Actionnaire

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Les actionnaires d'une entreprise sont des personnes qui détiennent une partie de son capital (des « actions »). Le fait de détenir des actions donne un droit de décision sur la direction de l'entreprise, sous la forme de droit de vote en assemblée générale (avec une voix généralement proportionnelle au nombre d'actions). Bien qu'il y ait des actionnaires porteurs d'un petit nombre d'actions (« petits porteurs »), le terme d'actionnaire renvoie souvent implicitement à ceux qui ont le vrai pouvoir de décision, qui font partie des capitalistes comme les grands patrons.

Etre actionnaire donne également droit à un dividende (un revenu pris sur la plus-value dégagée par l'entreprise), si la direction de l'entreprise (donc, au final, les actionnaires) le décide.

1 Développement historique de l'actionnariat

Les premières entreprises, qui étaient des petites entreprises, étaient à la fois possédées et administrées directement par un patron, ou un petit nombre d'associés. Avec l'accumulation du capital et la nécessité de fluidifier les mouvements de quantités importantes de capitaux, la forme de la société par action (ou société anonyme) s'est développée.

Marx avait noté que les sociétés par action « ont en général la tendance de séparer de plus en plus la fonction de direction de la possession du capital »[1]. Le capital prend alors « directement la forme du capital social (le capital d’individus directement associés) par opposition au capital privé, et ses entreprises apparaissent comme des entreprises sociales par opposition aux entreprises privées. C’est le dépassement du capital en tant que propriété privée dans les limites du mode de production capitaliste même. »

Dans une lettre de Marx à Engels du 2 avril 1858 il va même jusqu'à écrire de manière télégraphique « capital par actions en tant que forme la plus accomplie (se muant en communisme) ».

La direction effective des grandes entreprises (directeur, président-directeur général...) s'est ainsi séparée de la possession du capital, qui elle devenait collégiale et mouvante. Ce processus fait partie de la tendance à la financiarisation de l'économie capitaliste, bien que durant la période 1930-1980 la finance ait été relativement régulée sans que cela n'ait impliqué de diminution du recours à la société anonyme.

1.1 Nouvelles théories de l'entreprise

A partir du début du 20e siècle, suite à la généralisation du modèle des grandes entreprises (les trusts et monopoles décrits par exemple par Lénine comme caractéristiques du « stade impérialiste »), certains théoriciens bourgeois ont annoncé que les principes de base du libéralisme étaient remis en question.

Dans les années 1930 et 1940, on annonce ainsi que le management devient le véritable pouvoir, autonomisé de l'actionnariat, et qu'il n'est plus soumis seulement à la recherche du profit qui caractérise les patrons en concurrence sur le marché. Certains s'en inquiètent et craignent un nouveau type de féodalisme, d'autres prônent une évolution harmonieuse vers une responsabilité sociale et environnementale des entreprises, voire une démocratisation de leur gestion. Ces visions, les néolibéraux vont les contester pied à pied. Pour eux, le management reste soumis à l'actionnariat, et n'en est que l'agent. Mais ils ne se contentent pas de l'espérer, ils préconisent des mesures pour renforcer ce contrôle, comme l'intéressement des cadres dirigeants (via les stock options par exemple).

Les néolibéraux vont mener une bataille au sein de ce qui est appelé les « théories de la firme » (qui visent à décrire le fonctionnement des entreprises). Ils vont à la fois nier qu'il y ait des rapports de domination dans l'entreprise, et s'opposer à toute idée de contrôle démocratique (étatique ou autre) des entreprises, au nom de la propriété privée. Ils vont en quelque sorte « reprivatiser » conceptuellement la firme, en la définissant seulement comme un pur “nexus de contrats”. C'est-à-dire un ensemble de contrats volontaires concentrés en un même point, un outil permettant à chacun de réaliser ses objectifs, rien de plus.[2]

Des néolibéraux vont chercher à re-légitimer l’actionnariat comme “prise de risque”, en particulier Alchian et Demsetz avec leur théorie des coûts de production. Ils soutiennent que les actionnaires sont des « prétendants residuels », qui n'ont des dividendes que si l'entreprise se porte bien, et donc prennent un risque lorsqu'ils achètent des actions. Les dividendes ne seraient ainsi que la récompense de ce risque.[3]

Indépendant des différentes écoles de pensée, il est admis aujourd'hui qu'une entreprise moderne, en tant que personne morale, n'appartient à personne au sens strict.

2 Contestations

En 1970 aux Etats-Unis, le NARMIC (National Action/Research on the Military Industriel Complex) publie un guide pour perturber les assemblées générales d’actionnaires.

En 1971, le Conference Board (organisation patronale) publie un contre-guide “Gérer la contestation dans les assemblées générales d’actionnaires”.

3 Notes

  1. Le Capital Livre III, Tome 1, p.427 (ed. 1894)
  2. cf. Grégoire Chamayou, La société ingouvernable, 2018
  3. Alchian, A.A., Demsetz, H. (1972), « Production, Information Costs, and Economic Organization », American Economic Review, 62, December