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===La révolution de février 1917===
 
===La révolution de février 1917===
Au moment de la [[révolution de février 1917]], la Rada (conseil) centrale est dominée par une coalition de socialistes [[conciliateurs]] ([[Parti ouvrier social-démocrate ukrainien|USDRP]], UPSR, [[menchéviks]]...) qui revendique seulement une autonomie dans le cadre d'une Russie démocratique. Ils attendent beaucoup du [[Gouvernement provisoire russe|gouvernement de Petrograd]].
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A la suite de la [[révolution de février 1917]], la Rada (conseil) centrale d'Ukraine est constituée le 4 mars 1917. Elle est dominée par une coalition de socialistes [[conciliateurs]] ([[Parti ouvrier social-démocrate ukrainien|USDRP]], [[Parti ukrainien des socialistes-révolutionnaires|UPSR]], [[menchéviks]]...) qui revendique seulement une autonomie dans le cadre d'une Russie démocratique. Ils attendent beaucoup du [[Gouvernement provisoire russe|gouvernement de Petrograd]]. L'USDRIP est alors le premier parti d'Ukraine. Son dirigeant, [[Volodymyr Vynnytchenko]], fut à la tête du Secrétariat général d'Ukraine, qui est proclamé devant la Rada le 26 juin.  
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Mais les dirigeants [[menchéviks]] et [[Parti socialiste révolutionnaire (Russie)|SR]] au gouvernement provisoire (pourtant sensiblement de la même composition sociale que la Rada), s'alignaient sur les intérêts de la bourgeoisie russe. D'autant plus qu'économiquement, l'Ukraine était précieuse pour son blé, pour le charbon du Donetz et le minerai de Krivol-Rog. A ce titre les bourgeois trouvaient beaucoup plus intolérables les velléités d'indépendance de l'Ukraine que celle de la Finlande par exemple.  
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Une délégation du [[Gouvernement provisoire russe|gouvernement provisoire de Petrograd]] dirigée par [[Kerensky]] arrive aussitôt en Ukraine pour fixer des limites à ce nouveau gouvernement autonome. Les dirigeants [[menchéviks]] et [[Parti socialiste révolutionnaire (Russie)|SR]] au gouvernement provisoire (pourtant sensiblement de la même composition sociale que la Rada), s'alignaient sur les intérêts de la bourgeoisie russe. D'autant plus qu'économiquement, l'Ukraine était précieuse pour son blé, pour le charbon du Donetz et le minerai de Krivol-Rog. A ce titre les bourgeois trouvaient beaucoup plus intolérables les velléités d'indépendance de l'Ukraine que celle de la Finlande par exemple.
    
Les [[bolchéviks]] craignaient aussi l'impact d'une séparation, mais pour Lénine la meilleure ligne était de maintenir le droit à l'auto-détermination, tant par principe que tactiquement : ''« Si les Ukrainiens voient que nous avons une république des soviets, ils ne se sépareront pas ; mais si nous avons une république de Milioukov, ils se sépareront. »'' (avril 1917)
 
Les [[bolchéviks]] craignaient aussi l'impact d'une séparation, mais pour Lénine la meilleure ligne était de maintenir le droit à l'auto-détermination, tant par principe que tactiquement : ''« Si les Ukrainiens voient que nous avons une république des soviets, ils ne se sépareront pas ; mais si nous avons une république de Milioukov, ils se sépareront. »'' (avril 1917)
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===Tensions sur la questions de l'autonomie===
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===Tensions sur l'autonomie et la terre===
 
[[Fichier:Simon-Petlioura.jpg|vignette|178x178px|Simon Petlioura]]
 
[[Fichier:Simon-Petlioura.jpg|vignette|178x178px|Simon Petlioura]]
 
La Rada confie dès 1917 au ''« socialiste »'' et nationaliste [[Simon_Petlioura|Petlioura]] la constitution d'une armée nationale. Celui-ci organise un congrès des troupes de l'Ukraine, que [[Kerenski]] (leader du [[Gouvernement provisoire russe|gouvernement provisoire]] de Petrograd) tente d'interdire en juin. Devant la détermination des Ukrainiens, Kérenski légalisa le congrès avec retard, en envoyant un télégramme pompeux que les congressistes écoutèrent avec des rires peu respectueux. On établit une convention le 3 juillet. Mais après l'écrasement des [[Journées de juillet 1917|journées de juillet]], Kerenski tente de revenir dessus. Le 5 août, la Rada, par une majorité écrasante, dénonce le gouvernement provisoire, ''« pénétré des tendances impérialistes de la bourgeoisie russe »''. Le ton monte entre le leader ukrainien [[Volodymyr Vynnytchenko|Vynnytchenko]] et [[Kerenski]], pourtant très proches sur le plan politique.
 
La Rada confie dès 1917 au ''« socialiste »'' et nationaliste [[Simon_Petlioura|Petlioura]] la constitution d'une armée nationale. Celui-ci organise un congrès des troupes de l'Ukraine, que [[Kerenski]] (leader du [[Gouvernement provisoire russe|gouvernement provisoire]] de Petrograd) tente d'interdire en juin. Devant la détermination des Ukrainiens, Kérenski légalisa le congrès avec retard, en envoyant un télégramme pompeux que les congressistes écoutèrent avec des rires peu respectueux. On établit une convention le 3 juillet. Mais après l'écrasement des [[Journées de juillet 1917|journées de juillet]], Kerenski tente de revenir dessus. Le 5 août, la Rada, par une majorité écrasante, dénonce le gouvernement provisoire, ''« pénétré des tendances impérialistes de la bourgeoisie russe »''. Le ton monte entre le leader ukrainien [[Volodymyr Vynnytchenko|Vynnytchenko]] et [[Kerenski]], pourtant très proches sur le plan politique.
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C'est pourquoi l'influence bolchévique a peu à peu gagné du terrain, en mettant en avant le [[Partage des terres|partage des terres]] et le [[Droit à l'autodétermination des peuples|droit à l'autodétermination]]. Mais le [[Parti_bolchevik|parti bolchevik]] restait, en quantité comme en qualité, faible, se détachait lentement des [[Mencheviks|mencheviks]]. Même dans l’Ukraine orientale, industrielle, la conférence régionale des soviets, au milieu d’octobre, donnait encore une petite majorité aux <span class="mw-redirect">conciliateurs</span>. En ville, le propriétaire terrien, le capitaliste, l’avocat, le journaliste sont grand-russien, polonais, juif... à la campagne presque tout le monde est ukrainien. Les social-démocrates russes (dirigés par [[Piatakov|Piatakov]]) et juifs ([[Bund_juif|Bund]], [[Poale_Zion|Poale Zion]]) firent front pour lutter contre les revendications nationales.
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C'est pourquoi l'influence bolchévique a peu à peu gagné du terrain, en mettant en avant le [[Partage des terres|partage des terres]] et le [[Droit à l'autodétermination des peuples|droit à l'autodétermination]]. Mais le [[Parti_bolchevik|parti bolchevik]] restait, en quantité comme en qualité, faible, se détachait lentement des [[Mencheviks|mencheviks]]. Même dans l’Ukraine orientale, industrielle, la conférence régionale des soviets, au milieu d’octobre, donnait encore une petite majorité aux <span class="mw-redirect">[[conciliateurs]]</span>. En ville, le propriétaire terrien, le capitaliste, l’avocat, le journaliste sont grand-russien, polonais, juif... à la campagne presque tout le monde est ukrainien. Les social-démocrates russes (dirigés par [[Piatakov|Piatakov]]) et juifs ([[Bund_juif|Bund]], [[Poale_Zion|Poale Zion]]) firent front pour lutter contre les revendications nationales.
    
[[Rosa_Luxemburg|Luxemburg]] avançait que le nationalisme ukrainien n'était avant 1917 que ''«&nbsp;l'amusement&nbsp;»'' d’une poignée d’intellectuels petits-bourgeois, et reprochait aux bolchéviks de l'avoir attisé par leurs mots d'ordre. [[Trotsky|Trotsky]] répondait&nbsp;: ''«&nbsp;La paysannerie de l’Ukraine n’avait pas formulé dans le passé de revendications nationales pour cette raison qu’en général elle ne s’était pas élevée jusqu’à la politique. (...) L’éveil politique de la paysannerie ne pouvait cependant avoir lieu autrement qu’avec le retour au langage natal et toutes les conséquences qui en découlaient, par rapport à l’école, aux tribunaux, aux administrations autonomes. S’opposer à cela, c’eût été une tentative pour faire rentrer la paysannerie dans le néant.&nbsp;»''
 
[[Rosa_Luxemburg|Luxemburg]] avançait que le nationalisme ukrainien n'était avant 1917 que ''«&nbsp;l'amusement&nbsp;»'' d’une poignée d’intellectuels petits-bourgeois, et reprochait aux bolchéviks de l'avoir attisé par leurs mots d'ordre. [[Trotsky|Trotsky]] répondait&nbsp;: ''«&nbsp;La paysannerie de l’Ukraine n’avait pas formulé dans le passé de revendications nationales pour cette raison qu’en général elle ne s’était pas élevée jusqu’à la politique. (...) L’éveil politique de la paysannerie ne pouvait cependant avoir lieu autrement qu’avec le retour au langage natal et toutes les conséquences qui en découlaient, par rapport à l’école, aux tribunaux, aux administrations autonomes. S’opposer à cela, c’eût été une tentative pour faire rentrer la paysannerie dans le néant.&nbsp;»''
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En juillet 1917 se déroula le premier ''Congrès des travailleurs ukrainiens''. L'USDRP constate cependant vite qu'elle n'a pas le soutien des masses, en raison de son attitude conciliatrice envers Petrograd et envers les classes dominantes, qui se traduit en particulier par sa position timide sur la socialisation de la terre. Sur ce plan, le [[Parti ukrainien des socialistes-révolutionnaires]] (UPSR) gagne rapidement du terrain, parmi les paysans et les soldats.
    
===Octobre et l'indépendance ukrainienne===
 
===Octobre et l'indépendance ukrainienne===
 
Néanmoins, les dirigeants socialistes ukrainiens sont tellement hostiles aux bolchéviks, qu'ils passent aussitôt de l'autonomisme à l'indépendantisme lorsque les bolchéviks prennent le pouvoir en Russie. Aussitôt après la [[révolution d'Octobre]], le 7 novembre, la Rada proclame une République démocratique ukrainienne immédiatement reconnue par la France et le Royaume-Uni, qui envoient à Kiev des représentants.
 
Néanmoins, les dirigeants socialistes ukrainiens sont tellement hostiles aux bolchéviks, qu'ils passent aussitôt de l'autonomisme à l'indépendantisme lorsque les bolchéviks prennent le pouvoir en Russie. Aussitôt après la [[révolution d'Octobre]], le 7 novembre, la Rada proclame une République démocratique ukrainienne immédiatement reconnue par la France et le Royaume-Uni, qui envoient à Kiev des représentants.
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Les bolcheviks réagissent et déclarent hors la loi les représentants de la Rada. Ils installent en même temps à Kharkov un gouvernement de la République socialiste soviétique ukrainienne. En réponse, le pouvoir ukrainien installé à Kiev confirme l’indépendance complète du pays. Début 1918, les troupes rouges de Mouraviev marchent sur Kiev qui, défendue par Symon Petlioura, subit 12 jours de bombardement avant de tomber, le 9 février, aux mains des bolcheviks.
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Les bolcheviks réagissent et déclarent hors la loi les représentants de la Rada. Ils installent en même temps à Kharkov un gouvernement de la République socialiste soviétique ukrainienne. En réponse, le pouvoir ukrainien installé à Kiev confirme l’indépendance complète du pays. Début 1918, les troupes rouges de [[Mikhaïl Artemevitch Mouraviev|Mouraviev]] marchent sur Kiev qui, défendue par [[Petlioura]], subit 12 jours de bombardement avant de tomber, le 9 février, aux mains des bolcheviks.
    
===Brest-Litovsk, hetmanat et Directoire===
 
===Brest-Litovsk, hetmanat et Directoire===
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Ces soulèvements favorisent l'avancée de l’armée blanche de Dénikine tout en isolant la [[Révolution hongroise (1919)|révolution hongroise]]. De Budapest, [[Bela Kun]], désespéré, réclame un changement radical de la politique bolchevique en Ukraine. Du front ukrainien de l’Armée rouge, son commandant, Antonov-Ovseenko, fait de même. Parmi les bolcheviques ukrainiens, le courant « fédéraliste », proche de fait des thèses de Chakhraï et du [[borotbisme]], passe à une activité fractionnelle. Les borotbistes, toujours alliés aux bolcheviques mais méfiants et jaloux de leur autonomie se constituent en [[Parti communiste ukrainien]] pour réclamer leur reconnaissance en tant que section nationale du Komintern. Largement influent parmi la paysannerie pauvre et le prolétariat de nationalité ukrainienne dans les campagnes et les villes, ce parti aspire à l’indépendance de l’Ukraine soviétique. Il envisage même la possibilité d’engager, à ce sujet, un affrontement armé avec le parti frère bolchevique, mais pas avant la victoire de la révolution sur Dénikine et sur l’ensemble des fronts de la guerre civile et de l’intervention impérialiste.
 
Ces soulèvements favorisent l'avancée de l’armée blanche de Dénikine tout en isolant la [[Révolution hongroise (1919)|révolution hongroise]]. De Budapest, [[Bela Kun]], désespéré, réclame un changement radical de la politique bolchevique en Ukraine. Du front ukrainien de l’Armée rouge, son commandant, Antonov-Ovseenko, fait de même. Parmi les bolcheviques ukrainiens, le courant « fédéraliste », proche de fait des thèses de Chakhraï et du [[borotbisme]], passe à une activité fractionnelle. Les borotbistes, toujours alliés aux bolcheviques mais méfiants et jaloux de leur autonomie se constituent en [[Parti communiste ukrainien]] pour réclamer leur reconnaissance en tant que section nationale du Komintern. Largement influent parmi la paysannerie pauvre et le prolétariat de nationalité ukrainienne dans les campagnes et les villes, ce parti aspire à l’indépendance de l’Ukraine soviétique. Il envisage même la possibilité d’engager, à ce sujet, un affrontement armé avec le parti frère bolchevique, mais pas avant la victoire de la révolution sur Dénikine et sur l’ensemble des fronts de la guerre civile et de l’intervention impérialiste.
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=== Rectification de la ligne bolchévique ===
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===Rectification de la ligne bolchévique===
 
La direction bolchévique reprend alors en main la situation, en opérant un tournant. [[Trotsky]], chef de l'[[Armée rouge]], prend alors une initiative politique importante. Le 30 novembre 1919, dans son ordre aux troupes rouges qui entrent en Ukraine, il proclame :<blockquote>''« L’Ukraine est la terre des ouvriers et des paysans travailleurs ukrainiens. Ce sont seulement eux qui ont le droit de gouverner et de diriger en Ukraine et y édifier une vie nouvelle (...). Soyez bien conscients que votre tâche n’est pas de soumettre l’Ukraine mais de la libérer. Une fois les bandes de Dénikine battues jusqu’à la dernière, le peuple travailleur de l’Ukraine libérée décidera lui-même de ses rapports avec la Russie soviétique. Nous sommes convaincus que le peuple travailleur ukrainien se prononcera pour l’union fraternelle la plus étroite avec nous (...). Vive l’Ukraine soviétique libre et indépendante ! »'' </blockquote>Après deux ans de guerre civile en Ukraine, c’est la première initiative du pouvoir bolchevique destinée à appeler, dans les rangs de la révolution prolétarienne, les forces sociales et politiques, ouvrières et paysannes, de la révolution nationale ukrainienne. L’objectif est aussi de contrecarrer la dynamique de plus en plus centrifuge du communisme ukrainien.
 
La direction bolchévique reprend alors en main la situation, en opérant un tournant. [[Trotsky]], chef de l'[[Armée rouge]], prend alors une initiative politique importante. Le 30 novembre 1919, dans son ordre aux troupes rouges qui entrent en Ukraine, il proclame :<blockquote>''« L’Ukraine est la terre des ouvriers et des paysans travailleurs ukrainiens. Ce sont seulement eux qui ont le droit de gouverner et de diriger en Ukraine et y édifier une vie nouvelle (...). Soyez bien conscients que votre tâche n’est pas de soumettre l’Ukraine mais de la libérer. Une fois les bandes de Dénikine battues jusqu’à la dernière, le peuple travailleur de l’Ukraine libérée décidera lui-même de ses rapports avec la Russie soviétique. Nous sommes convaincus que le peuple travailleur ukrainien se prononcera pour l’union fraternelle la plus étroite avec nous (...). Vive l’Ukraine soviétique libre et indépendante ! »'' </blockquote>Après deux ans de guerre civile en Ukraine, c’est la première initiative du pouvoir bolchevique destinée à appeler, dans les rangs de la révolution prolétarienne, les forces sociales et politiques, ouvrières et paysannes, de la révolution nationale ukrainienne. L’objectif est aussi de contrecarrer la dynamique de plus en plus centrifuge du communisme ukrainien.
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L’effet est spectaculaire et d’une portée stratégique. Les forces insurrectionnelles des masses ukrainiennes contribuent à l’écrasement de Dénikine. En mars 1920, le congrès du PC borotbiste décide la dissolution du parti et l’adhésion de ses militants au parti bolchevique. La position de la direction borotbiste est la suivante : unissons-nous organiquement avec les bolcheviques pour contribuer à l’extension internationale de la révolution prolétarienne ; c’est dans le cadre de la révolution mondiale que les conditions pour l’indépendance de l’Ukraine soviétique seront beaucoup plus favorables que dans celui d’une révolution panrusse. Avec un grand soulagement, Lénine déclare : <blockquote>''« Grâce à la juste politique du comité central, admirablement appliquée par le camarade Rakovski, nous avons vu, au lieu d’un soulèvement des borotbistes devenu à peu près inévitable, les meilleurs éléments borotbistes adhérer à notre parti, sous notre contrôle. (...) Cette victoire vaut une paire de bonnes batailles »''<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1920/04/d9c/vil19200400-04c9.htm Discours au 9e congrès du PC(b)R]'', 30 mars 1920</ref></blockquote>Mais le PC d'Ukraine reste une organisation régionale du PC(b) russe, sans droit d’être une section du [[Komintern]].
 
L’effet est spectaculaire et d’une portée stratégique. Les forces insurrectionnelles des masses ukrainiennes contribuent à l’écrasement de Dénikine. En mars 1920, le congrès du PC borotbiste décide la dissolution du parti et l’adhésion de ses militants au parti bolchevique. La position de la direction borotbiste est la suivante : unissons-nous organiquement avec les bolcheviques pour contribuer à l’extension internationale de la révolution prolétarienne ; c’est dans le cadre de la révolution mondiale que les conditions pour l’indépendance de l’Ukraine soviétique seront beaucoup plus favorables que dans celui d’une révolution panrusse. Avec un grand soulagement, Lénine déclare : <blockquote>''« Grâce à la juste politique du comité central, admirablement appliquée par le camarade Rakovski, nous avons vu, au lieu d’un soulèvement des borotbistes devenu à peu près inévitable, les meilleurs éléments borotbistes adhérer à notre parti, sous notre contrôle. (...) Cette victoire vaut une paire de bonnes batailles »''<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1920/04/d9c/vil19200400-04c9.htm Discours au 9e congrès du PC(b)R]'', 30 mars 1920</ref></blockquote>Mais le PC d'Ukraine reste une organisation régionale du PC(b) russe, sans droit d’être une section du [[Komintern]].
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=== Guerre avec la Pologne et élan de chauvinisme russe ===
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===Guerre avec la Pologne et élan de chauvinisme russe===
 
Un événement majeur survient juste après, en avril 1920 : l’invasion de l’Ukraine par l’armée bourgeoise polonaise accompagnée par les troupes ukrainiennes sous le commandement de Petlioura et, en conséquence, l’éclatement de la [[Guerre soviéto-polonaise|guerre soviéto-polonaise]]. Cette fois, le chauvinisme grand-russe des masses se déchaîne avec une ampleur et une agressivité échappant à tout contrôle bolchevique. <blockquote>''« Pour les éléments conservateurs de la Russie, c’était une guerre contre l’ennemi héréditaire, dont on ne pouvait supporter qu’il réapparût sous la forme de nation indépendante, une guerre authentiquement russe, même si elle était menée par des internationalistes bolcheviques. Pour les orthodoxes du rite grec, c’était une lutte contre un peuple dont la fidélité au catholicisme romain était incorrigible, une croisade chrétienne, même si elle était menée par des communistes athées. »''<ref>I. Deutscher, Trotsky : Le prophète armé, vol. 2, UGE, Paris 1979, p. 336</ref></blockquote>Ce qui animait les larges masses, c’était la défense de la Russie « une et indivisible », ouvertement encouragée. Les ''[[Izvestia]]'' publiaient un poème [[réactionnaire]] à la gloire de « l’État moscovite » : <blockquote>''« Comme jadis le Tsar Ivan Kalita rassemblait les pays russes l’un après l’autre (...) tous les patois et tous les pays, toute la terre multinationale, se réuniront dans une foi nouvelle »'' afin de ''« rendre leur puissance et leur richesse au palace du Kremlin »''<ref>M. Kozyrev, « Bylina o derzhavnoï Moskve », Izvestiia n°185, 1920</ref></blockquote>Au même moment l’ancien commandant en chef de l’armée tsariste lance un appel à « Défendre la Mère Patrie Russe », et beaucoup d’officiers blancs se ralliaient à l’armée rouge. Cela provoque un raidissement à l'égard des Ukrainiens, sommés de se comporter en Russes. [[Volodymyr Vynnytchenko|Vynnytchenko]], qui avait rejoint les communistes et qui se trouvait à Moscou, note amèrement dans son journal :<blockquote>''« L’orientation vers le patriotisme d’une Russie une et indivisible exclut toute concession aux Ukrainiens (...). Dans une situation où on va à Canossa devant les Gardes blancs (...) il ne peut y avoir, évidement, d’orientation vers la fédération, l’autodétermination et d’autres choix semblables désagréables pour la Russie une et indivisible »''.</blockquote>[[Tchitchérine]], commissaire aux affaires étrangères, suggérait à nouveau la possibilité d’annexion directe à la Russie de la région ukrainienne de Donbass. Dans les campagnes ukrainiennes, des fonctionnaires soviétiques demandaient aux paysans : ''« Quelle langue, russe ou petliouriste, voulez-vous qu’on enseigne dans les écoles ? Quels internationalistes êtes-vous, si vous ne parlez pas russe ! »''.
 
Un événement majeur survient juste après, en avril 1920 : l’invasion de l’Ukraine par l’armée bourgeoise polonaise accompagnée par les troupes ukrainiennes sous le commandement de Petlioura et, en conséquence, l’éclatement de la [[Guerre soviéto-polonaise|guerre soviéto-polonaise]]. Cette fois, le chauvinisme grand-russe des masses se déchaîne avec une ampleur et une agressivité échappant à tout contrôle bolchevique. <blockquote>''« Pour les éléments conservateurs de la Russie, c’était une guerre contre l’ennemi héréditaire, dont on ne pouvait supporter qu’il réapparût sous la forme de nation indépendante, une guerre authentiquement russe, même si elle était menée par des internationalistes bolcheviques. Pour les orthodoxes du rite grec, c’était une lutte contre un peuple dont la fidélité au catholicisme romain était incorrigible, une croisade chrétienne, même si elle était menée par des communistes athées. »''<ref>I. Deutscher, Trotsky : Le prophète armé, vol. 2, UGE, Paris 1979, p. 336</ref></blockquote>Ce qui animait les larges masses, c’était la défense de la Russie « une et indivisible », ouvertement encouragée. Les ''[[Izvestia]]'' publiaient un poème [[réactionnaire]] à la gloire de « l’État moscovite » : <blockquote>''« Comme jadis le Tsar Ivan Kalita rassemblait les pays russes l’un après l’autre (...) tous les patois et tous les pays, toute la terre multinationale, se réuniront dans une foi nouvelle »'' afin de ''« rendre leur puissance et leur richesse au palace du Kremlin »''<ref>M. Kozyrev, « Bylina o derzhavnoï Moskve », Izvestiia n°185, 1920</ref></blockquote>Au même moment l’ancien commandant en chef de l’armée tsariste lance un appel à « Défendre la Mère Patrie Russe », et beaucoup d’officiers blancs se ralliaient à l’armée rouge. Cela provoque un raidissement à l'égard des Ukrainiens, sommés de se comporter en Russes. [[Volodymyr Vynnytchenko|Vynnytchenko]], qui avait rejoint les communistes et qui se trouvait à Moscou, note amèrement dans son journal :<blockquote>''« L’orientation vers le patriotisme d’une Russie une et indivisible exclut toute concession aux Ukrainiens (...). Dans une situation où on va à Canossa devant les Gardes blancs (...) il ne peut y avoir, évidement, d’orientation vers la fédération, l’autodétermination et d’autres choix semblables désagréables pour la Russie une et indivisible »''.</blockquote>[[Tchitchérine]], commissaire aux affaires étrangères, suggérait à nouveau la possibilité d’annexion directe à la Russie de la région ukrainienne de Donbass. Dans les campagnes ukrainiennes, des fonctionnaires soviétiques demandaient aux paysans : ''« Quelle langue, russe ou petliouriste, voulez-vous qu’on enseigne dans les écoles ? Quels internationalistes êtes-vous, si vous ne parlez pas russe ! »''.
  

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