Autonomie

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L'Autonomie est le caractère de ce qui fait soi-même (auto) sa propre loi (nomos).

Autonomie peut aussi renvoyer à deux tendances politiques :

1 L'impossible autonomie absolue

Le postulat de base de la démarche scientifique, qui pose qu'on peut trouver des relations causales, implique qu'il n'existe rien qui soit absolument autonome. Cela paraît toujours plus évident dans le domaine de la physique : les astres, les phénomènes climatiques, les mouvements géologiques... sont partie intégrante d'un "système de la nature" (physis). Il n'y a aucune raison de penser que la vie, qui est issue du monde minéral, est une manifestation d'autonomie. Au contraire, des bactéries aux algues en passant par les huitres, les êtres vivants sont conditionnés par les conditions environnementales, y compris par leurs congénères et le reste du monde vivant. Les êtres humains sont issus de primates à l'instinct grégaire, ce qui en fait à la base des êtres fortement interdépendants. Le développement de la conscience n'engendre pas de rupture particulière à ce niveau : consciemment ou non, volontairement ou non, l'homme subit et agit sur l'ensemble des autres hommes, la société.

« L'Autonomie, pas plus que la Liberté, la Justice, n'est un principe éternel, toujours identique à lui-même ; mais un phénomène historique variable suivant les milieux où il se manifeste. Parler d'établir l'autonomie sans tenir compte du milieu économique où elle doit être établie, comme le fait certain personnage, régicide en chambre et docteur en ignorance, qui traite les collectivistes et les communistes de sectaires, c'est démontrer qu'on n'a pas volé son titre ignorantin. » [1]

2 La quête de l'autonomie

2.1 Généralités

Il est en revanche possible et utile de s'intéresser aux différents niveaux d'autonomie, et surtout à l'autonomie de groupes humains par rapport à d'autres. Par exemple, les progrès techniques ont permis à l'humanité d'acquérir une autonomie croissante par rapport à la nature (l'habitat permet de choisir de s'exposer ou non aux aléas climatiques, les stocks de nourriture à manger à sa faim même en cas de scheresse, etc...). Autre exemple : les femmes subissent depuis les origines de l'humanité une oppression qui réduit leur autonomie relativement aux hommes. Depuis qu'existe la société de classe, des groupes humains ont pu s'autonomiser vis-à-vis (et au détriment) d'autres groupes.

2.2 Sous le capitalisme

Les révolutions bourgeoises et l'avènement du capitalisme ont fait beaucoup pour l'émancipation de l'homme vis-à-vis de la nature, et même temps a permis d'abolir certaines formes les plus directes de dépendance comme le servage. Mais la nouvelle société n'a fait que perpétuer la domination de l'homme par l'homme sous des formes nouvelles. Chacun est théoriquement libre de travailler pour quelqu'un d'autre ou monter sa propre entreprise. En réalité, le règne du Capital a ses lois : éviction des concurrents moins puissants, quasi-impossibilité de passer de prolétaire à bourgeois...

On peut même dire que le travail salarié repose sur la liberté pour le travailleur d'aller se faire exploiter où il "veut", afin que l'ensemble de la classe ouvrière soit en en concurrence. Les organisations ouvrières ont été la première réaction de lutte contre cette exploitation sans frein. Cela a beau être paradoxal en apparence, l'organisation des travailleurs leur permet une plus grande autonomie vis-à-vis du patronat qu'en restant à la "liberté" de l'absence de tout cadre. C'est pourquoi la bourgeoisie a même parfois tenté de s'appuyer sur certains discours "autonomes" présents dans l'anarchisme pour critiquer la centralisation des organisations ouvrières gênantes.

« La bourgeoisie industrielle veut les ouvriers autonomes, sans organisation, sans comité directeur [...] L'Economiste du 26 novembre, se distingua, il consacra quatre colonnes à attaquer la dictature du comité, qui "détruisait la liberté des ouvriers, qui les empêchait de débattre avec le patron de gré à gré le chiffre des salaires"  » [2]

2.3 Perspective socialiste

Une révolution socialiste ne pourrait qu'opérer un incroyable saut qualitatif. Si les prolétaires parviennent à mettre à bas la société bourgeoise, ils se libèreront non seulement de l'exploitation, mais pourront aussi établir une société sans classe. Dans une telle société, basée sur les prodigieuses forces de production actuelles, une autonomie sans précédent pourrait être atteinte, à la fois pour l'humanité et pour chaque individu vis-à-vis de la société. En effet, contrairement aux caricatures, le communisme n'est pas un Etat surdimensionné imposant à chaque citoyen de se dévouer à la collectivité. Au contraire, la collectivisation laisse entrevoir :

  • une réduction drastique des tâches administratives, liées à la gestion du cadre capitaliste
  • la fin de l'opposition loisir réparateur / travail aliénant et la prédominance de la recherche de l'épanouissement personnel
  • en fin de compte, une grande latitude pour l'individu et les groupes d'expérimenter et de jouir de la vie

Ceci n'est pas un simple rêve, c'est la conséquence plus que probable de l'analyse matérialiste des contradictions du capitalisme et des possibilités historiques qui s'offrent au mouvement ouvrier. Ainsi Marx écrivait en 1867 :

« En fait, le royaume de la liberté commence seulement là où l'on cesse de travailler par nécessité et opportunité imposée de l'extérieur ; il se situe donc, par nature, au-delà de la sphère de la production matérielle proprement dite. De même que l'homme primitif doit lutter contre la nature pour pourvoir à ses besoins, se maintenir en vie et se reproduire, l'homme civilisé est forcé, lui aussi, de le faire et de le faire quels que soient la structure de société et le mode de production. Avec son développement s'étend également le domaine de la nécessité naturelle, parce que les besoins augmentent ; mais en même temps s'élargissent les forces productives pour les satisfaire. En ce domaine, la seule liberté possible est que l'homme social, les producteurs associés, règlent rationnellement leurs échanges avec la nature, qu'ils la contrôlent ensemble au lieu d'être dominés par sa puissance aveugle et qu'ils accomplissent ces échanges en dépensant le minimum de force et dans les conditions les plus dignes, les plus conformes à leur nature humaine. Mais cette activité constituera toujours le royaume de la nécessité. C'est au-delà que commence le développement des forces humaines comme fin en soi, le véritable royaume de la liberté qui ne peut s'épanouir qu'en se fondant sur l'autre royaume, sur l'autre base, celle de la nécessité. La condition essentielle de cet épanouissement est la réduction de la journée de travail. » [3]

3 Notes et sources

  1. Paul Lafargue, L'Autonomie, 1881
  2. Paul Lafargue, Au nom de l'autonomie, 1881
  3. Karl Marx, Le Capital, Livre III