Révolution belge (1830)

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La révolution belge de 1830 est un mouvement de révolte populaire - centré sur Bruxelles - qui a conduit la bourgeoisie à prendre la tête du nouvel Etat de Belgique, en séparant le pays du Royaume des Pays-Bas.

1 Contexte

1.1 Héritage de découpages

Cette région de l'Europe, interface entre des grandes puissances, a une longue histoire de morcellement. Au Moyen-Âge, les territoires de la Belgique et des Pays-Bas actuels étaient des fiefs rattachés de façon assez lâche aux rois de France ou du Saint-Empire germanique. Ils furent unifiés à partir du XIVème siècle, d'abord dans les Pays-Bas bourguignons. Au XVIème siècle, les "Pays-Bas" étaient en voie d'être davantage centralisés par l'absolutisme espagnol, lorsqu'a éclaté une des révolutions bourgeoises les plus précoces, formant la République des Provinces-Unies au Nord, tandis que le Sud passe sous domination autrichienne. Cette séparation, due à la lutte des classes et aux rivalités entre puissances, ne se fit absolument pas sur une base linguistique. La limite wallon-flamand est incluse dans la partie Sud.

Entre 1787 et 1790, la Révolution brabançonne éclate et les Pays-Bas autrichiens obtiennent une indépendance de courte durée, avant que l'armée autrichienne reconquière le pays. En 1792, les révolutionnaires français, en guerre notamment contre l'Autriche, envahissent les Pays-Bas autrichiens. Après une défaite de la France en 1793, celle-ci reprend le contrôle de ce territoire, qui devient sous l'Empire napolénien un département français.

1.2 Mutation bourgeoise

Durant cette période, une intégration politique et économique commence à se dessiner avec la France, et la bourgeoisie belge, qui se développe, est francophile. Ce sentiment est en revanche moins partagé dans la population, notamment rurale, du fait de la guerre, la conscription, les impôts, les troubles religieux...

Sur le modèle français, les privilèges de la noblesse sont abolis, le territoire est politiquement unifié (fin de la principauté de Liège, impôts uniques, Code civil, système métrique...). La Belgique connaît vers 1797 une vague d'anticléricalisme qui reflue avec le Concordat de 1801. La langue française, déjà présente depuis longtemps, devient la langue des élites de tout le pays, supplantant le néerlandais dans l'administration.

Auparavant, les multiples barrières douanières des différents fiefs et des puissances voisines (Provinces-Unies, France...) freinaient le commerce. Si les guerres ruinent d'abord le pays, à partir de 1799 et de la stabilisation politique sous Napoléon, la Belgique commence à connaître sa révolution industrielle, et la bassin houiller wallon devient une des régions les plus prospères d'Europe. Par ailleurs, le blocus continental face aux marchandises anglaises profite grandement au port d'Anvers.

1.3 Le rattachement de 1815

Lorsque la France est vaincue, beaucoup pensent que la Belgique a vocation à devenir indépendante. Le baron de Horst, commissaire prussien chargé de gérer temporairement le pays, pense notamment l'indépendance imminente. Mais le Royaume-Uni, alors en plein essor et puissance de loin dominante, parvint à convaincre au Congrès de Vienne (1815) de la réunion de l'ensemble des anciens Pays-Bas. Ce fut le Royaume des Pays-Bas, décidé par dessus la tête des belges. Il s'agissait pour le Royaume-Uni de créer un Etat-tampon plus solide pour résister aux ambitions éventuelles de la France.

Les classes possédantes belges aspiraient à s'insérer de plein droit dans l'Europe bourgeoise en train de naître, mais elles avaient aussi conscience de la faiblesse de la Belgique seule. C'est sans doute pour cela qu'il n'y a pas eu de mouvement nationaliste très puissant, et beaucoup d'hésitations. La bourgeoisie belge espère compenser la perte du marché français avec les colonies néerlandaises, même si elle voit d'un mauvais oeil le fort endettement du nouveau partenaire. Des ressentiments sont néanmoins présents, qui trouvent à se cristalliser sur le clivage religieux (Belgique catholique, Pays-Bas protestants).

1.4 Crise et éveil des nationalités

Entre 1829 et 1831, de nombreux soulèvements ont lieu en Europe. Il y avait à la fois une crise économique et une idéologie bourgeoise mêlant nationalisme et romantisme. En 1829, une mauvaise récolte provoque la hausse des prix des aliments, et se combine à un fort chômage en 1830, notamment dû à la mécanisation. Dans le cas de la Belgique, il semble que ce soit surtout ce mécontentement parmi les ouvriers, les artisans et le "petit-peuple" en général qui ait été le facteur dominant.

2 Événements

2.1 La révolte d'août 1830

Les bruxellois sont particulièrement sensibles à la révolution de juillet en France. Dans les rues, des tracts, affiches et graffitis apparaissent, des lectures publiques de journaux français echauffent les esprits et des rubans tricolores s'affichent en tant que symbole de "liberté". Les représentations de la pièce La Muette de Portici sont l'occasion d'une forte agitation plébéienne. Le pouvoir se raidit et prend des mesures préventives : interdiction de la La Muette de Portici, renforcement des garnisons, annulation de l'exercice de la garde communale de Bruxelles, du feu d'artifice et des illuminations prévus pour l'anniversaire du roi Guillaume 1er...

Mais le 25 août, après une représentation autorisée de la pièce subversive, le public reprend le cri de "Vive la liberté !" et une foule se rassemble sur la place de la Monnaie, et pilla ensuite la demeure du publiciste orangiste Georges Libri-Bagnano. Lorsque deux piquets d'infanterie arrivèrent, leur commandant reçut un meuble à la tête avant d'avoir donné l'ordre d'intervenir., et les piquets n'osèrent attaquer.

La foule pilla une armurerie, un magasin de jouets (pour prendre des tambours), la librairie polymathique, les Grandes Messageries. Plus tard, un groupe mis a sac l'immeuble du directeur de la police, mais les services d'ordre tuent deux insurgés et stoppent l'agitation. Un autre groupe attaqua la maison du procureur du roi, puis le ministère de la Justice. Les autorités firent une vingtaine de morts et purent à peine défendre les palais du roi et du prince d'Orange, tandis que les violences continuèrent une bonne partie de la nuit.

2.2 La bourgeoisie prend la tête du mouvement

Dès le lendemain matin, les pillages reprennent, visant à la fois les lieux de pouvoir et les boutiques. La bourgeoisie, réalisant que les autorités légales étaient dépassées et se sentant menacée, créa une garde bourgeoise, afin de rétablir l'ordre. Le 26 août au soir, c'était presque chose faite au centre de Bruxelles, mais les émeutiers se déplacèrent vers la périphérie, où ils attaquèrent des fabriques et y détruisirent des machines. La matinée du 27 fut calme, mais vers dix heures, la foule brûla les décoration du parc. Au soir, lors d'un incident à la place Royale, la garde bourgeoise tira sur les émeutiers.

Mais pour calmer les esprits, la bourgeoisie devait aussi élaborer une idéologie fédératrice. Comme des drapeaux français étaient fichés en plusieurs endroits de Bruxelles, un drapeau tricolore aux couleurs brabançonnes fut confectionné dès le 26 août et arboré par la garde.

La bourgeoisie, qui assurait à présent le maintien de l'ordre dans Bruxelles, pressait le roi de faire des concessions aux provinces du Sud, essentiellement pour calmer les esprits. Le 28 août, elle envoya une délégation auprès du roi pour demander la convocation des États généraux. Mais elle n'allait plus loin qu'une demande d'autonomie relative[1], et se voulait conciliante avec les néerlandais. Par exemple, beaucoup proposèrent pendant deux mois que le prince Guillaume d'Orange, apprécié des industriels belges, devienne le souverain local, pour instaurer une monarchie constitutionnelle diplomatiquement acceptable vis-à-vis des voisins. Le chef de la garde, Emmanuel d'Hooghvorst, assurera le prince d'Orange le 31 août que le drapeau brabançon ne visait qu'à éloigner toute idée de rattachement à la France.

Dans le reste du pays, la bourgeoisie prit les devants. Souvent, une garde bourgeoise (à Liège, Verviers, Namur, Dinant, Mons, Tournai, Charleroi, Bruges, Courtrai, Gand, Grammont, Anvers, Geel, Tongres, Hasselt, Saint-Trond, Louvain) ou une commission de sûreté (à Liège, Verviers, Huy et Namur) fut créée, parfois avant même que n'éclatent les troubles. Parfois, des volontaires décidèrent de partir pour Bruxelles pour contrer une éventuelle attaque hollandaise. Les Liégeois s'organisèrent ainsi et c'est derrière le drapeau rouge et jaune de la principauté de Liège, brandi par Charles Rogier que, le 4 septembre 1830, les volontaires quittèrent Liège pour Bruxelles.

2.3 Négociations

Les négociations commencent alors entre la royauté des Pays-Bas et la bourgeoisie belge. Le 30 août, les princes d'Orange Guillaume et Frédéric (commandant en chef de l'armée) arrivèrent à Vilvorde (près de Bruxelles) avec 6000 soldats. Le 31 août, Guillaume Ier reçut les délégations liégeoises et bruxelloises, mais renvoya toute décision aux États généraux, convoqués pour le 13 septembre. Le même jour, le prince d'Orange convoqua à Vilvorde les leaders bruxellois, dont Hooghvorst. Le prince exigea l'abandon du drapeau brabançon et annonça qu'il entrerait le lendemain dans Bruxelles avec son armée. En l'apprenant, le peuple de Bruxelles commença à dresser des barricades dans les rues. Le soir, la garde bourgeoise envoya une nouvelle délégation auprès des princes, pour les tempérer.

Le lendemain, Guillaume d'Orange entra finalement dans Bruxelles seulement accompagné de son état-major et de la garde bourgeoise. Il constata l'hostilité populaire et se laissa convaincre par la garde bourgeoise de plaider auprès de son père la cause de la séparation administrative des provinces du Nord et du Sud. Il retourna donc aux Pays-Bas. Mais Guillaume Ier ne réagit pas pendant plusieurs semaines.

Tandis que les membres belges des États généraux se rendirent le 13 septembre à La Haye, les incidents de Bruxelles reprirent un caractère violent, surtout après l'arrivée de renforts armés venus de Liège, le 7 septembre. Spontanément apparurent des corps francs, dirigés par des chefs élus ou autoproclamés.

2.4 Journées de septembre

Le gouvernement envoya le 23 septembre une armée de 12 000 hommes sur Bruxelles, ne tenant pas compte des suppliques de la garde bourgeoise. Les leaders de celle-ci s'enfuirent aussitôt de la ville attaquée. Mais la population, avec ses corps francs et ses renforts de province, opposa une farouche résistance.

Aux portes de la ville et dans quelques rues étroites de la ville basse, comme la rue de Flandre, l'armée recula devant la résistance des émeutiers qui tiraient des fenêtres et des toits, les femmes faisant pleuvoir toutes sortes d'objets sur les soldats, meubles, fourneaux, pots de chambre. Dans la ville haute, dans le quartier des palais royaux, l'armée ne put aller au-delà du parc de Bruxelles sous les coups des patriotes qui y avaient érigé des barricades, la plus grande à l'entrée de la place Royale, et d'autres dans les rues perpendiculaires à la rue Royale et à la rue Ducale. Ces positions étaient complétées par l'occupation d'insurgés dans les maisons et hôtels bordant ces deux rues. On en avait creusé les murs mitoyens pour constituer un système continu de passages qui permettaient aux combattants d'entourer le parc sur trois côtés.

Le 24 septembre, les principaux leaders bourgeois revenus à Bruxelles comprirent que la plèbe gagnait, et qu'ils avaient intérêt à se placer à sa tête. Ils fondèrent une commission administrative qui s'installa à l'hôtel de ville, composée notamment de Emmanuel d'Hooghvorst, André Jolly et Charles Rogier. Ils nommèrent commandant en chef un ex-militaire, don Juan Van Halen, qui rationalisa et renforça l'insurrection.

L'armée néerlandaise fut mise sur la défensive, et battit en retraite dans la nuit du 26 au 27 septembre. La commission administrative se transforma alors en gouvernement provisoire de la Belgique. Entre-temps, les nouvelles de province annonçaient que, un peu partout, les soulèvements patriotes triomphaient. Après Bruxelles et Liège, Anvers et Gand étaient même le théâtre de véritables combats, tandis que des volontaires accouraient des campagnes. Seule une partie de la bourgeoisie de Flandres resta fidèle au roi des Pays-Bas.

2.5 Affermissement de la révolution

Le 29 septembre, les États généraux acceptent le principe de séparation administrative, mais il est trop tard : les Journées de septembre ont définitivement détourné les Belges de Guillaume Ier. Le 4 octobre 1830, le Gouvernement provisoire proclame l'indépendance de la Belgique. Il annonce la rédaction d'un projet de constitution et la convocation prochaine d'un Congrès national. Guillaume Ier en appelle alors aux grandes puissances conservatrices (Prusse, Autriche, Russie). La Russie offre une aide militaire aux Pays-Bas, mais l'insurrection polonaise empêchera ces renforts.

Le 5 octobre, le prince d'Orange arrive à Anvers pour négocier avec les autorités belges en vue d'accéder au trône de Belgique. En effet, une bonne partie des leaders (Charles de Brouckère, Joseph Lebeau, Lucien Jottrand) considérait que donner le trône de Belgique au prince d'Orange était la seule solution pour obtenir l'assentiment des puissances à l'indépendance de la Belgique. Cette solution avait également l'avantage de préserver l'industrie belge du risque de fermeture des marchés hollandais et indonésien. Charles de Brouckère rencontre le prince le 8 octobre.

Les soldats gouvernementaux, en large majorité originaires des régions où on les envoyait, furent gagnés en masse par les révolutionnaires et désertèrent. Dans certaines garnisons, les officiers hollandais furent emprisonnés par leurs soldats. À partir du 16 octobre, la déliquescence de l'armée s'accéléra encore quand le prince Guillaume proclama aussi l'indépendance des provinces méridionales et déclara son intention de scinder l'armée en divisions nordistes et sudistes. Le 26 octobre, le prince d'Orange quitte Anvers tandis qu'y entrent les volontaires belges. Les troupes loyalistes se cantonnent à la citadelle et aux navires militaires sur l'Escaut, et signent un cessez-le-feux. Mais des tirs de volontaires belges indisciplinés provoquent de lourdes représailles, qui font 85 morts et détruisent une grande partie d'Anvers. C'est alors l'ensemble de la Maison d'Orange qui est conspuée par la Belgique.

Fin octobre, les révolutionnaires contrôlent tout le pays (y compris le Luxembourg et le Limbourg qui n'étaient pas encore divisés) à l'exceptions de quelques citadelles (celles d'Anvers, de Maastricht et de Luxembourg-ville). À partir de novembre, les positions militaires se consolident et on tente de parvenir à un cessez-le-feu. Le 3 novembre se tiennent déjà des élections pour le Congrès national. Celui-ci siège pour la première fois le 10 novembre et confirme huit jours plus tard à l'unanimité la déclaration d'indépendance « à l'exception des relations du Luxembourg avec la Confédération germanique ». Le Congrès national belge vote le 23 novembre l'exclusion à perpétuité de la Maison d'Orange-Nassau du trône de Belgique.

2.6 Normalisation et jeu diplomatique

La question de l'avenir de la Belgique est posée, par les bourgeois belge mais surtout par les grandes puissances européennes.

Il y a une certaine francophilie parmi les révolutionnaires, et ils choisissent d'abord le 3 février le Duc de Nemours, fils du roi des Français, pour devenir roi des Belges. Mais les autres puissances, en particulier le Royaume-Uni, ne veulent pas de ce renforcement de la France. Celle-ci n'a alors pas la force de s'imposer, et de plus la bourgeoisie française craint la concurrence de l'industrie wallone plus avancée - en particulier avec les investissements de John Cokerill dans la sidérurgie - une fois intégrée au marché hexagonal. La France décline donc l'offre.

Un compromis se dessine alors avec la proposition de couronner Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha, un prince anglo-allemand. Après des tractations au sujet des limites du nouveau pays et particulièrement du Limbourg et du Luxembourg, cette proposition recueille l'assentiment général, et l'enthousiasme du Royaume-Uni. Le 21 juillet 1831, le premier roi des Belges est couronné sous le nom de Léopold Ier et un ministère rassemblant catholiques et libéraux (compromis unioniste) est constitué. Le 23 janvier 1831, il fut décidé de reconnaître officiellement le drapeau brabançon comme celui de la Belgique indépendante.

2.7 Dernières tentatives néerlandaises

Mais le 2 août 1831, l'armée néerlandaise marche sur Bruxelles (campagne des Dix-Jours). Elle ne rencontre qu'une faible résistance de la part d'une jeune armée belge en pleine formation. Il ne s'agit plus de guerilla des campagnes et de combats de rue. Les Belges ont en face d'eux une armée régulière avec des généraux expérimentés issus des armées de Napoléon qui font manœuvrer leurs troupes en rangs serrés sous la couverture d'une forte artillerie. Mais un corps de volontaires du Limbourg mené par de Brouckère menace leurs arrières en attaquant leurs communications et leurs approvisionnements, tandis qu'une armée française, baptisée Armée du Nord, franchit la frontière le 10 août et marche sur eux. L'état-major néerlandais retire alors ses troupes qui se trouvaient déjà devant Louvain. Retirés dans la forteresse d'Anvers, les néerlandais bombardent à nouveau la ville, ce qui entraîne des centaines de morts civils et achève de soulever la population contre les Pays-Bas.

Les Hollandais s'obstinent à tenir la forteresse d'Anvers et, en conséquence, le roi Léopold Ier, recourant à la garantie des puissances, demande une deuxième intervention française. Un nouveau siège d'Anvers commence le 30 novembre. Cette fois, les volontaires belges se voient interdire de combattre. On craint leurs débordements. C'est que le souvenir de la révolution brabançonne de 1789 est toujours vivace parmi les hommes politiques belges, surtout catholiques, qui se souviennent des libéraux bruxellois qui, à l'époque, avaient disputé le pouvoir au parti dit « de l'ordre ». Chez les Français, la réaction est la même s'agissant du souvenir des débordements populaire de la révolution française. La conséquence inattendue et bénéfique de cet interdit est que les volontaires s'en vont grossir les rangs de la nouvelle armée belge, ce qui contribue à la défense victorieuse des digues de Doel contre les Hollandais qui menacent de les détruire dans le but d'inonder la campagne autour d'Anvers.

Finalement, l'armée hollandaise de forteresse se rend le 23 décembre. Prisonniers, les Hollandais seront libérés en 1833, mais il faudra encore attendre 1839 pour que les Pays-Bas reconnaissent l'indépendance de la Belgique, par le traité des XXIV articles. À ce moment, la Belgique fut obligée de rendre une partie du Limbourg, mais put garder la moitié du Luxembourg dont le traité précédent l'avait privée en entier. Il fallut aussi accepter la fermeture de l'Escaut modérée par un péage qui perdurera jusqu'à ce que le ministre Charles Rogier, un des chefs révolutionnaires de 1830 devenu premier ministre, conclue un accord de rachat forfaitaire du droit de péage, en 1863.

3 Evolutions ultérieures

3.1 Conséquences économiques

Dans l'immédiat, la scission affaiblit l'économie du pays.

En particulier, elle fut une catastrophe économique pour l'industrie textile à Gand. En 1832, elle ne traitait plus que deux millions de kilos de coton, contre 7,5 millions de kilos en 1829. Beaucoup de travailleurs se retrouvèrent au chômage et les autres ne gagnaient plus que 30 % de leur salaire de 1829. Dans la ville portuaire d'Anvers le trafic maritime diminua drastiquement. En 1829 le trafic s'élevait à 1 028 navires et 129 000 tonnes. Cette année-là, on déchargea à Anvers deux fois plus de biens qu'à Rotterdam et à Amsterdam réunis. En 1831, le nombre de navires tomba à 398 et le commerce avec les colonies fut réduit à néant. Ceci nourrit un sentiment orangiste dans les classes aisées, particulièrement parmi le patronat textile gantois. Malgré leur puissance financière, cette tendance resta cependant minoritaire, face à la volonté d'indépendance qui animait l'immense majorité des Belges.

A plus long terme, la révolution industrielle s'accéléra et fit de ce pays-carrefour la deuxième puissance économique de l'Europe à la fin du XIXème siècle.

3.2 Un Etat unitaire wallon

Après la Révolution, l'Etat ruiné construisit peu d'écoles publiques en comparaison de la période néerlandaise. Dans l'administration, le français fut imposer à tout le pays. Mais en conséquence du compromis unioniste, les libéraux laissèrent les catholiques dominer l'enseignement en Flandre. Tandis que l'industrialisation de la wallonie facilitait la francisation et la déchristiannisation, une différenciation culturelle s'est faite jour entre le Nord et le Sud, support de la crise actuelle.

L'Etat ainsi créé était et allait rester dominé par la bourgeoisie wallone jusqu'à la fin du XXème siècle. Il est longtemps resté unitaire et profondément méprisant à l'égard de la communauté flamande. La grande bourgeoisie flamande, elle, s'adaptait et parlait français.[2]

Après la Première Guerre mondiale, la conscience de l'oppression du peuple flamand fait un bond en avant, lorsque les soldats flamands, qui recevaient des ordres en français, reviennent du front. Après cinq réformes (1970, 1980, 1988, 1993, 2001), la Belgique devient officiellement un État fédéral, avec trois communautés (flamande, française et germanophone) et trois régions (flamande, wallonne, bruxelloise).

3.3 Annexions et pertes

Les provinces de Limbourg et de Luxembourg firent partie de la Belgique indépendante jusqu'en 1939, mais suite au traité de Londres le nouvel État ne put garder qu'une partie de ces provinces (les actuelles provinces de Limbourg et de Luxembourg).

En 1919, la Belgique reçoit par le traité de Versailles une partie de l'Allemagne (les "Cantons de l'Est"). En dehors d'une ré-annexion allemande durant la Seconde guerre mondiale, ils sont restés belges depuis.

4 Notes et sources

Jacques Logie, De la régionalisation à l'indépendance, 1830 Jean Stengers, Histoire du sentiment national en Belgique des origines à 1918

  1. En septembre 1830 encore, la presse belge (Le Politique, Le Courrier de la Meuse, Le Courrier des Pays-Bas), ne parlait pas d'indépendance.
  2. La question nationale en débat, LCR, 2007