Différences entre les versions de « Soviet de Petrograd »

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En même temps, les deux partis, libéraux et socialistes, gardaient le décorum d'une complète amitié mutuelle. A la [[Congrès_panrusse_des_soviets|Conférence panrusse des soviets]], l'existence d'une [[dualité_de_pouvoirs|dualité de pouvoirs]] fut qualifiée d'invention. [[Kérensky|Kérensky]] assura aux délégués de l'armée qu'entre le gouvernement et le Soviet il y avait complète unité dans les tâches et les buts. Avec un zèle non moindre, la dualité de pouvoirs fut niée par [[Tsérételli|Tsérételli]], [[Fiodor_Dan|Dan]] et autres dirigeants du Soviet.
  
 
== Radicalisation et majorité bolchévique ==
 
== Radicalisation et majorité bolchévique ==

Version du 3 mai 2017 à 23:54

Jusqu'en 1918, la Russie utilisait le calendrier julien, qui avait à l'époque 13 jours de retard sur le calendrier grégorien. Le 23 février « ancien style » correspond donc au 8 mars « nouveau style » (n.s.).
Meeting du Soviet de Petrogard.jpg

Le soviet de Petrograd, plus exactement le soviet des députés ouvriers et des délégués des soldats de Petrograd, a été créé en Russie le 27 février 1917, lors de la révolution de Février. Il se voulait l'organe représentatif direct des travailleurs, et des soldats, de Petrograd. Il a pris de l'importance au cours de la Révolution russe comme un centre de pouvoir rival du gouvernement provisoire (dualité de pouvoir).

1 Avant 1917

Un premier soviet des travailleurs avait déjà été créé à Saint-Pétersbourg lors de la Révolution de 1905. Mais le précurseur direct du soviet de Petrograd de 1917 est le « Groupe central des travailleurs » (en russe Центральная Рабочая Група), fondé en novembre 1915 par les mencheviks pour prendre place entre les travailleurs et le nouveau Comité industrialo-militaire central de Petrograd. Le groupe s'est radicalisé au fur et à mesure que la situation militaire de la Russie lors de la Première Guerre mondiale empirait et que la situation économique s'aggravait, en encourageant des manifestations de rue et en délivrant des messages révolutionnaires.

2 Fondation du soviet

Le 27 janvier 1917 (a.s), les dirigeants du Groupe central des travailleurs sont arrêtés et emmenés sur les ordres du ministre de l'Intérieur, Alexandre Protopopov. Le 25 février 1917, lors d'une réunion interne, des mencheviks discutent pour la première fois de la restauration du Soviet de Petrograd[1].

Les ouvriers arrêtés par Protopopov sont libérés par une foule de soldats mécontents dans la matinée du 27 février 1917, au tout début[2] de la révolution de Février. Le même jour, une réunion est convoquée à l'initiative de deux mencheviks, K. A. Gvozdev et B. O. Bogdanov, pour organiser un soviet. La réunion est convoquée au nom d'un « Comité exécutif provisoire du Soviet des députés ouvriers » au palais de Tauride, qui avait abrité jusqu'alors les réunions de la Douma.

« Citoyens ! Les représentants des ouvriers, des soldats et de la population, réunis à la Douma, déclarent que la première séance de vos délégués aura lieu aujourd'hui à 7 heures du soir à la Douma de l'Empire. Que tous les soldats qui sont passés du côté du peuple choisissent sans retard leurs députés, à raison d'un par compagnie. Que les usines choisissent leurs députés dans la proposition d'un par 1000 ouvriers. Les usines de moins de 1000 ouvriers enverront également un député. »[3]

Malgré le délai très court, l'assemblée constituante a lieu, dans le plus complet désordre[4]. Selon certaines sources, 250 délégués sont présents, selon d'autres la plupart sont de simples curieux, 45 personnes seulement sont habilitées à voter. Un comité exécutif provisoire (Ispolkom) de huit ou neuf personnes est élu (aucune trace écrite de la réunion n'a été conservée)[1]. Les interrayons se voient attribuer un siège, contre deux sièges pour chaque parti socialiste national : les bolcheviks, les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires (SR).

Nicolas Tchkhéidzé[5] prend la tête de ce Comité exécutif provisoire. Il est secondé par Alexandre Kerenski et M. I. Skobelev (vice-présidents)[1]. Irakli Tsereteli[6] participe au comité jusqu'à ce qu'il rejoigne le Gouvernement provisoire. Participent aussi Gvozdev et des membres du CCIG, le premier leader du Soviet de 1905 (Khrustalov-Nosar) et quelques dirigeants socialistes de Pétrograd dont Sokolov et Pankov. Le journal Izvestia est choisi comme organe officiel du groupe. Le comité décide d'accepter les soldats au soviet.

Le 28 février 1917, des usines et certaines unités militaires élisent des délégués. Les élus sont majoritairement menchéviks (bolcheviks et SR obtiennent moins de 10% des voix). La procédure d'élection est cependant chaotique. Quinze jours plus tard, le soviet de Petrograd compte 3000 députés, dont 2000 soldats, bien que la ville compte environ 4 fois plus d'ouvriers que de soldats. Les assemblées plénières sont mal organisées, il n'y a aucun ordre du jour, chacun est libre de prendre la parole. Les délégués soldats déplaçaient vers la droite le centre de gravité politique, favorisés par le mode d'élection (tandis que les ouvriers élisaient un seul représentant par millier d'individus, de petits contingents militaires envoyaient fréquemment deux délégués).

Au début, un bon nombre d'individus furent admis au Soviet sur invitation personnelle, ou par protection, ou simplement grâce à leurs propres manigances - avocats et médecins radicaux, étudiants, journalistes - qui représentaient divers groupes problématiques, mais, le plus souvent, leurs ambitions particulières. Cette évidente altération du caractère du Soviet était volontiers tolérée par les dirigeants.

Le soviet avait une totalement légitimité parmi les ouvriers et soldats de la capitale. Il se chargea des approvisionnements, fit occuper la banque de l’empire, prit possession des bureaux de poste, des gares, des imprimeries. Sans sa permission, il était impossible d’envoyer un télégramme.

En parallèle, le 27 février également, des députés de la Douma forment un Comité provisoire pour « le rétablissement de l'ordre gouvernemental et public ». Entre ce comité et le soviet de Petrograd, de longues négociations aboutissent, le 2 mars 1917, à un compromis. Le soviet reconnaît, en attendant la convocation d'une Assemblée constituante, la légitimité d'un gouvernement provisoire à tendance libérale, composé majoritairement de représentants du Parti KD (et ne comptant aucun socialiste dans ses rangs). Cependant, le gouvernement provisoire de Russie est sommé d'appliquer un vaste programme de réformes démocratiques, fondé sur l'octroi des libertés fondamentales, le suffrage universel, l'abolition de la peine de mort, de l'antisémitisme d'Etat et de toute forme de discrimination légale, la suppression de la police, la reconnaissance des droits du soldat-citoyen et une amnistie immédiate de tous les prisonniers politiques. L’Église orthodoxe, sous tutelle depuis Pierre le Grand, s'organise librement. Cependant l'Eglise n'est pas séparée de l'Etat et de l'école, et la gestion de l'état civil lui est laissée... Le droit au divorce n'est pas accordé aux femmes.

3 Fonctionnement

Comme le Soviet remplissait des fonctions purement gouvernementales, et ce sur la demande du gouvernement même, quand il s'agissait de pacifier les masses, le Comité exécutif demanda une modeste subvention pour ses dépenses. Le gouvernement refusa et, malgré les instances réitérées du Soviet, resta ferme sur son terrain : le gouvernement ne peut dispenser des fonds d'État « à une organisation privée ». Le Soviet se tut. Le budget du Soviet tomba sur les ouvriers qui ne se lassèrent point d'ouvrir des souscriptions pour les besoins de la révolution.

En même temps, les deux partis, libéraux et socialistes, gardaient le décorum d'une complète amitié mutuelle. A la Conférence panrusse des soviets, l'existence d'une dualité de pouvoirs fut qualifiée d'invention. Kérensky assura aux délégués de l'armée qu'entre le gouvernement et le Soviet il y avait complète unité dans les tâches et les buts. Avec un zèle non moindre, la dualité de pouvoirs fut niée par Tsérételli, Dan et autres dirigeants du Soviet.

4 Radicalisation et majorité bolchévique

Après la répression qui suit les journées de juillet, le rapport de force entre le Soviet de Petrograd et le gouvernement provisoire penche nettement vers ce dernier. Kerensky cherche à le marginaliser autant qu'il peut. Le Soviet est poussé à déménager du Palais de Tauride vers l'Institut Smolny, une ancienne école de jeunes filles de la noblesse.

Le 26 septembre, le soviet de Pétrograd passe à majorité bolchévique, et Trotsky est élu à sa présidence.

Le gouvernement de Kérensky, dominé par les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks collaborant avec les possédants, ne pouvait tolérer la menace permanente qu'était pour lui le soviet révolutionnaire de Pétrograd. Il était clair qu'ils mettraient a profit la première occasion qui pourrait se présenter pour tenter de l'anéantir. Kerensky tenta aussitôt d'éloigner les troupes liées aux bolchéviks pour éloigner le danger. Les soldats et le soviet de Petrograd refusent. C'était symptomatique du basculement du pouvoir.

Le soviet de Petrograd mit en suite en place un Comité militaire révolutionnaire le 16 octobre 1917. Celui-ci visait à coordonner les troupes fidèles au Soviet plutôt qu'au gouvernement provisoire. Ce fut ce Comité militaire révolutionnaire qui réalisa l'insurrection du 25-26 octobre (a.s) 1917.

5 Notes et références

6 Bibliographie

  • Marc Ferro (préf. Marc Ferro), 1917. Les hommes de la révolution : Témoignages et documents, Paris, Omnibus, , 1120 p. (ISBN 978-2-258-08560-2)
  • Orlando Figes (trad. de l'anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat, préf. Marc Ferro), La Révolution russe : 1891-1924 : la tragédie d'un peuple, Paris, Denoel, , 1107 p. (ISBN 978-2-207-25839-2)
  • Richard Pipes (trad. de l'anglais par Jean-Marie Luccioni), La Révolution russe, Paris, P.U.F., coll. « Connaissance de l'Est », , 866 p. (ISBN 978-2-130453734), chap. 8 (« La révolution de Février »)