Différences entre les versions de « Rosa Luxemburg »

De Wikirouge
Aller à la navigation Aller à la recherche
Ligne 67 : Ligne 67 :
 
</blockquote>
 
</blockquote>
  
== Rosa Luxemburg et la question nationale ==
+
==Rosa Luxemburg et la question nationale==
Rosa Luxemburgavait une position qui était qualifiée «d'internationalisme intransigeant». Elle mettait la lutte des classes avant toute chose, et refusait tout compromis avec la moindre revendication nationale.
+
Rosa Luxemburg avait une position qui était qualifiée «d'internationalisme intransigeant». Elle mettait la [[Lutte des classes|lutte des classes]] avant toute chose, et refusait tout compromis avec la moindre [[Question nationale|revendication nationale]].
  
 
Cela la conduisait à rejeter la revendication du [[Droit des peuples à l'autodétermination|droit des nations à l’autodétermination]], jugé être un obstacle supplémentaire à l’union internationale du prolétariat, ce qui la conduisit à polémiquer avec les bolchéviks. Elle admet la nationalité comme fait culturel mais s’oppose fermement à l’État-nation.
 
Cela la conduisait à rejeter la revendication du [[Droit des peuples à l'autodétermination|droit des nations à l’autodétermination]], jugé être un obstacle supplémentaire à l’union internationale du prolétariat, ce qui la conduisit à polémiquer avec les bolchéviks. Elle admet la nationalité comme fait culturel mais s’oppose fermement à l’État-nation.
  
Sur la question juive, elle était comme Lénine, Trotski et la plupart des leaders socialistes (y compris juifs), avant tout pour l'assimilation. Son intransigeance en la matière l’amènera à considérer le [[Bund juif|Bund]] avec une hostilité permanente. Quant au sionisme, elle l’accuse d’édifier un ghetto en Palestine. Rosa Luxemburg, une Juive née dans un shtetl de Pologne et ayant choisi l’allemand afin de promouvoir la lutte révolutionnaire n’accepte du judaïsme ni la nationalité juive ni le yiddish, une langue qu’elle méprise.  
+
Sur la [[Question juive en Russie|question juive]], elle était comme la plupart des leaders socialistes (y compris juifs), avant tout pour l'assimilation. Son intransigeance en la matière l’amènera à considérer le [[Bund juif|Bund]] avec une hostilité permanente. Quant au sionisme, elle l’accuse d’édifier un ghetto en Palestine. Rosa Luxemburg, une Juive née dans un shtetl de Pologne et ayant choisi l’allemand afin de promouvoir la lutte révolutionnaire n’accepte du judaïsme ni la nationalité juive ni le yiddish, une langue qu’elle méprise.  
  
 
==Le luxemburgisme et la postérité==
 
==Le luxemburgisme et la postérité==

Version du 25 septembre 2019 à 18:06

RosaLuxemburg.png

Rosa Luxemburg (1871–1919) était une militante marxiste d'origine polonaise, dirigeante de la gauche du Parti Social Démocrate d'Allemagne. Elle participa à l'enrichissement théorique du socialisme scientifique, à la lutte contre le révisionnisme de Bernstein, et mourut au cours du soulèvement spartakiste, assassinée par le pouvoir social-démocrate...

1 Biographie

1.1 Premières armes

Rosa Luxemburg est née en mars 1871[1] à Zamosc, dans la partie de la Pologne alors occupée par la Russie. Elle passa sa jeunesse à Varsovie. A seize ans, elle adhère au groupe marxiste-révolutionnaire «Parti du Prolétariat». La police la repère rapidement, et elle s'exile en Suisse. Elle y étudia les mathématiques et les sciences, puis le droit et l'économie politique. Elle présenta une thèse de doctorat sur «Le développement économique de la Pologne» (mars 1897). Comme militante, elle participe dès 1894 à la rédaction du journal de son parti «Sprawa Robotnicza».

La même année, elle participe au congrès de la Deuxième Internationale à Paris, en tant que déléguée polonaise. L'année suivante, elle est l'une des fondatrices du SDPKiL (parti social-démocrate de Pologne et Lituanie), parti qui sera par la suite proche du parti russe (le POSDR, non encore créé à l'époque), du fait que la Pologne fait partie de l'Empire russe.

1.2 Militante allemande et internationaliste

En 1897-1898, un tournant important se produit dans sa vie. Grâce à un mariage blanc, elle obtient la nationalité allemande, ce qui lui permet de prendre part à la vie de la "puissante" social-démocratie allemande (SPD).

Cependant elle reste impliquée dans le mouvement révolutionnaire en Pologne et en Russie : elle est toujours membre du SDPKiL où son ami Léo Jogiches joue un rôle central. Lors de la Révolution russe de 1905, elle se précipite à Varsovie pour y participer, ce qui lui vaut d'être arrêtée et emprisonnée. Elle intervient dans le POSDR, notamment au Congrès de Londres (1907) où toutes les questions stratégiques sont mises sur la table.

Mais le centre de gravité de son activité militante est désormais l'Allemagne. Grâce à son talent, elle s'intègre vite au cercle dirigeant de la gauche du SPD, avec Karl et surtout Louise Kautsky, le président incontesté August Bebel, l'historien Franz Mehring et la féministe Clara Zetkin. Sans faire partie de la direction, elle est au premier plan dans les débats intellectuels, politiques et stratégiques pendant les congrès nationaux et internationaux.

1.3 Pédagogue et refusant l'édulcoration

Elle milite comme pédagogue (dans l'école du parti), publiciste (brochures, articles, livres), propagandiste et agitatrice: dans une série de meetings qui font impression, elle dénonce le militarisme grandissant et les préparatifs de guerre, elle plaide pour un tournant radical dans la stratégie ouvrière: la grève générale ("grève de masse") comme moyen de transformer la Prusse en une république démocratique, qui évitera la guerre mondiale et préparera la prise du pouvoir.

Elle se lancera dans les années 1898 dans la polémique contre le révisionnisme d'Eduard Bernstein, dans des articles réunis sous le titre Réforme sociale ou révolution?.

Dans Grève de masse, parti et syndicat (1906) elle dresse le bilan de la Révolution Russe de 1905 (brisée en décembre 1905), avec pour principal objectif de convaincre le SPD de changer de stratégie. Mais elle se heurte avec l'aile parlementaire du Parti et la bureaucratie syndicale qui se sont réconciliées de fait avec le capitalisme allemand et l'État prussien. Le combat est sans merci, et débouchera sur la catastrophe de 1914: le SPD votera les crédits militaires. La majorité des sections de la Deuxième Internationale le feront aussi, chacune dans son pays: des travailleurs tireront sur des travailleurs, des socialistes sur des socialistes!

1.4 L'analyse du capitalisme

L'analyse concrète du développement du capitalisme restera une de ses préoccupations centrales toute sa vie. On le voit notamment avec ses cours « Introduction à l'économie politique » (1907-1912) et son ouvrage « L'accumulation du capital » (1913). Elle y développe cependant une thèse controversée, où elle soutient que Marx s'est trompé dans l'analyse des schémas de reproduction, et que le capitalisme contemporain est en train d'atteindre une limite objective de par la saturation des marchés mondiaux. Il s'agit d'une volonté de théoriser un stade impérialiste à partir de la base économique, comme le fera aussi Lénine peu après. Mais Lénine et d'autres marxistes critiquèrent la théorie de Luxemburg, y voyant une analyse sous-consommationniste.

« J’ai lu le nouveau livre de Rosa L’accumulation du capital. Des bévues à profusion : Elle a complètement altéré Marx. Je suis bien content que Pannekoek, Ekstein, et O.Bauer l’aient unanimement condamné et dit contre elle ce que je disais en 1899 contre les populistes » [2]

1.5 La Seconde Internationale et la guerre

Dès 1911 Kautsky commençait à parler d’une possibilité que la bourgeoisie rejette la guerre, affirmant que ce n'est pas dans son intérêt, et qu'il faut soutenir les pacifistes bourgeois[3]. Rosa Luxemburg est alors une des seules à vraiment réagir[4].

Rosa Luxemburg se dresse au premier plan dans la lutte contre la guerre. C'est la conséquence logique de son combat antimilitariste. C'est cette bataille qui lui a valu d'être emprisonnée plusieurs fois pour « appel à rébellion », « appel à la désobéissance des soldats » et « injure à l'empereur » (1904, 1906, 1915, 1916-1918). En prison, elle écrivit une des meilleures analyses sur les guerres: La crise de la social-démocratie (sous le pseudonyme de Junius).

Luxemburg, Liebknecht, Zetkin et Mehring décident de s'organiser. En décembre 1914, Karl Liebknecht vote contre les nouveaux crédits de guerre de l'empereur. En avril 1915, ils sortent leur journal Die Internationale (5 000 exemplaires à Berlin). Rosa en est l'âme et la cheville ouvrière rédactionnelle. Elle analyse les causes et les responsabilités de la guerre mondiale. La réponse centrale de Rosa est: il faut une nouvelle Internationale. Une nouvelle Internationale sera fondée après sa mort (mars 1919), mais dans des conditions qu'elle désapprouvait (le délégué du KPD, Hugo Eberlein, mandaté par Rosa Luxemburg pour voter contre, s'abstiendra). Mais elle a soutenu pleinement les conférences de Zimmerwald (1915) et Kienthal (1916), bien qu'elle soit emprisonnée.

1.6 Vague révolutionnaire

C'est en prison que lui parvient la nouvelle de la Révolution Russe: en février la chute du tsar, en novembre la prise du pouvoir par le parti bolchévik. Elle suit et commente les événements avec passion dans une série d'articles. Non sans crainte: Lénine et Trotsky tiendront-ils ? La classe ouvrière occidentale suivra-t-elle? Sa crainte principale est et restera le retard culturel de la Russie, et l'importance de la paysannerie. Avec cette idée à l'esprit, elle écrira en prison La Révolution en Russie (publié après sa mort), texte animé par un soutien prudent aux bolcheviques et une critique acérée de certains aspects de leur politique (voir section dédiée).

En novembre 1918, avec la Révolution allemande, elle est libérée. Comme en Russie, le soulèvement allemand est caractérisé par le rôle démocratique joué par les assemblées de soldats et d'ouvriers. Le parti d'opposition le plus important est l'USPD (parti social-démocrate indépendant d'Allemagne). Sa base se compose d'ouvriers d'industrie; il domine les conseils. Sa direction rassemble des pacifistes, des réformistes et des semi-révolutionnaires. C'est dans ce contexte que Luxemburg et Liebknecht transforment la Ligue Spartakiste, d'abord fraction de l'USPD puis autonome, en Parti communiste d'Allemagne (KPD). Lors du congrès de fondation (29 décembre 1918 - ler janvier 1919), ils essaient avec détermination de donner une orientation à ce groupe, composé de militants dévoués.

1.7 Ecrasement par la social-démocratie

Des divisions existent au sein du KPD sur les tâches politiques élémentaires du moment (rôle des syndicats, participation aux élections parlementaires; type d'organisation). Rosa présente un rapport politique, Que veut la Ligue spartakiste?. Son parti devient donc en 1918 le Parti Communiste d'Allemagne (KPD) et tente d'organiser la prise de pouvoir par les conseils ouvriers.

Mais la première vague de la Révolution allemande est déjà passée. C'est le moment où le gouvernement social-démocrate décide d'assassiner Rosa et Karl (puis des centaines de militants ouvriers), le 15 janvier 1919, lors de la tentative d'insurrection de janvier 1919.

Lénine prononça ce discours du haut du balcon du Soviet de Moscou le 19 janvier :

« Aujourd’hui, à Berlin, la bourgeoisie et les social-traîtres exultent : ils ont réussi à assassiner Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. Ebert et Scheidemann qui, au cours de quatre années, ont mené les ouvriers au carnage au nom des intérêts des forbans, ont assumé aujourd’hui le rôle de bourreaux des chefs prolétariens. L’exemple de la révolution allemande nous persuade que la « démocratie » n’est que le paravent du pillage bourgeois et de la violence la plus féroce.
Mort aux bourreaux ! »[5]

2 Rosa Luxemburg et les bolchéviks

Les opinions de Rosa Luxemburg sont nuancées, mais comportent une importante part de critique nette et sans équivoque. Rosa Luxemburg est souvent citée comme critique de gauche des "erreurs" des bolchéviks. Sa polémique contre la conception du parti de Lénine, notamment entre 1902 et 1904, et ses critiques de la politique bolchévique en 1918 sont une dénonciation de l'anti-démocratisme supposé des léninistes russes.

Dès avant la révolution d'Octobre, Lénine et Luxemburg avaient eu de nombreux désaccords et avaient parfois polémiqué violemment. Mais n’hésita pas un instant à associer Rosa Luxembourg et son groupe Spartakus à la fondation de la III° Internationale. Pour lui elle faisait évidemment partie du même camp révolutionnaire :

« Rosa Luxembourg s’est trompé sur la question de l’indépendance de la Pologne ; elle s’est trompé en 1903 dans son appréciation du menchévisme ; elle s’est trompée dans sa théorie de l’accumulation du capital ; elle s’est trompée quand elle a défendu en juillet 1914, aux côtés de Plékhanov, de Vandervelde, de Kautsky, etc., l’unification des bolchéviks et des menchéviks ; elle s’est trompée dans ses écrits de prison de 1918 (d’ailleurs elle-même, à sa sortie de prison à la fin de 1918 et au début de 1919, a corrigé une grande partie de ses erreurs). Mais, malgré ses erreurs, elle est et reste un aigle ; et non seulement son souvenir sera toujours précieux pour pour les communistes du monde entier, mais encore sa biographie et ses œuvres complètes (que les communistes allemands mettent un retard impossible à publier ; on ne peut les excuser partiellement que par leurs pertes énormes dans une lutte très dure) constitueront une leçon très utile pour l’éducation de nombreuses générations de communistes du monde entier. « La social-démocratie allemande après le 4 août 1914 est un cadavre puant » — c’est avec cette sentence de Rosa Luxembourg que son nom rentrera dans l’histoire du mouvement ouvrier mondial. »[6]

3 Rosa Luxemburg et la question nationale

Rosa Luxemburg avait une position qui était qualifiée «d'internationalisme intransigeant». Elle mettait la lutte des classes avant toute chose, et refusait tout compromis avec la moindre revendication nationale.

Cela la conduisait à rejeter la revendication du droit des nations à l’autodétermination, jugé être un obstacle supplémentaire à l’union internationale du prolétariat, ce qui la conduisit à polémiquer avec les bolchéviks. Elle admet la nationalité comme fait culturel mais s’oppose fermement à l’État-nation.

Sur la question juive, elle était comme la plupart des leaders socialistes (y compris juifs), avant tout pour l'assimilation. Son intransigeance en la matière l’amènera à considérer le Bund avec une hostilité permanente. Quant au sionisme, elle l’accuse d’édifier un ghetto en Palestine. Rosa Luxemburg, une Juive née dans un shtetl de Pologne et ayant choisi l’allemand afin de promouvoir la lutte révolutionnaire n’accepte du judaïsme ni la nationalité juive ni le yiddish, une langue qu’elle méprise.

4 Le luxemburgisme et la postérité

L'ampleur de ses élaborations marxistes et de ses activités a popularisé Rosa auprès de courants politiques parfois très opposés: son insistance sur la démocratie politique plaît aux communistes démocratiques et à certains socialistes de gauche ; sa défense de la spontanéité des masses attire différents courants anarchistes et anarcho-syndicalistes; certains penseurs et mouvements chrétiens se revendiquent de son antimilitarisme; les «courants chauds» de la philosophie marxiste (cf. Ernst Bloch) sont attachés à son humanisme et à son analyse de la civilisation; et les trotskistes reconnaissent en elle la militante révolutionnaire qui fut la figure de proue de l'internationalisme socialiste. Seuls les staliniens ont toujours été opposés à Rosa: la démocratie, la lutte spontanée et l'auto-organisation ne figurent pas parmi leurs mots d'ordre!

Un courant communiste se réclame directement de Rosa Luxemburg : le luxemburgisme.

5 Bibliographie

Les écrits de Rosa Luxemburg sur Marxists.org

Liste des textes de Rosa Luxemburg publiés en français

6 Notes et sources

Rosa Luxemburg: Révolutionnaire et théoricienne du marxisme, sur le site de la LCR belge

Rosa Luxemburg (1871-1919), sur le site de Critique sociale

  1. Elle était de la même génération que Lénine (1870 ; Trotsky est né en 1879).
  2. Lénine, lettre à la rédaction du Social-démocrate, tome 35, p. 85, rédigé avant le 29 mars 1913
  3. Karl Kautsky, Guerre et paix, 1911
  4. Rosa Luxemburg, Peace Utopias, mai 1911
  5. Source : Collectif Smolny
  6. Lénine, Note d'un publiciste, tome 33, p. 212, rédigé en février 1922