CGT (France)

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La Confédération Générale du Travail (CGT) est un syndicat français créé en 1895. Il était à l'origine dirigé par le courant syndicaliste révolutionnaire, puis a été tiraillé entre SFIO et SFIC, puis a longtemps été la courroie de transmission du PCF, évoluant les dernières décennies vers un syndicalisme de co-gestion et de dialogue social.

1 Historique

1.1 Origines

Le syndicalisme en France commence à se structurer réellement à la fin du 19e siècle. D'abord interdit, il est légalisé par la loi Waldeck-Rousseau du 21 mars 1884.

Deux ans plus tard, le 11 octobre 1886, à l’occasion du 1er Congrès des syndicats ouvriers réuni à Lyon, est créée la Fédération Nationale des Syndicats et groupes corporatif (FNS). Pendant un temps, celle-ci est majoritairement influencée par les guesdistes du Parti ouvrier français (POF). Jules Guesde était le leader du courant se revendiquant du marxisme en France, bien qu'il ait beaucoup été critiqué pour avoir représenté un marxisme caricatural.

Les guesdistes perdent peu à peu la prépondérance, à la fois dans la FNS et dans une nouvelle fédération qui se créé en 1892, la fédération des bourses du Travail. Cela a été le fruit d'une sorte de front commun des diverses forces opposées aux guesdistes (allemanistes, blanquistes, anarchistes...), mais cela a été grandement facilité par la position sectaire et erronnée des guesdistes sur la grève générale.

Ainsi, les deux congrès corporatifs de Paris (1893) et de Nantes (1894) voient un essor du syndicalisme. A Nantes sont représentés 1 662 syndicats, un record pour l’époque, et la grève générale est au cœur des débats. Lorsque la question est mise aux voix, la position favorable à la grève générale l’emporte par 65 voix contre 37 et 9 abstentions. Des provocateurs comme Girard (on apprendra après sa mort sa qualité d’indicateur de Police[1]) et Aristide Briand en rajoutent pour souffler sur les braises de la division. Les guesdistes quittent la séance et scissionnent de fait, décidant de maintenir une FNS réduite à la portion congrue comme un appendice de leur parti.

1.2 Fondation (1895)

Affiche popularisant l'organisation parallèle des fédérations de métier et des branches locales

En 1895, les deux fédérations tiennent un congrès commun à Limoges, et se mettent d'accord pour fonder la Confédération générale du travail. Le courant qui est alors dominant en son sein est le syndicalisme révolutionnaire (SR), tandis que les guesdistes s'en tiennent à l'écart. Proche de l'anarchisme, ses principaux leaders voient le syndicat comme l'auto-organisation de la classe ouvrière, et l'outil qui conduira à la grève générale et l'abolition du salariat. Elle s'oppose à toute idée d'arbitrage obligatoire.

En 1902, la fondation de la CGT a été parachevée par l’intégration pleine et entière de la Fédération des bourses du travail, et l’adoption de statuts dont l’article 1er proclame :

La confédération générale du travail, régie par les présents statuts, a pour objet

1° Le groupement des salariés pour la défense de leurs intérêts moraux et matériels, économiques et professionnels ; 2° Elle groupe, en dehors de toute école politique, tous les travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du Salariat  et du PatronatNul syndicat ne pourra faire partie de la confédération s’il n’est fédéré nationalement et adhérent  à une Bourse du travail ou à une Union locale de syndicats locale, départementale ou régionale de corporations diverses

Le principe retenu est celui de la double-affiliation de chaque syndicat à une fédération de branche et à une union interprofessionnelle locale, départementale ou régionale. Cette double-affiliation est un garde-fou au verticalisme : le syndicat cloisonné dans sa branche et, de fait, perméable au corporatisme.

L’élan est donné : en 1902, 1 403 syndicats, 30 fédérations et 86 Bourses du travail sont affiliés à la CGT. En 1906, ce sont 2 399 syndicats, 52 fédérations et 109 Bourses du travail.  Plus de 200 000 cotisants. Cet effectif sera multiplié par quatre au 1er janvier 1914 : 839 331 syndiqués sur 7 630 000 salariés de l’industrie.[2]

La CGT doit affronter non seulement le patronat, mais aussi certains ouvriers minoritaires qui forment des syndicats jaunes, ainsi que les idéologies paternalistes et corporatistes qui font tout pour étouffer la lutte des classes. Par exemple en 1899 la compagnie Schneider inflige un revers décisif à la CGT dans les mines du Creusot, réussissant à liquider le syndicat et à licencier 2000 ouvriers syndiqués.[3] Ce danger pouvait venir aussi de faux amis socialistes. Ainsi le premier socialiste à entrer dans un gouvernement (bourgeois), Millerand, dépose en 1900 un projet de loi d'inspiration corporatiste (qui sera enterré) visant à instaurer un arbitrage obligatoire des conflits du travail.

1.3 Charte d'Amiens (1906)

🔍 Voir : Charte d'Amiens.

En 1906, la CGT vote une charte (Charte d'Amiens) devenue célèbre. Elle exprime une indépendance claire par rapport « aux partis et aux sectes ». Cela vise en particulier les nombreux courants socialistes, qui viennent de s'unifier dans la SFIO. Contrairement à la situation anglaise, où les syndicats ont impulsé un parti, et à la situation allemande, où les socialistes ont impulsé les syndicats, la CGT et la SFIO se regardent avec méfiance.

La Charte reconnait aussi la lutte des classes et la nécessité d'émancipation du prolétariat. Elle évoque alors une « double besogne » du syndicalisme, celle de l'amélioration de la condition ouvrière ici et maintenant, et celle du renversement du capitalisme à terme.

1.4 La guerre et l'Union sacrée (1914)

En 1908, la direction Confédérale autour de Victor Griffuelhes est arrêtée suite au mouvement de grève de Draveil-Villeneuve-Saint-Georges. Elle est remplacé par une direction atour de Léon Jouhaux, qui deviendra progressivement réformiste.

Les années du début du 20e siècle sont une période d'essor du mouvement ouvrier, qui se massifie et engendre ses premières victoires, paraissant inexorablement représenter l'avenir. Mais en parallèle, les organisations politiques comme syndicales se bureaucratisent, et les dirigeants de ces appareils bureaucratisés se limitent de plus en plus à une logique de réforme du capitalisme, malgré les proclamations révolutionnaires officielles.

Jusqu'à la veille de la guerre, la CGT se distingue par des manifestation et actions anti-militaristes. On avait l'habitude de dire dans ses rangs que « les ouvriers n'ont pas de patrie ». Elle était de fait plus indépendante de l'État que la SFIO et plus « anti-patriotique », face à des socialistes, même les sincères comme Jaurès, qui affirmaient qu'il fallait allier le patriotisme et l'internationalisme. Mais des rapprochements progressifs avaient eu lieu au niveau de la direction, et Jouhaux approuvait globalement la « politique de paix » du gouvernement. La CGT est donc dans la confusion lorsque la marche à la guerre s'amorce en juillet 1914.

Jouhaux lance « À bas la guerre ! » et appelle à manifester contre la guerre le 27 juillet[4], ce qui réunit de nombreuses personnes sur les Grands Boulevards à Paris. Mais dans le même temps, la direction rassurait le gouvernement et un compromis tacite eut lieu : la CGT ne gênera pas la mobilisation, et le gouvernement n'utilisera pas le Carnet B[5] pour décapiter la CGT. Quand la guerre est déclarée entre l’Autriche et la Serbie, le 28 juillet, la CGT appelle encore les ouvriers à rester fermes.

Le gouvernement réprime sévèrement les actions de la CGT, interdit ses réunions, arrête ses membres... De plus la SFIO ne soutient pas la CGT, et fait pression sur ses dirigeants pour qu'ils se rallient à leur approche institutionnelle. Même Jaurès soutient qu'il faut attendre d'arriver à s'entendre sur une action coordonnée du mouvement ouvrier en Europe avant d'agir. La direction de la CGT va très vite fléchir. Pendant les derniers jours de juillet 1914 et les premiers jours d'août, le mot d'ordre « Non à la guerre » se transforme en celui de « Défense nationale d'abord ». Rosmer déplorait fin juillet : « On s’est mis à la remorque du gouvernement et de sir Edward Grey et on continue ». CGT et SFIO apparaissent ensemble derrière la position molle de Jaurès le 31 juillet 1914, le jour même où ce dernier est assassiné par un nationaliste.

De nombreux dirigeants craignent une révolte massive suite à l'assassinat d'une des porte-parole les plus populaires du mouvement ouvrier, et préparent même deux régiments. Mais dans la soirée, le comité confédéral de la CGT prend la décision de renoncer à la grève générale, et la direction de la SFIO fait savoir au gouvernement qu'elle n'appellera à aucune manifestation.

Pour beaucoup, il ne semble plus y avoir d'espoir de paix. La CGT se déclare impuissante[6], et le 4 août 1914, Jouhaux, sur la tombe de Jaurès, prétend exprimer le sentiment de « la classe ouvrière au cœur meurtri » en rejetant la responsabilité de la guerre sur les monarchies d'Allemagne et d'Autriche-Hongrie. Les ouvriers deviennent des « soldats de la liberté » appelés à défendre la patrie où naquit l'idéal révolutionnaire. C'est un point de basculement pour la CGT, qui reprend pour la première fois officiellement le vocabulaire patriote.

Seule une minorité proteste dès le début contre le ralliement de la CGT : le Syndicat des Instituteurs, Rosmer de « La Bataille syndicaliste », Monatte (qui est envoyé au front), Lenoir, et Péricat, qui a immédiatement demandé l’insurrection contre la guerre et la grève générale.[7] Quelques anarchistes dans l'orbite de la CGT protestent également, mais leurs principales organisations comme la FCA sont vite neutralisées.

La CGT d'idéologie « syndicaliste révolutionnaire » trahit donc tout autant qu'un « marxiste » comme Guesde, ce qui montre la prépondérance des facteurs objectifs (bureaucratisation, pression de l'appareil d'État) sur l'affichage idéologique.

Cependant, il est à noter qu'une partie importante de la minorité anti-guerre était constituée de militants CGT attachés au syndicalisme révolutionnaire, alors qu'il y eut peu de révolutionnaires dans les rangs de la SFIO.

Lors du Conseil national de la CGT, tenu du 26 novembre au 5 décembre 1914, seule une minorité se prononce contre la guerre. La guerre fait chuter les effectifs à 50 000 adhérents.

Le 3 janvier 1915, Monatte démissionne en protestation contre le ralliement à l'Union Sacrée. Rosmer et Monatte sont en désaccord avec la politique confédérale. Ils refusent de soumettre à la censure la Vie Ouvrière (journal de la CGT, dirigé par Monatte) qui cesse par conséquent de paraître. Rosmer est mobilisé, mais reste proche de Paris et peut poursuivre ses activités militantes. Toujours en phase avec Monatte, il devient l’âme d’un petit groupe internationaliste, le Comité pour la Reprise des Relations Internationales (CRRI), qui donnera naissance au Comité de la troisième Internationale, avec Souvarine, Loriot, Rappoport, Hattenberger, etc. Rosmer organise la diffusion clandestine en France de l'« Au-dessus de la mêlée » publié en Suisse, par Romain Rolland.

1.5 Évolutions ultérieures

L'histoire de la CGT est jalonnée de scissions et de réunifications :
1921: La minorité révolutionnaire quitte la CGT et crée la CGT-U (Unitaire).
1924: Les opposants à l'orientation du PCF sont exclus de la CGT-U, ils créent alors la CGT-SR (Syndicaliste Révolutionnaire).
1936: Réunification de la CGT-U et de la CGT.

Le préambule des statuts de la CGT réunifiée en 1936 stipule :

«  La liberté d’opinion et le jeu de la démocratie, prévus et assurés par les principes fondamentaux du syndicalisme, ne sauraient justifier ni tolérer la constitution de fractions dans le but d’influencer et de fausser le jeu normal de la démocratie dans leur sein »[8]

On y voit clairement l'influence du stalinisme, qui épouse parfaitement les préoccupations des bureaucrates syndicaux réformistes.

1939: Le PCF est déclaré hors la loi et ses militants chassés de la CGT.
1943: Réunification de la CGT dans le cadre de la Résistance.
1947: Nouvel éclatement de la CGT dans le cadre de la "guerre froide", création de Force Ouvrière. La Fédération de l'Education Nationale de la CGT refuse de procéder à une telle scission. Elle se maintient en tant qu'organisation non-confédérée sous le nom de FEN. Il en va de même dans d'autres secteurs, comme par exemple au Ministère des Finances de la part des militants qui constitueront ensuite le SNUI puis la FDSU.

Depuis 1947, des liens étroits unissent le PCF et les principaux dirigeants de la CGT. Avec la chute du mur de Berlin, l'homogénéité de la CGT s'est beaucoup affaiblie.

2 Période contemporaine

Aujourd'hui, la CGT oscille entre :
• un syndicalisme d'opposition de principe
• un syndicalisme « de proposition » et de rapprochement avec la CFDT.

2.1 1999-2013 : Thibault

Lors des présidentielles de 2012, Bernard Thibaut appelle officiellement à voter Hollande.

2.2 2015-2023 : Martinez

Thierry Le Paon succède officiellement à Thibault le 22 mars 2013, il démissionne cependant quelques temps plus tard lors ce qu'il est pris dans une affaire de rénovation aux frais de la CGT. En février 2015 c'est Philippe Martinez qui est élu comme secrétaire général.

Au début de la présidence Hollande, la CGT reste comme les autres centrales syndicales passive et suiviste envers le PS. Mais peu à peu la direction durcit le ton. Par exemple, Le Paon dit en février 2013 que "Hollande s'inscrit dans la suite de Sarkozy. [Il] considère, lui aussi, que le travail est un coût qu'il faut baisser". Et il ajoute qu'en accordant 20 milliards d'euros aux entreprises et en refusant d'augmenter le smic, on assiste à "l'inverse des engagements de campagne sur la justice sociale". La direction cherche à la fois à donner des signes à sa base qu'elle ne peut pas accepter sans broncher les reculs majeurs que le PS est en train d'infliger aux travailleurs, et à la fois elle tend peut-être à se rapprocher du Front de Gauche.

Durant les mandat présidentielle de Hollande et Macron, la CGT s'illustre comme le syndicat central de la contestation.

La chute du PS, et la division des partis de gauche font que la CGT ne se rapproche plus d'un partis en particulier.

En 2017, Martinez appel à « faire barrage à l’extrême droite » et voter contre Marine LePen. Une partie de la direction (SG de fédération ou d'union départemental) appel directement à voter pour Macron. Une autre partie de la CGT renvoie dos à dos libéralisme et extrême droite, notamment la Fédération Info-Com', proche du Front Social.[9]

Depuis les années 2000, la CGT à réussis à stabiliser son hémorragie des adhérents, mais son positionnement est tiraillé entre un syndicalisme d'accompagnement social ou de lutte sociale. De plus, les syndicat n'ont pas réussis depuis à refouler les offensives de casse des services publiques et de précarisation des travailleurs, ce qui pose des question quand aux stratégies employés et aux revendications.

Au 52ème congrès de la CGT, tenus en 2019 à Dijon, de nombreuses question concernant le positionnement de la CGT se posent:

-L'affiliation internationale de la CGT, membre pour l'instant de la CSI/CSE, confédération comprenant par exemple la CFDT et l'UNSA, alors que certains syndicat, union ou fédération se sont affilié à la FSM.

-La stratégie d'action de la CGT, notamment son rôle durant les mobilisation des Gilet Jaunes.

-Les structures de la CGT; celle-ci comprend 80 000 adhérents sans syndicat, dit "syndiqué isolé" qui n'ont pas de contact et de vie syndicale car pas de syndicat présent dans leur entreprise.

-La monté en pouvoir des Comité Régionaux, et la mise en place de fonctionnement ne respectant pas la démocratie syndicale.

3 Courants dans la CGT

La CGT est traversé par différents courant syndicaux, certains sont proche de partis politiques (et peuvent œuvrer pour un rapprochement entre syndicat et partis) et d'autres sont purement syndicaux. La CGT ne fonctionnant pas en tendance, il est difficile de mesurer l'influence de chacune de ces tendances.

La CGT comprend une majorité syndicale utilisant les outils confédéraux, se réclamant d'un syndicalisme de rassemblement et de transformation social.[10]

Syndicalisme révolutionnaire:

Le syndicalisme révolutionnaire est un courant présent dans la CGT depuis sa création. Après la création du PCF, il est devenus anecdotique. Depuis quelques années, celui-ci se recréer, avec des proposition concernant les structures de la confédération.

Le syndicalisme révolutionnaire est principalement organisé autours des Comités Syndicaliste Révolutionnaire, reformé en 1995.

Leur site: https://www.syndicaliste.com/

Front Social:

Le front social est une coordination intersyndicales et associatif créer durant les élection présidentielle française de 2017, avec l'appel du 22 avril[11]. Elle s'oppose principalement aux réformes libérales de Macron durant le début de son quinquennat. Le front social semble sans activité depuis 2019.

Leur site: https://www.frontsocial.info/

Syndicalisme marxiste-léniniste:

Différentes tendances du communisme sont organisé autours de média syndicaux. La plupart de ceux-ci réclament l'adhésion de la CGT à la FSM, organisation historiquement lié à la troisième internationale.

Ou va la CGT, blog syndicale de l'OCLM:

http://ouvalacgt.over-blog.com/

Unité CGT, média de syndicats affilié à la FSM:

https://unitecgt.fr/

4 Influence

4.1 Effectifs

  • 1902 : 100 000 adhérents
  • 1912 : 700 000 adhérents (10 % des salariés)
  • 1937 : 4 000 000 adhérents
  • 1946 : 5 850 000 adhérents
  • 1975 : 2 377 000 adhérents
  • 2000 : 670 218 adhérents (dont 133 359 retraités, soit 20% des effectifs) [12]
  • 2004 : 709 062 adhérents[13]
  • 2017 : 653 000 adhérents

4.2 Élections professionnelles

En 2015, la CGT recule dans la plupart de ses bastions[14], notamment sous l'effet de changements sociologiques (plus forte proportion de cadres par rapport aux ouvriers / employés).

5 La CGT et le PCF

Depuis 1947, des liens étroits unissent le PCF et les principaux dirigeants de la CGT. Pendant 40 ans, les secrétaires généraux de la CGT appartenaient à la direction du PCF, et la plupart des cégétistes étaient membres du PCF ou influencés par lui. Les militants trotskistes qui essayaient d'intégrer la CGT étaient la plupart du temps chassés brutalement.

Cela va être remis en cause par la faillite idéologique et pratique du stalinisme, à l'Est avec la chute du mur de Berlin, mais aussi en France avec les reculs sociaux inéxorables face auxquels la CGT n'est pas un rempart efficace. La CGT décline en même temps que le PCF, et son homogénéité diminue. Le lien organique avec le PCF n'est plus justifiable, et pour la direction de la CGT il n'est plus forcément un bon cheval sur lequel miser.

Au congrès du PCF de décembre 1996, Louis Viannet, alors secrétaire général de la CGT, annonce sa décision de quitter le bureau politique du parti. Bernard Thibaut fut le premier secrétaire général de la CGT depuis 1947 à ne plus appartenir à la direction du PCF. Le 17 juillet 2001, lors d'une rencontre avec le PCF, dirigé alors par Robert Hue, Bernard Thibault, élu deux ans plus tôt, avait prononcé l'oraison funèbre d'une longue période de "primauté à l'engagement politique sur l'engagement syndical" et d'"hégémonie du courant de pensée politiquement incarné par le Parti communiste". "Nos deux organisations, avait-il souligné, ont décidé de rompre avec ce type de conception tout en sachant qu'il demeurerait encore longtemps des attitudes et comportements enracinés dans cette façon de penser."[15]

Mais un changement est peut être en train de s'opérer lentement. En effet, le PCF a retrouvé un certain succès via le candidat du Front de Gauche Jean-Luc Mélenchon, et le PS embourgeoisé est difficilement défendable.

Le 8 février, M. Thibault et M. Lepaon, tous les deux membres du Parti communiste, ont conduit une délégation de la CGT au congrès du PCF. Une présence qui aurait été banale si elle n'avait pas été accompagnée d'une mise en scène visant à afficher une nouvelle connivence entre la centrale et le parti. Accueilli chaleureusement, M. Thibault s'est dit "intéressé par les réflexions du PCF" et a salué ses "initiatives contre l'austérité", sans oublier de fustiger l'accord du 11 janvier sur l'emploi que "le gouvernement a eu tort de s'engager à retranscrire intégralement". "C'est aussi pour moi, a ajouté M. Thibault, un petit clin d'oeil avant nos échéances internes", à savoir le congrès de Toulouse de la CGT du 18 au 22 mars.

Philippe Martinez, élu secrétaire général de la CGT en 2015 est le premier SG à ne pas être membre du PCF depuis 1947, ayant quitter le partis en 2002.

6 La CGT et le féminisme

6.1 Années 1950 et 1960

Dans les années 1960, la CGT– dans le giron du PCF – lançait une campagne mettant l’accent sur la « fonction sociale » de la maternité et défendant l’idée de « protection » de la maternité, ce que des féministes dénonçaient comme étant différencialiste. Une décennie plus tard, avec l’accès à la contraception et la libéralisation de l’avortement (1974-1975), il s’agissait pour les féministes, non plus de s’appuyer sur la maternité, mais de la refuser lorsqu’elle n’était pas désirée.

Ce changement de paradigme s’est répercuté dans les organisations syndicales, mais avec des contradictions et des nuances. Ainsi, en 1971, tandis que « la CFDT affirme sa volonté de lutter aussi contre les rôles sociaux prédéterminés de l’homme et de la femme », la CGT refusait ce qu’elle appelle « l’égalitarisme intégral ».

En 1974, Christiane Gilles, au nom de la CGT, répondait qu’il est nécessaire de rechercher les« causes de la situation des travailleuses. Il est certain qu’elle découle de la place inférieure des femmes dans la société, mais pour la CGT, ce sont le gouvernement et le patronat qui sont responsables. Il faut s’attaquer à l’adversaire de classe, car la lutte des travailleuses n’est pas contradictoire avec l’intérêt des travailleurs masculins ». Ceci dit, « il y a un retard à rattraper » et la « situation des travailleuses doit donc être prise de manière spécifique. »

C’est parce qu’elle est considérée comme« reproductrice du genre humain » que « la CGT envisage la ‘‘spécificité’’ de ‘‘la’’ femme. Il s’agit pour l’organisation syndicale de faire reconnaître cette ‘‘fonction sociale’’ qu’est la maternité ». La CGT s’appropria ainsi la fête des mères pour en faire un moment revendicatif privilégié dans les entreprises et ce, sans en critiquer à aucun moment les origines idéologiques, en évoquant simplement la « tradition ». Fondamentalement, elle ne cherchait pas à faire évoluer les mentalités concernant la famille ou la natalité et refusait par exemple d’être partie prenante du MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception), considérant qu’il ne s’agit pas d’un cadre suffisamment large. Elle finit par soutenir la loi Veil en 1975, mais du bout des doigts. 

6.2 Années 1970 - bouleversements

En 1970, la CGT récusait nationalement une conception « féministe de l’égalité », qu’elle envisageait comme étroite et, en 1973, elle précisait cette analyse : « la conception ‘‘féministe’’ selon laquelle la société aurait été construite ‘‘par les hommes et pour les hommes’’ est erronée ». Cependant Madeleine Colin, ancienne membre du bureau confédéral de la CGT et directrice d’Antoinette, écrivait en 1975 qu’elle accepterait l’adjectif féministe à condition de s’en tenir à la définition du Petit Larousse d’alors qui stipulait :« Féminisme : tendance à améliorer la situation de la femme dans la société, à étendre ses droits. » Le mouvement féministe avait pris de l’importance et la CGT ne pouvait pas rester imperméable. 

Dans ce contexte, en mai 1977 se réunit la 6e conférence des femmes salariées, où la parole féminine explosait. En effet, dans le contexte de l’insubordination ouvrière et de l’extension des mouvements féministes, une nouvelle génération de femmes syndicalistes se forgeait dans la foulée du mouvement de mai-juin 1968. Dans le textile et l’habillement en particulier, elles avaient « adhéré en masse ». La commission des mandats de la 6e conférence des femmes salariées, réunie par la CGT en 1977, conclut que 37 % des délégué-e-s avaient adhéré après 1973 et les deux tiers après 1968[16].

Antoinette, le magazine féminin de la CGT, s’inscrivit pleinement dans cette dynamique. Les thèmes traités étaient alors innovants, voire provocateurs[17], tout en cherchant à entrainer les femmes salariées derrière le programme commun auquel il était régulièrement fait référence pour présenter les revendications de la CGT. Dans cette périodisation générale, des changements d’orientations s’observent dans le magazine en 1974, au moment de l’accord CGT-CFDT sur les femmes salariés, mais surtout en 1977, au moment de la 6e conférence qui engage la confédération dans la « lutte contre le poids des idées transmises »[18] : l’orientation familialiste est mise en question, les mentalités sont bousculées, ce qui perturbe certains militants de la CGT. 

A cette période, les militantes des commissions féminines comme celle de l’UD du Rhône mettaient en œuvre des pratiques et des revendications que Madeleine Colin nommait en 1987 une « forme de féminisme que les travailleuses portent en elles et expriment à leur façon »[19]. Ainsi, même si la majorité des militantes récusaient le féminisme, une continuité pouvait s’établir dans les pratiques de la commission féminine et les pratiques féministes.

6.3 Années 1980 - conservatismes

Au tournant des années 1980, alors que les mouvements féministes et l’extrême gauche refluaient, la dynamique enclenchée par le 40e congrès de la confédération et la 6e conférence des femmes salariées (1977) était interrompue au niveau confédéral au moment de l’arrivée d’Henri Krasucki à la tête de la CGT.

Comme le 40e congrès, la 6e conférence n’était pas suivie des effets escomptés dans la CGT et nombre de militantes du secteur féminin de l’UD du Rhône le regrettaient. La journaliste Catherine Simon était allée à la rencontre de certaines de ces militantes et rendait compte de cette déception dans un article intitulé « Voyage à l’UD-CGT du Rhône : la guerre lente »[20].

Les militantes du secteur féminin rencontraient des résistances croissantes de la part de la direction lyonnaise. Par exemple, le 25e anniversaire d’Antoinette, le 6 décembre 1980, représentait pour elles « le summum, dans le domaine du Bâton-dans-les-roues » car des militantes du secteur féminin souhaitaient faire de cet anniversaire une initiative de grande envergure, ce que ne permit pas le bureau de l’UD. De la même façon, tandis que les militantes souhaitaient faire du 8 mars 1981 une échéance importante pour l’organisation syndicale, l’instance locale de la CGT la limitait à un « rassemblement ‘’bien encadré’’ […] en centre ville. »

C’est dans ce contexte tendu qu’intervint le suicide de Georgette Vacher. L’ouvrière syndicaliste et permanente de l’UD du Rhône avait participé au 40e congrès à Grenoble et s’était beaucoup investie dans la 6e conférence des femmes salariées. Elle avait rédigé une brochure localement, organisé des conférences des femmes salariées en 1979 et repris la liberté de ton exprimée dans la 6e conférence, puisqu’elle mettait publiquement en cause le comportement de certains de ses « camarades » lors du 28e congrès de l’UD du Rhône en 1978, durant lequel une demi-journée était consacrée aux femmes salariées. Elle s’inquiétait des retours en arrière qu’elle percevait dans la confédération tant au niveau du secteur féminin qu’au niveau de l’orientation générale.

Un mois avant sa mort, le 28 septembre 1981, la CE de l’UD lui avait retiré ses responsabilités départementales du secteur féminin, tandis qu’une partie de son syndicat Calor l’avait désavouée. Le 21 avril 1981, lors d’une réunion de Bureau de l’UD (qu’elle avait enregistrée clandestinement), la direction lui avait fait part de nombreux reproches tels que, entre autre, ses relations avec l’extrême gauche ou la CFDT ou sa façon de diriger le secteur féminin comme « un Etat dans l’Etat », avec remarques personnelles qui la conduisirent à considérer ce bureau comme un« procès ». La veille du 29e congrès de l’UD du Rhône, tenu du 21 au 23 octobre 1981, Georgette Vacher mit fin à ses jours après avoir préalablement laissé des cassettes audio dans lesquelles elle racontait son histoire et expliquait son geste en mettant en accusation l’UD du Rhône. En plus des cassettes, elle laissait derrière elle plusieurs lettres d’adieu. Elle y dénonçait notamment la reproduction de la domination masculine dans le syndicat et la division sexuée du militantisme.

Peu de temps après ce tragique événement, la « reprise en main » du secteur féminin par Henri Krasucki, qui faisait suite aux débats internes ayant secoué l’organisation syndicale autour de l’intervention soviétique en Afghanistan (1979), ou autour du coup de force de Jaruzelski en Pologne contre Solidarnosc (1981), conduisait au licenciement des rédactrices d’Antoinette[21] ainsi qu’à la fin progressive des commissions féminines.

6.4 Années 1990 et 2000 - la CGT se dit féministe

La CGT a connu une « décennie silencieuse »[22] sur la question des femmes salariées après la 7e conférence de 1985, et c’est à partir de 1995 que la question de la place des femmes dans l’organisation s’est reposée, à l’occasion de la conférence mondiale des femmes de Pékin et de l’importante manifestation pour les droits des femmes du 25 novembre 1995.

Dans ce contexte, le collectif femmes-mixité, relancé en 1993, revendiqua la parité des structures de la CGT, qui fut actée par le congrès confédéral en 1999[23]. Dans le même temps, Maryse Dumas, alors élue au bureau confédéral de la CGT, soulignait qu’il s’agissait de « dépasser la notion de ‘‘spécificité’’ », car, précisait-elle,« parler de spécificité pour les femmes signifie bien que le centre, le global, le majoritaire est masculin ». Elle ajoutait que « notre syndicalisme est féministe parce qu’il agit pour l’émancipation et la liberté des femmes »[24].

Cependant, malgré ces mesures et ces changements d’orientation, c’est toujours « la figure d’un militant désincarné, détaché de toute une partie du monde réel »[25] qui domine dans les organisations syndicales en général, ce qui rend difficile l’implication des femmes. L’égalité formelle ne proscrit pas le machisme de certains hommes qui continuent d’adopter un fonctionnement au « masculin neutre » avec quelquefois le souci de préserver des avantages. De manière générale, « les syndicats se révèlent peu accueillants pour les femmes et ce en dehors d’une volonté explicite de les exclure. Des mécanismes internes et externes aux organisations étudiées se cumulent pour rendre l’entrée et la promotion de ces dernières des plus difficiles. La conception du ‘‘bon’’ syndicaliste, les conventions et réseaux sociaux masculins, les rôles familial et professionnel ou les modalités de cooptation des responsables se révèlent particulièrement réfractaires à un dépassement du genre. »[26] C’est donc dans un militantisme local que les femmes syndicalistes s’impliquent et se forgent souvent une identité de militante valorisante.

7 Congrès de la CGT

🔍 Voir : Congrès de la CGT.

8 Notes et sources

NPA, La CGT et les femmes : du « familialisme » au féminisme, juillet-août 2015

Une analyse du 49ème congrès national de la CGT

  1. Fiche Maîtron Henri Clément Girard
  2. Chiffres extraits de : Histoire du mouvement syndical en France. René Garmy. Page 159. Bibliothèque du mouvement ouvrier 1970.
  3. JP Le Crom, L'introuvable démocratie salariale Le droit de la représentation du personnel dans l'entreprise (1890-2002)
  4. « Guerre à la guerre ! », déclaration de Léon Jouhaux, La Bataille Syndicaliste, 26 juillet 1914
  5. Le Carnet B, créé par le général Boulanger en 1886, était une liste tenue par la gendarmerie de toutes les personnes susceptibles de s'opposer à la mobilisation.
  6. La Bataille Syndicaliste, 2 août 1914
  7. Le Mouvement ouvrier pendant la Première Guerre mondiale, Alfred Rosmer, Les Bons Caractères
  8. Cité dans : Les syndicats en France. Jean-Daniel Reynaud. Tome 2 ; page 49 ; éditions du seuil. 1975
  9. https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/05/05/des-dirigeant-cgt-appellent-a-voter-pour-emmanuel-macron_5122727_4854003.html
  10. https://www.cgt.fr/dossiers/tous-les-reperes-revendicatifs-de-la-cgt
  11. https://www.frontsocial.info/le-manifeste/
  12. Rapport financier pour le congrès de la CGT de 2003.
  13. Source CGT (rapport d’activité)
  14. Le Monde, La CGT recule dans la plupart de ses bastions, mars 2015
  15. Le Monde, Syndicats et partis à cartes rebattues, 16.02.2013
  16. Marx R., « Debout, les damnées de la terre ! Les commissions féminines de la CGT du Rhône, 1970-1982 », Mémoire de maîtrise sous la direction de Mathilde Dubesset, Pierre Mendès France, IEP de Grenoble, 2002, p. 51.
  17. Olmi J., « Oser la parité syndicale, La CGT à l’épreuve des collectifs féminins », L’Harmattan, 2007, p. 107.
  18. Julienne A., « Le rôle du magazine féminin de la CGT, Antoinette dans les luttes menées par les femmes pour leur libération entre 1970 et 1982 », Mémoire de maîtrise d’Histoire, Université Paris VII, 1990, p. 133, cité par Loiseau D., « Femmes et militantismes », Paris, Montréal, l’Harmattan, 1996, p. 169.
  19. FEN (France), « Le féminisme et ses enjeux : vingt-sept femmes parlent », Paris, Edilig, 1988, p. 93.
  20. Rubrique sur « le syndicalisme au féminin » intitulée « Bureaucratie » du numéro de la revue « Question clés » parue en novembre 1981.
  21. CHT, Collectif des licenciées d’Antoinette, « La mémoire d’Antoinette ; ou comment le magazine féminin dont la CGT se félicitait est soudain chargé de tous les maux et son équipe presque entière liquidée », Paris, Collectif des licenciées, 1982.
  22. Silvera R., « Le défi du gender mainstreaming (approche intégrée de l’égalité) pour le syndicalisme en France », 2002, p. 66.
  23. Silvera R., « Le nouveau défi de l’égalité pour le syndicalisme français : l’exemple de la charte de la CGT », C. Guillaume et S. Pochic (dir.), Actes de la journée « Genre et syndicalisme. Regards croisés franco-anglais », EHESS, Paris, 2010.
  24. Maryse Dumas in Collectif, « L’actualité, table ronde », Confédération générale du travail (dir.), « Les femmes et le syndicalisme : actes du colloque des 2-3 décembre 1999 », Montreuil, Institut d’histoire sociale, 2001, p. 87.
  25. Le Quentrec Y., Militantes syndicales : une égalité à faire vivre, 22 mai 2009.
  26. Buscatto M., « Syndicaliste en entreprise, une activité si masculine », P. Roux et O. Fillieule (dir.), « Le sexe du militantisme », Presses de Sciences Po, 2009, p. 75-91.