) être faite par un État sans auto-organisation ouvrière, auquel cas il s'agit d'une nationalisation sans rachat mais pas d'une socialisation.

1 Débats sur l'expropriation

Dans un texte de 1879, Jules Guesde discute des différentes façons de socialiser les moyens de production, et soutient qu'il est impossible de rembourser les bourgeois, et que la socialisation ne peut être faite que de façon révolutionnaire.[1]

Trotski écrivait en 1934 :

« A une époque, Marx exprimait l'idée qu'il serait bon de « rembourser cette bande » (les capitalistes). Avant la guerre mondiale, c'était encore plus ou moins possible. Mais, si l'on prend en considération l'actuel bouleversement du système économique national et mondial et la paupérisation des masses, on voit que l'indemnisation constitue une opération ruineuse qui ferait porter au régime dès le début un fardeau absolument intolérable. On peut et on doit montrer ce fait à tous les ouvriers, chiffres en main. »[2]


« En même temps que l'expropriation sans indemnité, nous devons mettre en avant le mot d'ordre du contrôle ouvrier. [...] Même si le gouvernement était tout à fait à gauche et animé des meilleures intentions, nous serions pour le contrôle des ouvriers sur l'industrie et le commerce ; nous ne voulons pas d'une administration bureaucratique de l'industrie nationalisée ; nous exigeons la participation directe des ouvriers eux-mêmes au contrôle et à l'administration par les comités d'entreprise, les syndicats, etc. »

2 Exemples historiques

2.1 La révolution russe de 1917

Historiquement en Russie, les marxistes pensaient que seule une révolution démocratique-bourgeoise était à l'ordre du jour, et que le programme maximum (socialisme) était pour plus tard.

Après la révolution de Février 1917, Lénine publie les thèses d'avril, qui amorcent une radicalisation du parti bolchévik. Lénine se défend de vouloir de façon sauter au socialisme de façon irréaliste, et met en avant des mesures démocratiques et de contrôle ouvrier :

« Il faut absolument exiger, et autant que possible réaliser par la voie révolutionnaire, des mesures comme la nationalisation du sol, de toutes les banques, de tous les syndicats capitalistes, ou à tout le moins, un contrôle immédiat des Soviets des députés ouvriers et autres sur ces établissements, mesures qui n'ont rien à voir avec l'introduction du socialisme. » [3]

Mais la Conférence du parti, qui adopte ses thèses, a acté que le parti fait de la propagande pour « la «République des Soviets» (forme politique de la dictature du prolétariat) et la nationalisation des banques et des cartels (principale mesure du passage au socialisme) ».[4]

A la veille de la révolution d'Octobre 1917, Lénine définissaient les premières mesures à prendre pour sortir la Russie de la crise, dont des mesures de nationalisations des banques et des grandes industries cartellisées : « la réglementation de la vie économique, si tant est qu'on veuille la réaliser sérieusement, implique la nationalisation simultanée des banques et des syndicats patronaux ». Il ne prônait pas une simple étatisation, mais faisait le lien avec l'instauration d'un nouvel Etat basé sur les soviets : « Faire appel à l'initiative de la démocratie et non de la bureaucratie, des ouvriers et des employés et non des « rois [des cartels] », voilà ce que l'on pourrait et devrait faire. »[5]

Cependant les bolchéviks n'avaient pas l'intention initialement de nationaliser de larges secteurs de l'économie, mais seulement des secteurs clés comme la finance et les transports. Ils estimaient que le contrôle ouvrier suffirait dans un premier temps, et que l'économie russe arriérée n'était pas prête pour des mesures immédiatement socialistes. Mais toute une série de nationalisations vont avoir lieu très vite, le plus souvent dues à l’initiative de comités d'usines. De fait, en janvier 1918 le Vesenkha déclara qu'aucune nationalisation ne devait intervenir sans son autorisation explicite, et ajouta en avril que toute entreprise nationalisée sans son autorisation ne recevrait pas de financement.

En juin 1918, la situation changea brusquement avec le début de la guerre civile et des interventions impérialistes. Cela donne une nouvelle impulsion au sabotage des capitalistes, avec qui tout compromis devient clairement impossible. Une vague de nationalisations est alors lancée. Les principaux dirigeants d'alors (Lénine, Trotski[6][7]...) considéraient que ce n'est pas la meilleure décision économique (car l'Etat ouvrier n'avait pas les capacités d'organiser l'économie directement), mais qu'elle est était nécessaire politiquement (pour gagner la guerre civile). C'est ce qui fut appelé le « communisme de guerre ». Ainsi le 28 juin 1918, le Conseil des Commissaires du Peuple, après avoir siégé toute une nuit, promulgue le Décret de Nationalisation Générale, s'appliquant à toutes les entreprises industrielles au capital de plus d'un million de roubles. Le Décret a pour but de «  mettre fin à la désorganisation dans la production et la distribution ». Les secteurs touchés, dont maintenant l'actif était déclaré officiellement « propriété de la République Socialiste Fédérative Soviétique de Russie », comprenaient les mines, la métallurgie, le textile, l'énergie électrique, le bois, le tabac, la résine, la verrerie, la poterie, les industries du cuir et du ciment, les minoteries, divers services et chemins de fer privés, plus quelques autres industries de moindre importance. L'organisation de l'administration des entreprises nationalisées était confiée au Vesenkha et à ses sections. Mais jusqu'à ce que le Vesenkha donne des instructions précises concernant chaque entreprise concernée par le décret, on considérerait ces entreprises comme louées gratuitement à leurs anciens propriétaires, qui continueraient à les financer et à en tirer des revenus. Le transfert des entreprises individuelles à l'État se fit sans difficulté. L'installation aux postes de direction de fonctionnaires nommés par l'État devait prendre un peu plus de temps, mais le processus s'acheva en l'espace de quelques mois.

A la conférence de Gênes d’Avril 1922, la Grande-Bretagne exigea une dénationalisation de l'économie russe et le paiement des dettes tsaristes (qui avaient été répudiées). Lénine poussa la délégation à rompre les négociations.

2.2 1945 : Nationalisations gaullistes

Pour toutes les nationalisations qui ont été faites à la Libération en France, des indemnités ont été versées aux anciens propriétaires, à l’exception de Louis Renault, accusé de collaboration avec l’ennemi.

3 Notes et sources