Démocratie bourgeoise

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La démocratie bourgeoise, ou démocratie capitaliste, est un régime politique admettant une certaine "souplesse" tout en préservant fondamentalement la domination de classe de la bourgeoisie et le cadre capitaliste.

1 Origine de la démocratie bourgeoise

L'Ancien Régime, État de la classe aristocratique, était évidemment autoritaire et tyrannique. Il faut cependant rappeler que ce n'est pas l'ensemble de la société qui indifféremment subissait cet arbitraire, mais au premier chef les exploités, les serfs, les petits plébéiens... À mesure qu'elle se hissait au rang de classe possédante, la bourgeoisie obtenait elle une certaine autonomie (villes franches, États généraux...). 

La bourgeoisie était porteuse d'une organisation plus efficace de la production et de la société, qui nécessitait de briser un certain nombre de restrictions du féodalisme, en premier lieu les multiples freins à la circulation des marchandises et de la main d'oeuvre. C'est pour cela qu'il a historiquement existé un élan progressiste parmi cette classe, tant qu'elle avait beaucoup à y gagner. Ceci étant, parmi les plus puissants bourgeois beaucoup étaient trop liés par leurs intérêts à l'appareil d'État absolutiste, et se sont montrés profondément hostiles à tout changement. C'est pourquoi ce sont souvent les plébéiens qui ont été les éléments moteurs des révolutions bourgeoises, parfois en effrayant vraiment leurs leaders plus modérés par leurs tendances à la démocratie directe et au radicalisme social. Dans les campagnes, l'élan révolutionnaire causait beaucoup d'agitation dans la paysannerie, ce qui a conduit les jeunes États bourgeois à formaliser l'entrée dans un Droit nouveau (abolition du servage et des corvées...). 

Ces révolutions se sont faites sous des bannières idéologiques assez différentes, mais contenant toujours une forte dose de progressisme : principalement le réformisme religieux (révolution des Pays-Bas, révolution anglaise), puis le libéralisme (révolution française).

2 État bourgeois et démocratie

2.1 Centres impérialistes

Malgré les idéaux de liberté avancés par la bourgeoisie ascendante, la démocratie s'est avérée très relative, et instable. La révolution des Pays-Bas donnera naissance à une république oligarchique, comme l'étaient déjà les Républiques de Venise ou Gênes. Le Commonwealth issu de la révolution anglaise laissa vite place à une restauration monarchiste. Les plus grandes conquêtes de la révolution française furent reprises rapidement, avec Thermidor, Bonaparte puis la Restauration. Dans tous ces régimes, le régime bourgeois ne fit que se renforcer.

Sur fond de Révolution industrielle, les différents secteurs de la bourgeoisie se sont livrés de véritables batailles qui sont, avec l'essor du mouvement ouvrier, les causes essentielles des changements de régimes politiques : monarchie aristocratique, bonapartisme, parlementarisme censitaire... La démocratie basée sur le suffrage universel, est presque partout un acquis de la lutte du mouvement ouvrier et non de la bourgeoisie libérale. Il faut également rappeler que malgré certains courants féministes bourgeois, ce n'est que le mouvement de masse des travailleuses qui a permis d'arracher les rares avancées actuelles pour les femmes.

La conquête des libertés démocratiques permet à ce mouvement ouvrier de s’organiser, d’acquérir de l’assurance, de peser dans les rapports de force. Trotski parle des « cellules de démocratie prolétarienne au sein de la démocratie bourgeoise » que représentent les organisations de masse de la classe ouvrière, la tenue de congrès, de manifestations, l’organisation de grèves, la possibilité d’avoir sa presse, ses loisirs, etc. Ainsi, malgré toutes ses limites, la démocratie bourgeoise constitue une bien meilleure position pour combattre le capitalisme.

Mais paradoxalement, la démocratie bourgeoise a aussi le grand inconvénient de générer beaucoup d'illusions réformistes. En premier lieu, les différents partis bourgeois masque le fait que les capitalistes forment une classe aux intérêts opposés à celle de la majorité travailleuse de la population.

« Si la classe capitaliste ne formait qu'un seul parti politique, elle aurait été définitivement écrasée à la première défaite dans ses conflits avec la classe prolétarienne. Mais on s'est divisé en bourgeoisie monarchiste et en bourgeoisie républicaine, en bourgeoisie cléricale et en bourgeoisie libre penseuse, de façon à ce qu'une fraction vaincue pût toujours être remplacée au pouvoir par une autre fraction de la même classe également ennemie. C'est le navire à cloisons étanches qui peut faire eau d'un côté et qui n'en continue pas moins à flotter insubmersible. Et ce navire-là, ce sont les galères du prolétariat sur lesquelles c'est vous qui ramez et qui peinez et qui peinerez et qui ramerez toujours, tant que n'aura pas été coulé, sans distinction de pilote, le vaisseau qui porte la classe capitaliste et sa fortune, c'est-à-dire les profits réalisés sur votre misère et sur votre servitude. » [1]

En légalisant les syndicats et les partis des travailleurs, les capitalistes les ont conduit à se renforcer, mais aussi à générer de l'opportunisme dans leurs rangs, en particulier au sein des directions qui deviennent des "aristocraties ouvrières" : les bureaucrates syndicaux s'entendent avec le patronat pour briser les luttes, les bureaucrates des partis font carrière au parlement voire au gouvernement... Il n'y a pas de fatalité à ce qu'un parti révolutionnaire dégénère ainsi, mais une forte pression. Il ne faut toutefois pas perdre de vue l'instabilité du capitalisme et ses profondes crises qui réduisent la capacité de la bourgeoisie à absorber les contestations sociales. Dans des situation de profonde dépression (années 1930, crise de 2007-2010 et situation actuelle...), les capitalistes ont moins de largesses envers les bureaucrates, et ceux-ci ont plus de mal à freiner la conscience révolutionnaire. Cela érode en même temp les bases même de la démocratie bourgeoise, et favorise l'émergence de mouvements fascistes, qui signent le début d'un duel avec le mouvement ouvrier, dont le socialisme est la seule issue positive possible.

2.2 Pays dominés

Avec les analyses des premiers marxistes sur les révolutions bourgeoises démocratiques, on aurait pu s'attendre à ce que le même processus ait lieu partout dans le monde. Mais les premières puissances capitalistes se sont érigées en puissances impérialistes et changent la donne au niveau international. En investissant massivement et rapidement dans certaines régions, elles développent une classe ouvrière, et entretiennent des bourgeoisies compradores qui n'ont absolument aucun rôle progressiste. Dans la mesure où une relative industrialisation auto-centrée a lieu (Brésil, Inde...), le mouvement ouvrier peut y conquérir certaines avancées. A l'inverse, dans les pays qui sont maintenus dans une stricte position d'exportateurs de matières premières (Afrique subsaharienne...) de brutaux régimes accaparent les miettes qu'octroient les impérialistes et leurs multinationales.

C'est pourquoi dans les pays dominés, la démocratie formelle est loin d'être obtenue. Et c'est pourquoi aussi, contrairement à une vision étapiste, un processus révolutionnaire doit nécessairement conduire au pouvoir des travailleurs et s'internationaliser pour être victorieux (théorie de la révolution permanente), sans quoi la contre-révolution finira par l'emporter (Chili 1973, ou encore Révolution tunisienne...).

2.3 "Un régime pour les pays riches"

Trotski semblait reconnaître un lien entre la possibilité d'un régime démocratique et la richesse d'un pays (liée aussi bien à son rang dans le système impérialiste mondial qu'à son dynamisme économique - les deux étant liés).

« Le régime démocratique est la façon le plus aristocratique de gouverner. Il n'est possible que dans un pays riche. Chaque "démocrate" Anglais a 9 ou 10 esclaves travaillant dans les colonies. La société grecque antique était une démocratie esclavagiste. On peut dire de même en un certain sens de la démocratie britannique, de la Hollande, de la France, de la Belgique. Les États-Unis n'ont pas de colonies directes, mais ils ont l'Amérique latine et le monde entier est une sorte de colonie des États-Unis, sans parler du fait qu'ils se soient appropriés le continent le plus riche et aient pu se développer sans une tradition féodale. C'est une nation historiquement privilégiée, mais les nations capitalistes privilégiées diffèrent des pays capitalistes les plus «parias» seulement en terme de retard. L'Italie, la plus pauvre des grandes nations capitalistes, est devenue fasciste. L'Allemagne l'est devenue la deuxième parce que l'Allemagne n'a pas de colonies ou de pays riches subsidiaires, et sur ​​cette pauvre base a épuisé toutes les possibilités, et les travailleurs n'ont pas pu renverser la bourgeoisie. »[2]

Ou encore, à propos d'une affirmation de Engels en 1890 selon laquelle « Tout gouvernement actuel devient, nolens-volens, bonapartiste » :

« Ce fut plus ou moins vrai alors pour une longue période de crise agraire et de dépression industrielle. Le nouvel essor du capitalisme à partir de 1895 environ affaiblit les tendances bonapartistes, le déclin du capitalisme après la guerre les renforça extrêmement. »[3]

Il semble d'ailleurs avoir étendu ce lien au régime stalinien :

« La dictature devra devenir plus souple et plus douce à mesure que le bien-être économique du pays s'élèvera. »[4]

3 Mécanismes de la démocratie capitaliste

3.1 Une égalité formelle

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L’égalité politique dans une démocratie bourgeoise n’existe pas vraiment, elle est formelle. Formellement le pauvre et le riche détiennent le même droit de fonder un journal, d’acheter un temps d’émission à la télé, de faire campagne pour être députés. Seul le riche jouit pleinement de ces droits, peut influencer les électeurs, voire même tenir des journalistes qui dépendent de lui, des parlementaires par son poids financier.

Les marxistes ont développé à travers plusieurs textes ces mécanismes (même s'il n'y a pas vraiment eu d'étude approfondie dédiée à cette question). Engels écrivait en 1884 :

« la république démocratique ne reconnaît plus officiellement, les différences de fortune. La richesse y exerce son pouvoir d’une façon indirecte, mais d’autant plus sûre. D’une part, sous forme de corruption directe des fonctionnaires, ce dont l’Amérique offre un exemple classi­que, d’autre part, sous forme d’alliance entre le gouvernement et la Bourse ; cette alliance se réalise d’autant plus facilement que les dettes de l’État augmentent davantage et que les sociétés par actions concentrent de plus en plus entre leurs mains non seulement le transport, mais aussi la production elle-même »[5]

Au début du 20e siècle, avec ce que plusieurs marxistes ont appelé le stade impérialiste, l'influence du pouvoir économique sur le pouvoir politique a été un peu plus étudiée. Ainsi Hilferding écrivait en 1909 :

« Pouvoir économique signifie en même temps pouvoir politique. Celui qui domine l'économie dispose également de tous les pouvoirs de l'État. Plus la concentration dans la sphère économique est forte, plus la domination sur l'État devient illimitée. Cette concentration rigide de tous les pouvoirs de l'État apparaît comme le sommet de la puissance, l'État se présentant comme l'instrument irremplaçable du maintien de la domination économique... Le capital financier sous sa forme achevée est le degré supérieur de la perfection du pouvoir économique et politique entre les mains de l'oligarchie capitaliste. Elle parachève la dictature des magnats du capital.»[6]

Cela apparaît par exemple dans la sous-représentation des employés et ouvriers parmi les politiciens, dont la plupart sont des bourgeois.

Mais cette égalité formelle a un intérêt idéologique énorme : elle donne en général une légitimité à l’Etat, et asseoit un pouvoir qui, placé en apparence au-dessus de la société, masque le conflit entre les classes antagoniques.

3.2 De nombreux garde-fous

Il n'empêche que malgré tous les freins sociologiques, il y a toujours des petites possibilités que des mouvements subversifs utilisent les insitutions pour déplacer un peu le rapport de force en faveur des exploités. Pour limiter au maximum ces possibilités, les institutions bourgeoises comportent une série de garde fous :

  • fondamentalement, la démocratie bourgeoise est une démocratie indirecte : seuls quelques dizaines de milliers d’élus participent à la gestion de l’Etat. L’écrasante majorité des citoyens est exclue d’une telle participation, son seul pouvoir est de déposer un bulletin de vote dans une urne tous les 5 ou 6 ans.
  • la séparation entre les élus du parlement et ceux qui exercent la gestion directe de l’Etat : le gouvernement,
  • souvent[7] l’existence d’une seconde chambre élue au suffrage indirect (« grands électeurs »), comme le Sénat en France ; cette seconde chambre étant structurellement plus conservatrice,[8]
  • la manipulation des lois électorales pour éliminer les contestataires du système,
  • la construction d’institutions permanentes, non électives, non contrôlables, dans lesquelles les hauts fonctionnaires sont choisis pour leur fidélité aux intérêts de la bourgeoisie après une longue sélection (écoles, concours, promotions, etc..).

Il faut noter que, dans la période récente, comme si tout cela ne suffisait pas, la tendance à la réduction du parlement s’est accentuée dans tous les grands pays capitalistes :

  • le pouvoir de l’exécutif s’est beaucoup renforcé . En France, cela passe par le Président de la République. Mais, partout, les gouvernements cherchent à rendre le minimum de comptes aux parlements,
  • des institutions soit disant indépendantes ont été mises en place, comme la Banque centrale européenne qui n’a aucun compte à rendre aux élus.

3.3 Quand le vrai visage apparaît

Dans des situations tendues de lutte de classe, la nature de classe de l'Etat, et donc de sa prétendue démocratie apparaissent.

Tout d'abord, il y a en permanence des pans entiers de l'acitivité de l'Etat qui ne sont pas soumises au contrôle démocratique : services secrets, diplomatie secrète, politique néo-coloniale...

« La démocratie s’arrête où commence la raison d’État. » Charles Pasqua

Il y a des exemples quotidiens pour ceux qui luttent et se heurtent à la loi faite pour les capitalistes et à la police qui est sommée de l'appliquer avec zèle. Quand la police intervient pour casser les piquets de grève, faire évacuer les usines occupées par les grévistes, disperser les manifestations, le rôle répressif et pro-patronal de l'Etat apparaît, y compris sous des gouvernements de gauche. En revenche on voit très rarement la police envoyée arrêter des patrons qui licencient, qui organisent la vie chère ou la fraude fiscale.

Et il y a des cas limites : lorsque la démocratie bourgeoise risque de déboucher sur une issue socialiste, la classe capitaliste fait appel à tous les secteurs conservateurs de l'Etat pour piétiner la démocratie, et en particulier l'armée et la haute administration. C'est le cas du coup d'Etat de 1973 au Chili. La bourgeoisie peut aussi s'appuyer sur des mouvements extra-parlementaires fascistes pour qu'ils rétablissent l'ordre en prenant l'Etat et en sacrifiant la simulacre de démocratie.

4 Démocratie bourgeoise et révolution socialiste

Ce qui rassemble les communistes révolutionnaires, c'est la conviction qu'une révolution est nécessaire pour aller au socialisme.

Dans un des touts premiers textes marxistes, Principes du communisme (1847), Engels écrivait :

« La suppression de la propriéte privée est-elle possible par la voie pacifique ? Il serait souhaitable qu'il pût en être ainsi, et les communistes seraient certainement les derniers à s'en plaindre. Les communistes savent trop bien que toutes les conspirations sont, non seulement inutiles, mais même nuisibles. Ils savent trop bien que les révolutions ne se font pas arbitrairement et par décret, mais qu'elles furent partout et toujours la conséquence nécessaire de circonstances absolument indépendantes de la volonté et de la direction de partis déterminés et de classes entières. Mais ils voient également que le développement du prolétariat se heurte dans presque tous les pays civilisés à une répression brutale, et qu'ainsi les adversaires des communistes travaillent eux-mêmes de toutes leurs forces pour la révolution. Si tout cela pousse finalement le prolétariat opprimé à la révolution, nous, communistes, nous défendrons alors par l'action, aussi fermement que nous le faisons maintenant par la parole, la cause des prolétaires. »[9]

Dans le Manifeste communiste (1847), Marx et Engels n'employaient pas le terme de dictature du prolétariat.

Marx et Engels avaient évoqué (1871) la possibilité pour l'Angleterre d'un passage au socialisme sans "révolution" au sens de rupture violente avec l'ordre établi, à une époque où celle ne disposait que d'un appareil répressif d'État très peu développé.[10] Par rapport à ce passage, on peut noter deux conclusions divergentes :

  • des révolutionnaires ont souligné que l'Angleterre s'était alignée sur les autres Etats bourgeois, et que par conséquent l'exception anglaise avait disparu ;
  • des réformistes comme Bernstein ont affirmé que l'influence des prolétaires sur l'Etat s'était renforcé, et que par conséquent l'exception anglaise s'était généralisée.[11]

Par ailleurs, il faut souligner que Marx pensait que même si l'arrivée au pouvoir du prolétariat se faisait par les élections, la bourgeoisie (même la plus habituée à la démocratie comme la bourgeoisie anglaise) n'accepterait certainement pas ce résultat :

« La bourgeoisie anglaise a toujours accepté de bonne grâce le verdict de la majorité, tant qu'elle se réservait le monopole du droit de vote. Mais, croyez-moi, aussitôt qu'elle se verra mise en minorité sur des questions qu'elle considère comme vitales, nous verrons ici une nouvelle guerre esclavagiste »[12]

En 1920, le philosophe anglais Bertrand Russel se rend en Russie et rencontre Lénine, et lui soutient qu'une révolution n'est pas nécessaire en Angleterre :« Quand j’énonçai l’opinion que tout ce qu’il est possible de faire en Angleterre peut s’effectuer sans effusion de sang, il écarta cette suggestion comme appartenant au domaine de la fantaisie. » [13]

Trotski renouvelle en 1926 une critique radicale de la démocratie anglaise :

« Il nous sera sans doute répondu que la Chambre des Communes d'Angleterre est assez puissante, pour supprimer, si elle le juge utile, le pouvoir royal et la Chambre des Lords, de sorte que la classe ouvrière a la possibilité d'achever pacifiquement l'institution du régime démocratique dans son pays. Admettons-le un instant, Mais qu'en est-il de la Chambre des Communes? (...) Des éléments importants de la population sont en fait privés du droit de vote. Les femmes ne votent qu'à partir de 30 ans et les hommes de 21 ans. L'abaissement du cens électoral constitue du point de vue de la classe ouvrière, où l'on commence de bonne heure à travailler, une revendication démocratique élémentaire. En outre, les circonscriptions électorales sont découpées en Angleterre avec tant de perfidie, qu'il faut deux fois plus de voix pour élire un député ouvrier que pour élire un conservateur. (...) La classe ouvrière a-t-elle le droit d'exiger impérieusement, même en demeurant sur le terrain des principes de la démocratie (...), l'établissement immédiat d'un mode de suffrage vraiment démocratique ? Et si le Parlement répondait à cette revendication par une fin de non-recevoir (...), le prolétariat aura-t-il le droit d'exiger, par exemple, par la grève générale, d'un Parlement usurpateur, des droits électoraux démocratiques ?

Et s'il fallait admettre que la Chambre des Communes (...) décidât d'abroger la royauté et la Chambre des Lords – ce qu'il n'y a nullement lieu d'espérer - il ne serait pas encore dit que les classes réactionnaires, mises en minorité au Parlement, se soumettraient sans réserve. Nous avons vu, tout récemment, les réactionnaires de l'Ulster, se trouvant en désaccord avec le Parlement britannique sur l'organisation de l'État irlandais, s'engager, sous la direction de lord Curzon, dans la voie de la guerre civile ; et nous avons vu les conservateurs anglais encourager ouvertement les révoltés de l'Ulster.

Il ne fait pas l'ombre d'un doute que les classes possédantes ne se rendront pas sans combat, d'autant moins que la police, les tribunaux et l'armée sont intégralement dans leurs mains. L'histoire de l'Angleterre connaît déjà l'exemple d'une guerre civile où un roi s'appuya sur la minorité des Communes et la majorité des Lords contre la majorité des Communes et la minorité des Lords. Cela se passait en 1630-1640. Seul, un crétin, un misérable crétin, nous le répétons, pourrait sérieusement s'imaginer que la répétition de cette sorte de guerre civile (sur la base de nouvelles classes sociales) est devenue impossible au XXe siècle, en raison des progrès évidents réalisés dans les trois derniers siècles, par la philosophie chrétienne, les sentiments humanitaires, les tendances démocratiques et maintes autres choses excellentes. »[14]

5 Notes et sources