Salaire socialisé

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Le salaire socialisé est une partie du salaire qui n'est pas versée directement au salarié, mais prélevée sur son salaire brut sous forme de cotisations sociales, et redistribuée à lui ou d'autres travailleurs sous formes de prestations (assurance chômage, sécurité sociale, pensions de retraites).

1 Principe et fonctionnement

1.1 Principe de répartition

Le salaire socialisé est un salaire qui revient à l'ensemble des travailleurs qui en ont besoin, et pas uniquement au salarié "pour qui" il a été versé. Le principe est de financer un pot commun, la sécurité sociale, répondant aux besoins de chacun.

Avant que la sécurité sociale existe, il revennait à chaque travailleur d'épargner pour prendre un jour une retraite, pour le cas où il tomberait malade ou pour le cas où il perdrait son emploi. Il va de soi que beaucoup n'y parvenaient pas, les salaires étant souvent trop bas, et que cela créé des inégalités énormes entre ceux qui peuvent facilement épargner, et ceux qui ont déjà du mal à boucler leurs fins de mois.

Il peut aussi y avoir une sécurité sociale qui ne repose pas sur les cotisations mais sur l'impôt. Mais dans ce cas, son financement est plus précaire (un impôt peut être facilement réaffecté par l'Etat) et plus injuste, car la fiscalité est en général régressive (elle pèse plus sur les plus pauvres). En pratique actuellement, la sécurité sociale reçoit souvent à la fois une part de salaire socialisé et une part d'impôts. En France par exemple, la "TVA sociale" est une façon de fiscaliser la sécurité sociale (la faire reposer sur l'impôt).

1.2 Super brut, net...

Le fonctionnement du salaire socialisé est assez commun à l'ensemble des pays capitalistes, et artificiellement compliqué.

Sur l'ensemble de la valeur créée par le travailleur, la distinction fondamentale en termes de classes est celle entre "salaire total" et plus-value que le patron empoche.

Ce salaire total n'apparaît pas clairement a priori, pourtant les patrons eux ne s'y trompent pas, car c'est lui qu'ils concèdent effectivement à la classe travailleuse. Ils l'appellent "coût du travail". Certains l'appellent salaire super brut.

Parmi ce salaire total, il y a :

  • le salaire net, que touche directement le salarié
  • le salaire socialisé, qui alimente la sécurité sociale

1.3
SalaireNetSuperBrutPlusValue.png
Cotisations salariales, cotisations patronales, salaire brut...

Le salaire socialisé est séparé entre cotisations salariales et cotisations patronales. C'est une séparation arbitraire et artificielle :

  • les deux sont tirées de la même valeur (créée par le travailleur, appropriée par le capitaliste et concédée par celui-ci)
  • les deux sont versées à la sécurité sociale
  • les patrons calculent eux le total de ce qu'ils concèdent aux salariés (salaire super brut ou "coût du travail")
  • cette distinction n'a aucun effet macroéconomique[1]

La seule différence arbitraire est que les cotisations salariales apparaissent sur la fiche de paie, parce qu'officiellement elles sont "versées par le salarié" alors que les cotisations patronales sont "versées par l'employeur"...

Le salaire brut est la somme du salaire net et des cotisations salariales. Il est arbitraire et artificiel lui aussi, puisqu'il n'englobe pas les cotisations patronales.

1.4 Salaire indirect, salaire différé, salaire mutualisé ?

Le salaire socialisé est parfois appelé salaire indirect, ou salaire différé.

Le terme "différé" est incorrect car il laisse entendre que cette part du salaire reviendra plus tard au travailleur, comme si entre temps elle dormait dans une caisse personnelle.

Le terme "indirect" est un peu plus juste mais il sous-entend également que cette part revient quand même précisément au travailleur qui l'a perçue.

En réalité, ces cotisations alimentent un "pot commun" qui sert à payer ceux qui sont aujourd'hui à la retraite, au chômage, ou malades. Si un salarié qui cotise actuellement est à la retraite ou au chômage des années après, ce sera plus du tout avec l'argent qu'il aura versé qu'il sera payé, mais avec les cotisations des salariés d'alors. En revanche, si un salarié tombe malade et est remboursé par la sécurité sociale, il peut considérer qu'une "proportion" de l'argent qu'il reçoit est due à ses cotisations actuelles... Quoi qu'il en soit, c'est bien le terme socialisé, ou salaire mutualisé, qui reflète le mieux ce système de solidarité entre travailleurs.

2 Historique en France

CotisationsSocialesFrance.jpg

Le poids des cotisations sociales a augmenté sous plusieurs effets :

  • augmentation du nombre de retraités avec le vieillissement de la population
  • augmentation du nombre de chômeurs avec le tournant néolibéral
  • augmentation des remboursements médicaux (avec les maladies professionnelles, celles dues à l'environnement dégradé, celles de la population âgée...)

Mais le graphe ci-contre ne signifie pas que le salaire net a diminué. Pour cela il faut prendre en compte l'augmentation des salaires bruts (rendue possible par les gains de productivité et les luttes des travailleurs).

Dans les années 1990, les gouvernements ont mené des politiques d'éxonérations de cotisations patronales, pour favoriser "baisser le coût du travail" et favoriser l'emploi, ce qui est effectivement un des seuls leviers sous le capitalisme. Les résultats n'ont pas été visibles sur l'emploi, mais d'après certaines études[2], le chômage serait bien plus élevé si elles n'avaient pas été réalisées. En revanche, ces "allègements" ont une conséquence directe : l'Etat doit compenser le manque à gagner du salaire socialisé, autrement dit, via les impôts régressifs, le prolétariat paie en grande partie pour ce qui était avant déboursé par le patronat.

PrélèvementsSalaireBrut.png

3 Notes et sources