Salaire à vie

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Le salaire à vie (aussi appelé salaire à la qualification personnelle ou salaire attaché à la personne) est un concept d'organisation socio-économique selon lequel la rémunération des travailleurs ne dépend plus de la valeur attribuée aux postes qu'ils occupent dans le mode de production capitaliste mais est « fondé sur la reconnaissance d’une qualification personnelle, irrévocable et ne pouvant que progresser.[1] » En France, l'idée est développée et promue par le sociologue et économiste Bernard Friot, notamment à travers le Réseau Salariat, et rendue populaire par une vidéo[2] d'Usul2000 sur sa chaîne Youtube.

Le salaire à vie est souvent confondu avec le revenu universel (ou revenu de base), bien que ce dernier ne cherche pas à remettre en cause le mode de production capitaliste, contrairement au salaire à vie.

1 Constats

Le capitalisme, et les contradictions qui lui sont inhérents, n'a pas réussi à tenir ses promesses : les crises économiques et financières sont de plus en plus violentes et les réformes néolibérales semblent ne pas fonctionner pour enrayer les phénomènes de chômage de masse, de baisses de salaires et de niveaux de vie, et de paupérisation croissante de la population. Au contraire, son aptitude à vouloir soumettre toutes les forces de travail à sa seule loi du profit apparaît comme plus en plus claire, notamment de par la régression du droit du travail et la remise en cause des conquis sociaux qu'il impose.

Le marché de l'emploi est devenu une impasse sur lequel toutes les générations, toutes qualifications confondues, et tous les corps de métier ne rencontrent plus d'offre. La « flexibilité du marché du travail », prônée par les gouvernants et censée résoudre les dysfonctionnements dans une conjoncture difficile, ne semblent mener les travailleurs que vers plus de précarité, avec d'un côté des salaires peu élevés ou des missions de courte durée, le droit pour l'employeur de licencier plus facilement sans contrepartie, et de l'autre côté des allocations-chômage faibles, limitées drastiquement dans le temps, et soumises à des conditions d'obtention de plus en plus restreintes couplées à des mesures de suspension de plus en plus étendues.

Bien que les taux directeurs des différentes banques centrales n'aient jamais été aussi bas, le crédit peine à financer l'économie réelle et les grands propriétaires capitalistes se servent du système financier à des fins spéculatives en abandonnant l'investissement dans l'appareil productif. Les États, affaiblis par les crises et la diminution de leurs revenus, ont de plus en plus recours aux marchés financiers et aux Partenariats Public-Privé (PPP) pour opérer des investissements dans les infrastructures nationales et les services publics. En conséquence, les déficits publics se creusent, les dettes publiques explosent et entraînent les institutions dans le cercle vicieux du financement par la dette et des hausses d'impôts et taxes sur les travailleurs, et a pour effets le ralentissement de la consommation, de la production, et la diminution des recettes de l'État.

Enfin, l'environnement, enclin à des changements brutaux et lourds de conséquences pour l'humanité, supporte de moins en moins le productivisme effréné du capitalisme, l'exploitation des ressources et les pollutions en résultant, menaçant l'équilibre de l'écosystème tout entier.

2 Concept

Fort de ces constats, Bernard Friot propose l'abolition de la propriété lucrative au profit de la propriété d'usage, la socialisation de la totalité des moyens de productions et de la valeur produite, et le salaire à la qualification personnelle. Sur le modèle de la Sécurité sociale, des coopératives, et des grades des agents de la fonction publique, chaque citoyen, à partir de 18 ans et jusqu'à sa mort, serait de fait co-propriétaire d'usage des moyens de production et, à ce titre, bénéficierait d'un salaire défini par la qualification attachée au travailleur (celle-ci ne pouvant que progresser grâce à la formation, jamais régresser) reconnaissant le statut de producteur de valeur, et du droit politique de gérer l'organisation de la production et de l'investissement.

2.1 Propriété lucrative et propriété d'usage

La notion de propriété lucrative, bien qu'elle n'ait pas de définition officielle, se caractérise par la possession d'un bien, de quelque nature qu'il soit, que le détenteur peut vendre, louer ou échanger à tout moment en vue d'en tirer un profit, un revenu, un avantage. Sa signification se confond en pratique avec l'acceptation courante de "propriété" tout court, mais l'adjectif "lucrative" qui lui est accolé insiste sur l'impératif rémunérateur que doit conférer in fine la possession du bien acquis, et permet de faire une distinction claire entre les différents principes de propriétés.

La propriété d'usage quant à elle peut se définir comme étant la possession par un individu ou un groupe d'individus d'un bien, quel qu'il soit, légitimé par son usage immédiat et/ou habituel, et dont la jouissance n'est plus exclusive à partir du moment où le bien n'est plus utilisé (soit immédiatement, soit habituellement) : la propriété d'usage se caractérise par sa valeur d'usage et son droit d'usage. Contrairement à la propriété lucrative, le propriété d'usage ne s'acquiert donc pas avec un titre de propriété, et ne peut donc pas être vendue, louée ou échangée contre une compensation économique ou financière.

Le concept de propriété d'usage est fondamental dans la pensée de Bernard Friot et sa théorisation du salaire à la qualification personnelle.

3 Principes

3.1 Propriété collective des moyens de production

Dans le système capitaliste, les moyens de production appartiennent à ceux qui détiennent un titre de propriété (c'est le cas des actionnaires, par exemple). À ce titre, ils peuvent jouir de leur propriété comme bon leur semble et tirer des bénéfices des moyens de production qu'ils détiennent (plus value) sans forcément prendre eux-mêmes part à la mise en mouvement de ladite production. Tous ceux qui n'ont pas de titre de propriété n'ont, dans ce système économique, aucun droit légitime sur l'organisation de la production et la répartition de la valeur créée, quand bien même ils auraient directement participé à l'activité productive et la création de cette valeur : c'est l'exploitation capitaliste.

Dans une économie socialisée, dans laquelle se place Bernard Friot et le salaire à vie, la totalité des moyens de production appartient à la totalité des travailleurs. Cela signifie que personne en particulier ne peut s'approprier de manière exclusive les profits réalisés par une ou plusieurs entreprises. C'est la fin de la propriété lucrative au profit de la propriété d'usage. À la différence d'un capitalisme d'État, qui confie la production, la valeur créée, les décisions stratégiques et les conditions de redistribution à une élite bureaucratique, tous les travailleurs sont ici les co-propriétaires, les co-gestionnaires et les co-bénéficiaires des moyens de productions, et de ce fait perçoivent un salaire selon leur qualification personnelle, qu'ils occupent un emploi ou non. Le versement de ce salaire et la maîtrise de l'investissement sont permis grâce à la socialisation de la valeur, inhérente au concept de Bernard Friot.

3.2 Socialisation de la valeur produite

La valeur produite par les agents économiques au cours d'une année dans un pays est aujourd'hui mesurée par le Produit Intérieur Brut (PIB). Selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE)[3], la richesse produite en France en 2014 s'élevait à 2130 milliards d'euros. Sur ces 2130 milliards d'euros :

  • 960 milliards (soit environ 45% du PIB) sont issus du secteur marchand non-capitaliste (entreprises individuelles, administrations publiques, ménages, institutions sans but lucratif au service des ménages),
  • 1170 milliards (soit environ 55% du PIB) sont issus du secteur marchand capitaliste, dont les sociétés financières et non-financières. C'est ce secteur que nous allons étudier plus en détail.
  • Sur ces 1170 milliards, 770 milliards sont reversé en salaires (bruts, nets, cotisations patronales et salariales) et les 350 milliards restants sont du profit.
  • Sur les 350 milliards de profits réalisés, 277 milliards servent à l'investissement (dans l'appareil productif ou non).

On peut en tirer deux conclusions importantes :

  • Une part importante de la richesse nationale est produite en dehors de la sphère capitaliste et du marché de l'emploi, validant l'idée selon laquelle il est tout à fait possible de créer de la valeur économique sans avoir besoin du mode de production capitaliste et de ses logiques d'employeurs et d'actionnaires.
  • Seuls 13% du PIB servent à l'investissement dans les moyens de production. Et, du fait que son pouvoir est détenu par les propriétaires capitalistes, l'investissement ne s'effectue qu'à leurs conditions, où ils le veulent, quand ils le veulent et s'ils le veulent, le plus souvent dans l'intérêt d'un retour sur investissement très rémunérateur quitte à ce qu'il aille à l'encontre de l'intérêt général.

Avec l'abolition de la propriété lucrative, la socialisation des moyens de production et de la valeur économique produite induites par le salaire à vie, les 2130 milliards d'euros ne se divisent plus en secteurs publics et privés (la distinction n'existe plus, chaque citoyen étant co-propriétaire de l'ensemble des moyens de production), ni en secteurs capitalistes et non-capitalistes (le capitalisme étant aboli de facto), ni en profits (la totalité des richesses produites étant détenues par la totalité des travailleurs) : ils sont répartis entre tous les citoyens et citoyennes, et leur bénéficient directement et indirectement (selon la répartition entre salaires et investissements directement gérés par eux-mêmes) de manière équitable en fonction de leur degré de qualification.

3.3 Les caisses

Dispositifs fortement inspirés du fonctionnement de la Sécurité sociale en France — surtout jusqu’au milieu des années 1960[4], les caisses permettent aux travailleurs, dans le cadre du salaire à vie, de collecter, gérer collectivement et démocratiquement, puis redistribuer la valeur créée et socialisée. Ces caisses financeraient, à l’instar de celles de la Sécurité sociale actuelle, les aléas de la vie comme la maladie, la retraite, la famille et les accidents professionnels, mais pas seulement. En effet, la totalité (ou la quasi totalité) de la valeur étant réunie sous forme de cotisations dans différentes caisses selon les différents buts qu’elles poursuivent, ces dernières permettent aussi de payer les salaires de tous les travailleurs salariés ou non, les services publics, les investissements, etc. Mais les caisses ne sont pas forcément centralisées et uniques selon le régime des cotisants comme le système actuel : elles peuvent s’organiser à l’échelle pertinente selon différents critères (géographiques, institutionnels, secteur activistes, etc.). Dans tous les cas, tous les travailleurs sont souverains des caisses auxquelles ils se rattachent et décident tous ensemble, de manière démocratique, de leur administration. Il peuvent, pour exercer cette souveraineté, prendre part directement au processus de décision ou bien élire des délégués, à l’instar des représentants des salariés (syndicats) qui gèrent toujours la Sécurité sociale française [5], épaulés par différentes experts dans leurs domaines.

3.4 La qualification personnelle

La qualification personnelle est un indice attestant d'un niveau d'aptitudes propres à un individu dans un domaine donné. Tout comme les grades militaires, les grades de la fonction publique ou bien encore les diplômes, celui ou celle à qui la qualification a été attribuée se voit en être titulaire, celle-ci ne peut être retirée et elle peut évoluée si de nouvelles aptitudes ont été reconnues à l'individu. Dans le cadre du salaire à vie, la qualification personnelle permet de fixer le montant du salaire perçu par le travailleur dans un secteur d'activités spécifique. La qualification personnelle est un progrès pour les travailleurs en ce qu'elle reconnaît à l'individu un statut de producteur de valeur, que ses activités s'inscrivent ou non dans le cadre d'un emploi. C'est un élément central dans le concept de Bernard Friot : c'est la matérialisation de la déconnexion entre le salaire et l'emploi[6], de la reconnexion du salaire avec le travail, seul producteur de valeur économique, et la passation du pouvoir économique de l'employeur vers le pouvoir économique du travailleur.

La qualification personnelle, dans les conditions du salaire à vie, est inspirée du grade des fonctionnaires. En France, dans la Fonction Publique d'État (FPE), « les emplois de fonctionnaire sont classés selon leur niveau de recrutement en 3 catégories, désignées par les lettres A, B, C »[7] selon les diplômes obtenus préalablement par les recrues. La catégorie C étant le niveau hiérarchique le plus bas, il n'est possible de passer aux catégories supérieures que par la promotion interne ou par les concours. Ces catégories sont elles-mêmes subdivisées en échelons qui évoluent d'après la durée de services et qui précisent le salaire du fonctionnaire sur la grille indiciaire. Tous ces niveaux sont fixés par des statuts particuliers, propres à chaque corps de métier au sein de la fonction publique. Le principe du salaire à vie transpose cet indice à l'ensemble des travailleurs et ils leurs revient de fixer eux-mêmes ses modalités (à l'image des conventions collectives négociées, à l'époque de leur création, entre les syndicats patronaux et ouvriers).

3.5 Disparition du marché de l'emploi

Le marché de l'emploi est le lieu, réel ou virtuel, où les offres d'emploi et de missions, émises par des entreprises publiques ou privées, rencontrent la demande des travailleurs à occuper un emploi ou à répondre à une mission.

C'est parce-que les détenteurs des moyens de productions jouent aussi le rôle d'employeur qu'ils peuvent choisir le montant de la rémunération attachée au poste à pourvoir, la personne qui le pourvoira, pendant combien de temps et dans quelles conditions. À l'inverse, celui qui n'est pas employé ou refuse les conditions d'un emploi ne sera pas rémunéré.

Le salaire à vie répond à cette asymétrie du pouvoir économique. Étant donné que tous les moyens de production sont co-détenus par tous les citoyens, et que les fruits de cette production sont répartis entre tous les citoyens selon leur qualification personnelle et non-plus selon le poste qu'ils occupent, il n'y a donc plus besoin d'un emploi pour percevoir un salaire. Et, même si le gérant d'une entreprise peut exercer le rôle de recruteur, celui-ci n'a plus le pouvoir de déterminer le salaire d'un de ses employés ou de lui en priver s'il décide de ne pas l'accepter au sein de la structure ou de s'en séparer, le salaire étant versé par la "caisse salaires" gérée collectivement au niveau local, national, continental ou international selon les échelles pertinentes de l'application du concept.

Dans cette organisation de l'économie, les pénuries de main d'œuvre dans une entreprise ou dans un secteur d'activité sont encouragées à être résolues grâce, par exemple, à des incitations à progresser plus rapidement sur l'échelle des qualifications. Et dans le cas d'excédents de main d'œuvre dans une entreprise ou un secteur d'activité, on dissuade l'arrivée de nouveaux entrants par des perspectives d'évolutions moins rapides sur l'échelle des qualifications, l'offre et la demande se régulant ainsi par la gestion collective des conventions unissant les travailleurs entre eux.

Avec la disparition du marché du travail, c'est aussi la notion de chômage qui disparaît : les chômeurs étant des travailleurs non-employés, ils perçoivent à ce titre leur salaire comme n'importe quel autre travailleur copropriétaire des moyens de production.

3.6 Investissements

Dans l'organisation capitaliste de l’économie, l'investissement est financé par le prélèvement d'une partie de la valeur créée par le travail et est dirigé à la seule discrétion des propriétaires des moyens de production. Le but ultime étant d'obtenir de ces investissements une plus-value après amortissement du coût d'investissement (le retour sur investissement)[8]. L'État, lui aussi, finance les investissements en prélevant une partie des richesses créées par les travailleurs, notamment via les impôts. À noter que l'État intègre depuis plusieurs décennies et de plus en plus la logique actionnariale propre aux entreprises privées, en exigeant des services publics qu'ils soient rentables tout en réduisant dans le même temps les investissements nécessaires à leur bon fonctionnement, enclenchant un cercle vicieux propice à leur privatisation. Au sein de l'État aussi, ce ne sont que quelques technocrates non-élus qui dirigent les investissements selon la politique du gouvernement en place, sans forcément prendre en considération l'avis des travailleurs pourtant quotidiennement au contact de leur outil de travail.

Le principe de socialisation des richesses promu par le Réseau Salariat et Bernard Friot vise à renverser cette logique. Suivant les principes d'organisation, de financement, et d'investissements de la Sécurité sociale, une partie de la valeur créée par les travailleurs serait reversée à une caisse spécifiquement dédiée aux investissements publics, gérée par les travailleurs eux-mêmes à travers leurs représentants élus et révocables. Ce mécanisme élimine donc automatiquement du processus d'investissement les prêteurs et leurs intérêts sur prêt, qui jouent aujourd'hui le rôle d'intermédiaires profiteurs entre le capital et la production. Ce sont également les impôts et taxes qui deviennent obsolètes, du fait de l'inutilité de prélever une part des bénéfices et des salaires pour financer l'investissement, ceux-ci étant directement versés dans les caisses "salaires" et "investissement", puis repartis par et entre les travailleurs, à leurs conditions.

Toutefois, Bernard Friot recommande que la valeur ajoutée produite par les entreprises et affectée aux investissements ne soit pas totalement collectée par les caisses publiques d'investissement. L'économiste estime qu'environ 15% de la valeur devrait rester dans l'entreprise pour assurer son auto-financement et son auto-gestion par les travailleurs coopérants, même si aucun chiffre n'est définitivement arrêté et est toujours en débat[9].

Concrètement, si la valeur totale des investissements à l’échelle nationale avait été socialisée en 2017, les travailleurs auraient pu gérer collectivement et démocratiquement 438 milliards 515 millions d'euros (si l'on retranche 15% de la formation brute de capital fixe totale en France pour l'année[10] au titre de l’auto-financement des entreprises), soit 19,1% du PIB[11] et autant pour rénover et rouvrir des salles de classes, des hôpitaux, des bâtiments et services publics, construire des routes, financer la recherche, etc.

4 Critiques marxistes

4.1 Extension ou abolition du salariat ?

Certains marxistes[12] font la critique du mouvement lancé par Bernard Friot, le Réseau Salariat, parce qu'il voudrait généraliser le salariat alors que le mot d'ordre marxiste classique est l'abolition du salariat.

Cependant il y a en grande partie une différence dans l'emploi des termes entre les deux bords de cette critique. Le salariat est, d'un point de vue marxiste, le rapport de domination des capitalistes sur les prolétaires, qui oblige ces derniers à vendre leur force de travail à des employeurs. De ce point de vue, si le salariat au sens de Friot était généralisé, le marché du travail serait supprimé, et donc le salariat au sens marxiste aboli. Une telle société correspondrait donc au mode de production communiste défendu par les marxistes.

4.2 Révolution ou extension graduelle ?

Le Réseau Salariat insiste sur les éléments déjà socialisés du salariat (Sécurité sociale et autres dérivés du salaire socialisé, fonction publique, qualifications...), et laisse entendre qu'il suffirait de généraliser ces éléments. Cependant, Friot n'aborde pas la question de la révolution, et laisse donc ouverte la possibilité d'une évolution graduelle, sans heurts, vers le communisme.[13]

Pour les militants communistes révolutionnaires, une telle évolution est impossible, parce qu'une extension de la socialisation du salaire provoquerait une vive réaction des capitalistes pour défendre leurs profits.

Par ailleurs, certains économistes marxistes[14] critiquent la vision de Friot selon laquelle tout le monde créé de la valeur (que ce soit au travail, sur son temps libre, etc.). Cette vision s'oppose au concept de Marx de travail productif, qui désigne les types d'emploi qui permettent la valorisation du capital. Nier cette distinction conduit à ne pas voir de problème dans l'extension graduelle de la sphère socialisée, qui pourrait finalement être tolérée par les patrons du secteur lucratif.

4.3 Quelle période de transition ?

D'autres critiques marxistes[12] soulignent que même en supposant une révolution socialiste victorieuse, le nouvel Etat révolutionnaire ne pourrait pas instantanément inclure l'ensemble de la population dans un même régime unique de salariat socialisé, car toutes les petites entreprises ne seraient pas immédiatement expropriées. Ainsi un régime de salariat (au sens de Friot) étendu et majoritaire (dans lequel seraient regroupés aussi bien les actuels fonctionnaires que les travailleurs des principales entreprises socialisées), devrait cohabiter avec des régimes adaptés à la petite bourgeoisie, au moins un certain temps.

5 Notes et références

  1. Définition par le Réseau Salariat
  2. Mes chers contemporains, Le Salaire à Vie (Bernard Friot)
  3. Comptes nationaux 2014 base 2010 de l'INSEE
  4. Une autre histoire de la Sécurité sociale, Bernard Friot et Christine Jakse – Le Monde Diplomatique, Décembre 2015
  5. Comprendre la Sécurité sociale – Qui dirige la Sécurité sociale ?
  6. Liberté, Égalité, Fraternité : jusqu'à quel point ? Ce Soir (Ou Jamais !), émission du 07/06/2013
  7. Carrière dans la fonction publique - Catégorie, corps, cadre d'emplois, grade et échelon : quelles différences ?
  8. Michał Kalecki : « Les capitalistes gagnent ce qu'ils dépensent, les travailleurs dépensent ce qu'ils gagnent. »
  9. Bernard Friot, « La cotisation, levier d’émancipation » - Monde diplomatique, Février 2012.
  10. Formation brute de capital fixe de l'ensemble des secteurs institutionnels par branche à prix courants - INSEE 2017 (base 2014)
  11. INSEE, comptes nationaux, base 2014.
  12. 12,0 et 12,1 Lutte ouvrière, Revenu garanti, salaire universel… ou abolition du salariat ?, Lutte de Classe n°177 - juillet-août 2016
  13. NPA, Un salaire à vie ? Débat avec Bernard Friot, août 2013
  14. Tendance CLAIRE du NPA, Les analyses stimulantes de Bernard Friot... et leurs limites, août 2013