Économisme

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Les modèles économiques, s'ils sont utiles, ne doivent pas conduire à la prétention de pouvoir tout expliquer à eux seuls.

Le terme d'économisme (ou économicisme) est souvent une accusation de réductionnisme économique. L'erreur de l'économisme est de tout réduire à des lois économiques. Le terme a pu être utilisé par certains aussi bien à l'encontre d'économistes libéraux que d'économistes marxistes.

Dans le mouvement socialiste, l'économisme désigne aussi une tendance à ne se limiter qu'aux « revendications économiques » (on dirait aujourd'hui « sociales »), au détriment des revendications politiques.

1 L'économisme comme réductionnisme

1.1 Réductionnisme de l'économie bourgeoise

Parmi les économistes bourgeois (au sens d'idéologues du système capitaliste), l'économisme peut procéder d'un refus plus ou moins conscient de faire intervenir des éléments aussi "vulgaires" que la lutte des travailleurs pour leurs salaires ou plus généralement pour l'amélioration de leurs conditions de travail, bref une négation de l'exploitation et de la lutte des classes, qui font de l'économie une science tellement humaine que son objet d'étude peut brusquement changer.

Et c'est précisément ce changement possible - la révolution socialiste - dont la classe dominante ne veut absolument pas entendre parler, préférant la vision mécaniste et métaphysique d'un capitalisme éternel.

1.2 Tendance du marxisme

L'apport matérialiste de Marx a permis de relativiser de beaucoup l'importance des tergiversations politiques (partie de la superstructure) par rapport aux fondements économiques (infrastructure). C'est ce qui peut conduire certains marxistes, souvent par ailleurs réellement perspicaces sur le volet économique, à ne plus interpréter l'histoire que comme le produit mécanique des changements économiques.

Cela revient alors à un matérialisme mécaniste, bien que différent d'un matérialisme mécaniste d'inspiration bourgeoise. C'est en tous cas une simplification que ne faisaient pas Marx et Engels, qui défendaient le matérialisme dialectique.

En pratique ce travers de pensée se manifeste bien sûr rarement tel quel, mais plutôt sous la forme d'une tendance. Une telle tendance peut par exemple masquer une certaine forme d'attentisme chez des militants déçus par l'échec de leur propagande... "Ce n'est de toutes façons pas la période propice."

2 L'économisme comme abandon du politique

2.1 Socialistes utopiques

Au début du 19e siècle, la gauche radicale est encore dominée par des courants démocrates bourgeois et petit-bourgeois (radicalisme, républicanisme...). Pour ces courants, c'est la question politique qui prime (revendication du suffrage universel, laïcité...).

Par contre-pied, certains parmi les premiers socialistes se détournent assez nettement des revendications politiques. C'est le cas par exemple de beaucoup de fouriéristes. Ainsi le sous-titre du journal The Phalanx, publié par des fouriéristes new yorkais, a pour devise en sous-titre : « Nos maux sont Sociaux, et non Politiques, et seule la Réforme Sociale peut les éradiquer. »[1]

2.2 Les économistes russes

🔍 Voir : Économisme (Russie).
A. Martynov, représentant des « économistes » parmi les marxistes russes

Dans les premières années de formation de la social-démocratie russe, Lénine et l'Iskra polémiquent contre « l'économisme » de toute une frange du POSDR, qui écrit notamment dans les journaux Rabotchaïa Mysl et Rabotchéié Diélo.

Dans Que faire il insiste longuement sur le fait que la conscience de la classe ouvrière doit être acquise par une vision d'ensemble de la société, pas seulement par sa lutte économique :

« La conscience de la classe ouvrière ne peut être une conscience politique véritable si les ouvriers ne sont pas habitués à réagir contre tous abus, toute manifestation d'arbitraire, d'oppression, de violence, quelles que soient les classes qui en sont victimes, et à réagir justement du point de vue social-démocrate, et non d'un autre. La conscience des masses ouvrières ne peut être une conscience de classe véritable si les ouvriers n'apprennent pas à profiter des faits et événements politiques concrets et actuels pour observer chacune des autres classes sociales dans toutes les manifestations de leur vie intellectuelle, morale et politique, s'ils n'apprennent pas à appliquer pratiquement l'analyse et le critérium matérialistes à toutes les formes de l'activité et de la vie de toutes les classes, catégories et groupes de la population. Quiconque attire l'attention, l'esprit d'observation et la conscience de la classe ouvrière uniquement ou même principalement sur elle-même, n'est pas un social-démocrate; car, pour se bien connaître elle-même, la classe ouvrière doit avoir une connaissance précise des rapports réciproques de la société contemporaine, connaissance non seulement théorique... disons plutôt : moins théorique que fondée sur l'expérience de la vie politique. Voilà pourquoi nos économistes qui prêchent la lutte économique comme le moyen le plus largement applicable pour entraîner les masses dans le mouvement politique, font oeuvre profondément nuisible et profondément réactionnaire dans ses résultats pratiques. [...] Ces révélations politiques embrassant tous les domaines sont la condition nécessaire et fondamentale pour éduquer les masses en vue de leur activité révolutionnaire. »[2]

2.3 « Économisme impérialiste »

Piatakov était un de ceux que Lénine accusait « d'économisme impérialiste »

En 1916, Lénine dénonce aussi ceux qui s'opposaient aux revendications d'autonomie / indépendance nationale au nom du fait que les forces productives se développent mieux à grande échelle. Il appelait cela de « l'économisme impérialiste ».[3][4]

En 1939, Trotski met en avant le mot d'ordre d'indépendance de l'Ukraine, et certains marxistes lui opposent là encore l'idée que séparer l'Ukraine de l'URSS serait une régression économique.[5]

3 Notes et sources