Alexandre Chliapnikov

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Alexandre Gavrilovitch Chliapnikov (1885-1937), en russe Александр Гаврилович Шляпников, était est un communiste ukrainien, qui fut membre de l'Opposition ouvrière au sein du Parti bolchevique.

Il fut le seul grand dirigeant bolchevik à disposer d'une authentique expérience du travail ouvrier en usine.

1 Biographie

1.1 Enfance

Alexandre Gavrilovitch Chliapnikov est né le 30 août 1885 à Mourom troisième de quatre enfants d'une famille d'orthodoxes « vieux-croyants »[1]. Son enfance est difficile, son père se noie alors qu'il n'a que deux ans laissant sa famille dans la pauvreté. Entrant à l'école primaire à l'âge de 8 ans il en ressort trois ans plus tard. De cette scolarité il ne gardera pas un bon souvenir : « L'école n'était pas une mère pour moi, et ce ne sont pas les professeurs qui m'ont éduqué (...) même durant ces années la vie m'a appris qu'il n'y avait pas de justice dans ce monde »[2]. Il commence à travailler comme ouvrier à l'âge de 13 ans à l'usine métallurgique Semiannikov de Mourom dont il sera licencié trois ans plus tard pour avoir été gréviste.

1.2 Vie militante

Il rejoint le POSDR en 1901. Dès 1903, il milite avec les bolchéviks à Moscou. Il participera à un meeting à la suite du dimanche rouge (1905) où il sera arrêté et envoyé à la prison de Vladimir[2]. Libéré en 1907, il part en exil en Europe. Il travaille comme tourneur et milite dans le mouvement ouvrier français.

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Au début du conflit mondial, Chliapnikov assure liaison et financement des activités en Russie. Il est envoyé en 1915 par le Parti auprès des pays scandinaves, puis l'année suivante, aux États-Unis pour récolter des fonds. Homme de confiance de Lénine, il contribue à rallier A. Kollontaï au bolchevisme.

1.3 L'année 1917

Retourné clandestinement en Russie, Chliapnikov dirige le Bureau russe du Comité Central avec Molotov et Zaloutski.

Dans les premiers jours de février 1917, il croit d'abord à une simple émeute de la faim et perçoit pas tout de suite la situation révolutionnaire. Il s’oppose à l’armement des ouvriers réclamé par les dirigeants de Vyborg (comme Kaïourov).

Il participe à la réunion constitutive du Soviet de Pétrograd le 27 janvier, travaille au retour en Russie des émigrés, et même avant le retour de Lénine et la victoire des Thèses d'Avril, il s'oppose à la majorité des vieux-bolcheviks (derrière Kamenev et Staline) qui est conciliatrice avec le gouvernement provisoire de la bourgeoisie libérale. Ilnotera dans ses mémoires qu’à son retour en Russie, Lénine était « plus à gauche que notre gauche ».

Président du syndicats des métallos en juillet 1917, il gagne ce dernier au bolchévisme. Toutefois, il ne joue aucun rôle en Octobre.

1.4 Au pouvoir

Peu après, il est nommé commissaire du peuple chargé du travail du 8 novembre 1917 au 1er décembre 1918. Selon certains, sa gestion se révèle arbitraire, il fait fermer plusieurs usines et menace de licenciement sans indemnité les ouvriers qui protestent[3].

Chliapnikov plaide pour une coalition gouvernementale avec les mencheviks et le SR de gauche.

Ouvertement oppositionnel au sein du Parti à partir de 1919, il est toutefois nommé au Comité militaire du front sud puis commandant du front Caspienne-Caucase pendant la guerre civile.

1.5 L'Opposition ouvrière

Chliapnikov participe en 1920 à la création de l'Opposition ouvrière, courant d’opposition, avec notamment Medvedev (syndicat des métallos), Kisselev (Président du syndicat des Mineurs) et Kollontaï. Il prône l'affermissement de la démocratie en Russie par un accroissement du pouvoir des syndicats (à qui il propose de confier la gestion de la production) face au Parti et se heurte sur ce point à Lénine au Xe Congrès en mars 1921, et particulièrement au projet de « militarisation du travail » de Trotsky.

À cette occasion, il n'hésite pas à railler Lénine qui vient de déplorer la quasi-disparition de la classe ouvrière pendant la guerre civile : « Eh bien, camarade Lénine, je vous félicite d'exercer le pouvoir au nom d'une classe qui n'existe pas ! ». Lors de ce Congrès encore, Chliapnikov qualifie le gouvernement de « anti-classe ouvrière ».

Lénine condamne les thèses de l'Opposition ouvrière comme « déviation syndicaliste » et demande l'exclusion de Chliapnikov, qui est refusée par le parti. Mais toutes les tendances oppositionnelles subissent une forte pression à l'unité (le congrès se déroule pendant la révolte de Kronstadt et même l'Opposition ouvrière participe à sa répression), et le Xe Congrès décide l'interdiction des fractions. Désavoué, Chliapnikov est pourtant réélu au Comité central, où il continue à défendre ses idées.

Il subit une nouvelle brimade en étant reconnu « absolument inapte à assumer dans l’immédiat des responsabilités » par une commission médicale après un examen imposé. En février 1922, Chliapnikov signe la déclaration des 22[4] par laquelle l’Opposition Ouvrière fait appel auprès de l’Internationale des sanctions prises contre elle. Il prononce un discours ironique et mordant devant le XIe Congrès du PCR (mars 1922) où il déclare le Parti aussi démoralisé qu’en 1907, dénonce la NEP comme anti-ouvrière (« un gouvernement qui coûte moins cher aux paysans »). Il y cite Frounzé qui « a promis de me convaincre avec une mitrailleuse »

1.6 Retrait et répression

L’Opposition Ouvrière, démoralisée se dissout. Chliapnikov poursuit ses critiques  (notamment sur les questions économiques, au Comité central en 1923, ou dans sa Lettre de Bakou en 1924), mais sans prendre part aux querelles du pouvoir. Chliapnikov reste à l’écart de l’opposition trotskyste (de son propre chef ou car jugé compromettant par cette dernière selon les sources). Son appartement est plusieurs fois perquisitionné. Kollontaï est envoyée en Norvège, c’est l’époque des affectations diplomatiques des opposants. Lui-même est éloigné à Paris en 1924 comme représentant commercial auprès de l’ambassade, il y fréquente des militants comme Dunois et Monatte.

Il rentre en 1925, et appartient peu de temps à l'Opposition unifiée de Trotski, Radek, Zinoviev et Kamenev. Il cède aux pressions et rentre finalement dans le rang en 1926, en même temps que Kroupskaïa. La Guépéou utilise alors notamment contre lui une lettre de Medvedev à ses camarades de Bakou datée de 1924, censée prouver que l’Opposition ouvrière ne s’était pas dissoute.

Alors en retrait de la politique, il est Président du conseil d’administration de Metal-import (Металлоимпорт) jusqu’en 1929, et se consacre à la rédaction de ses Mémoires. Le pouvoir lui reproche bientôt de ne pas mettre assez en valeur dans ces Mémoires le rôle de Staline en 1917 (objectivement très limité voire négatif).

Il est exclu de nouveau en 1933 comme « dégénéré », exilé en Carélie, arrêté en 1935 et emprisonné à l'« isolateur politique » de Verkhneouralsk[5], puis exécuté le 2 septembre 1937 (la date ne serait pas certaine, certaines sources ayant évoqué une mort plus tardive par épuisement à l’isolateur de Vierkhneouralsk).

Il sera réhabilité  à titre posthume par le régime en deux fois (pour les charges criminelles en 1963, pour la réintégration dans le parti en 1988).

2 Ses écrits

1914 Les ouvriers russes et la guerre (lettre à Pieter Troelstra)
1915 Lettre à Hjalmar Branting
1916 Lettre à Fredrik Ström
1917 Decree on Social Insurance
Décret sur le contrôle ouvrier
1920 A la veille de 1917, (fac-similé des 3 premiers chapitres)
L’organisation de l’économie et les tâches des syndicats
On the relations between the Russian Communist Party, the soviets, and production unions
1921 Thèses de l'Opposition Ouvrière
Plate-forme de l’Opposition ouvrière
Les derniers jours de Lepetit et de Vergeat
Les syndicats russes, (fac-similé)
Extrait d’intervention au Xe Congrès
1922 Appel des 22 aux membres de la conférence de l'Internationale Communiste
1924 Autobiographie

3 Autres sources

4 Notes et références

  1. https://fr.wikipedia.org/wiki/Orthodoxes_vieux-croyants
  2. 2,0 et 2,1 « Alexander Shlyapnikov », Spartacus Educational.
  3. Voline, La révolution inconnue, 1947
  4. Déclaration des 22¨
  5. Anton Ciliga, Au pays du mensonge déconcertant, 1977.

5 Liens externes