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{{InfoCalendrierJulien}}[[File:EmeutesPetrograd1917.jpg|thumb|right|374x253px|EmeutesPetrograd1917.jpg]]La '''révolution russe de 1917''' est un séisme politique d'une importance capitale pour le [[Mouvement_ouvrier|mouvement ouvrier]] et le [[Communisme_révolutionnaire|communisme révolutionnaire]]. Dans les dures conditions de la [[Première_guerre_mondiale|guerre]] et du désastre économique, le [[Prolétariat|prolétariat]] russe se soulève, et renverse le tsarisme en février ([[Révolution_de_février|révolution de février]]). Un [[Gouvernement_provisoire_(Russie)|gouvernement provisoire]] [[Gouvernement_bourgeois|bourgeois]] est formé à la hâte, mais parallèlement les travailleurs, les soldats et les paysans se sont auto-organisés en [[Soviet|soviets]], et leur radicalité menace la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]] qui ne demande que le retour à l'ordre (situation de [[Double_pouvoir|double pouvoir]]).
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Appuyé sur cette organisation des masses, le parti [[Bolchévik|bolchévik]] de [[Lénine|Lénine]] et [[Trotsky|Trotsky]] réussit à donner une direction politique de classe qui mène à la première vraie [[Révolution_socialiste|révolution socialiste]] ([[Révolution_d'octobre|révolution d'octobre]]), qui engendre une [[Vague_révolutionnaire_de_1917-1923|vague révolutionnaire en Europe]]. Mais l'échec de cette vague isolera la jeune [[URSS|URSS]] et favorisera l'émergence de la [[Bureaucratie_stalinienne|bureaucratie stalinienne]].
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[[File:EmeutesPetrograd1917.jpg|thumb|right|374x253px|Des émeutes au sein de Petrograd, 1917.]] 
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La '''révolution russe de 1917''' est un séisme politique d'une importance capitale pour le [[Mouvement_ouvrier|mouvement ouvrier]] et le [[Communisme_révolutionnaire|communisme révolutionnaire]]. Dans les dures conditions de la [[Première_guerre_mondiale|guerre]] et du désastre économique, le [[Prolétariat|prolétariat]] russe se soulève, et renverse le tsarisme en février ([[Révolution_de_février|révolution de février]]). Un [[Gouvernement_provisoire_(Russie)|gouvernement provisoire]] [[Gouvernement_bourgeois|bourgeois]] est formé à la hâte, mais parallèlement les travailleurs, les soldats et les paysans se sont auto-organisés en [[Soviet|soviets]], et leur radicalité menace la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]] qui ne demande que le retour à l'ordre (situation de [[Double_pouvoir|double pouvoir]]).
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Appuyé sur cette organisation des masses, le parti [[Bolchévik|bolchévik]] de [[Lénine|Lénine]] et [[Trotsky|Trotsky]] réussit à donner une direction politique de classe qui mène à la première vraie [[Révolution_socialiste|révolution socialiste]] ([[Révolution_d'octobre|révolution d'octobre]]), qui engendre une [[Vague_révolutionnaire_de_1917-1923|vague révolutionnaire en Europe]]. Mais l'échec de cette vague isolera la jeune [[URSS|URSS]] et favorisera [[Bureaucratisation_soviétique|l'émergence de la bureaucratie]].
    
== Contexte ==
 
== Contexte ==
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La situation sociale empire avec la [[Première_guerre_mondiale|Première guerre mondiale]], dans laquelle la Russie est engagée aux côtés de la France et l'Angleterre en tant qu'alliée. Le déclenchement des hostilités en 1914 met dans un premier temps un coup d'arrêt à une vague de grèves révolutionnaires. Mais dans les villes comme dans les campagnes, la misère s’aggravait, pendant que l’opulence et la corruption régnaient à la Cour, dans l’[[Aristocratie|aristocratie]] et la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]]. L'hiver 1916-1917 fut très rude. A Petrograd, il n’y avait plus de viande et presque plus de farine. Une cinquantaine d’usines avaient fermé leurs portes faute de fuel ou d’électricité. Dans le vaste pays, les paysans pauvres réclament des terres, et les minorités nationales opprimées se révoltent. Le 9 janvier, à l’occasion du 12<sup>e</sup> anniversaire de la [[Révolution_russe_(1905)|révolution de 1905]], le nombre de grévistes, à Petrograd, s’élevait à 145 000, soit près d’un tiers de la [[Classe_ouvrière|classe ouvrière]] de la capitale.
 
La situation sociale empire avec la [[Première_guerre_mondiale|Première guerre mondiale]], dans laquelle la Russie est engagée aux côtés de la France et l'Angleterre en tant qu'alliée. Le déclenchement des hostilités en 1914 met dans un premier temps un coup d'arrêt à une vague de grèves révolutionnaires. Mais dans les villes comme dans les campagnes, la misère s’aggravait, pendant que l’opulence et la corruption régnaient à la Cour, dans l’[[Aristocratie|aristocratie]] et la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]]. L'hiver 1916-1917 fut très rude. A Petrograd, il n’y avait plus de viande et presque plus de farine. Une cinquantaine d’usines avaient fermé leurs portes faute de fuel ou d’électricité. Dans le vaste pays, les paysans pauvres réclament des terres, et les minorités nationales opprimées se révoltent. Le 9 janvier, à l’occasion du 12<sup>e</sup> anniversaire de la [[Révolution_russe_(1905)|révolution de 1905]], le nombre de grévistes, à Petrograd, s’élevait à 145 000, soit près d’un tiers de la [[Classe_ouvrière|classe ouvrière]] de la capitale.
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Les organisations du mouvement ouvrier étaient globalement faibles, du fait de la répression. Les [[Bolchéviks|bolchéviks]] n'étaient pas plus de 5000, les [[Anarchistes_russes|anarchistes]] 3000 (tous courants confondus). Les [[Syndicats_en_Russie|syndicats]] étaient presque inexistants.
    
== Révolution de février 1917 ==
 
== Révolution de février 1917 ==
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130 000 grévistes répondirent à leur appel. Le 24, la police a ouvert le feu à différents endroits, mais les foules dispersées se regroupaient aussitôt. Le 25, à Petrograd, la grève était générale. Très rapidement, "A bas le Tsar&nbsp;!' s'ajoute aux slogans. Le 26, sur ordre direct du Tsar («&nbsp;Nicolas le Sanglant&nbsp;»), la police a de nouveau tiré sur les manifestants, mais les soldats du régiment Pavlovsk, ayant reçu l’ordre de faire feu sur les ouvriers, ont tourné leurs armes contre la police. Le rapport de forces basculait en faveur des grévistes. Les soldats rallièrent en masse la cause révolutionnaire. La ville était en pleine insurrection.&nbsp;
 
130 000 grévistes répondirent à leur appel. Le 24, la police a ouvert le feu à différents endroits, mais les foules dispersées se regroupaient aussitôt. Le 25, à Petrograd, la grève était générale. Très rapidement, "A bas le Tsar&nbsp;!' s'ajoute aux slogans. Le 26, sur ordre direct du Tsar («&nbsp;Nicolas le Sanglant&nbsp;»), la police a de nouveau tiré sur les manifestants, mais les soldats du régiment Pavlovsk, ayant reçu l’ordre de faire feu sur les ouvriers, ont tourné leurs armes contre la police. Le rapport de forces basculait en faveur des grévistes. Les soldats rallièrent en masse la cause révolutionnaire. La ville était en pleine insurrection.&nbsp;
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Dans le même temps, les [[Soviet|soviets]], dont les masses avaient déjà fait l'expérience [[Révolution_russe_(1905)|en 1905]] se forment dans les usines et les quartiers. Les Gardes rouges, milices révolutionnaires, se forment également. Au front même, les soldats élisent leurs comités et leurs officiers&nbsp;! Plus tard, pendant l'été 1917, la paysannerie se met à son tour en marche, retirant toute base sociale au régime. Véritable contre-pouvoir, ces soviets sont de plus en plus nombreux et de mieux en mieux centralisés...
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Dans le même temps, les [[Soviet|soviets]], dont les masses avaient déjà fait l'expérience [[Révolution_russe_(1905)|en 1905]] se forment dans les [[Comités_d'usines|usines]] et les [[Comités_de_quartier|quartiers]]. Se forment également une milice ouvrière ([[Gardes_rouges|Gardes rouges]]) et une [[Police_et_milice_en_1917|milice]] plus mixte bientôt officialisée. Au front même, les [[Armée_russe_en_1917|soldats]] élisent leurs comités et leurs officiers&nbsp;! Plus tard, pendant l'été 1917, la paysannerie se met à son tour en marche, retirant toute base sociale au régime. Véritable contre-pouvoir, ces soviets sont de plus en plus nombreux et de mieux en mieux centralisés...
    
=== Le gouvernement provisoire ===
 
=== Le gouvernement provisoire ===
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=== Les Thèses d'avril et l'impatience populaire ===
 
=== Les Thèses d'avril et l'impatience populaire ===
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{{Article détaillé|Thèses d'avril|Journées d'avril}}
    
Le 3 avril, [[Lénine|Lénine]] arrive à Petrograd et dès son arrivée en gare de Finlande, il fait un discours dans lequel il affirme que les objectifs de la révolution en cours sont socialistes. Ce discours fit l’effet d’une bombe, car la plupart des dirigeants du [[Parti_Bolchevik|Parti Bolchevik]] n'avaient pas d'autre perspective que le soutien à une révolution «&nbsp;bourgeoise-démocratique&nbsp;», défendant de facto une position essentiellement identique à celle des socialistes-révolutionnaires et des mencheviks. Au contraire, dans ses [[Thèses_d’avril|Thèses d’avril]], Lénine explique que même les tâches bourgeoises-démocratiques - réforme agraire, renversement de l’aristocratie, abolition des vestiges féodaux et droits des nationalités - ne peuvent être accomplies que par la prise de pouvoir par la classe ouvrière, en alliance avec la paysannerie, reprenant donc le programme et les perspectives élaborées par [[Trotsky|Trotsky]], à la veille [[Révolution_russe_(1905)|de 1905]], dans sa théorie de la [[Révolution_permanente|révolution permanente]]. Il se concentre alors sur la propagande du mot d’ordre&nbsp;: «&nbsp;Tout le pouvoir aux soviets&nbsp;!&nbsp;», qu'il parvient à faire accepter au parti lors de la conférence du 24-29 avril. Ce fut le fruit d'une lutte interne particulièrement âpre et en s’appuyant sur la base ouvrière du parti contre la «&nbsp;veille garde&nbsp;».
 
Le 3 avril, [[Lénine|Lénine]] arrive à Petrograd et dès son arrivée en gare de Finlande, il fait un discours dans lequel il affirme que les objectifs de la révolution en cours sont socialistes. Ce discours fit l’effet d’une bombe, car la plupart des dirigeants du [[Parti_Bolchevik|Parti Bolchevik]] n'avaient pas d'autre perspective que le soutien à une révolution «&nbsp;bourgeoise-démocratique&nbsp;», défendant de facto une position essentiellement identique à celle des socialistes-révolutionnaires et des mencheviks. Au contraire, dans ses [[Thèses_d’avril|Thèses d’avril]], Lénine explique que même les tâches bourgeoises-démocratiques - réforme agraire, renversement de l’aristocratie, abolition des vestiges féodaux et droits des nationalités - ne peuvent être accomplies que par la prise de pouvoir par la classe ouvrière, en alliance avec la paysannerie, reprenant donc le programme et les perspectives élaborées par [[Trotsky|Trotsky]], à la veille [[Révolution_russe_(1905)|de 1905]], dans sa théorie de la [[Révolution_permanente|révolution permanente]]. Il se concentre alors sur la propagande du mot d’ordre&nbsp;: «&nbsp;Tout le pouvoir aux soviets&nbsp;!&nbsp;», qu'il parvient à faire accepter au parti lors de la conférence du 24-29 avril. Ce fut le fruit d'une lutte interne particulièrement âpre et en s’appuyant sur la base ouvrière du parti contre la «&nbsp;veille garde&nbsp;».
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Parallèlement, devant l'inaction du gouvernement, la poursuite de la guerre et la hausse des prix, les travailleurs s'impatientent et s'opposent de plus en plus aux "conciliateurs"&nbsp;: les dirigeants menchéviks et SR des soviets. Au cours du mois d’avril, manifestations et affrontements se succédèrent. La nouvelle orientation du [[Parti_Bolchevik|Parti Bolchevik]] le confortait dans ses critiques des socialistes modérés. Ses militants se tournèrent résolument vers les travailleurs des soviets pour expliquer patiemment le programme et les objectifs du parti. Il fallait revendiquer la publication des traités secrets conclus entre les puissances de l’Entente, exiger que la guerre cesse immédiatement, que l’Exécutif soviétique cesse de soutenir le gouvernement provisoire et qu’il prenne le pouvoir en main.
 
Parallèlement, devant l'inaction du gouvernement, la poursuite de la guerre et la hausse des prix, les travailleurs s'impatientent et s'opposent de plus en plus aux "conciliateurs"&nbsp;: les dirigeants menchéviks et SR des soviets. Au cours du mois d’avril, manifestations et affrontements se succédèrent. La nouvelle orientation du [[Parti_Bolchevik|Parti Bolchevik]] le confortait dans ses critiques des socialistes modérés. Ses militants se tournèrent résolument vers les travailleurs des soviets pour expliquer patiemment le programme et les objectifs du parti. Il fallait revendiquer la publication des traités secrets conclus entre les puissances de l’Entente, exiger que la guerre cesse immédiatement, que l’Exécutif soviétique cesse de soutenir le gouvernement provisoire et qu’il prenne le pouvoir en main.
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Fin avril, le gouvernement tente de relancer sa politique de guerre, provoquant de grandes manifestations et un tenace mouvement de grève pour les revendications économiques immédiates. En parallèle, les bolchéviks se renforcent largement. <span class="reference-text">Au (premier) congres des comités d'usines de Pétrograd, les bolcheviks gagnent déjà la majorité grâce à leur soutien au mot d'ordre de "journée de 8 heures sans conditions" et de "contrôle ouvrier" (421 contre 335 voix). Fin avril, ils avaient l’appui d’environ un tiers des travailleurs de la ville.</span>
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Fin avril, le gouvernement tente de relancer sa politique de guerre, provoquant de grandes manifestations et un tenace mouvement de grève pour les revendications économiques immédiates. En parallèle, les bolchéviks se renforcent largement. <span class="reference-text">Au (premier) congres des [[Comités_d'usines|comités d'usines]] de Pétrograd, les bolcheviks gagnent déjà la majorité grâce à leur soutien au mot d'ordre de "journée de 8 heures sans conditions" et de "contrôle ouvrier" (421 contre 335 voix). Fin avril, ils avaient l’appui d’environ un tiers des travailleurs de la ville.</span>
    
=== Mai&nbsp;: collaboration de classe ===
 
=== Mai&nbsp;: collaboration de classe ===
    
Cette poussée des masses permet aux [[Réformisme|réformistes]] du soviet de la capitale ([[Menchéviks|menchéviks]] et [[Socialistes-révolutionnaires|SR]]) d'entrer dans le gouvernement bourgeois en mai 1917. Ils pensent pouvoir influer sur son orientation et il s'établit ainsi avec les libéraux [[Parti_cadet|cadets]] une collaboration de classe dans l'espoir de calmer les masses prolétaires. Cette situation tiraille les socialistes réformistes, qui endossent la responsabilité de la politique pro-capitaliste qui se poursuit. Dans les [[Soviet|soviets]], les bolchéviks gagnent en influence, avec leurs slogans&nbsp; «&nbsp;la paix, le pain et la terre&nbsp;» et «&nbsp;Tout le pouvoir aux soviets&nbsp;».
 
Cette poussée des masses permet aux [[Réformisme|réformistes]] du soviet de la capitale ([[Menchéviks|menchéviks]] et [[Socialistes-révolutionnaires|SR]]) d'entrer dans le gouvernement bourgeois en mai 1917. Ils pensent pouvoir influer sur son orientation et il s'établit ainsi avec les libéraux [[Parti_cadet|cadets]] une collaboration de classe dans l'espoir de calmer les masses prolétaires. Cette situation tiraille les socialistes réformistes, qui endossent la responsabilité de la politique pro-capitaliste qui se poursuit. Dans les [[Soviet|soviets]], les bolchéviks gagnent en influence, avec leurs slogans&nbsp; «&nbsp;la paix, le pain et la terre&nbsp;» et «&nbsp;Tout le pouvoir aux soviets&nbsp;».
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Les industriels faisaient des [[Lock_out|lock out]], prétextant la désorganisation de l'économie. En certains cas, le sabotage était tellement évident qu'en résultat des révélations faites par les [[Comités_d'usines|comités d'usines]], les industriels se trouvaient forcés de rouvrir les entreprises. Ainsi, en dépouillant les [[Contradictions_du_capitalisme|contradictions sociales]], l'une après l'autre, la révolution se trouva bientôt en présence de la principale d'entre elles&nbsp;; entre le caractère social de la production et la propriété privée des moyens de production. Il apparaissait scandaleux qu'un patron ait le pouvoir de décision sur la fermeture de son usine. Les banquiers menaçaient (par exemple dans une lettre au ministre des Finances) de fuite des capitaux à l'étranger en cas de réforme financière radicale.
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Sous la pression de la situation, les économistes modérés du Comité exécutif du Soviet furent poussés à élaborer un large programme de réglementation par l'État de la vie économique''. ''Le 16 mai, le Comité exécutif adopta ces propositions presque sans débats et les transmis au gouvernement en l'avertissant qu'il risquait de chuter s'il ne réglait pas la situation. [[Lénine|Lénine]] ironisait&nbsp;:
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<blockquote>''«&nbsp;Programme magnifique, et un contrôle, et des trusts étatisés, et la lutte contre la spéculation, et le service obligatoire du travail... On est obligé de reconnaître le programme de l' "affreux" bolchevisme, car il ne peut y avoir d'autre programme, d'autre issue devant le krach épouvantable qui menace effectivement...&nbsp;»''</blockquote>
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Mais le gouvernement enterra totalement ces propositions.
    
=== Juin&nbsp;: la température monte ===
 
=== Juin&nbsp;: la température monte ===
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{{Article détaillé|Journées de juin 1917}}
    
Le 3 juin, le véritable premier congrès des députés ouvriers et soldats se réunit. Avec ses 1090 délégués élus au suffrage universel (dont 822 dûment mandatés et ayant droit de vote), il représente quelques 20 millions de personnes. Sur la base d'un pluralisme politique intégral, il débat, pendant trois semaines (3-30 juin), de toutes les questions vitales de la population. Il regroupe 283 SR, 248 mencheviks, 105 bolcheviks, 73 sans parti, le reste appartenant à divers groupes socialistes minoritaires. Son Comité Exécutif comprend 104 mencheviks, 100 SR, 35 bolcheviks, 18 socialistes divers. 11 se regroupent peu après avec le Comité Exécutif du Congrès pan-russe des paysans, qui s'est tenu séparément, et où les SR détiennent le monopole absolu.
 
Le 3 juin, le véritable premier congrès des députés ouvriers et soldats se réunit. Avec ses 1090 délégués élus au suffrage universel (dont 822 dûment mandatés et ayant droit de vote), il représente quelques 20 millions de personnes. Sur la base d'un pluralisme politique intégral, il débat, pendant trois semaines (3-30 juin), de toutes les questions vitales de la population. Il regroupe 283 SR, 248 mencheviks, 105 bolcheviks, 73 sans parti, le reste appartenant à divers groupes socialistes minoritaires. Son Comité Exécutif comprend 104 mencheviks, 100 SR, 35 bolcheviks, 18 socialistes divers. 11 se regroupent peu après avec le Comité Exécutif du Congrès pan-russe des paysans, qui s'est tenu séparément, et où les SR détiennent le monopole absolu.
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=== Juillet-Août&nbsp;: contre-révolution, Kerensky et Kornilov ===
 
=== Juillet-Août&nbsp;: contre-révolution, Kerensky et Kornilov ===
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{{Article détaillé|Journées de juillet|Putsch de Kornilov}}
    
Début juillet, les ministres [[Parti_cadet|cadets]] sont alors poussés à la porte du gouvernement. Mais les socialistes ne veulent pas gouverner seuls et s'empressent d'intégrer de nouveaux représentants bourgeois au gouvernement. Cela provoqua la colère de l'avant-guarde des soldats et ouvriers de Petrograd, qui tentèrent une insurrection. Les [[Parti_bolchevik|bolcheviks]] tentèrent de freiner cet élan car le pays et même l'ensemble de la garnison de la capitale n'étaient pas prêts à soutenir une [[Révolution_socialiste|révolution socialiste]]. Mais les insurgés se rassemblèrent le 3 juillet, et le 4 ils étaient 500 000 inorganisés. Le Comité central du [[Parti_Bolchévik|Parti Bolchévik]] décida alors dans la nuit de se placer à la tête de la manifestation pour l'empêcher de dégénérer.
 
Début juillet, les ministres [[Parti_cadet|cadets]] sont alors poussés à la porte du gouvernement. Mais les socialistes ne veulent pas gouverner seuls et s'empressent d'intégrer de nouveaux représentants bourgeois au gouvernement. Cela provoqua la colère de l'avant-guarde des soldats et ouvriers de Petrograd, qui tentèrent une insurrection. Les [[Parti_bolchevik|bolcheviks]] tentèrent de freiner cet élan car le pays et même l'ensemble de la garnison de la capitale n'étaient pas prêts à soutenir une [[Révolution_socialiste|révolution socialiste]]. Mais les insurgés se rassemblèrent le 3 juillet, et le 4 ils étaient 500 000 inorganisés. Le Comité central du [[Parti_Bolchévik|Parti Bolchévik]] décida alors dans la nuit de se placer à la tête de la manifestation pour l'empêcher de dégénérer.
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Mais le retour de bâtons a lieu. Devenu premier ministre, [[Kerensky|Kerensky]] frappe durement le [[Parti_bolchevik|Parti bolchevik]] et les autres organisations révolutionnaires. Il essaie de rétablir la cohésion de l'armée. Il restaure la [[Peine_de_mort|peine de mort]], dissout les régiments insurgés et nomme le général [[Kornilov|Kornilov]] à la tête de l'état-major et de troupes loyales amenées des provinces. [[Lénine|Lénine]] passe dans la clandestinité et fuit en Finlande, [[Trotsky|Trotsky]] est arrêté. Tout en s'appuyant sur la légalité et les institutions supérieures des soviets, il essaie de briser leur dynamique subversive. Le Comité Exécutif des soviets collabore activement à cette politique, et se discrédite totalement aux yeux de l'avant-garde ouvrière.&nbsp;
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Mais le retour de bâtons a lieu. Devenu premier ministre, [[Kerensky|Kerensky]] frappe durement le [[Parti_bolchevik|Parti bolchevik]] et les autres organisations révolutionnaires. Il essaie de rétablir la cohésion de l'armée. Il restaure la [[Peine_de_mort|peine de mort]], dissout les régiments insurgés et nomme le général [[Kornilov|Kornilov]] à la tête de l'état-major et de troupes loyales amenées des provinces. [[Lénine|Lénine]] passe dans la clandestinité et fuit en Finlande, [[Trotsky|Trotsky]] est arrêté. Tout en s'appuyant sur la légalité et les institutions supérieures des soviets, il essaie de briser leur dynamique subversive. Le [[Comité_exécutif_central_pan-russe|Comité Exécutif des soviets]] collabore activement à cette politique, et se discrédite totalement aux yeux de l'[[Avant-garde|avant-garde]] ouvrière.&nbsp;
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Kerensky ouvre ainsi une offensive généralisée contre les conquêtes que les masses avaient imposées depuis février, et une énième fois, les revendications populaires sont reportées. La dualité des pouvoirs s'efface presque. Le Parti bolchevik connaît de graves difficultés, mais maintient sa position majoritaire parmi la [[Classe_ouvrière|classe ouvrière]]<span class="reference-text">, comme le montrent les élections municipales qu'ils gagnent fin août.</span> Kerensky s'était rapproché du tsariste Kornilov en espérant affermir une coalition "démocrate-bourgeoise", mais certains pensent, en haut lieu, que l'heure de la contre-révolution radicale a sonné: le coup d Etat militaire. Kornilov tente sa chance, en lançant le 25 août 1917 ses armées sur la capitale.
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[[Kerensky|Kerensky]] ouvre ainsi une offensive généralisée contre les conquêtes que les masses avaient imposées depuis [[Révolution_de_Février|février]], et une énième fois, les revendications populaires sont reportées. La [[Dualité_de_pouvoirs|dualité des pouvoirs]] s'efface presque. Le Parti bolchevik connaît de graves difficultés, mais maintient sa position majoritaire parmi la [[Classe_ouvrière|classe ouvrière]]<span class="reference-text">.</span> Kerensky tente de renforcer l'autorité de l'Etat, notamment en lançant une [[Conférence_d'Etat_de_Moscou_(1917)|Conférence d'Etat]] à Moscou, et en se rapprochant du général réactionnaire Kornilov. Mais certains pensent, en haut lieu, que l'heure de la [[Contre-révolution|contre-révolution]] a sonné.
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{{Article détaillé|Putsch de Kornilov}}
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Kornilov tente sa chance, [[Putsch_de_Kornilov|en lançant ses armées sur la capitale]] le 25 août 1917. En trois jours, les [[Soviet|soviets]] de Pétrograd prennent la tête de la résistance et le mettent en déroute. Ils redeviennent ainsi l'épicentre du contre-pouvoir ouvrier. La [[Classe_ouvrière|classe ouvrière]] de la capitale comprenait qu'une victoire de Kornilov signifierait son écrasement dans une sanglante revanche. Les soviets firent alors appel aux bolchéviks, et ceux-ci, bien qu'absolument pas dupe des dirigeants traitres au [[Socialisme|socialisme]], firent [[Front_unique|front unique]] contre la [[Réaction|réaction]] [[Monarchiste|monarchiste]]. Les cheminots faisaient dérailler les trains ennemis, et les bolchéviks se montrèrent les plus énergiques et organisés dans la lutte, faisant basculer dans le camp révolutionnaire des régiments blancs entiers par leur agitation.
 
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En trois jours, les [[Soviet|soviets]] de Pétrograd prennent la tête de la résistance et le mettent en déroute. Ils redeviennent ainsi l'épicentre du contre-pouvoir ouvrier. La [[Classe_ouvrière|classe ouvrière]] de la capitale comprenait qu'une victoire de Kornilov signifierait son écrasement dans une sanglante revanche. Les soviets firent alors appel aux bolchéviks, et ceux-ci, bien qu'absolument pas dupe des dirigeants traitres au [[Socialisme|socialisme]], firent [[Front_unique|front unique]] contre la [[Réaction|réaction]] [[Monarchiste|monarchiste]]. Les cheminots faisaient dérailler les trains ennemis, et les bolchéviks se montrèrent les plus énergiques et organisés dans la lutte, faisant basculer dans le camp révolutionnaire des régiments blancs entiers par leur agitation.
      
== Révolution d'Octobre 1917 ==
 
== Révolution d'Octobre 1917 ==
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{{Voir|Premières mesures du gouvernement soviétique}}
 
{{Voir|Premières mesures du gouvernement soviétique}}
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[[File:Révolution d octobre 1917.jpg|right|Révolution d octobre 1917.jpg]]En 33 heures, une poignée de décrets allait jeter les bases du nouveau régime&nbsp;:
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[[File:Révolution d octobre 1917.jpg|right|Révolution d octobre 1917.jpg]]  
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En 33 heures, une poignée de décrets allait jeter les bases du nouveau régime&nbsp;:
    
#Le premier décret adopté concernait la paix. Le congrès des soviets proposait à tous les belligérants d'entamer immédiatement des négociations pour la conclusion d'une paix sans annexion ni indemnité, et, en premier lieu, afin d'arrêter, dès l'ouverture des pourparlers, les massacres sans nom de la guerre, une trêve de trois mois. Mais la révolution ne s'adressait pas qu'aux gouvernements&nbsp;: elle s'adressait aux peuples, aux travailleurs et plus particulièrement, disait-elle, «&nbsp;''aux ouvriers conscients des trois nations les plus avancées de l'humanité et des États les plus importants engagés dans la guerre, l'Angleterre, la France et l'Allemagne''&nbsp;», et elle les appelait «&nbsp;''à mener jusqu'au bout la lutte pour la paix, et en même temps, la lutte pour l'affranchissement des masses laborieuses et exploitées de tout esclavage et de toute exploitation''&nbsp;».  
 
#Le premier décret adopté concernait la paix. Le congrès des soviets proposait à tous les belligérants d'entamer immédiatement des négociations pour la conclusion d'une paix sans annexion ni indemnité, et, en premier lieu, afin d'arrêter, dès l'ouverture des pourparlers, les massacres sans nom de la guerre, une trêve de trois mois. Mais la révolution ne s'adressait pas qu'aux gouvernements&nbsp;: elle s'adressait aux peuples, aux travailleurs et plus particulièrement, disait-elle, «&nbsp;''aux ouvriers conscients des trois nations les plus avancées de l'humanité et des États les plus importants engagés dans la guerre, l'Angleterre, la France et l'Allemagne''&nbsp;», et elle les appelait «&nbsp;''à mener jusqu'au bout la lutte pour la paix, et en même temps, la lutte pour l'affranchissement des masses laborieuses et exploitées de tout esclavage et de toute exploitation''&nbsp;».  
 
#Le deuxième décret concernait la terre. Il abolissait «&nbsp;''immédiatement et sans aucune indemnité la propriété des propriétaires fonciers ''», et en faisait la propriété du peuple tout entier. Toute la terre devenait bien nationale. Et la jouissance en était accordée à tous les citoyens qui désirent exploiter la terre par leur travail, «''tant qu'ils sont capables de l'exploiter''&nbsp;», le [[Salariat|travail salarié]] étant interdit. Ce n'était pas là, bien sûr, une mesure «&nbsp;[[Socialiste|socialiste]]&nbsp;». Ce n'était même pas le programme agraire du [[Parti_bolchévik|Parti bolchévik]]. Mais c'était ce que voulaient les paysans. Et, disait [[Lénine|Lénine]], «&nbsp;''l'essentiel, c'est que les paysans résolvent eux-mêmes toutes les questions, qu'ils édifient eux-mêmes leur vie''.&nbsp;»  
 
#Le deuxième décret concernait la terre. Il abolissait «&nbsp;''immédiatement et sans aucune indemnité la propriété des propriétaires fonciers ''», et en faisait la propriété du peuple tout entier. Toute la terre devenait bien nationale. Et la jouissance en était accordée à tous les citoyens qui désirent exploiter la terre par leur travail, «''tant qu'ils sont capables de l'exploiter''&nbsp;», le [[Salariat|travail salarié]] étant interdit. Ce n'était pas là, bien sûr, une mesure «&nbsp;[[Socialiste|socialiste]]&nbsp;». Ce n'était même pas le programme agraire du [[Parti_bolchévik|Parti bolchévik]]. Mais c'était ce que voulaient les paysans. Et, disait [[Lénine|Lénine]], «&nbsp;''l'essentiel, c'est que les paysans résolvent eux-mêmes toutes les questions, qu'ils édifient eux-mêmes leur vie''.&nbsp;»  
#Enfin un nouveau gouvernement, baptisé «&nbsp;[[Conseil_des_commissaires_du_peuple|conseil des commissaires du peuple]]&nbsp;» est nommé.  
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#Enfin un nouveau gouvernement, baptisé «&nbsp;[[Soviet_des_commissaires_du_peuple|soviet des commissaires du peuple]]&nbsp;» est nommé.  
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D’autres mesures suivront&nbsp;:
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D’autres mesures suivront, comme la création de milices ouvrières, le moratoire des loyers, la journée de huit heures, le [[Contrôle_ouvrier|contrôle ouvrier]] sur la production, la réforme du système judicaire, le [[Droit_des_peuples_à_l'autodétermination|droit des peuples de Russie à l'autodétermination]], la [[Nationalisation|nationalisation]] des banques, l'annulation des emprunts russes, la création d'un Conseil supérieur de l'Economie, l'établissement d'un monopole public des céréales, la séparation de l'Eglise orthodoxe et de l'Etat, le passage du calendrier julien au calendrier grégorien, etc. La réussite d’Octobre acheva dans l’immédiat certains prémices de la Révolution russe nés en février, en prenant en 33 heures des mesures que le gouvernement provisoire n’avait pas pris en 8 mois d’existence.
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*Décret sur la presse bourgeoise (9 novembre)
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*Décret sur la [[Journée_de_huit_heures|journée de travail à huit heures]] (11 novembre)
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*Décret sur le [[Contrôle_ouvrier|contrôle ouvrier]] (14 novembre)
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*Décret sur l'abolition des classes et des gardes civiles (24 novembre)
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*Décret sur le droit de rappel des élus (2 décembre)
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*Décret sur les tribunaux (5 décembre)
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*Décret sur la création du [[Conseil_suprême_de_l'économie_nationale|Conseil suprême de l'économie nationale]] (15 décembre)
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*Décret sur la [[Nationalisation|nationalisation]] des banques (27 décembre)
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*Décret sur la répudiation des emprunts russe (29 décembre)
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*Décret sur l’indépendance de la Finlande (31 décembre)
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Le nouveau gouvernement prit également des [[Condition_des_femmes_en_URSS|mesures pour l'égalité des hommes et des femmes]].
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Des ruines de l'éphémère République bourgeoise de Russie née la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR) le 23 janvier 1918.
    
== Premières années de la révolution ==
 
== Premières années de la révolution ==
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== Positions théoriques et politiques sur la révolution russe ==
 
== Positions théoriques et politiques sur la révolution russe ==
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Selon le point de vue bourgeois dominant, la [[Révolution_de_février_1917|révolution de février 1917]] était une révolution démocratique et [[Révolution_d'Octobre|Octobre]] était un [[Coup_d'Etat|coup d'Etat]] fomenté par un parti à visée [[Totalitaire|totalitaire]].<ref>Hélène Carrère d'Encausse ironise sur ''« tout le pouvoir aux bolcheviks »'' dans son ouvrage ''Lénine'' de 1997.</ref>
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Selon le point de vue bourgeois dominant, la [[Révolution_de_février_1917|révolution de février 1917]] était une révolution démocratique et [[Révolution_d'Octobre|Octobre]] était un [[Coup_d'Etat|coup d'Etat]] fomenté par un parti à visée [[Totalitaire|totalitaire]].<ref>Hélène Carrère d'Encausse ironise sur ''« tout le pouvoir aux bolcheviks »'' dans son ouvrage ''Lénine'' de 1997.</ref> Les dénonciations des libéraux et des réformistes portent le plus souvent sur&nbsp;:
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*la [[Assemblée_constituante_russe_de_1918|dissolution de l'Assemblée constituante]] en janvier 1918
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*le fait que les élections soviétiques ne respectaient pas le principe ''«&nbsp;1 individu = 1 voix&nbsp;»'' (surreprésentation des ouvriers par rapport aux paysans)
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*les [[Premières_mesures_du_gouvernement_soviétique#La_question_de_la_liberté_de_la_presse|limitations de la liberté de la presse]] et l'interdiction de certains partis ([[Parti_KD|KD]], puis [[Parti_SR|SR]], puis [[Menchévik|menchévik]]), jusqu'au [[Parti_unique|parti unique]]
    
Pour les [[Marxistes|marxistes]], il y a consensus sur le fait que février 1917 était une [[Révolution_bourgeoise|révolution démocratique-bourgeoise]], mais des divergences sur la nature de la révolution d'Octobre.
 
Pour les [[Marxistes|marxistes]], il y a consensus sur le fait que février 1917 était une [[Révolution_bourgeoise|révolution démocratique-bourgeoise]], mais des divergences sur la nature de la révolution d'Octobre.
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Selon les [[Trotskistes|trotskistes]], [[Lénine|Lénine]] se rallie de fait en 1917 à la ligne de Trotsky dans ses [[Thèses_d'avril|''Thèses d'avril'']]. Selon la [[Gauche_communiste_italienne|gauche communiste italienne]], Lénine ne s'est pas rallié à Trotsky, mais aurait maintenu l'idée d'une révolution bourgeoise. La révolution d'Octobre serait donc ''«&nbsp;une révolution double&nbsp;: socialisme en politique, capitalisme en économie&nbsp;»''.<ref>[http://www.sinistra.net/lib/bas/progco/qioi/qioinpibef.html Le trotskysme - Critique de la théorie de la révolution permanente], «Programme Communiste», numéro 57, octobre-décembre 1972</ref>
 
Selon les [[Trotskistes|trotskistes]], [[Lénine|Lénine]] se rallie de fait en 1917 à la ligne de Trotsky dans ses [[Thèses_d'avril|''Thèses d'avril'']]. Selon la [[Gauche_communiste_italienne|gauche communiste italienne]], Lénine ne s'est pas rallié à Trotsky, mais aurait maintenu l'idée d'une révolution bourgeoise. La révolution d'Octobre serait donc ''«&nbsp;une révolution double&nbsp;: socialisme en politique, capitalisme en économie&nbsp;»''.<ref>[http://www.sinistra.net/lib/bas/progco/qioi/qioinpibef.html Le trotskysme - Critique de la théorie de la révolution permanente], «Programme Communiste», numéro 57, octobre-décembre 1972</ref>
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En 1921, [[Radek|Radek]] écrit un article intitulé ''La révolution russe est-elle une révolution bourgeoise&nbsp;?<ref>Karl Radek, ''[https://www.marxists.org/archive/radek/1921/xx/russrev.html Is the Russian Revolution a Bourgeois Revolution?]'', 1921</ref>'' Il y a défend l'idée que la révolution russe est historiquement une forme transitoire entre [[Révolution_bourgeoise|révolution bourgeoise]] et [[Révolution_socialiste|révolution socialiste]], qu'elle est une [[Révolution_prolétarienne|révolution prolétarienne]] dans un pays petit-bourgeois, mais que puisque le prolétariat est la classe en essor, la révolution est une révolution socialiste.
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En 1921, [[Radek|Radek]] écrit un article intitulé ''La révolution russe est-elle une révolution bourgeoise&nbsp;?<ref>Karl Radek, ''[https://www.marxists.org/archive/radek/1921/xx/russrev.html Is the Russian Revolution a Bourgeois Revolution?]'', 1921</ref>'' Il y défend l'idée que la révolution russe est historiquement une forme transitoire entre [[Révolution_bourgeoise|révolution bourgeoise]] et [[Révolution_socialiste|révolution socialiste]], qu'elle est une [[Révolution_prolétarienne|révolution prolétarienne]] dans un pays petit-bourgeois, mais que puisque le prolétariat est la classe en essor, la révolution est une révolution socialiste.
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Au moment de la révolution d'Octobre, les socialistes [[Réformistes|réformistes]] (à commencer par les [[Menchéviks|menchéviks]]) condamnent la prise du pouvoir par les bolchéviks de la même façon que les bourgeois, comme un ''«&nbsp;[[Putsch|putsch]] anti-démocratique&nbsp;»''. En France [[L'Humanité|''L'Humanité'']] titre le 9 novembre sur le «&nbsp;coup d’État en Russie&nbsp;» qui vient d’amener Lénine et les «&nbsp;[[Maximalisme|maximalistes]]&nbsp;» au pouvoir. Les théoriciens réformistes ajoutent souvent que l'échec des bolchéviks était inévitable parce qu'ils auraient voulu violer les lois de l'histoire...
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Au moment de la révolution d'Octobre, les socialistes [[Réformistes|réformistes]] (à commencer par les [[Menchéviks|menchéviks]]) condamnent la prise du pouvoir par les bolchéviks de la même façon que les bourgeois, comme un ''«&nbsp;[[Putsch|putsch]] anti-démocratique&nbsp;»''. En France [[L'Humanité|''L'Humanité'']] titre le 9 novembre sur le «&nbsp;coup d’État en Russie&nbsp;» qui vient d’amener Lénine et les «&nbsp;[[Maximalisme|maximalistes]]&nbsp;» au pouvoir. Les théoriciens réformistes ajoutent souvent que l'échec des bolchéviks était inévitable parce qu'ils auraient voulu violer les lois de l'histoire... [[Rosa_Luxemburg_et_les_bolchéviks|Rosa Luxemburg critique durement les bolchéviks]], mais elle et [[Ligue_spartakiste|ses partisans]] ne seront en Allemagne pas du tout sur la ligne réformiste.
    
On peut noter qu'à l'époque, les [[Marxistes_révolutionnaires|marxistes révolutionnaires]] n'ont pas peur de parler de ''«&nbsp;coup d'Etat&nbsp;»'' pour désigner l'insurrection du 7 novembre (n.s). Dans les années suivantes, les bolcheviks eux-mêmes n’hésitent pas à parler entre eux de leur «&nbsp;coup&nbsp;» d’Octobre (''perevorot''). Dans son autobiographie, [[Trotsky|Trotsky]] utilise indifféremment les termes «&nbsp;insurrection&nbsp;», «&nbsp;conquête du pouvoir&nbsp;» et «&nbsp;coup d’État&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[[Ma vie]]'', Gallimard, coll. « Folio », Paris, 2004, p. 403-408</ref>. La communiste allemande [[Rosa_Luxemburg|Rosa Luxemburg]] parle elle aussi du «&nbsp;coup d’État d’octobre&nbsp;».<ref>Rosa Luxemburg, ''La Révolution russe'', septembre 1918 (publié en 1922)</ref> Mais cela ne désigne qu'un moment de la révolution, qui ne donne pas en lui-même sa signification. Un coup d'Etat qui renverse un gouvernement haï pour s'en remettre le lendemain à un [[Congrès_des_soviets|Congrès des soviets]] n'a rien avoir avec, par exemple, un coup d'Etat qui renverse un gouvernement aimé pour le remplacer par une dictature militaire ([[Coup_d'État_de_1973_au_Chili|Chili, 1973]]).
 
On peut noter qu'à l'époque, les [[Marxistes_révolutionnaires|marxistes révolutionnaires]] n'ont pas peur de parler de ''«&nbsp;coup d'Etat&nbsp;»'' pour désigner l'insurrection du 7 novembre (n.s). Dans les années suivantes, les bolcheviks eux-mêmes n’hésitent pas à parler entre eux de leur «&nbsp;coup&nbsp;» d’Octobre (''perevorot''). Dans son autobiographie, [[Trotsky|Trotsky]] utilise indifféremment les termes «&nbsp;insurrection&nbsp;», «&nbsp;conquête du pouvoir&nbsp;» et «&nbsp;coup d’État&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[[Ma vie]]'', Gallimard, coll. « Folio », Paris, 2004, p. 403-408</ref>. La communiste allemande [[Rosa_Luxemburg|Rosa Luxemburg]] parle elle aussi du «&nbsp;coup d’État d’octobre&nbsp;».<ref>Rosa Luxemburg, ''La Révolution russe'', septembre 1918 (publié en 1922)</ref> Mais cela ne désigne qu'un moment de la révolution, qui ne donne pas en lui-même sa signification. Un coup d'Etat qui renverse un gouvernement haï pour s'en remettre le lendemain à un [[Congrès_des_soviets|Congrès des soviets]] n'a rien avoir avec, par exemple, un coup d'Etat qui renverse un gouvernement aimé pour le remplacer par une dictature militaire ([[Coup_d'État_de_1973_au_Chili|Chili, 1973]]).
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== Voir aussi ==
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*[[Comités_d'usines|Comités d'usines]]
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*[[Police_et_milice_en_1917|Police et milice en 1917]]
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*[[Armée_russe_en_1917|Armée russe en 1917]]
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*[[Employés_et_cadres_dans_la_révolution_russe|Employés et cadres dans la révolution russe]]
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*[[Élections_pendant_la_révolution_russe|Élections pendant la révolution russe]]
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*[[Mouvement_paysan_en_1917|Mouvement paysan en 1917]]
    
== Bibliographie ==
 
== Bibliographie ==

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