Doumas municipales

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DoumaMoscou.jpg

Les doumas municipales (en russe Городская дума) sont des parlements municipaux au niveau des villes russes.

1 Empire russe

La douma municipale est créée sous l'Empire russe par décret du 21 avril 1785 de l'impératrice Catherine II. Elle se compose d'une Douma générale qui élit un exécutif composé d'un maire et de 6 conseillers. Il y eut par la suite plusieurs réformes des doumas.

Comme la Douma d'Etat au niveau central, les doumas étaient élues par un pourcentage très restreint de la population.

2 Révolution de 1917

Dès 1915, sous l'effet de situations d'urgences nées de la guerre de l'incapacité de l'administration tsariste à y faire face, les libéraux bourgeois à la tête des Doumas prennent des initiatives. Ils forment notamment une Union des villes[1] (Vserossiiskii soiuz gorodov) qui fonctionna ensuite en lien avec les zemstvos (formant un Zemgor),

Le 23 février (8 mars nouveau style), une foule de femmes, qui n'étaient pas toutes des ouvrières, se dirigea vers la Douma municipale de Petrograd pour réclamer du pain. « Autant demander du lait à un bouc » commente Trotski.[2] Ce fut le début de la Révolution russe.

A Moscou, la Douma fut également un lieu de pouvoir qui servit de point de rassemblement. Le 27 février vers 14h, de nombreux soldats, appartenant à divers régiments, se présentèrent devant la Douma municipale, cherchant le moyen d'adhérer à la révolution. Le lendemain, des ouvriers grévistres convergent avec leurs drapeaux vers la Douma. Le vieux bolchevik Mouralov conduisait le premier détachement de troupes solide et discipliné qui occupa la station de TSF et d'autres postes. On ouvre les prisons. Dzerjinski, à peine libre et encore en habits de détenu, prenait la parole dans l'enceinte de la Douma où le Soviet était déjà en formation.

Lénine, encore en Suisse, télégraphie le 6 mars aux bolchéviks de Petrograd : « Notre tactique : complète défiance, aucun soutien au nouveau gouvernement; soupçonnons particulièrement Kérensky; armement du prolétariat - seule garantie; immédiates élections à Douma Pétrograd; aucun rapprochement avec autres partis. » Trotski commente : « Seule l'exigence d'élections à la Douma, et non au Soviet, avait dans cette première directive un caractère épisodique et fut bientôt rejetée ».

Après Février, des soviets se forment dans les grandes villes. Dans beaucoup de provinces, de larges alliances d'organisations constituent des « Comités d'organisation » qui expulsent la police et autres fonctionnaires tsaristes, organisent le ravitaillement et maintiennent l'ordre eux-mêmes. En mars, 79 comités de ce type s'étaient formés au niveau provincial (goubernia), 651 au niveau des comtés (uezd) et plus de 9000 au niveau des volost.[3] Au début, il y avait dans certains endroit très peu de militants organisés : jusqu'à 75% dans le Comité de Saratov. Ces comités laisseront peu à peu la place aux soviets, dont le modèle se généralise.

De composition bien plus populaires, les soviets créent une situation de double pouvoir avec les anciennes doumas (déclinaison du double pouvoir qui existe au niveau central entre l'ex Douma d'Etat et le Soviet de Petrograd, puis entre le Gouvernement provisoire et le VTsIK). Cependant le gouvernement bourgeois cherche à relégitimer les institutions classiques, aidés par les socialistes conciliateurs.


Fichier:DoumaPetersbourgh 1890.jpg
Douma de Saint-Petersbourgh

Mais les doumas ne pouvaient être reconnues par les masses que si leurs membres élus sous le tsarisme étaient renouvelés. Un règlement intérieur du 17 avril organise les nouvelles régles électorales. Des élections ont progressivement lieu partout au suffrage universel. A la mi-octobre, les doumas avaient été réélues dans 650 villes sur 798.

Dans les doumas et les zemstvos, les KD constituèrent l'aile droite, les bolcheviks étant une minorité de gauche qui se renforçait. La majorité, d'ordinaire écrasante, appartenait aux socialistes-révolutionnaires et aux mencheviks. Dans les soviets les rapports de force étaient décalés vers la gauche : les KD étaient absents, et les bolchéviks bien plus forts.

Les nouvelles doumas, semblait-il, se distinguant des soviets par une représentation plus complète, auraient dû jouir d'une plus grande autorité. En outre, en tant qu'institutions sociales juridiquement établies, les doumas avaient l'énorme avantage d'être officiellement soutenues par l'État. La milice, le ravitaillement, les transports urbains, l'instruction publique ressortissaient officiellement aux doumas. Les soviets, en tant qu'institutions "privées", n'avaient ni budget, ni droits. Et, néanmoins, le pouvoir restait entre les mains des soviets. Les doumas représentaient en somme des commissions municipales près les soviets. La compétition entre le système soviétique et la démocratie de pure forme était, par ses résultats, d’autant plus frappants qu’elle se manifestait sous la direction des mêmes partis, socialiste-révolutionnaire et mencheviks, lesquels, dominant dans les doumas comme dans les soviets, étaient profondément persuadés que les soviets devaient céder la place aux doumas, et tâchaient eux-mêmes de faire en ce sens tout ce qu'ils pouvaient. L'explication de ce phénomène remarquable, auquel on réfléchissait relativement peu dans le tourbillon des événements, est simple : les municipalités, de même qu'en général toutes autres institutions de la démocratie, ne peuvent agir que sur la base de rapports sociaux parfaitement stables, c'est-à-dire d'un système déterminé de propriété. Or, la révolution consiste essentiellement en ceci qu'elle met en question cette base des bases et que la réponse ne peut être donnée que par une ouverte vérification révolutionnaire des rapports entre les forces de classes. Les soviets, malgré la politique de leurs dirigeants, étaient l'organisation combative des classes opprimées qui, en partie à demi consciemment, se groupaient étroitement pour modifier les bases de la structure sociale. Les municipalités donnaient par contre une représentation égale à toutes les classes de la population ramenées sous la dénomination abstraite de citoyens, et ressemblaient beaucoup, en ces circonstances révolutionnaires, à une conférence diplomatique qui s'explique en un langage conventionnel et hypocrite, au moment même où les camps hostiles qu'elle représente se préparent fiévreusement à la bataille. Dans la marche quotidienne de la révolution, les municipalités traînaient encore une existence à demi fictive. Mais dans les tournants décisifs, lorsque l'intervention des masses déterminait la direction ultérieure des événements, les municipalités sautaient, leurs éléments constitutifs se retrouvaient situés sur les côtés opposés de la barricade.

La Douma du quartier ouvrier de Vyborg eut dès le mois de juin une majorité bolcheviste : parmi les élus : 27 conseillers bolcheviks, 22 pour le bloc des SR et des mencheviks, 4 pour les KD.

En juin ont lieu des élections municipales à Moscou. Les SR ont 375 000 voix (58%), les KD 109 000, les menchéviks 76 000, les bolchéviks 75 000.

La répression des journées de juillet entraîne presque partout un reflux temporaire des bolchéviks, très marqué en certains endroits. À Nijni-Novgorod, après la campagne de répression conduite sous la direction du colonel Verkhovsky et du menchevik Khintchouk, ils n'obtiennent que 4 conseillers à la douma. À Saratov, où les bolcheviks gardaient des rapports très pacifiques avec les conciliateurs et se disposaient encore, à la fin de juin, à se présenter sur une liste commune avec eux à la douma, des soldats les aggressent. A la douma de Kiev, les bolcheviks n'obtiennent que 6%.

En août, l'organisation mencheviste de Pétrograd à la Douma municipale.

En juillet ont lieu des élections pour les doumas de quartier de Petrograd.

Les élections à la Douma de Pétrograd ont lieu le 20 août (avec beaucoup moins de participation). Sur environ 550 000 suffrages exprimés, il y avait 200 000 voix SR, et près de 200 000 également pour les bolchéviks. Les SR avaient perdu plus de 375 000 voix, et les KD n'ont plus que 110 000 voix. Les menchéviks tombent à 23 000 voix (et leur évolution à gauche s'exprime par le fait qu'ils excluent Tsérételli de la liste des candidats).

Aux élections pour la douma d'Ivanovo-Voznessensk, juste au moment du putsch de Kornilov, les bolcheviks, sur 102 sièges, en obtinrent 58, les SR 24, les mencheviks 4.

À Cronstadt, le bolchevik Pokrovsky devint maire en août.

En septembre, des élections aux doumas de quartier de Moscou ont lieu. Les SR tombent à 54 000 voix, les mencheviks à 16 000, tandis que les bolchéviks montent à 198 000 voix (52%). La bourgeoisie, elle, se maintient : les KD ont 101 000 voix. La garnison vota à 90% pour les bolcheviks, jusqu'à 97% dans les ateliers de l'artillerie lourde. L'abstention est en forte hausse par rapport à juin, en raison des petites gens des villes qui se mettent en retrait.

Les doumas de Tsaritsyne, de Kostroma, de Choula, passent aux bolcheviks. Dans la lointaine et paisible ville de Tomsk, de même qu'à Samara, nullement industrielle, ils se trouvaient à la première place dans la douma.

2.1 L'insurrection d'Octobre

Le 24 octobre, alors que l'insurrection vient de commencer, des représentants de la Douma de Petrograd viennent à Smolny demander à Trotski les intentions des bolchéviks. Ils sont renvoyés à la décision du Congrès des soviets (25-26 octobre). Quand ils demandent ce qu'il adviendra si la douma refuse de reconnaître le nouveau pouvoir, Trotski répond qu'il pourra être organisé de nouvelles élections.

Le soir du 25, le Palais d'Hiver, siège du gouvernement, est encerclé par les forces bolchéviques qui lancent un ultimatum. Les ministres décident de ne pas répondre, et de demander l'aide de la Douma municipale.

Les membres de la douma de Petrograd décident alors de se rendre au Palais d'Hiver, sans arme, pour s'interposer. La fraction bolcheviste de la douma essaye vainement de donner un conseil prosaïque : il vaudrait mieux persuader par téléphone les ministres de se rendre, sans aller jusqu'à une effusion de sang. 62 conseillers votent pour aller au Palais d'Hiver. Les 14 bolcheviks rétorquent qu'il vaut mieux vaincre avec Smolny, et rejoignent le Congrès des soviets. Il n'y a que 3 mencheviks internationalistes qui restent à la Douma, ne sachant pas où aller.

Cette colonne de 3 ou 400 personnes (qui comptait le maire SR de la ville, Schreider, le ministre Prokopovitch, Stankevitch, Avksentiev, Zenzinov, Khintchouk, Abramovitch...) se met en marche, appellant les délégués du congrès des soviets à venir « mourir avec eux », mais elle ne rallie que quelques conciliateurs. Bien vite, elle se heurte à un barrage de matelots. Le premier à qui ils demandent de les laisser passer ne sait pas trop quoi répondre sinon qu'il a l'ordre de ne laisser personne passer. Finalement un matelot agacé leur lance : « Rentrez chez vous et laissez-nous la paix ! » Prokopovitch se tourne alors vers les autres et les invite à ne pas induire en tentation « ces hommes peu instruits et dupés qui étaient effectivement capables de se servir de leurs armes ». La colonne retourne piteusement sur ses pas.

Retournant à la douma, ils déclarent la formation d'un Comité de Salut Public.

3 Russie contemporaine

Après la dissolution de l'URSS en 1991, des Doumas municipales sont recréées.[4]

4 Notes