Différences entre les versions de « Sozialdemokratische Partei Deutschlands »
(30 versions intermédiaires par le même utilisateur non affichées) | |||
Ligne 1 : | Ligne 1 : | ||
− | [[File:Affiche-SPD-1920.jpg | + | [[File:Affiche-SPD-1920.jpg|right|389x389px|Affiche électorale de 1920|vignette]] |
− | Le '''Sozialdemokratische Partei Deutschlands''' (en Allemand : Parti social-démocrate d'Allemagne), est un grand parti de [[Gauche|gauche]] allemand | + | Le '''Sozialdemokratische Partei Deutschlands''' (en Allemand : Parti social-démocrate d'Allemagne), est un grand parti de [[Gauche|gauche]] allemand. |
− | + | Fondé en 1875 et avec des origines organisationnelles qui remontent à [[Association générale des travailleurs allemands|1863]], il est le plus ancien parti d'Allemagne. Il a une histoire longue depuis le [[parti ouvrier]] des origines, proche de [[Marx]] et [[Engels]], d'abord réprimé par Bismarck de 1878 à 1890, puis pilier de la [[social-démocratie]] (marxiste) de la [[Deuxième internationale]], et jusqu'au parti actuel que beaucoup de marxistes considèrent comme un [[parti bourgeois]]. | |
− | == | + | ==Histoire== |
− | + | ===Origines de la social-démocratie allemande=== | |
+ | {{See also|Mouvement ouvrier et socialisme en Allemagne}} | ||
+ | Au 19<sup>e</sup> siècle, le [[Révolution industrielle|développement du capitalisme]] démarra plus tard en Allemagne par rapport à l'Angleterre, mais il s'accélère dans les dernières décennies. Le pays connut alors un [[Industrialisation|essor industriel]] rapide, [[Prolétarisation|transformant des millions de paysans et d’artisans en prolétaires]]. Rien qu’entre 1882 et 1895, le prolétariat augmenta de 40 %, passant de 7 millions d’ouvriers à plus de 10 millions ! | ||
− | + | Concentrée dans les centres urbains et les régions industrielles, la classe ouvrière allait mener de nombreux combats contre les patrons et le gouvernement. C’est au travers de ces [[grèves]], de ces [[manifestations]], d’affrontements petits et grands avec la bourgeoisie et son État, que les travailleurs allemands allaient apprendre à s’organiser. Et c’est aussi au travers de batailles politiques, notamment électorales, qu’ils devinrent une véritable force politique, postulant à prendre la direction de la société. | |
− | + | Pourtant pas plus en Allemagne que dans les autres pays, l’idée que le prolétariat formait une classe avec des intérêts politiques distincts n’allait de soi. Les facteurs de divisions ne manquaient pas au sein du jeune prolétariat. Les particularismes de toutes sortes, le nationalisme, les divisions religieuses étaient répandus. Pour forger une [[conscience de classe]], les militants social-démocrates firent une propagande inlassable, gagnant les ouvriers les plus conscients à leurs idées, éveillant des couches de plus en plus larges du prolétariat à la vie politique, à la compréhension de leur situation et du rôle que pouvait jouer le prolétariat pour transformer la société. | |
− | + | Les premiers germes de [[Mouvement ouvrier et socialisme en Allemagne|mouvement ouvrier allemand]] ont eu lieu dans la première moitié du 19<sup>e</sup> siècle, notamment dans les [[Révolution allemande de 1848|révolutions de 1848]], mais cela restait alors assez faible. Le socialisme était alors presque inexistant en Allemagne, | |
− | + | Politiquement, le cadre germanique était divisé entre la Prusse, l'Autriche et de nombreux petits États, et l'[[Unité allemande|unité nationale]] a tardé à se constituer. La [[Révolution de Mars|révolution de 1848]] a été une tentative, mais son échec a reporté l'unification, qui ne se fera que sous la direction autoritaire du chancelier [[Bismarck]] en 1871, lors de la fondation de l'Empire allemand. | |
− | Mais si les nouvelles lois contre les socialistes ne les empêchaient pas de se présenter aux élections, elles leur interdisaient de mener toute propagande, et d’éditer des journaux. La police pourchassait les militants, dispersait les réunions. Les militants connus étaient privés de leur gagne-pain, bannis de leur ville. Les libraires, les aubergistes étaient mis sous surveillance. Berlin était placé en état de siège. | + | === ADAV et SDAP === |
+ | [[Fichier:Bundesarchiv_Bild_183-R66693,_Ferdinand_Lassalle.jpg|vignette|[[Ferdinand Lassalle]]|213x213px|lien=https://wikirouge.net/Fichier:Bundesarchiv_Bild_183-R66693,_Ferdinand_Lassalle.jpg]]Le premier vrai [[parti ouvrier]] d'Allemagne (et du monde) est l'[[Association générale des travailleurs allemands]] (ADAV), fondée en 1863 par [[Ferdinand Lassalle]]. | ||
+ | |||
+ | Mais ce dernier vire très vite à l'[[opportunisme]], en promouvant une [[unité allemande]] et [[socialisme d'État]] réalisés, non par la [[Révolution (politique et sociale)|révolution]], mais en coopération le gouvernement prussien de Bismarck. | ||
+ | |||
+ | A la fin des années 1860, [[August Bebel]] et [[Wilhelm Liebknecht]], qui sont convaincus par le [[marxisme]], cherchent à construire un ''« grand parti ouvrier révolutionnaire »''. Pour cela, ils militent dans un regroupement d'associations ouvrières (la [[Vereinstag Deutscher Arbeitervereine|VDAV]]) non alignées sur Lassalle. Ils poussent pour qu'elles soient indépendantes des forces bourgeoises et petite-bourgeoises (comme le [[w:Parti populaire allemand (Empire allemand)|Parti populaire]]), et s'inscrivent dans l'[[Association Internationale des Travailleurs|Internationale]]. | ||
+ | |||
+ | En août 1869 est créé, lors du congrès de la Fédération à Eisenach, le [[Parti ouvrier social-démocrate (Allemagne)|Parti ouvrier social-démocrate]] (''Sozialdemokratische Arbeiterpartei'', SDAP). Par la suite, en Allemagne, en Autriche et en Europe du Nord, c'est ce terme de ''social-démocratie'' qui sera majoritairement utilisé par les partis socialistes qui se constituent. | ||
+ | |||
+ | En 1871, suite à la [[w:Guerre franco-allemande de 1870|victoire allemande contre la France]], le pays est de fait unifié dans l'Empire allemand. En parallèle, la [[répression]] s'accentue contre les deux partis, et les pousse à se rapprocher. A ce moment-là, l'[[Association générale des travailleurs allemands|ADAV]] est plutôt en déclin par rapport au [[Parti ouvrier social-démocrate (Allemagne)|SDAP]], et il y a par ailleurs une aspiration à l'unité dans la classe ouvrière. Aux [[w:Élections_législatives_allemandes_de_1874|élections législatives de 1874]], les socialistes font 6,8%, l'ADAV obtient 3 députés, et le SDAP en obtient 7. | ||
+ | |||
+ | ===Parti socialiste ouvrier d'Allemagne (1875-1890)=== | ||
+ | [[Fichier:Wilhelm Liebknecht.jpg|vignette|[[Wilhelm Liebknecht]], un des fondateurs de la social-démocratie allemande|lien=https://wikirouge.net/Fichier:Wilhelm_Liebknecht.jpg|185x185px]]En 1875, l'ADAV et le SDAP fusionnent lors d'un congrès à [[w:Gotha (Allemagne)|Gotha]], formant le Parti socialiste ouvrier d'Allemagne (SAPD). Le programme adopté lors de l'absorption de l'ADAV par le SDAP est un texte de compromis d'inspiration [[Marxisme|marxiste]], mais faisant une large place aux idées lassalliennes. | ||
+ | |||
+ | Marx et Engels approuvaient cette fusion, mais se montrent mécontents de ce programme, qui leur paraît [[opportuniste]] et antiscientifique. Marx rédige à cette occasion la ''[[Critique du programme de Gotha]]'', texte connu à l'époque de quelques initiés seulement et dans lequel il dénonce les idées [[Ferdinand Lassalle|lassalliennes]] et affine la notion de [[Dictature du prolétariat|dictature révolutionnaire du prolétariat]]. | ||
+ | |||
+ | ===Les lois antisocialistes de Bismarck=== | ||
+ | Devant cette croissance numérique mais surtout sociale et politique du prolétariat, [[Bismarck]], qui considérait les socialistes comme « des bandes de brigands qui campent sur nos places », tenta d’arrêter leur progression en interdisant leur parti. Pendant douze ans, de 1878 à 1890, [[Lois antisocialistes|les lois dites antisocialistes]] tentèrent de juguler le mouvement ouvrier en train de se développer. Bien sûr, le pouvoir n’avait pas attendu ces lois pour réprimer les grèves, poursuivre les militants devant les tribunaux, condamner les députés à la forteresse. | ||
+ | |||
+ | Mais si les nouvelles lois contre les socialistes ne les empêchaient pas de se présenter aux élections, elles leur interdisaient de mener toute [[propagande]], et d’éditer des [[Journal ouvrier|journaux]]. La police pourchassait les militants, dispersait les réunions. Les militants connus étaient privés de leur gagne-pain, bannis de leur ville. Les libraires, les aubergistes étaient mis sous surveillance. Berlin était placé en état de siège. | ||
Progressivement, camouflés en groupes de lectures ou de joueurs de cartes dans des appartements privés, en promeneurs du dimanche dans les parcs, les militants renouèrent les contacts et reprirent leurs réunions politiques. | Progressivement, camouflés en groupes de lectures ou de joueurs de cartes dans des appartements privés, en promeneurs du dimanche dans les parcs, les militants renouèrent les contacts et reprirent leurs réunions politiques. | ||
− | Une tâche très importante fut celle de continuer à diffuser et à publier la presse qui était rédigée à l’étranger. Il fallait échapper à la censure, en faisant circuler clandestinement cette presse, sous les manteaux, ou dans le double-fond des malles. C’était « la poste rouge ». | + | {{Double image|right|Medal 1890 German Reichstag Election Bebel Liebknecht Social Democratic Party of Germany (SPD), obverse.jpg|150|Medal 1890 German Reichstag Election Bebel Liebknecht Social Democratic Party of Germany (SPD), reverse.jpg|150|Médaille de 1890}} |
+ | |||
+ | Une tâche très importante fut celle de continuer à diffuser et à publier la [[Journal ouvrier|presse social-démocrate]] qui était rédigée à l’étranger. Il fallait échapper à la censure, en faisant circuler [[Clandestinité|clandestinement]] cette presse, sous les manteaux, ou dans le double-fond des malles. C’était « la [[poste rouge]] ». | ||
+ | |||
+ | La vie du parti se transforma, autant de façon spontanée que par décision du parti lui-même. Et ce fut une école d’organisation, où les militants apprirent le dévouement, ainsi que l’art de ne pas succomber aux [[Agent provocateur|provocations]] policières. Le parti s’adapta à la répression en menant toute une activité illégale, en organisant les [[grèves]], mais aussi en exploitant toutes les failles possibles du régime policier. | ||
+ | |||
+ | Et la possibilité de participer aux élections, [[Parlementarisme|d’élire des députés au Parlement]], en était une de taille. Elle permit à la fois de mener des batailles politiques larges, à l’échelle du pays, et d’avoir une tribune, d’autant que les discours des parlementaires pouvaient être publiés, ce qui permettait de contourner la [[censure]] sur la presse. Les [[élections]] permettaient aussi de mesurer la croissance de l’influence social-démocrate [[Vote ouvrier|dans la classe ouvrière]]. | ||
+ | |||
+ | Au moment de la légalisation du SPD, certains militants refusent de faire un tournant dans la façon de militer et de se concentrer sur la bataille électorale, le groupe dit des Jeunes ([[Die Jungen]]). Formé au printemps et à l'été 1890, il était dirigé par d'anciens étudiants universitaires: jeunes lettrés et éditeurs de journaux du parti, ainsi que des dirigeants de syndicats et de partis d'organisations locales. Leurs dirigeants étaient [[Paul Ernst]], [[Paul Kampffmeyer]], [[Hans Müller]], [[Bruno Wille]], [[Wilhelm Werner]], [[Carl Wildberger]] et d'autres. Ils se lancèrent dans une campagne de dénonciation du Conseil exécutif (Vorstand) du parti, qu'ils accusaient d'être corrompu, [[opportuniste]] et [[Démocratie interne|anti-démocratique]]. En octobre 1891, les dirigeants des Jeunes sont expulsés du Parti. | ||
+ | |||
+ | ===Le plus grand parti d'Allemagne=== | ||
+ | |||
+ | {| class="wikitable right" style="margin-left: 1em; float: right;" | ||
+ | |+Résultats aux législatives sous l'Empire | ||
+ | ! scope="col" |Année | ||
+ | ! scope="col" | % | ||
+ | ! scope="col" |Mandats | ||
+ | |- | ||
+ | |[[w:Élections_législatives_allemandes_de_1871|'''1871''']] | ||
+ | |3,2 | ||
+ | |{{Infobox Parti politique/Sièges|2|382|hex=#F0001C}} | ||
+ | |- | ||
+ | |[[w:Élections_législatives_allemandes_de_1874|'''1874''']] | ||
+ | |6,8 | ||
+ | |{{Infobox Parti politique/Sièges|9|397|hex=#F0001C}} | ||
+ | |- | ||
+ | |[[w:Élections_législatives_allemandes_de_1877|'''1877''']] | ||
+ | |9,1 | ||
+ | |{{Infobox Parti politique/Sièges|12|397|hex=#F0001C}} | ||
+ | |- | ||
+ | |[[w:Élections_législatives_allemandes_de_1878|'''1878''']] | ||
+ | |7,6 | ||
+ | |{{Infobox Parti politique/Sièges|9|397|hex=#F0001C}} | ||
+ | |- | ||
+ | |[[w:Élections_législatives_allemandes_de_1881|'''1881''']] | ||
+ | |6,1 | ||
+ | |{{Infobox Parti politique/Sièges|12|397|hex=#F0001C}} | ||
+ | |- | ||
+ | |[[w:Élections_législatives_allemandes_de_1884|'''1884''']] | ||
+ | |9,7 | ||
+ | |{{Infobox Parti politique/Sièges|24|397|hex=#F0001C}} | ||
+ | |- | ||
+ | |[[w:Élections_législatives_allemandes_de_1887|'''1887''']] | ||
+ | | align="center" |10,1 | ||
+ | |{{Infobox Parti politique/Sièges|11|397|hex=#F0001C}} | ||
+ | |- | ||
+ | |[[w:Élections_législatives_allemandes_de_1890|'''1890''']] | ||
+ | |19,8 | ||
+ | |{{Infobox Parti politique/Sièges|35|397|hex=#F0001C}} | ||
+ | |- | ||
+ | |[[w:Élections_législatives_allemandes_de_1893|'''1893''']] | ||
+ | |23,3 | ||
+ | |{{Infobox Parti politique/Sièges|44|397|hex=#F0001C}} | ||
+ | |- | ||
+ | |[[w:Élections_législatives_allemandes_de_1898|'''1898''']] | ||
+ | |27,2 | ||
+ | |{{Infobox Parti politique/Sièges|56|397|hex=#F0001C}} | ||
+ | |- | ||
+ | |[[w:Élections_législatives_allemandes_de_1903|'''1903''']] | ||
+ | |31,7 | ||
+ | |{{Infobox Parti politique/Sièges|81|397|hex=#F0001C}} | ||
+ | |- | ||
+ | |[[w:Élections_législatives_allemandes_de_1907|'''1907''']] | ||
+ | |28,9 | ||
+ | |{{Infobox Parti politique/Sièges|43|397|hex=#F0001C}} | ||
+ | |- | ||
+ | |[[w:Élections_législatives_allemandes_de_1912|'''1912''']] | ||
+ | |34,8 | ||
+ | |{{Infobox Parti politique/Sièges|110|397|hex=#F0001C}} | ||
+ | |}Le résultat, ce fut qu’elle progressait inexorablement à chaque [[Élections|élection]]. Et lorsque les [[lois antisocialistes]] furent abandonnées en 1890, le parti avait multiplié par trois le nombre de voix, représentant 20 % de l’électorat et obtenant 36 députés, même si pendant des années encore certains d’entre eux continuèrent les allers-retours entre le [[Parlementarisme|parlement]] et la prison. | ||
+ | |||
+ | En 1912, le SPD devient le premier parti du Reichstag, avec 35 % des suffrages (1,5 million de voix) et 110 députés.<ref>Jacques Droz, [https://www.cairn.info/histoire-generale-du-socialisme-2--9782130363699-page-19.htm ''Histoire générale du socialisme, Tome 2, Chapitre premier - La social-démocratie allemande (1875-1914)''], 1983</ref> | ||
+ | |||
+ | Mais c'est alors bien plus qu'un parti pour les élections, mais aussi un parti d'adhérents-militants, avec une vocation à « organiser la classe ». Il compte plus d'un million d'adhérents (il ne retrouvera presque jamais ce sommet au 20<sup>e</sup> siècle), il édite des dizaines de journaux, donne de nombreux cours du soir aux ouvrier·ères et ouvre même une école du parti où les militant·es peuvent étudier le [[marxisme]]. | ||
+ | |||
+ | Surtout, dans ces années-là, le [[syndicalisme]] progresse encore plus rapidement que le parti. Regroupant moins de 300 000 membres avant 1900, les [[Confédération allemande des syndicats|syndicats]] en comptaient deux millions et demi quinze ans plus tard. Ils avaient souvent été créés par des militants social-démocrates (à l'inverse par exemple du Royaume-Uni où ce sont les syndicats qui ont créé le [[Parti travailliste (Royaume-Uni)|parti travailliste]]), et ils avaient des liens étroits avec le SPD. | ||
+ | |||
+ | Grâce à ses [[permanents]] (4000 en 1912), la social-démocratie offrait gratuitement une aide et des conseils à la population, notamment pour faire respecter leurs droits, notamment à la [[sécurité sociale]]. | ||
+ | |||
+ | Il y avait aussi des [[coopératives]] de consommation, des chorales ouvrières, des associations sportives, des théâtres... Tout cet ensemble faisait figure de ''« contre-société »'' ouvrière dans l'Empire allemand. | ||
− | + | Vers la fin de sa vie, [[Friedrich Engels|Engels]] voyait les progrès croissants du parti social-démocrate allemand, devenu un parti ouvrier de masse et prétendant au pouvoir. Il voyait aussi les risques de guerre en Europe (qui a finalement [[Guerre de 1914-1918|éclaté en 1914]]). Il considérait que le choc de la guerre précipiterait le pouvoir dans les mains des socialistes, mais qu'une telle situation était plus risquée, notamment parce que le parti n'étant pas suffisamment prêt, il devrait prendre des mesures de [[Terreur rouge|terreur]] : | |
+ | <blockquote> | ||
+ | « Afin de prendre possession et de mettre en marche les moyens de production, nous avons besoin de personnes ayant une formation technique, et en masse. Nous ne les avons pas et jusqu'à présent, nous avons même été plutôt heureux d'avoir été largement épargnés par les personnes "instruites". Maintenant, les choses sont différentes. Maintenant, nous sommes assez forts pour supporter n'importe quelle quantité de racailles instruites et pour les digérer, et je prévois qu'au cours des huit ou dix prochaines années, nous recruterons suffisamment de jeunes techniciens, médecins, avocats et maîtres d'école pour nous permettre d'administrer les usines et les grands domaines au nom de la nation par des camarades du Parti. Alors, notre arrivée au pouvoir sera tout à fait naturelle et s'installera rapidement - en comparaison, si en revanche, une guerre nous amène au pouvoir prématurément, les techniciens seront nos principaux ennemis; ils nous tromperont et nous trahiront partout où ils le pourront et nous devrons user de terreur contre eux, mais nous serons tout de même trompés. C'est ce qui arrivait ''toujours'', à petite échelle, aux révolutionnaires français; même dans l'administration ordinaire, ils devaient laisser les postes subalternes, où le vrai travail est fait, aux mains de vieux réactionnaires qui obstruaient et paralysaient tout. »<ref>[[:en:Letter to August Bebel, October 24, 1891|Letter to August Bebel, October 24, 1891]]</ref> | ||
+ | </blockquote> | ||
+ | ===Le « féminisme » socialiste=== | ||
+ | On peut considérer que le SPD a été assez tôt porteur d'une forme de [[féminisme socialiste]], même si les militant·es repoussaient le terme de [[féminisme]] qu'ils associaient aux femmes de la bourgeoisie. | ||
− | + | En 1878, de sa prison, [[August Bebel|Bebel]] écrit ''La Femme et le socialisme'', et son ouvrage aura un retentissement important, en Allemagne et à l'étranger. | |
− | + | [[Clara Zetkin]], militante du SPD, fait un discours devant le [[Congrès fondateur de l'Internationale ouvrière|congrès fondateur de l'Internationale]] en 1889. En 1892, elle lance un journal à destination des femmes travailleuses ''[[Die Gleichheit]]'' (L'égalité), qui atteindra les 100 000 exemplaires. | |
− | + | Il y avait une hostilité réciproque entre le mouvement dirigé par Zetkin et la principale organisation [[Féminisme libéral|féministe libérale]], l'Union des organisations de femmes ([[w:Bund Deutscher Frauenvereine|Bund Deutscher Frauenvereine]], BDF). Le BDF décide à sa fondation en 1894 de refuser d'intégrer les organisations de femmes social-démocrates au nom du fait qu'elle ne fait pas de politique. De son côté Zetkin théorise de toute façon qu'il faut une «séparation nette» entre le mouvement des femmes prolétariennes et bourgeoises. | |
− | + | Zetkin, qui appartient à la gauche du parti, est d'ailleurs plus intransigeante que le reste du SPD. En effet lorsqu'en 1895, le ''[[Vorwärts]]'' (journal du SDP), sollicite des signatures de femmes de tous partis et classes pour une pétition demandant une réforme du droit des associations, Zetkin réagit « Cette pétition n'est pas prolétarienne ! ». | |
− | === Impérialisme et révisionnisme === | + | ===Impérialisme et révisionnisme=== |
− | À partir des années 1890 | + | À partir des années 1890, le SPD et ses alliés syndicaux acquièrent une puissance sans précédent. Le capitalisme de la [[Belle_Époque|Belle Époque]] est florissant, et les luttes des travailleurs sont fructueuses, en parallèle d'une plus grande liberté politique pour le travail parlementaire. Beaucoup de social-démocrates veulent alors croire à une progression graduelle vers le [[Socialisme|socialisme]], d'autant plus qu'une [[Bureaucratie ouvrière|bureaucratie]] se forme à la tête des syndicats et du SPD, qui a de plus en plus d'intérêts à composer avec la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]]. |
− | + | L'analyse faite par beaucoup de marxistes, dont [[Lénine]], est que ce phénomène de bureaucratisation était structurel, car à cette époque le capitalisme serait entré dans une nouvelle époque, son « [[Stade impérialiste|stade suprême]], l'impérialisme ». Selon cette analyse, les bourgeoisies des [[Pays impérialistes et pays dominés|pays impérialistes]] dégageraient assez de [[surprofits]] pour corrompre les couches supérieures de la classe ouvrière (« [[aristocratie ouvrière]] »). | |
− | + | Pour mettre en accord la théorie, qui reste révolutionnaire, avec la pratique [[Réformisme|réformiste]] centrée sur les syndicats et le parlement, une forte tendance à « réviser le marxisme » (on parlait de [[Révisionnisme_(années_1890)|révisionnisme]]) apparaît autour de la figure d'[[Eduard Bernstein]]. Dans les congrès et dans les organes théoriques (tenus par [[Karl Kautsky]] qui fait figure de gardien du marxisme orthodoxe), cette ligne est mise en minorité et réfutée. Mais sans que cela enraye la dérive rampante. | |
− | + | Alors que la menace [[Militarisme|militariste]] gronde en Europe, le SPD en tête de l'[[Internationale ouvrière]] se porte garant du pacifisme. Néanmoins, en 1907, au congrès de Stuttgart, le SPD s’oppose à l’idée d’une [[grève générale]] en cas de déclaration de [[guerre]] et se prononce seulement en faveur de la [[propagande]] pacifique et de l’action politique. | |
− | + | Au congrès d'Iéna de 1911, sur une idée de [[Karl Liebknecht]], on proposa à [[Léon Trotski|Trotski]] (qui était alors en exil en Europe) de parler des actes de violence commis par le gouvernement [[tsariste]] en Finlande. Mais [[August_Bebel|Bebel]] demanda à Trotski de ne pas intervenir pour éviter d’attirer des ennuis… Trotski accepta, et Liebknecht indigné, fit lui un discours véhément contre le tsar.<ref>Léon Trotski, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/mavie/mv18.htm Ma vie, 16. Deuxième émigration - le socialisme allemand]'', 1930</ref> Liebknecht, et surtout [[Rosa Luxemburg]], représentaient l'aile gauche du parti. | |
− | + | La gauche est battue au congrès d'Iéna, mais continue sa propagande révolutionnaire. Dans les cercles dirigeants du SPD, on méprise et on craint cette aile gauche. Les "''Rosaleute" ''sont une obsession constante chez Kautsky dans les années 1913-1914. Pourtant c'est vers la droite du parti que le centre de gravité se déplace. En 1913 après la mort de Bebel, [[Friedrich Ebert]], qui représente l'aile droite du parti, devient co-président du parti avec [[Hugo Haase]], qui était proche de Bebel. | |
− | Si la gauche du parti | + | Si la gauche du parti n'était pas dupe de la dérive droitière, elle ne s'attendait certainement pas à une trahison de l'ampleur de ce que fut le ''[[Burgfrieden]]''. |
− | La | + | ===La trahison du Burgfrieden=== |
− | + | La [[Première guerre mondiale]] fut un test douloureux pour le [[mouvement ouvrier]], révélant à quel point les dirigeants socialistes étaient loin de vouloir s'engager dans une politique révolutionnaire si une [[Situation révolutionnaire|situation de crise]] survenait. | |
− | |||
− | + | La propagande pacifiste des socialistes était encore forte en juillet 1914, ce qui d'ailleurs irritait le Kaiser Guillaume II, qui écrivit le 29 juillet : | |
+ | <blockquote> | ||
+ | ''« Les socialistes se livrent dans les rues à des manœuvres antimilitaristes, il ne faut pas le supporter, surtout pas ''à présent. ''Si ces troubles se répètent, je proclamerai l’état de siège et je ferai enfermer les dirigeants et tutti quanti. Nous ne pouvons permettre à l’heure actuelle aucune propagande socialiste. »'' | ||
+ | </blockquote> | ||
+ | |||
+ | Mais le gouvernement choisit plutôt de jouer finement. Par le biais notamment d'échanges entre le chancelier [[w:Bethmann Hollweg|Bethmann Hollweg]] et le "socialiste" [[Albert Südeküm]], il connaissait assez bien l'état d'esprit des dirigeants du SPD. Le 30 juillet, à la réunion du ministère d’État de Prusse, le chancelier disait : ''« Il n’y avait plus trop à craindre [du SPD] »'' | ||
− | Le 4 août 1914, les 110 députés du groupe social-démocrate au Reichstag votent unanimement les [[Crédits_de_guerre|crédits de guerre]] demandés par le chancelier impérial Bethmann Hollweg. Sur les 92 députés présents, 14 étaient contre, et 4 l'ont exprimé dans la discussion interne du groupe, mais tous ont appliqué la [[Discipline_de_parti|discipline de parti]]. Le plus farouchement contre était [[Karl_Liebknecht|Karl Liebknecht]], qui regretta vite de pas avoir désobéi. Le président du groupe social-démocrate, [[Hugo_Haase|Hugo Haase]], était contre également, mais il faisait partie des proches de [[ | + | Ebert, le second président du parti écrivait le 27 juillet 1914 au comité directeur qu’au cas où une catastrophe surviendrait ''« il y aurait aussi des difficultés à l’intérieur de notre parti. La guerre et la puissante renaissance du mouvement ouvrier en Russie inspireront au groupe de Rosa de nouveaux plans… »'' |
+ | |||
+ | Le 4 août 1914, les 110 députés du groupe social-démocrate au Reichstag votent unanimement les [[Crédits_de_guerre|crédits de guerre]] demandés par le chancelier impérial Bethmann Hollweg. Sur les 92 députés présents, 14 étaient contre, et 4 l'ont exprimé dans la discussion interne du groupe, mais tous ont appliqué la [[Discipline_de_parti|discipline de parti]]. Le plus farouchement contre était [[Karl_Liebknecht|Karl Liebknecht]], qui regretta vite de pas avoir désobéi. Le président du groupe social-démocrate, [[Hugo_Haase|Hugo Haase]], était contre également, mais il faisait partie des proches de [[Karl Kautsky|Kautsky]], que l'on allait appeler "[[Centristes|centristes]]". En tant que président, ce fut lui qui lut la déclaration au Reichstag<ref>[http://www.stahlgewitter.com/14_08_04.htm Intervention du député social-démocrate Hugo Haase au Reichstag], 4 août 1914.</ref>. | ||
Rosa Luxemburg impulse le soir même chez elle le [[Gruppe_Internationale|Gruppe Internationale]], un regroupement d'opposants (dont [[Franz_Mehring|Franz Mehring]], [[Marchlewski|Marchlewski]], [[Hermann_Duncker|Hermann Duncker]], [[Wilhelm_Pieck|Wilhelm Pieck]] et [[Ernst_Meyer|Ernst Meyer]]). | Rosa Luxemburg impulse le soir même chez elle le [[Gruppe_Internationale|Gruppe Internationale]], un regroupement d'opposants (dont [[Franz_Mehring|Franz Mehring]], [[Marchlewski|Marchlewski]], [[Hermann_Duncker|Hermann Duncker]], [[Wilhelm_Pieck|Wilhelm Pieck]] et [[Ernst_Meyer|Ernst Meyer]]). | ||
− | <blockquote>« Nous portâmes à la poste plus de trois cent télégrammes. Le résultat fut catastrophique. Clara Zetkin fut la seule à répondre immédiatement en donnant son accord sans réserve... »<ref>Hugo Eberlein, cité par Josef Schleifstein, in ''Franz Mehring, Vie de Karl Marx''</ref></blockquote> | + | <blockquote> |
+ | « Nous portâmes à la poste plus de trois cent télégrammes. Le résultat fut catastrophique. Clara Zetkin fut la seule à répondre immédiatement en donnant son accord sans réserve... »<ref>Hugo Eberlein, cité par Josef Schleifstein, in ''Franz Mehring, Vie de Karl Marx''</ref> | ||
+ | </blockquote> | ||
+ | |||
[[Karl_Kautsky|Karl Kautsky]], dans un article du 28 août<ref>Karl Kautsky, La préparation de la paix in Die Neue Zeit, 28 août 1914</ref>, tenter de nier que l'Internationale a volé en éclats, en assurant que tout se qui se passe correspond à une situation prévue : "Il a toujours été évident pour que dans une telle situation les sociaux-démocrates s'engagent de toutes leurs forces en défense de leur propre nation." | [[Karl_Kautsky|Karl Kautsky]], dans un article du 28 août<ref>Karl Kautsky, La préparation de la paix in Die Neue Zeit, 28 août 1914</ref>, tenter de nier que l'Internationale a volé en éclats, en assurant que tout se qui se passe correspond à une situation prévue : "Il a toujours été évident pour que dans une telle situation les sociaux-démocrates s'engagent de toutes leurs forces en défense de leur propre nation." | ||
Liebknecht rejoindra le groupe d'opposants presque aussitôt, mais s'attache à rassembler une opposition parlementaire. Lors de la deuxième séance au Reichstag, en décembre, il vote contre les crédits. Lors du troisième vote le 30 mars 1915, le reste de la minorité d'août 1914 décide de ne pas prendre part au vote (seul [[Otto_Rühle|Otto Rühle]] rejoint Karl Liebknecht en votant contre). Cette "dissidence" sera exclue du SPD fin 1916. | Liebknecht rejoindra le groupe d'opposants presque aussitôt, mais s'attache à rassembler une opposition parlementaire. Lors de la deuxième séance au Reichstag, en décembre, il vote contre les crédits. Lors du troisième vote le 30 mars 1915, le reste de la minorité d'août 1914 décide de ne pas prendre part au vote (seul [[Otto_Rühle|Otto Rühle]] rejoint Karl Liebknecht en votant contre). Cette "dissidence" sera exclue du SPD fin 1916. | ||
− | La gauche exclue forme alors en avril 1917 l'[[USPD|USPD]] (Parti social-démocrate indépendant d'Allemagne), composée de pacifistes avec une aile révolutionnaire, le groupe [[Spartakus|Spartakus]]. | + | La gauche exclue forme alors en avril 1917 l'[[USPD|USPD]] (Parti social-démocrate indépendant d'Allemagne), composée de pacifistes centristes (dont [[Karl Kautsky|Kautsky]]) avec une aile révolutionnaire, le groupe [[Spartakus|Spartakus]]. |
− | + | A la direction de la ''[[Die Neue Zeit|Neue Zeit]]'', organe du parti, la place laissée vide par Kautsky est prise par [[Heinrich Cunow]], qui devient le théoricien d'un SPD clairement réformiste. | |
+ | ===Pendant la Révolution allemande=== | ||
+ | [[Fichier:Social-democracy-before-ww2.svg|vignette|498x498px|Les différentes organisations ouvrières avant la Seconde guerre mondiale.]] | ||
Le SPD sera propulsé au pouvoir pendant la [[Révolution_allemande_(1918-1923)|Révolution allemande]], et sera son fossoyeur. Il sera à la fois une concession de la bourgeoisie et son meilleur garant. | Le SPD sera propulsé au pouvoir pendant la [[Révolution_allemande_(1918-1923)|Révolution allemande]], et sera son fossoyeur. Il sera à la fois une concession de la bourgeoisie et son meilleur garant. | ||
− | === Sous la République de Weimar === | + | ===Sous la République de Weimar=== |
− | + | {{...}} | |
− | |||
+ | ===Troisième Reich=== | ||
+ | {{...}} | ||
Le parti est interdit par le [[Fascisme|fascisme]] nazi, dans sa volonté de mater la [[Classe_ouvrière|classe ouvrière]]. | Le parti est interdit par le [[Fascisme|fascisme]] nazi, dans sa volonté de mater la [[Classe_ouvrière|classe ouvrière]]. | ||
− | === Après-guerre et guerre froide === | + | ===Après-guerre et guerre froide=== |
La division de l'Allemagne affaiblit le SPD en le coupant de sa base ouvrière de la Prusse industrielle, située en zone soviétique. Dans celle-ci, le SPD est contraint à fusionner avec le parti unique stalinien. | La division de l'Allemagne affaiblit le SPD en le coupant de sa base ouvrière de la Prusse industrielle, située en zone soviétique. Dans celle-ci, le SPD est contraint à fusionner avec le parti unique stalinien. | ||
Ligne 80 : | Ligne 197 : | ||
Le SPD se débarrasse radicalement de ses références marxistes en 1959, lors du Congrès extraordinaire de [[Bad_Godesberg|Bad Godesberg]]. L'objectif est désormais "l'économie sociale de marché", et le parti se veut non plus un "parti ouvrier" mais un "parti populaire". En 1966, le SPD participe à la "Grande Coalition", devenant un "parti de gouvernement". | Le SPD se débarrasse radicalement de ses références marxistes en 1959, lors du Congrès extraordinaire de [[Bad_Godesberg|Bad Godesberg]]. L'objectif est désormais "l'économie sociale de marché", et le parti se veut non plus un "parti ouvrier" mais un "parti populaire". En 1966, le SPD participe à la "Grande Coalition", devenant un "parti de gouvernement". | ||
− | === Mue définitive en parti bourgeois === | + | ===Mue définitive en parti bourgeois=== |
− | + | [[Fichier:Logo-SPD-2019.png|vignette|Logo du SPD depuis 2019]] | |
Le SPD dirige à nouveau l'État bourgeois en 1998 avec Gerhard Schröder. Le slogan de campagne, "die neue Mitte" (le nouveau centre), illustre un recentrage désormais assumé. | Le SPD dirige à nouveau l'État bourgeois en 1998 avec Gerhard Schröder. Le slogan de campagne, "die neue Mitte" (le nouveau centre), illustre un recentrage désormais assumé. | ||
Le parti reste traditionnellement attaché aux puissants syndicats comme celui de la métallurgie I.G. Metall, mais ne fait aucune ombre au patronat, pour lequel il représente une option politique tout à fait respectable. | Le parti reste traditionnellement attaché aux puissants syndicats comme celui de la métallurgie I.G. Metall, mais ne fait aucune ombre au patronat, pour lequel il représente une option politique tout à fait respectable. | ||
− | == | + | ==Congrès== |
+ | Voir la [[Wde:Liste der SPD-Parteitage|liste sur la Wikipédia allemande]] | ||
+ | |||
+ | ==Programmes== | ||
+ | Au cours de son histoire, le parti a eu différents programmes politiques : | ||
+ | {| class="wikitable" | ||
+ | |- | ||
+ | |1869 | ||
+ | |[[:de:Eisenacher_Programm|Programme d'Eisenach]]<ref>{{Lien web|langue=de|titre=Programme d'Eisenach de 1869|url=http://www.marxists.org/deutsch/geschichte/deutsch/spd/1869/eisenach.htm|consulté le=3 novembre 2013}}.</ref> | ||
+ | |Principes fondateurs du SDAP | ||
+ | |- | ||
+ | |1875 | ||
+ | |[[:fr:Programme de Gotha|Programme de Gotha]] | ||
+ | |Fusion du SDAP avec l'ADAV ([[Critique du programme de Gotha|Critiqué par Marx]] pour sa confusion) | ||
+ | |- | ||
+ | |1891 | ||
+ | |[[Programme d'Erfurt]] | ||
+ | |Programme d'inspiration marxiste ([[Critique du programme d'Erfurt|Critiqué par Engels]]) | ||
+ | |- | ||
+ | |1921 | ||
+ | |Programme de Görlitz<ref>{{Lien web|langue=de|titre=Programme de Görlitz en 1921|url=http://www.marxists.org/deutsch/geschichte/deutsch/spd/1921/goerlitz.htm|consulté le=3 novembre 2013}}.</ref> | ||
+ | |Programme à l'accent fortement révisionniste du MSPD | ||
+ | |- | ||
+ | |1925 | ||
+ | |[[w:Programme de Heidelberg|Programme d'Heidelberg]] | ||
+ | |Appelle à la formation des [[États-Unis d'Europe]] | ||
+ | |- | ||
+ | |1959 | ||
+ | |[[w:Programme de Bad Godesberg|Programme de Godesberg]] | ||
+ | |Le parti devient populaire | ||
+ | |- | ||
+ | |1989 | ||
+ | |[[w:Programme de Berlin|Programme de Berlin]] | ||
+ | | | ||
+ | |- | ||
+ | |2007 | ||
+ | |Programme de Hambourg<ref>{{Lien web|langue=de|titre=Programme de Hambourg de 2007|url=http://parteitag.spd.de/servlet/PB/show/1731523/071028_%20Hamburger%20Programm.pdf|consulté le=3 novembre 2013}}.</ref> | ||
+ | |Programme actuel du SPD | ||
+ | |} | ||
+ | |||
+ | ==Nombre d'adhérent·es== | ||
+ | Au début du 20<sup>e</sup> siècle le parti connaît une hausse constante du nombre d'adhérent·es, passant de 384 327 en 1905/06 à 1 085 905 en 1913/14. | ||
+ | [[Fichier:Nombre membres SPD.svg|centré|sans_cadre|837x837px]] | ||
− | + | ==Notes et sources== | |
− | [[ | + | <references /> |
+ | [[Catégorie:Partis]] | ||
+ | [[Catégorie:Allemagne]] | ||
+ | [[Catégorie:Histoire]] |
Version actuelle datée du 8 novembre 2023 à 18:17
Le Sozialdemokratische Partei Deutschlands (en Allemand : Parti social-démocrate d'Allemagne), est un grand parti de gauche allemand.
Fondé en 1875 et avec des origines organisationnelles qui remontent à 1863, il est le plus ancien parti d'Allemagne. Il a une histoire longue depuis le parti ouvrier des origines, proche de Marx et Engels, d'abord réprimé par Bismarck de 1878 à 1890, puis pilier de la social-démocratie (marxiste) de la Deuxième internationale, et jusqu'au parti actuel que beaucoup de marxistes considèrent comme un parti bourgeois.
1 Histoire[modifier | modifier le wikicode]
1.1 Origines de la social-démocratie allemande[modifier | modifier le wikicode]
Au 19e siècle, le développement du capitalisme démarra plus tard en Allemagne par rapport à l'Angleterre, mais il s'accélère dans les dernières décennies. Le pays connut alors un essor industriel rapide, transformant des millions de paysans et d’artisans en prolétaires. Rien qu’entre 1882 et 1895, le prolétariat augmenta de 40 %, passant de 7 millions d’ouvriers à plus de 10 millions !
Concentrée dans les centres urbains et les régions industrielles, la classe ouvrière allait mener de nombreux combats contre les patrons et le gouvernement. C’est au travers de ces grèves, de ces manifestations, d’affrontements petits et grands avec la bourgeoisie et son État, que les travailleurs allemands allaient apprendre à s’organiser. Et c’est aussi au travers de batailles politiques, notamment électorales, qu’ils devinrent une véritable force politique, postulant à prendre la direction de la société.
Pourtant pas plus en Allemagne que dans les autres pays, l’idée que le prolétariat formait une classe avec des intérêts politiques distincts n’allait de soi. Les facteurs de divisions ne manquaient pas au sein du jeune prolétariat. Les particularismes de toutes sortes, le nationalisme, les divisions religieuses étaient répandus. Pour forger une conscience de classe, les militants social-démocrates firent une propagande inlassable, gagnant les ouvriers les plus conscients à leurs idées, éveillant des couches de plus en plus larges du prolétariat à la vie politique, à la compréhension de leur situation et du rôle que pouvait jouer le prolétariat pour transformer la société.
Les premiers germes de mouvement ouvrier allemand ont eu lieu dans la première moitié du 19e siècle, notamment dans les révolutions de 1848, mais cela restait alors assez faible. Le socialisme était alors presque inexistant en Allemagne,
Politiquement, le cadre germanique était divisé entre la Prusse, l'Autriche et de nombreux petits États, et l'unité nationale a tardé à se constituer. La révolution de 1848 a été une tentative, mais son échec a reporté l'unification, qui ne se fera que sous la direction autoritaire du chancelier Bismarck en 1871, lors de la fondation de l'Empire allemand.
1.2 ADAV et SDAP[modifier | modifier le wikicode]
Le premier vrai parti ouvrier d'Allemagne (et du monde) est l'Association générale des travailleurs allemands (ADAV), fondée en 1863 par Ferdinand Lassalle.
Mais ce dernier vire très vite à l'opportunisme, en promouvant une unité allemande et socialisme d'État réalisés, non par la révolution, mais en coopération le gouvernement prussien de Bismarck.
A la fin des années 1860, August Bebel et Wilhelm Liebknecht, qui sont convaincus par le marxisme, cherchent à construire un « grand parti ouvrier révolutionnaire ». Pour cela, ils militent dans un regroupement d'associations ouvrières (la VDAV) non alignées sur Lassalle. Ils poussent pour qu'elles soient indépendantes des forces bourgeoises et petite-bourgeoises (comme le Parti populaire), et s'inscrivent dans l'Internationale.
En août 1869 est créé, lors du congrès de la Fédération à Eisenach, le Parti ouvrier social-démocrate (Sozialdemokratische Arbeiterpartei, SDAP). Par la suite, en Allemagne, en Autriche et en Europe du Nord, c'est ce terme de social-démocratie qui sera majoritairement utilisé par les partis socialistes qui se constituent.
En 1871, suite à la victoire allemande contre la France, le pays est de fait unifié dans l'Empire allemand. En parallèle, la répression s'accentue contre les deux partis, et les pousse à se rapprocher. A ce moment-là, l'ADAV est plutôt en déclin par rapport au SDAP, et il y a par ailleurs une aspiration à l'unité dans la classe ouvrière. Aux élections législatives de 1874, les socialistes font 6,8%, l'ADAV obtient 3 députés, et le SDAP en obtient 7.
1.3 Parti socialiste ouvrier d'Allemagne (1875-1890)[modifier | modifier le wikicode]
En 1875, l'ADAV et le SDAP fusionnent lors d'un congrès à Gotha, formant le Parti socialiste ouvrier d'Allemagne (SAPD). Le programme adopté lors de l'absorption de l'ADAV par le SDAP est un texte de compromis d'inspiration marxiste, mais faisant une large place aux idées lassalliennes.
Marx et Engels approuvaient cette fusion, mais se montrent mécontents de ce programme, qui leur paraît opportuniste et antiscientifique. Marx rédige à cette occasion la Critique du programme de Gotha, texte connu à l'époque de quelques initiés seulement et dans lequel il dénonce les idées lassalliennes et affine la notion de dictature révolutionnaire du prolétariat.
1.4 Les lois antisocialistes de Bismarck[modifier | modifier le wikicode]
Devant cette croissance numérique mais surtout sociale et politique du prolétariat, Bismarck, qui considérait les socialistes comme « des bandes de brigands qui campent sur nos places », tenta d’arrêter leur progression en interdisant leur parti. Pendant douze ans, de 1878 à 1890, les lois dites antisocialistes tentèrent de juguler le mouvement ouvrier en train de se développer. Bien sûr, le pouvoir n’avait pas attendu ces lois pour réprimer les grèves, poursuivre les militants devant les tribunaux, condamner les députés à la forteresse.
Mais si les nouvelles lois contre les socialistes ne les empêchaient pas de se présenter aux élections, elles leur interdisaient de mener toute propagande, et d’éditer des journaux. La police pourchassait les militants, dispersait les réunions. Les militants connus étaient privés de leur gagne-pain, bannis de leur ville. Les libraires, les aubergistes étaient mis sous surveillance. Berlin était placé en état de siège.
Progressivement, camouflés en groupes de lectures ou de joueurs de cartes dans des appartements privés, en promeneurs du dimanche dans les parcs, les militants renouèrent les contacts et reprirent leurs réunions politiques.
Une tâche très importante fut celle de continuer à diffuser et à publier la presse social-démocrate qui était rédigée à l’étranger. Il fallait échapper à la censure, en faisant circuler clandestinement cette presse, sous les manteaux, ou dans le double-fond des malles. C’était « la poste rouge ».
La vie du parti se transforma, autant de façon spontanée que par décision du parti lui-même. Et ce fut une école d’organisation, où les militants apprirent le dévouement, ainsi que l’art de ne pas succomber aux provocations policières. Le parti s’adapta à la répression en menant toute une activité illégale, en organisant les grèves, mais aussi en exploitant toutes les failles possibles du régime policier.
Et la possibilité de participer aux élections, d’élire des députés au Parlement, en était une de taille. Elle permit à la fois de mener des batailles politiques larges, à l’échelle du pays, et d’avoir une tribune, d’autant que les discours des parlementaires pouvaient être publiés, ce qui permettait de contourner la censure sur la presse. Les élections permettaient aussi de mesurer la croissance de l’influence social-démocrate dans la classe ouvrière.
Au moment de la légalisation du SPD, certains militants refusent de faire un tournant dans la façon de militer et de se concentrer sur la bataille électorale, le groupe dit des Jeunes (Die Jungen). Formé au printemps et à l'été 1890, il était dirigé par d'anciens étudiants universitaires: jeunes lettrés et éditeurs de journaux du parti, ainsi que des dirigeants de syndicats et de partis d'organisations locales. Leurs dirigeants étaient Paul Ernst, Paul Kampffmeyer, Hans Müller, Bruno Wille, Wilhelm Werner, Carl Wildberger et d'autres. Ils se lancèrent dans une campagne de dénonciation du Conseil exécutif (Vorstand) du parti, qu'ils accusaient d'être corrompu, opportuniste et anti-démocratique. En octobre 1891, les dirigeants des Jeunes sont expulsés du Parti.
1.5 Le plus grand parti d'Allemagne[modifier | modifier le wikicode]
Année | % | Mandats |
---|---|---|
1871 | 3,2 | 2 / 382 |
1874 | 6,8 | 9 / 397 |
1877 | 9,1 | 12 / 397 |
1878 | 7,6 | 9 / 397 |
1881 | 6,1 | 12 / 397 |
1884 | 9,7 | 24 / 397 |
1887 | 10,1 | 11 / 397 |
1890 | 19,8 | 35 / 397 |
1893 | 23,3 | 44 / 397 |
1898 | 27,2 | 56 / 397 |
1903 | 31,7 | 81 / 397 |
1907 | 28,9 | 43 / 397 |
1912 | 34,8 | 110 / 397 |
Le résultat, ce fut qu’elle progressait inexorablement à chaque élection. Et lorsque les lois antisocialistes furent abandonnées en 1890, le parti avait multiplié par trois le nombre de voix, représentant 20 % de l’électorat et obtenant 36 députés, même si pendant des années encore certains d’entre eux continuèrent les allers-retours entre le parlement et la prison.
En 1912, le SPD devient le premier parti du Reichstag, avec 35 % des suffrages (1,5 million de voix) et 110 députés.[1]
Mais c'est alors bien plus qu'un parti pour les élections, mais aussi un parti d'adhérents-militants, avec une vocation à « organiser la classe ». Il compte plus d'un million d'adhérents (il ne retrouvera presque jamais ce sommet au 20e siècle), il édite des dizaines de journaux, donne de nombreux cours du soir aux ouvrier·ères et ouvre même une école du parti où les militant·es peuvent étudier le marxisme.
Surtout, dans ces années-là, le syndicalisme progresse encore plus rapidement que le parti. Regroupant moins de 300 000 membres avant 1900, les syndicats en comptaient deux millions et demi quinze ans plus tard. Ils avaient souvent été créés par des militants social-démocrates (à l'inverse par exemple du Royaume-Uni où ce sont les syndicats qui ont créé le parti travailliste), et ils avaient des liens étroits avec le SPD.
Grâce à ses permanents (4000 en 1912), la social-démocratie offrait gratuitement une aide et des conseils à la population, notamment pour faire respecter leurs droits, notamment à la sécurité sociale.
Il y avait aussi des coopératives de consommation, des chorales ouvrières, des associations sportives, des théâtres... Tout cet ensemble faisait figure de « contre-société » ouvrière dans l'Empire allemand.
Vers la fin de sa vie, Engels voyait les progrès croissants du parti social-démocrate allemand, devenu un parti ouvrier de masse et prétendant au pouvoir. Il voyait aussi les risques de guerre en Europe (qui a finalement éclaté en 1914). Il considérait que le choc de la guerre précipiterait le pouvoir dans les mains des socialistes, mais qu'une telle situation était plus risquée, notamment parce que le parti n'étant pas suffisamment prêt, il devrait prendre des mesures de terreur :
« Afin de prendre possession et de mettre en marche les moyens de production, nous avons besoin de personnes ayant une formation technique, et en masse. Nous ne les avons pas et jusqu'à présent, nous avons même été plutôt heureux d'avoir été largement épargnés par les personnes "instruites". Maintenant, les choses sont différentes. Maintenant, nous sommes assez forts pour supporter n'importe quelle quantité de racailles instruites et pour les digérer, et je prévois qu'au cours des huit ou dix prochaines années, nous recruterons suffisamment de jeunes techniciens, médecins, avocats et maîtres d'école pour nous permettre d'administrer les usines et les grands domaines au nom de la nation par des camarades du Parti. Alors, notre arrivée au pouvoir sera tout à fait naturelle et s'installera rapidement - en comparaison, si en revanche, une guerre nous amène au pouvoir prématurément, les techniciens seront nos principaux ennemis; ils nous tromperont et nous trahiront partout où ils le pourront et nous devrons user de terreur contre eux, mais nous serons tout de même trompés. C'est ce qui arrivait toujours, à petite échelle, aux révolutionnaires français; même dans l'administration ordinaire, ils devaient laisser les postes subalternes, où le vrai travail est fait, aux mains de vieux réactionnaires qui obstruaient et paralysaient tout. »[2]
1.6 Le « féminisme » socialiste[modifier | modifier le wikicode]
On peut considérer que le SPD a été assez tôt porteur d'une forme de féminisme socialiste, même si les militant·es repoussaient le terme de féminisme qu'ils associaient aux femmes de la bourgeoisie.
En 1878, de sa prison, Bebel écrit La Femme et le socialisme, et son ouvrage aura un retentissement important, en Allemagne et à l'étranger.
Clara Zetkin, militante du SPD, fait un discours devant le congrès fondateur de l'Internationale en 1889. En 1892, elle lance un journal à destination des femmes travailleuses Die Gleichheit (L'égalité), qui atteindra les 100 000 exemplaires.
Il y avait une hostilité réciproque entre le mouvement dirigé par Zetkin et la principale organisation féministe libérale, l'Union des organisations de femmes (Bund Deutscher Frauenvereine, BDF). Le BDF décide à sa fondation en 1894 de refuser d'intégrer les organisations de femmes social-démocrates au nom du fait qu'elle ne fait pas de politique. De son côté Zetkin théorise de toute façon qu'il faut une «séparation nette» entre le mouvement des femmes prolétariennes et bourgeoises.
Zetkin, qui appartient à la gauche du parti, est d'ailleurs plus intransigeante que le reste du SPD. En effet lorsqu'en 1895, le Vorwärts (journal du SDP), sollicite des signatures de femmes de tous partis et classes pour une pétition demandant une réforme du droit des associations, Zetkin réagit « Cette pétition n'est pas prolétarienne ! ».
1.7 Impérialisme et révisionnisme[modifier | modifier le wikicode]
À partir des années 1890, le SPD et ses alliés syndicaux acquièrent une puissance sans précédent. Le capitalisme de la Belle Époque est florissant, et les luttes des travailleurs sont fructueuses, en parallèle d'une plus grande liberté politique pour le travail parlementaire. Beaucoup de social-démocrates veulent alors croire à une progression graduelle vers le socialisme, d'autant plus qu'une bureaucratie se forme à la tête des syndicats et du SPD, qui a de plus en plus d'intérêts à composer avec la bourgeoisie.
L'analyse faite par beaucoup de marxistes, dont Lénine, est que ce phénomène de bureaucratisation était structurel, car à cette époque le capitalisme serait entré dans une nouvelle époque, son « stade suprême, l'impérialisme ». Selon cette analyse, les bourgeoisies des pays impérialistes dégageraient assez de surprofits pour corrompre les couches supérieures de la classe ouvrière (« aristocratie ouvrière »).
Pour mettre en accord la théorie, qui reste révolutionnaire, avec la pratique réformiste centrée sur les syndicats et le parlement, une forte tendance à « réviser le marxisme » (on parlait de révisionnisme) apparaît autour de la figure d'Eduard Bernstein. Dans les congrès et dans les organes théoriques (tenus par Karl Kautsky qui fait figure de gardien du marxisme orthodoxe), cette ligne est mise en minorité et réfutée. Mais sans que cela enraye la dérive rampante.
Alors que la menace militariste gronde en Europe, le SPD en tête de l'Internationale ouvrière se porte garant du pacifisme. Néanmoins, en 1907, au congrès de Stuttgart, le SPD s’oppose à l’idée d’une grève générale en cas de déclaration de guerre et se prononce seulement en faveur de la propagande pacifique et de l’action politique.
Au congrès d'Iéna de 1911, sur une idée de Karl Liebknecht, on proposa à Trotski (qui était alors en exil en Europe) de parler des actes de violence commis par le gouvernement tsariste en Finlande. Mais Bebel demanda à Trotski de ne pas intervenir pour éviter d’attirer des ennuis… Trotski accepta, et Liebknecht indigné, fit lui un discours véhément contre le tsar.[3] Liebknecht, et surtout Rosa Luxemburg, représentaient l'aile gauche du parti.
La gauche est battue au congrès d'Iéna, mais continue sa propagande révolutionnaire. Dans les cercles dirigeants du SPD, on méprise et on craint cette aile gauche. Les "Rosaleute" sont une obsession constante chez Kautsky dans les années 1913-1914. Pourtant c'est vers la droite du parti que le centre de gravité se déplace. En 1913 après la mort de Bebel, Friedrich Ebert, qui représente l'aile droite du parti, devient co-président du parti avec Hugo Haase, qui était proche de Bebel.
Si la gauche du parti n'était pas dupe de la dérive droitière, elle ne s'attendait certainement pas à une trahison de l'ampleur de ce que fut le Burgfrieden.
1.8 La trahison du Burgfrieden[modifier | modifier le wikicode]
La Première guerre mondiale fut un test douloureux pour le mouvement ouvrier, révélant à quel point les dirigeants socialistes étaient loin de vouloir s'engager dans une politique révolutionnaire si une situation de crise survenait.
La propagande pacifiste des socialistes était encore forte en juillet 1914, ce qui d'ailleurs irritait le Kaiser Guillaume II, qui écrivit le 29 juillet :
« Les socialistes se livrent dans les rues à des manœuvres antimilitaristes, il ne faut pas le supporter, surtout pas à présent. Si ces troubles se répètent, je proclamerai l’état de siège et je ferai enfermer les dirigeants et tutti quanti. Nous ne pouvons permettre à l’heure actuelle aucune propagande socialiste. »
Mais le gouvernement choisit plutôt de jouer finement. Par le biais notamment d'échanges entre le chancelier Bethmann Hollweg et le "socialiste" Albert Südeküm, il connaissait assez bien l'état d'esprit des dirigeants du SPD. Le 30 juillet, à la réunion du ministère d’État de Prusse, le chancelier disait : « Il n’y avait plus trop à craindre [du SPD] »
Ebert, le second président du parti écrivait le 27 juillet 1914 au comité directeur qu’au cas où une catastrophe surviendrait « il y aurait aussi des difficultés à l’intérieur de notre parti. La guerre et la puissante renaissance du mouvement ouvrier en Russie inspireront au groupe de Rosa de nouveaux plans… »
Le 4 août 1914, les 110 députés du groupe social-démocrate au Reichstag votent unanimement les crédits de guerre demandés par le chancelier impérial Bethmann Hollweg. Sur les 92 députés présents, 14 étaient contre, et 4 l'ont exprimé dans la discussion interne du groupe, mais tous ont appliqué la discipline de parti. Le plus farouchement contre était Karl Liebknecht, qui regretta vite de pas avoir désobéi. Le président du groupe social-démocrate, Hugo Haase, était contre également, mais il faisait partie des proches de Kautsky, que l'on allait appeler "centristes". En tant que président, ce fut lui qui lut la déclaration au Reichstag[4].
Rosa Luxemburg impulse le soir même chez elle le Gruppe Internationale, un regroupement d'opposants (dont Franz Mehring, Marchlewski, Hermann Duncker, Wilhelm Pieck et Ernst Meyer).
« Nous portâmes à la poste plus de trois cent télégrammes. Le résultat fut catastrophique. Clara Zetkin fut la seule à répondre immédiatement en donnant son accord sans réserve... »[5]
Karl Kautsky, dans un article du 28 août[6], tenter de nier que l'Internationale a volé en éclats, en assurant que tout se qui se passe correspond à une situation prévue : "Il a toujours été évident pour que dans une telle situation les sociaux-démocrates s'engagent de toutes leurs forces en défense de leur propre nation."
Liebknecht rejoindra le groupe d'opposants presque aussitôt, mais s'attache à rassembler une opposition parlementaire. Lors de la deuxième séance au Reichstag, en décembre, il vote contre les crédits. Lors du troisième vote le 30 mars 1915, le reste de la minorité d'août 1914 décide de ne pas prendre part au vote (seul Otto Rühle rejoint Karl Liebknecht en votant contre). Cette "dissidence" sera exclue du SPD fin 1916.
La gauche exclue forme alors en avril 1917 l'USPD (Parti social-démocrate indépendant d'Allemagne), composée de pacifistes centristes (dont Kautsky) avec une aile révolutionnaire, le groupe Spartakus.
A la direction de la Neue Zeit, organe du parti, la place laissée vide par Kautsky est prise par Heinrich Cunow, qui devient le théoricien d'un SPD clairement réformiste.
1.9 Pendant la Révolution allemande[modifier | modifier le wikicode]
Le SPD sera propulsé au pouvoir pendant la Révolution allemande, et sera son fossoyeur. Il sera à la fois une concession de la bourgeoisie et son meilleur garant.
1.10 Sous la République de Weimar[modifier | modifier le wikicode]
1.11 Troisième Reich[modifier | modifier le wikicode]
Le parti est interdit par le fascisme nazi, dans sa volonté de mater la classe ouvrière.
1.12 Après-guerre et guerre froide[modifier | modifier le wikicode]
La division de l'Allemagne affaiblit le SPD en le coupant de sa base ouvrière de la Prusse industrielle, située en zone soviétique. Dans celle-ci, le SPD est contraint à fusionner avec le parti unique stalinien.
Le SPD se débarrasse radicalement de ses références marxistes en 1959, lors du Congrès extraordinaire de Bad Godesberg. L'objectif est désormais "l'économie sociale de marché", et le parti se veut non plus un "parti ouvrier" mais un "parti populaire". En 1966, le SPD participe à la "Grande Coalition", devenant un "parti de gouvernement".
1.13 Mue définitive en parti bourgeois[modifier | modifier le wikicode]
Le SPD dirige à nouveau l'État bourgeois en 1998 avec Gerhard Schröder. Le slogan de campagne, "die neue Mitte" (le nouveau centre), illustre un recentrage désormais assumé.
Le parti reste traditionnellement attaché aux puissants syndicats comme celui de la métallurgie I.G. Metall, mais ne fait aucune ombre au patronat, pour lequel il représente une option politique tout à fait respectable.
2 Congrès[modifier | modifier le wikicode]
Voir la liste sur la Wikipédia allemande
3 Programmes[modifier | modifier le wikicode]
Au cours de son histoire, le parti a eu différents programmes politiques :
1869 | Programme d'Eisenach[7] | Principes fondateurs du SDAP |
1875 | Programme de Gotha | Fusion du SDAP avec l'ADAV (Critiqué par Marx pour sa confusion) |
1891 | Programme d'Erfurt | Programme d'inspiration marxiste (Critiqué par Engels) |
1921 | Programme de Görlitz[8] | Programme à l'accent fortement révisionniste du MSPD |
1925 | Programme d'Heidelberg | Appelle à la formation des États-Unis d'Europe |
1959 | Programme de Godesberg | Le parti devient populaire |
1989 | Programme de Berlin | |
2007 | Programme de Hambourg[9] | Programme actuel du SPD |
4 Nombre d'adhérent·es[modifier | modifier le wikicode]
Au début du 20e siècle le parti connaît une hausse constante du nombre d'adhérent·es, passant de 384 327 en 1905/06 à 1 085 905 en 1913/14.
5 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ Jacques Droz, Histoire générale du socialisme, Tome 2, Chapitre premier - La social-démocratie allemande (1875-1914), 1983
- ↑ Letter to August Bebel, October 24, 1891
- ↑ Léon Trotski, Ma vie, 16. Deuxième émigration - le socialisme allemand, 1930
- ↑ Intervention du député social-démocrate Hugo Haase au Reichstag, 4 août 1914.
- ↑ Hugo Eberlein, cité par Josef Schleifstein, in Franz Mehring, Vie de Karl Marx
- ↑ Karl Kautsky, La préparation de la paix in Die Neue Zeit, 28 août 1914
- ↑ (de) « Programme d'Eisenach de 1869 » (consulté le 3 novembre 2013).
- ↑ (de) « Programme de Görlitz en 1921 » (consulté le 3 novembre 2013).
- ↑ (de) « Programme de Hambourg de 2007 » (consulté le 3 novembre 2013).