Révolution permanente
La théorie de la révolution permanente, formulée par Léon Trotsky constitue un acquis parmi les plus importants du socialisme scientifique, et un document de base de la Quatrième Internationale. Elle exprime la stratégie à suivre pour le socialisme par la très grande majorité de l'humanité, celle qui vit dans les pays coloniaux et semi-coloniaux.
On en trouvera notamment l'exposé dans Bilan et Perspectives[1], 1905[2], et La Révolution permanente.[3]
1 Signification de la révolution permanente
A l'époque de l'impérialisme, c'est-à-dire dans la période ouverte par la révolution d'Octobre, la création d'États ouvriers oeuvrant à la construction d'une société socialiste à l'échelle mondiale n'est pas seulement l'objectif des luttes du prolétariat des pays économiquement développés, comme c'était le cas dans la dernière partie du XIXe siècle, mais aussi celui des luttes des plus larges masses laborieuses ouvrières et paysannes dans les pays que l'on désigne couramment du terme imprécis de Tiers Monde.
Il est donc possible pour les organisations ouvrières de faire un front unique avec les nationalistes bourgeois, à condition de ne pas nourrir d'illusion sur leur nature, et de conserver une organisation indépendante du prolétariat.
Trotsky exclut cependant de sa théorie des pays où le prolétariat est quasiment inexistant, et donc incapable d'arriver au pouvoir à la tête des masses populaires.
La théorie de la Révolution permanente est naturellement en antagonisme total avec la bureaucratie soviétique, dont l'ascencion exprime l'échec de la révolution russe, et qui a elle eut plutôt intérêt à promouvoir le « socialisme dans un seul pays » et la « coexistence pacifique ».
2 Genèse
Marx et Engels utilisaient déjà le terme de permanence de la révolution pour décrire les révolutions comme la Révolution française, qui maintiennent la dictature révolutionnaire d'une classe jusqu'à la transformation de toute la structure sociale. De son côté, Trotsky se basera sur son vécu et ses analyses des révolutions contemporaines pour finir par l'exprimer en 1932 sa théorie de la Révolution permanente dans son livre éponyme.[3]
3 Exemple
Pour décrire le dilemme de la Révolution chinoise, Victor Serge s'exprimait ainsi :
« la bourgeoisie ne peut pas accepter l'hégémonie du prolétariat dans la révolution nationale ; or, cette hégémonie est la condition de la victoire de cette révolution et, du coup, de son acheminement vers le socialisme. Ou la révolution nationale, étranglée par la bourgeoisie nationale, avortera et tout sera à recommencer dans quelques années, ou elle vaincra, guidée par le prolétariat soutenu des classes moyennes des villes et des masses paysannes pauvres ; mais elle ne pourra plus, en ce cas, se borner à la réalisation du programme démocratique de la bourgeoisie radicale »[4]
4 Points de discorde ultérieurs
Seulement au sein de groupes se réclamant ou s'étant réclamés du trotskisme, la théorie de la Révolution permanente a subi de nombreuses critiques, dont on peut supposer que l'origine principale est l'affaiblissement du mouvement ouvrier dans l'Après-guerre, qui diminue la possibilité pour les révolutionnaires de faire des démonstrations pratiques de la justesse de leur ligne.
4.1 Critique par le SWP anglais
Le Socialist Workers' Party britannique a critiqué dès les années 60 la Révolution permanente, affirmant qu'il fallait compléter la théorie de Trotsky.[5]
4.2 Critique par le SWP des Etats-Unis
Le Socialist Workers' Party étatsunien a rompu avec le trotskisme en s'alignant sur la Révolution cubaine et le castrisme.
4.3 Point de vue du SU de la IVème internationale
Pierre Frank estime que la théorie de la révolution permanente est validée positivement par les victoires des "Révolution yougoslave" et albanaise en Europe, "Révolution cubaine" en Amérique et chinoise, vietnamienne et nord-coréenne en Asie, avec cependant des particularités notables dans chaque cas. Ainsi, la Révolution chinoise de 1949 s'est effectuée sans mobilisation des ouvriers des villes (le Parti communiste jouant vis-à-vis d'eux un rôle substitutiste), et la Révolution cubaine a la particularité de ne pas avoir été dirigée par le Parti communiste mais par un mouvement non-marxiste d'inspiration "humaniste", le Mouvement du 26 juillet.[6]
4.4 L'opportunisme du SU de la IV, selon l'UCI
L'Union Communiste Internationaliste, dont fait partie Lutte Ouvrière, a développé une critique du Secrétariat Unifié de la IVème internationale, qui se traduit notamment par une critique de sa façon de faire référence à la Révolution permanente.[7]
5 Notes et sources
- ↑ Bilan et perspectives, Léon Trotsky, 1905
- ↑ 1905, Léon Trotsky, 1909
- ↑ 3,0 et 3,1 La Révolution permanente, Léon Trotsky, 1928-1931
- ↑ Victor Serge, La lutte des classes dans la révolution chinoise, 15 mai 1927
- ↑ La Révolution permanente déviée, Tony Cliff, 1963
- ↑ Source : Article de Pierre Frank, publié dans la revue Quatrième Internationale, avril-mai-juin 1981.
- ↑ La Révolution permanente telle que la défend le Secrétariat Unifié, Lutte de Classe, n°112 (mai 1984), Série 1978-1986