Mouvement ouvrier et socialisme au Japon

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Groupe de socialistes japonais en 1901. Au centre, Naoe Kinoshita. Le deuxième en partant de la droite est Katayama Sen. Les deuxième et troisième en partant de la gauche sont Abe Isoo et Shūsui Kōtoku.

Le socialisme et le mouvement ouvrier au Japon se développent à la fin du 19e siècle. Ils ont une histoire influencée par le contact avec les occidentaux, mais aussi inspirée par une réinterprétation de traditions philosophiques locales.

1 Origines

Tout d'abord, comme en occident, le socialisme émerge à partir du mouvement démocrate - et en critique de ses limites - comme l'a notamment souligné un des premiers intellectuels socialistes, Shūsui Kōtoku. Or ce mouvement, nommé Mouvement pour la liberté et les droits du peuple, c'est constitué de cette manière.

Toshihiko Sakai, socialiste et futur fondateur du premier Parti communiste, expliqua que sa génération s'était formée en lisant les écrits de ces premiers démocrates japonais. Pour certains historien comme Saburō Ienaga, il y a une filiation entre les démocrates de La société des amis de la nation (Minyûsha) à la fin des années 1880 et les premiers socialistes des années 1900. Ainsi le journaliste de la Minyûsha Matsubara Iwagorô publia une série de reportages sur la misère sociale dans les bas quartiers. C'est dans ce courant que l'on évoqua aussi pour la première fois en 1890 le Premier mai comme jour de célébration des luttes des travailleur·ses. Cependant c'est une minorité seulement des activistes de ces courants qui devinrent des socialistes.

2 Les premiers combats (1890-1910)

2.1 Critiques du système impérial

Dans les années 1900, un moine zen anarchiste, Uchiyama Gudō, écrivait :

Il y a trois sangsues qui sucent le peuple : l'empereur, les riches et les grands propriétaires terriens... Contrairement à ce que voudraient nous faire croire vos maîtres d'école et d'autres individus, l'empereur, grand patron du gouvernement actuel, n'est pas le fils des dieux. Ses ancêtres sont venus d'un coin de Kyûshû, tuant et volant en chemin...

Arrêté en 1909, il fut pendu en janvier 1911.

Quelques années plus tard, la jeune anarchiste Fumiko Kaneko, arrêtée sans raison en 1923 après le grand séisme,remit aussi en question l'empereur en déclarant à ses juges : « Si l'empereur est un dieu, alors pourquoi ses soldats doivent-ils mourir ? »

Une des critiques les plus radicales de l'idéologie impériale fut développée par le socialiste Ikki Kita. Il démonta notamment l'aura de continuité immémoriale de l'empereur, en soulignant la faiblesse des empereurs pendant les siècles du shogunat. Ikki Kita devint cependant dans les années 1930 un théoricien du socialisme d'Etat, évoluant vers l'ultranationalisme.

2.2 Combats autour de la mine d'Ashio

Depuis les années 1880, la mine de cuivre d'Ashio est exploitée de façon industrielle et devient l'une des mines les plus importantes au monde. Mais sa direction n'a aucune considération pour les conséquences pour l'environnement et les travailleurs. Rapidement, des pollutions massives dans les campagnes alentour provoquent des stérilisation des champs, qui ruinent les paysans locaux.

Un combat de longue haleine fut mené pour la cause de ces paysans, dirigé par Shōzō Tanaka, qui est considéré aujourd'hui comme un précurseur de l'écologie. Ce militant qui était aussi député popularisait la lutte, et dénonçait l'indifférence des capitalistes et de l'État. Il reçut le soutien de nombreux socialistes, même s'il reprochait à ceux-ci de se préoccuper davantage des ouvriers que des paysans.

Dans les années 1900, un syndicat inspiré par le Manifeste du parti communiste, et donc révolutionnaire et sans lien avec les syndicats officiels, est constitué à la mine d’Ashio sous le nom d’Association fraternelle des mineurs du Japon. La fin de la guerre russo-japonaise entraîne une dégradation de la condition ouvrière et une vague de grèves. Ne pouvant obtenir les améliorations qu’il voulait par la négociation, le syndicat lance une grève pour le relèvement des salaires et contre les conditions d’exploitation des ouvriers. Elle dure du 4 au . Le propriétaire de la mine, soutenu par le ministre de l’Intérieur Hara Takashi qui y possède des intérêts, fait appel à l’armée. Les ouvriers rouent de coups un des directeurs, s’emparent d’armes et de dynamite qu’ils utilisent pour faire sauter certaines installations. Les combats durent plusieurs jours et font plusieurs morts, dont le directeur de la mine.[1][2]

Cette grève est emblématique pour le mouvement ouvrier au Japon, et par la suite, la mine reste un haut lieu des luttes sociales. En , une nouvelle grève éclate, soutenue par Heibei Takao[3].

2.3 Internationalisme

Lorsque la guerre russo-japonaise éclate en 1904-1905, la plupart des anciens démocrates sont devenus des nationalistes qui soutiennent l'impérialisme japonais, et seuls les socialistes font entendre des voix opposées. Le Heimin shinbun (journal socialiste de la Heiminsha) publie une Lettre au parti socialiste russe, qui sera traduite en russe dans l'Iskra puis dans les principales langues occidentales par l'Internationale ouvrière. Ce fut dans ce contexte que Katayama Sen et G.V. Plekhanov, se rencontrent au congrès d'Amsterdam de l'Internationale, et se donnent une poignée de main qui fut un fort symbole d'internationalisme.

3 Bibliographie

Pierre-François Souyri, Moderne sans être occidental, Aux origines du Japon d'aujourd'hui, Gallimard, 2016

  1. T. Takahashi, « Esquisse du mouvement syndical au Japon », initialement publié en 1909 dans un journal de Chicago, consulté le 19 janvier 2011
  2. J.-P. V., « La situation des classes laborieuses au Japon », Échanges no 109, été 2004, publié le 8 mars 2005, consulté le 19 janvier 2011
  3. Notice du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, mise en ligne le 11 janvier 2011, consultée le 19 janvier 2011