Écologie à Cuba

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L'écologie à Cuba est caractérisée par un fort développement à partir des années 1990, l'île étant aujourd’hui le seul pays au monde à remplir les critères du développement durable tels que définis par le WWF[1].

1 Agriculture

La Transition agroécologique cubaine

De la révolution de 1959 jusqu’à l'effondrement du bloc soviétique, l'agriculture cubaine présentait les caractéristiques de l'agriculture productiviste moderne, dominée par des monocultures intensives. La fin des importations soviétiques à partir des années 1990, notamment de pesticides, engrais minéraux, machines agricoles ou pétrole, a imposé une remise en cause totale de ce modèle. Cuba s'est alors tourné vers un modèle agricole alternatif, basé sur les principes de l'agriculture biologique, de l'agroécologie, de la permaculture, de l'agriculture de conservation, de l'agriculture urbaine ou encore de la vermiculture.[2]

Cette transition a été amorcée par un grand programme de redistribution des terres, attribuant aux paysans de l'île les droits sur des millions d'hectares de terres publiques inutilisées, et démantelant certaines grandes entreprises agricoles d'état pour les scinder en une multitude de coopératives de taille réduite. Les coopératives fournissent les hôpitaux, écoles, etc... de l'île, et peuvent ensuite vendre leur surplus éventuel librement. Plus de 100 000 fermes couvrant près d'1 million d'hectares ont ainsi été distribuées.

Sur ce modèle, l'utilisation de la ressource agricole et la stratégie de production de nourriture est décidée au niveau municipal, tandis que le pouvoir central et ses entreprises d'état apportent une aide matérielle et technique aux agriculteurs. Le succès de ces initiatives a été rendu possible par le haut niveau de développement scientifique de l'île, notamment en agronomie (Cuba compte pour seulement 2% de la population de l'Amérique Latine, mais pour près de 11% de sa communauté scientifique), mais également par l'action spontanée des travailleurs agricoles regroupés dans des organisations paysannes telles que la Asociación Nacional de Agricultores Pequeños (ANAP).[3]

L'île est également caractérisée par la présence forte de l'agriculture urbaine. Un réseau de près de 400 000 fermes urbaines et 8000 jardins urbains individuels, cultivés dans les principes de l'agroécologie, assure ainsi une production de proximité dans les grandes villes cubaines.[4]


Résultats et limites

L'utilisation de substances chimiques agricoles a diminué de près de 72% depuis 1988, alors même que la production a largement augmenté. La dépendance de Cuba aux importations de nourriture a ainsi fortement diminué, en particulier dans les villes.[3] La Havane est par exemple à même de fournir 50% de fruits et légumes bios locaux à ses 2 200 000 habitants.[5]

L’impact de l’agriculture sur l’environnement a été fortement diminué, le revenu moyen des travailleurs agricoles a progressé et l’augmentation des emplois dans l’agriculture a permis d’endiguer l’exode rural sur l’île.

Évolution de la dépendance de l'alimentation Cubaine aux importations.

Cependant, la transition jamais été totale, puisque certaines cultures (comme le riz ou le soja) sont restées sur un modèle intensif, mécanisé et non-biologique. Un partiel retour en arrière a également été initié à partir des années 2000, avec l’arrivée de pétrole Vénézuélien. En effet, l’autonomie alimentaire de l’île n’a jamais été totale (et ce même bien avant la révolution), et l’État cubain a toujours cherché, dans un contexte d’embargo Américain, à augmenter sa sécurité alimentaire par tous les moyens.[3]

Pour autant, l’île reste un exemple au rayonnement international dans le domaine de l’agroécologie.[5]

2 Développement durable

Le développement durable est un concept théorique de développement qui combine à la fois des bénéfices économiques, écologiques et sociaux. Il est souvent employé pour faire la promotion d’illusions réformistes ou de certaines formes de capitalisme vert.

Pourtant, les données disponibles sur le développement durable semblent au contraire pointer l’incompatibilité entre capitalisme et durabilité environnementale :

  • Une étude globale réalisée en 2006 par l’organisation WWF conclu que Cuba est la seule nation à satisfaire les critères d’un développement dit « durable »[1]
  • Une étude réalisée en 2015 par le think-thank Global Footprint Network montre que seuls 8 pays ont une empreinte écologique assez basse pour être considérée comme durable combinée à un Indice de Développement Humain (IDH) supérieur à « Moyen ». Et parmi ces 8 pays, seul Cuba pouvait justifier d’un IDH « Très élevé ».[6]

Cela s’explique par de nombreux résultats positifs de Cuba dans les domaines clef de l’écologie, de l’éducation, et de la qualité de vie, notamment[7] :

  • IDH élevé (51éme mondial), particulièrement au regard du PIB du pays. En effet, les pays ayant un PIB comparable ont un IDH beaucoup plus faible
  • Faible taux de mortalité infantile (devant le Canada notamment)
  • Très forts ratios de lits d’hôpitaux et médecins ramenés au nombre d’habitants
  • Espérance de vie de 3 ans supérieure à la moyenne de l’Amérique Latine
  • Taux d’alphabétisation élevé (>99%)
  • Taux d’accès à l’éducation très élevés relativement à la moyenne de l’Amérique Latine
  • Faible empreinte écologique, d’autant plus au regard de l’IDH. Les pays avec un IDH similaire ont en effet une empreinte écologique bien plus haute.

On pourra arguer que ces résultats sont le fait de l’embargo Américain, obligeant l’île à la modération. Il est vrai que cette situation empêche de fait une consommation excessive d’énergies fossiles, pesticides… Mais si l’embargo peut expliquer l’impératif d’un développement cubain « vert », il n’explique pas le succès de cette politique. D’autres pays historiquement soumis à des pressions économiques similaires (Iran, Afrique du Sud…) sont loins d’avoir connus les mêmes trajectoires.

Le succès de la politique de développement cubaine s’explique en fait surtout du fait de politiques de dépenses publiques orientées vers les secteurs de l’éducation, de la santé et du social, ainsi que par le caractère planifié de son économie, permettant de rationaliser l’utilisation de l’énergie, des terres, ressources… et de répercuter rapidement et efficacement les politiques environnementales à la production réelle.[7]

Ce modèle comporte cependant ses limites, et notamment des questions quant à la possibilité de son maintien dans le temps dans un contexte de vieillissement des infrastructures et de grave crise sur l’île depuis 2016[8]. Des marxistes considèrent également que Cuba est entrée depuis plusieurs années dans une phase de « Néo-libéralisation » en lien avec la dépendance croissante de l'île au tourisme, et que ce modèle de développement durable n’y survivra pas.[9] Certains pourront également critiquer le fait que les métriques utilisées ne prennent pas en compte d’autres aspects, comme les libertés publiques.


  1. 1,0 et 1,1 Living planet report 2006, WWF, ZSL & Global Footprint Network
  2. The transformation of Cuban agriculture after the cold war, Yvette perfecto, 1994, American Journal of Alternative Agriculture
  3. 3,0 3,1 et 3,2 The Paradox of Cuban Agriculture, Miguel A. Altieri & Fernando R. Funes-Monzote, 2012, MonthlyReview
  4. The greening of the “barrios”: Urban agriculture for food security in Cuba, Miguel A. Altieri & all, 1999, Agriculture and human values
  5. 5,0 et 5,1 https://www.bastamag.net/Comment-les-cubains-ont-converti-leur-ile-au-bio
  6. https://www.footprintnetwork.org/2015/09/23/eight-countries-meet-two-key-conditions-sustainable-development-united-nations-adopts-sustainable-development-goals/
  7. 7,0 et 7,1 An approach to sustainable development: The case of Cuba, Juan Jose Cabello & all., 2012,  Environment Development and Sustainability
  8. http://alencontre.org/ameriques/amelat/cuba/cuba-quelles-reponses-du-gouvernement-face-a-la-crise.html#more-58225
  9. https://www.contretemps.eu/havane-organoponicos/