Deuxième congrès du POSDR

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Le 2e congrès du Parti ouvrier social-démocrate de Russie, se déroule entre Bruxelles et Londres du 30 juillet au 23 août 1903.

1 Contexte

Le premier congrès du POSDR s'était déroulé clandestinement à Minsk (actuelle Biélorussie) en mars 1898. Il avait réunit moins de 15 délégués, tous arrêtés à la fin du congrès, et n'avait pas réussi à réellement constituer une force politique unifiée dans tout l'Empire russe.

C'était l'enjeu principal du second congrès. Le journal Iskra (« l'étincelle ») joua un rôle central pour proposer une politique marxiste délimitée (par rapport aux populistes, aux économistes, aux marxistes légaux...) qui servit de ralliement aux différents militants marxistes de l'Empire russe.

2 Déroulement du congrès

2.1 La délégation

Le Second congrès réunit essentiellement des émigrés et intellectuels vivant à l'étranger. Les 43 congressistes se réunissent à Bruxelles le 30 juillet 1903 (nouveau style). Certains avaient le droit de vote pour d'autres, ce qui portait le total des votes à 51 voix. Parmi les délégués, on comptait :

  • 5 délégués du Bund,
  • 3 « économistes »,
  • 8 délégués de l'émigration (partisans de l'Iskra)
  • 31 délégués de comités russes (en principe favorables à l'Iskra, mais parmi eux 8 délégués venant du sud de la Russie et représentant 10 votes, étaient a priori non alignés).

2.2 L'autonomie du Bund

Le Bund (organisation ouvrière juive) ne participe que partiellement aux travaux du congrès. Il réclame une autonomie au sein du parti, qui est largement refusée, après 3 jours de débats, à 45 voix contre 5 (y compris par d'autres marxistes juifs comme Trotsky ou Martov). Les délégués du Bund quittent alors le Congrès.

2.3 Le programme du parti

La discussion sur le programme est ouverte sur la base d'un projet présenté par l'Iskra. Il comprenait deux parties :

Le programme fut accepté avec peu de désaccords, sauf sur 3 points :

Deux « économistes » (Martynov et Akimov) firent en vain des critiques au programme, et à Que faire, accusant Lénine d'exagérer le rôle des intellectuels.

2.4 Migration à Londres

L'intervention imminente de la police belge oblige les délégués à suspendre le congrès le 6 août, pour le reprendre le 11 août à Londres.

2.5 La question organisationnelle

Un débat autour de la condition d'adhésion d'un membre au parti cristallise alors une opposition en deux camps :

  • La formule défendue par Martov dit : « Un membre du POSDR est quelqu'un qui accepte le programme du parti, le soutient financièrement, et lui apporte une aide personnelle régulière sous la direction d'une de ses organisations. »
  • Le formule défendue par Lénine dit : « Un membre du POSDR est quelqu'un qui accepte son programme et soutient le parti à la fois financièrement et en participant à une de ses organisations. »[1]

Les formules sont très proches, mais le débat se focalise sur les conceptions de l'organisation qui sont sous-entendues ou prêtées à ceux d'en face. Le débat a souvent été simplifié en « parti centralisé de révolutionnaires professionnels » (Lénine) contre « parti souple » (Martov). Certains le réinterprètent même comme un débat entre « parti d'avant-garde » et « parti de toute la classe ». Or les deux fractions se revendiquaient de la pratique des autres partis social-démocrates de l'Internationale, qui même massifs ne regroupaient jamais toute la classe. Le débat était en réalité très lié aux particularités du militantisme en Russie, subissant la répression tsariste. Mais ces déformations ont en partie leur origine dans les procédés rhétoriques utilisés. Dans un article de Trotski publié autour de 1907, celui-ci explique que dans ce genre de polémique, il s’agissait d’adopter la position de l’adversaire, d’en pousser la logique jusqu’à son dernier terme, et de tenter par là d’en révéler l’absurdité (argument de la pente glissante).[2]

Martov remporte d'abord le vote, mais après après le départ des 7 délégués du Bund et des 2 économistes, les partisans de Lénine se retrouvent en majorité. C'est suite à ce vote qu'ils seront nommés bolcheviks (de bolchinstvo, « majorité »), par opposition aux mencheviks (de menchinstvo, « minorité »). Mais ces dénominations s'imposeront plus tard. Sur le moment, on parle d'un clivage « martovistes / léninistes », ou « doux / durs ». Trotsky témoigne ainsi :

« Les collaborateurs de l'Iskra se divisèrent en "durs" et "doux". Ces appellations, comme on sait, eurent cours dans les premiers temps, prouvant que s'il n'existait pas encore de ligne de partage, il y avait pourtant une différence dans la façon d'aborder les questions, dans la décision, dans la persévérance vers le but. Pour ce qui est de Lénine et de Martov, on peut dire que même avant la scission et avant le congrès Lénine était déjà un "dur", tandis que Martov était un "doux". »[3]

Les 3 membres du Comité central élus (Lengnik, Noskov et Krjijanovsky) sont des partisans de Lénine. Le comité de rédaction de l'iskra est réduit de 6 à 3 membres (Lénine, Plekhanov et Martov).

Schématiquement, les bolcheviks rassemblent autour de Lénine un courant en apparence homogène, alors que les mencheviks regroupent différentes tendances : sociaux-démocrates traditionnels, tendance plus à gauche de Martov et tendance « gauchiste » de Trotski.

2.6 La position de Trotski

Sur son propre positionnement, Trotski ajoute :

« Pourquoi me suis-je trouvé au congrès parmi les "doux"? De tous les membres de la rédaction, j'étais le plus lié avec Martov, Zassoulitch, et Axelrod. Leur influence sur moi fut indiscutable. Dans la rédaction, jusqu'au congrès, il y avait eu des nuances, mais non des dissentiments nettement exprimés. J'étais surtout éloigné de Plékhanov: après les premiers conflits, qui n'avaient en somme qu'une importance secondaire, Plékhanov m'avait pris en aversion. Lénine me traitait fort bien. Mais c'était justement lui, alors, qui, sous mes yeux, attaquait une rédaction formant à mon avis un ensemble unique et portant le nom prestigieux de l'Iskra. L'idée d'une scission dans le groupe me paraissait sacrilège.

En 1903, il ne s'agissait tout au plus que d'exclure Axelrod et Zassoulitch de la rédaction de l'Iskra. A leur égard, j'étais pénétré non seulement de respect, mais d'affection. Lénine, lui aussi, les estimait hautement pour leur passé. Mais il en était arrivé à conclure qu'ils devenaient de plus en plus gênants sur la route de l'avenir. Et, en organisateur, il décida qu'il fallait les éliminer des postes de direction. C'est à quoi je ne pouvais me résigner. Tout mon être protestait contre cette impitoyable suppression d'anciens qui étaient enfin parvenus au seuil du parti. De l'indignation que j'éprouvais alors provint ma rupture avec Lénine au IIe congrès. Sa conduite me semblait inacceptable, impardonnable, révoltante. Pourtant, cette conduite était juste au point de vue politique et, par conséquent nécessaire pour l'organisation. La rupture avec les anciens qui étaient restés figés dans l'époque préparatoire était de toutes façons inévitable. Lénine l'avait compris avant les autres. Il fit encore une tentative pour conserver Plékhanov, en le séparant de Zassoulitch et d'Axelrod. Mais cet essai, comme le montrèrent bientôt les événements, ne devait donner aucun résultat.

Ainsi, ma rupture avec Lénine eut lieu en quelque sorte sur un terrain "moral", et même sur un terrain individuel. Mais ce n'était qu'en apparence. Pour le fond, nos divergences avaient un caractère politique qui ne se manifesta que dans le domaine de l'organisation. Je me considérais comme centraliste. Mais il est hors de doute qu'en cette période je ne voyais pas tout à fait à quel point un centralisme serré et impérieux serait nécessaire au parti révolutionnaire pour mener au combat contre la vieille société des millions d'hommes. »[3]

3 L'évolution de la scission après le congrès

Au départ, tout le monde pensait que la scission ne durerait pas. Pendant des années, la rupture a surtout concerné les milieux intellectuels dirigeants, en exil. Dans de nombreuses villes, les militants des deux fractions continueront à agir en commun. En fait, 351 organisations du parti restèrent des organisations conjointes bolcheviks-mencheviks jusqu'en 1917, dans certains cas jusqu’en septembre.

3.1 Le revirement de Plékhanov

Se retrouvant en minorité, les menchevik scissionnent. Sous pression, Plekhanov fait volte-face et exige, au nom du maintien de « l’unité », que la majorité au comité de rédaction de l’Iskra soit rendue aux mencheviks. Lénine refuse. Il fait valoir que s'il avait été minoritaire il serait resté à la rédaction en tant que minorité, sans faire de chantage à l'unité. Lénine tente pourtant activement d'éviter la scission, assurant des pleins droits démocratiques aux menchéviks. Mais ceux-ci refusent tout compromis.

Lénine quitte la rédaction le 1er novembre 1903, et l'Iskra devient donc un journal « menchévik » (« minoritaires » en russe, nom donné par les partisans de Lénine). Les bolchéviks (« majoritaires ») désignaient aussi leurs rivaux de « néo-iskristes » pour différencier la nouvelle Iskra de celle de 1901-1903, à partir du numéro 53. Le parti se scinde ensuite en deux fractions le 17 novembre.

En 1904, Lénine développe son point de vue dans une brochure, Un pas en avant, deux pas en arrière.[4] Rosa Luxemburg publie une critique de Lénine, Questions d'organisation de la social-démocratie russe.[5]

Trotski siège au IIe Congrès au titre de délégué de l'Union sibérienne. Après y avoir combattu durement le Bund, il se retrouve lors de la scission du côté menchevik. Il continue alors pour une courte période à collaborer à l'Iskra, contrôlée par les mencheviks. Pour fournir à ses mandants un exposé de son action lors du congrès, il publie en 1904 le Rapport de la délégation sibérienne dans lequel il s'attaque à Lénine, le comparant à Robespierre, l'accusant de mettre le parti « dans un état de siège », de lui « imposer sa poigne de fer », et de transformer « son modeste comité central en comité de salut public ».[6]

4 Notes et sources