Différences entre les versions de « Révolution permanente »

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'''La théorie de la révolution permanente''', formulée par [[Léon_Trotsky|Léon Trotsky]] constitue un acquis parmi les plus importants du [[Marxisme|socialisme scientifique]], et un document de base de la [[Quatrième_Internationale|Quatrième Internationale]]. Elle exprime la stratégie à suivre pour le [[Socialisme|socialisme]] par la très grande majorité de l'humanité, celle qui vit dans les [[Pays_dominés|pays dominés]] ([[Colonialisme|coloniaux]] et [[Semi-colonie|semi-coloniaux]]).
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La '''théorie de la révolution permanente''', formulée par [[Léon_Trotsky|Léon Trotsky]], est un modèle décrivant le processus de la [[révolution_socialiste|révolution socialiste]] à notre époque. On en trouvera notamment l'exposé dans ''Bilan et Perspectives''<ref>Trotsky, [http://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/bilanp/bpsomm.htm ''Bilan et perspectives''], 1905</ref>, ''1905''<ref>Trotsky, [http://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/1905/1905somm.htm ''1905''], 1909</ref>, et ''La Révolution permanente''.<ref name="RévoPerm">Trotsky, [http://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/revperm/rp.html ''La Révolution permanente''], 1928-1931</ref>
  
On en trouvera notamment l'exposé dans ''Bilan et Perspectives''<ref>Trotsky, [http://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/bilanp/bpsomm.htm ''Bilan et perspectives''], 1905</ref>, ''1905''<ref>Trotsky, [http://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/1905/1905somm.htm ''1905''], 1909</ref>, et ''La Révolution permanente''.<ref name="RévoPerm">Trotsky, [http://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/revperm/rp.html ''La Révolution permanente''], 1928-1931</ref>
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Elle est basée sur l'analyse du capitalisme comme système mondial engendrant un [[développement_inégal_et_combiné|développement inégal et combiné]], et sur l'idée que la révolution socialiste ne peut être que [[révolution_mondiale|mondiale]]. Par conséquent la révolution démarre dans un pays, mais s'étend dans un processus ininterrompu à l'échelle internationale.
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Concernant les [[Pays_dominés|pays dominés]] et [[féodaux]], [[Trotsky|Trotsky]] considérait qu'il ne pouvait y avoir de [[révolution_bourgeoise|révolution bourgeoise]] classique contre le [[féodalisme|féodalisme]] et l'[[impérialisme|impérialisme]]. Seul le prolétariat peut prendre la tête des masses paysannes pour assurer cette tâche ''«&nbsp;démocratique-bourgeoise&nbsp;»'', mais cela le place aussitôt dans la nécessité d'engager des mesures socialistes. Etant donné les difficultés du socialisme dans un pays peu développé, l'extension de la révolution à l'international est d'autant plus nécessaire.
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La révolution permanente est un élément clé du [[trotskisme|trotskisme]], et beaucoup de scissions ont eu lieu en lien avec les débats d'interprétation de cette théorie.
  
 
== Signification de la révolution permanente ==
 
== Signification de la révolution permanente ==
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La plupart des marxistes au début du 20<sup>e</sup> siècle avaient tendance à penser que la révolution éclaterait dans un pays capitaliste avancé (Etats-Unis, Europe de l'Ouest...) où le [[Prolétariat|prolétariat]] devenait majoritaire et où ses organisations étaient puissantes. Dans les autres pays, les socialistes attendaient les prochaines [[Révolution_bourgeoise|révolutions dirigées par la bourgeoisie]] contre le [[Féodalisme|féodalisme]], et pensaient que les travailleurs n'avaient qu'à soutenir plus moins activement et attendre que leur classe se développe.
 
La plupart des marxistes au début du 20<sup>e</sup> siècle avaient tendance à penser que la révolution éclaterait dans un pays capitaliste avancé (Etats-Unis, Europe de l'Ouest...) où le [[Prolétariat|prolétariat]] devenait majoritaire et où ses organisations étaient puissantes. Dans les autres pays, les socialistes attendaient les prochaines [[Révolution_bourgeoise|révolutions dirigées par la bourgeoisie]] contre le [[Féodalisme|féodalisme]], et pensaient que les travailleurs n'avaient qu'à soutenir plus moins activement et attendre que leur classe se développe.
  
La réalité est venue remettre en question ce schéma lorsque les marxistes russes ont vu venir une [[Situation_révolutionnaire|situation_révolutionnaire]] dans leur pays, où les ouvriers ne représentaient qu'une petite minorité et où la bourgeoisie avait peu de pouvoir politique. Alors que la théorie prévoyait une révolution bourgeoisie, deux éléments ne cadraient pas&nbsp;:
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La réalité est venue remettre en question ce schéma lorsque les marxistes russes ont vu venir une [[Situation_révolutionnaire|situation révolutionnaire]] dans leur pays, où les ouvriers ne représentaient qu'une petite minorité et où la bourgeoisie avait peu de pouvoir politique. Alors que la théorie prévoyait une révolution bourgeoisie, deux éléments ne cadraient pas&nbsp;:
  
*le mouvement ouvrier avait des revendications démocratiques, mais aussi des revendications sociales qui menaçaient directement la bourgeoisie, toute stimulation de la lutte des travailleur-se-s pouvait vite déborder le cadre d'une révolution bourgeoise,
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*le mouvement ouvrier avait des revendications démocratiques, mais aussi des revendications sociales qui menaçaient directement la bourgeoisie, toute stimulation de la lutte des travailleur-se-s pouvait vite déborder le cadre d'une révolution bourgeoise,  
*la bourgeoisie, peu développée, était prise en étau entre l'aristocratie et le prolétariat&nbsp;: alors qu'elle aurait voulu des réformes démocratiques, elle ne pouvait les obtenir seules, et elle se méfiait encore plus du prolétariat.
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*la bourgeoisie, peu développée, était prise en étau entre l'aristocratie et le prolétariat&nbsp;: alors qu'elle aurait voulu des réformes démocratiques, elle ne pouvait les obtenir seules, et elle se méfiait encore plus du prolétariat.  
  
 
Cela a conduit les marxistes, en particulier les [[Bolchéviks|bolchéviks]] derrière [[Lénine|Lénine]], à réfléchir à un rôle plus actif du mouvement ouvrier. Ils mettaient en avant la perspective d'un gouvernement ouvrier et paysan réalisant la révolution démocratique à la place de la bourgeoisie. De son côté, [[Trotsky|Trotsky]] avance l'idée d'un ''«&nbsp;gouvernement ouvrier s'appuyant sur la paysannerie&nbsp;»'', mais poursuivant le processus révolutionnaire jusqu'au socialisme.
 
Cela a conduit les marxistes, en particulier les [[Bolchéviks|bolchéviks]] derrière [[Lénine|Lénine]], à réfléchir à un rôle plus actif du mouvement ouvrier. Ils mettaient en avant la perspective d'un gouvernement ouvrier et paysan réalisant la révolution démocratique à la place de la bourgeoisie. De son côté, [[Trotsky|Trotsky]] avance l'idée d'un ''«&nbsp;gouvernement ouvrier s'appuyant sur la paysannerie&nbsp;»'', mais poursuivant le processus révolutionnaire jusqu'au socialisme.
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Malgré [[État_ouvrier_dégénéré|l'échec et l'isolement de l'Etat ouvrier russe]], Trotsky va théoriser la révolution permanente&nbsp;:''<ref>Trotsky, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/revperm/rp10.html ''La révolution permanente, Thèses''], 1928-1931</ref>''
 
Malgré [[État_ouvrier_dégénéré|l'échec et l'isolement de l'Etat ouvrier russe]], Trotsky va théoriser la révolution permanente&nbsp;:''<ref>Trotsky, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/revperm/rp10.html ''La révolution permanente, Thèses''], 1928-1931</ref>''
  
*l'avance des [[Pays_impérialistes|pays impérialistes]] modifie le développement des pays ''«&nbsp;arriérés&nbsp;»'' , qui au lieu de connaître un développement linéaire reproduisant les mêmes étapes, connaît un [[Développement_inégal_et_combiné|développement inégal et combiné]] (par exemple des campagnes avec du servage féodal cohabitant avec des usines neuves plus massives que celles des vieux pays capitalistes)
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*l'avance des [[Pays_impérialistes|pays impérialistes]] modifie le développement des pays ''«&nbsp;arriérés&nbsp;»'' , qui au lieu de connaître un développement linéaire reproduisant les mêmes étapes, connaît un [[Développement_inégal_et_combiné|développement inégal et combiné]] (par exemple des campagnes avec du servage féodal cohabitant avec des usines neuves plus massives que celles des vieux pays capitalistes)  
*''«&nbsp;Pour les pays à développement bourgeois retardataire et, en particulier pour les pays coloniaux et semi-coloniaux, la théorie de la révolution permanente signifie que la solution véritable et complète de leurs tâches démocratiques et de libération nationale ne peut être que la dictature du prolétariat, qui prend la tête de la nation opprimée, avant tout de ses masses paysannes.&nbsp;»''
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*''«&nbsp;Pour les pays à développement bourgeois retardataire et, en particulier pour les pays coloniaux et semi-coloniaux, la théorie de la révolution permanente signifie que la solution véritable et complète de leurs tâches démocratiques et de libération nationale ne peut être que la dictature du prolétariat, qui prend la tête de la nation opprimée, avant tout de ses masses paysannes.&nbsp;»''  
*''«&nbsp;La dictature du prolétariat qui a pris le pouvoir comme force dirigeante de la révolution démocratique est inévitablement et très rapidement placée devant des tâches qui la forceront à faire des incursions profondes dans le droit de propriété bourgeois. La révolution démocratique, au cours de son développement, se transforme directement en révolution socialiste et devient ainsi une révolution permanente.&nbsp;»''
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*''«&nbsp;La dictature du prolétariat qui a pris le pouvoir comme force dirigeante de la révolution démocratique est inévitablement et très rapidement placée devant des tâches qui la forceront à faire des incursions profondes dans le droit de propriété bourgeois. La révolution démocratique, au cours de son développement, se transforme directement en révolution socialiste et devient ainsi une révolution permanente.&nbsp;»''  
*''«&nbsp;La conquête du pouvoir par le prolétariat ne met pas un terme à la révolution, elle ne fait que l'inaugurer. &nbsp;»''
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*''«&nbsp;La conquête du pouvoir par le prolétariat ne met pas un terme à la révolution, elle ne fait que l'inaugurer. &nbsp;»''  
*''«&nbsp;La révolution socialiste commence sur le terrain national, se développe sur l'arène internationale et s'achève sur l'arène mondiale. Ainsi la révolution socialiste devient permanente au sens nouveau et le plus large du terme: elle ne s'achève que dans le triomphe définitif de la nouvelle société sur toute notre planète.&nbsp;»''
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*''«&nbsp;La révolution socialiste commence sur le terrain national, se développe sur l'arène internationale et s'achève sur l'arène mondiale. Ainsi la révolution socialiste devient permanente au sens nouveau et le plus large du terme: elle ne s'achève que dans le triomphe définitif de la nouvelle société sur toute notre planète.&nbsp;»''  
*Dans ces conditions, il n'y a plus de distinction rigide entre ''«&nbsp;pays "mûrs" ou "non mûrs" pour le socialisme. (...) Dans la mesure où le capitalisme a créé le marché mondial, la division mondiale du travail et les forces productives mondiales, il a préparé l'ensemble de l'économie mondiale à la reconstruction socialiste.&nbsp;»'' Trotsky exclut cependant de sa théorie des pays où le prolétariat est quasiment inexistant, et donc incapable d'arriver au pouvoir à la tête des masses populaires.
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*Dans ces conditions, il n'y a plus de distinction rigide entre ''«&nbsp;pays "mûrs" ou "non mûrs" pour le socialisme. (...) Dans la mesure où le capitalisme a créé le marché mondial, la division mondiale du travail et les forces productives mondiales, il a préparé l'ensemble de l'économie mondiale à la reconstruction socialiste.&nbsp;»'' Trotsky exclut cependant de sa théorie des pays où le prolétariat est quasiment inexistant, et donc incapable d'arriver au pouvoir à la tête des masses populaires.  
*Il faut distinguer la prise du pouvoir par les travailleur-se-s (établissement de la dictature du prolétariat) et le socialisme, qui suppose un développement suffisant des forces productives pour satisfaire les besoins sociaux: ''«&nbsp;Les différents pays y arriveront avec des rythmes différents. Dans certaines circonstances, des pays arriérés peuvent arriver à la dictature du prolétariat plus rapidement que des pays avancés, mais ils parviendront au socialisme plus tard que ceux-ci.&nbsp;»''
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*Il faut distinguer la prise du pouvoir par les travailleur-se-s (établissement de la dictature du prolétariat) et le socialisme, qui suppose un développement suffisant des forces productives pour satisfaire les besoins sociaux: ''«&nbsp;Les différents pays y arriveront avec des rythmes différents. Dans certaines circonstances, des pays arriérés peuvent arriver à la dictature du prolétariat plus rapidement que des pays avancés, mais ils parviendront au socialisme plus tard que ceux-ci.&nbsp;»''  
  
 
La théorie de la Révolution permanente est naturellement en antagonisme total avec la [[Bureaucratie_soviétique|bureaucratie soviétique]], dont l'ascension exprime l'échec de la [[Révolution_russe_(1917)|révolution russe]], et qui a elle eut plutôt intérêt à promouvoir le «&nbsp;[[Socialisme_dans_un_seul_pays|socialisme dans un seul pays]]&nbsp;» et la «&nbsp;[[Coexistence_pacifique|coexistence pacifique]]&nbsp;».
 
La théorie de la Révolution permanente est naturellement en antagonisme total avec la [[Bureaucratie_soviétique|bureaucratie soviétique]], dont l'ascension exprime l'échec de la [[Révolution_russe_(1917)|révolution russe]], et qui a elle eut plutôt intérêt à promouvoir le «&nbsp;[[Socialisme_dans_un_seul_pays|socialisme dans un seul pays]]&nbsp;» et la «&nbsp;[[Coexistence_pacifique|coexistence pacifique]]&nbsp;».
<blockquote>''«&nbsp;La division mondiale du travail, la dépendance de l'industrie soviétique à l'égard de la technique étrangère, la dépendance des forces productives des pays avancés à l'égard des matières premières asiatiques, etc., rendent impossible la construction d'une société socialiste autonome, isolée dans n'importe quelle contrée du monde.&nbsp;»''</blockquote>
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<blockquote>''«&nbsp;La division mondiale du travail, la dépendance de l'industrie soviétique à l'égard de la technique étrangère, la dépendance des forces productives des pays avancés à l'égard des matières premières asiatiques, etc., rendent impossible la construction d'une société socialiste autonome, isolée dans n'importe quelle contrée du monde.&nbsp;»''</blockquote>  
 
== La question du front uni anti-impérialiste ==
 
== La question du front uni anti-impérialiste ==
  
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{{Voir|Genèse de la Révolution permanente}}
 
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Marx et Engels utilisaient déjà le terme de permanence de la révolution pour décrire les révolutions comme la Révolution française, qui maintiennent la dictature révolutionnaire d'une classe jusqu'à la transformation de toute la structure sociale. De son côté, Trotsky se basera sur son vécu et ses analyses des révolutions contemporaines pour finir par exprimer en 1932 sa théorie de la Révolution permanente dans son livre éponyme.<ref name="RévoPerm">_</ref>
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Marx et Engels utilisaient déjà le terme de permanence de la révolution pour décrire les révolutions comme la Révolution française, qui maintiennent la dictature révolutionnaire d'une classe jusqu'à la transformation de toute la structure sociale. De son côté, Trotsky se basera sur son vécu et ses analyses des révolutions contemporaines pour finir par exprimer en 1932 sa théorie de la Révolution permanente dans son livre éponyme.<ref name="RévoPerm" />
 
 
 
 
  
== Exemple ==
 
 
Pour décrire le dilemme de la [[Révolution_chinoise_(1925-1927)|Révolution chinoise]], [[Victor_Serge|Victor Serge]] s'exprimait ainsi&nbsp;:
 
<blockquote>«&nbsp;la bourgeoisie ne peut pas accepter l'hégémonie du prolétariat dans la révolution nationale&nbsp;; or, cette hégémonie est la condition de la victoire de cette révolution et, du coup, de son acheminement vers le socialisme. Ou la révolution nationale, étranglée par la bourgeoisie nationale, avortera et tout sera à recommencer dans quelques années, ou elle vaincra, guidée par le prolétariat soutenu des classes moyennes des villes et des masses paysannes pauvres&nbsp;; mais elle ne pourra plus, en ce cas, se borner à la réalisation du programme démocratique de la bourgeoisie radicale&nbsp;»<ref>Victor Serge, [http://www.marxists.org/francais/serge/works/1927/04/serge_19270400.htm La lutte des classes dans la révolution chinoise], 15 mai 1927</ref></blockquote>
 
 
== Points de discorde ultérieurs ==
 
== Points de discorde ultérieurs ==
  
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[[Pierre_Frank|Pierre Frank]] estime que la théorie de la révolution permanente est validée positivement par les victoires des "[[Révolutions_yougoslaves|Révolution yougoslave]]" et [[Révolution_albanaise|albanaise]] en Europe, "Révolution cubaine" en Amérique et [[Révolution_chinoise_de_1949|chinoise]], [[Révolution_vietnamienne|vietnamienne et]] [[Révolution_nord-coréenne|nord-coréenne]] en Asie, avec cependant des particularités notables dans chaque cas. Ainsi, la [[Révolution_chinoise_(1949)|Révolution chinoise de 1949]] s'est effectuée sans mobilisation des [[Classe_ouvrière|ouvriers]] des villes (le [[Parti_communiste_chinois|Parti communiste]] jouant vis-à-vis d'eux un rôle [[Substitutisme|substitutiste]]), et la Révolution cubaine a la particularité de ne pas avoir été dirigée par le [[Parti_communiste_cubain|Parti communiste]] mais par un mouvement non-[[Marxisme|marxiste]] d'inspiration "[[Humanisme|humaniste]]", le [[Mouvement_du_26_juillet|Mouvement du 26 juillet]].<ref>Source : Article de Pierre Frank, publié dans la revue Quatrième Internationale, avril-mai-juin 1981.</ref>
 
[[Pierre_Frank|Pierre Frank]] estime que la théorie de la révolution permanente est validée positivement par les victoires des "[[Révolutions_yougoslaves|Révolution yougoslave]]" et [[Révolution_albanaise|albanaise]] en Europe, "Révolution cubaine" en Amérique et [[Révolution_chinoise_de_1949|chinoise]], [[Révolution_vietnamienne|vietnamienne et]] [[Révolution_nord-coréenne|nord-coréenne]] en Asie, avec cependant des particularités notables dans chaque cas. Ainsi, la [[Révolution_chinoise_(1949)|Révolution chinoise de 1949]] s'est effectuée sans mobilisation des [[Classe_ouvrière|ouvriers]] des villes (le [[Parti_communiste_chinois|Parti communiste]] jouant vis-à-vis d'eux un rôle [[Substitutisme|substitutiste]]), et la Révolution cubaine a la particularité de ne pas avoir été dirigée par le [[Parti_communiste_cubain|Parti communiste]] mais par un mouvement non-[[Marxisme|marxiste]] d'inspiration "[[Humanisme|humaniste]]", le [[Mouvement_du_26_juillet|Mouvement du 26 juillet]].<ref>Source : Article de Pierre Frank, publié dans la revue Quatrième Internationale, avril-mai-juin 1981.</ref>
  
*[http://revoltunited.canalblog.com/archives/2010/08/21/18860966.html Actualité de la Révolution permanente (Michael Löwy - 21 Juillet 2000)]
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*[http://revoltunited.canalblog.com/archives/2010/08/21/18860966.html Actualité de la Révolution permanente (Michael Löwy - 21 Juillet 2000)]  
*[http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article24095#nh54 Daniel Bensaïd, la révolution permanente&nbsp;: questions d’hier et d’aujourd’hui] (Pierre Rousset - 15 janvier 2012)
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*[http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article24095#nh54 Daniel Bensaïd, la révolution permanente&nbsp;: questions d’hier et d’aujourd’hui] (Pierre Rousset - 15 janvier 2012)  
  
 
=== L'opportunisme du SU de la IV, selon l'UCI ===
 
=== L'opportunisme du SU de la IV, selon l'UCI ===
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Version du 3 octobre 2016 à 00:43

La théorie de la révolution permanente, formulée par Léon Trotsky, est un modèle décrivant le processus de la révolution socialiste à notre époque. On en trouvera notamment l'exposé dans Bilan et Perspectives[1], 1905[2], et La Révolution permanente.[3]

Elle est basée sur l'analyse du capitalisme comme système mondial engendrant un développement inégal et combiné, et sur l'idée que la révolution socialiste ne peut être que mondiale. Par conséquent la révolution démarre dans un pays, mais s'étend dans un processus ininterrompu à l'échelle internationale.

Concernant les pays dominés et féodaux, Trotsky considérait qu'il ne pouvait y avoir de révolution bourgeoise classique contre le féodalisme et l'impérialisme. Seul le prolétariat peut prendre la tête des masses paysannes pour assurer cette tâche « démocratique-bourgeoise », mais cela le place aussitôt dans la nécessité d'engager des mesures socialistes. Etant donné les difficultés du socialisme dans un pays peu développé, l'extension de la révolution à l'international est d'autant plus nécessaire.

La révolution permanente est un élément clé du trotskisme, et beaucoup de scissions ont eu lieu en lien avec les débats d'interprétation de cette théorie.

1 Signification de la révolution permanente

La plupart des marxistes au début du 20e siècle avaient tendance à penser que la révolution éclaterait dans un pays capitaliste avancé (Etats-Unis, Europe de l'Ouest...) où le prolétariat devenait majoritaire et où ses organisations étaient puissantes. Dans les autres pays, les socialistes attendaient les prochaines révolutions dirigées par la bourgeoisie contre le féodalisme, et pensaient que les travailleurs n'avaient qu'à soutenir plus moins activement et attendre que leur classe se développe.

La réalité est venue remettre en question ce schéma lorsque les marxistes russes ont vu venir une situation révolutionnaire dans leur pays, où les ouvriers ne représentaient qu'une petite minorité et où la bourgeoisie avait peu de pouvoir politique. Alors que la théorie prévoyait une révolution bourgeoisie, deux éléments ne cadraient pas :

  • le mouvement ouvrier avait des revendications démocratiques, mais aussi des revendications sociales qui menaçaient directement la bourgeoisie, toute stimulation de la lutte des travailleur-se-s pouvait vite déborder le cadre d'une révolution bourgeoise,
  • la bourgeoisie, peu développée, était prise en étau entre l'aristocratie et le prolétariat : alors qu'elle aurait voulu des réformes démocratiques, elle ne pouvait les obtenir seules, et elle se méfiait encore plus du prolétariat.

Cela a conduit les marxistes, en particulier les bolchéviks derrière Lénine, à réfléchir à un rôle plus actif du mouvement ouvrier. Ils mettaient en avant la perspective d'un gouvernement ouvrier et paysan réalisant la révolution démocratique à la place de la bourgeoisie. De son côté, Trotsky avance l'idée d'un « gouvernement ouvrier s'appuyant sur la paysannerie », mais poursuivant le processus révolutionnaire jusqu'au socialisme.

Lors de la Révolution de 1917, Lénine va de fait se rallier implicitement à la position de Trotsky, en prônant « tout le pouvoir aux soviets ». L'espoir principal des bolchéviks était alors que la révolution parvienne à s'étendre, en particulier à l'Allemagne, pays capitaliste avancé où le mouvement ouvrier était le plus puissant.

Malgré l'échec et l'isolement de l'Etat ouvrier russe, Trotsky va théoriser la révolution permanente :[4]

  • l'avance des pays impérialistes modifie le développement des pays « arriérés » , qui au lieu de connaître un développement linéaire reproduisant les mêmes étapes, connaît un développement inégal et combiné (par exemple des campagnes avec du servage féodal cohabitant avec des usines neuves plus massives que celles des vieux pays capitalistes)
  • « Pour les pays à développement bourgeois retardataire et, en particulier pour les pays coloniaux et semi-coloniaux, la théorie de la révolution permanente signifie que la solution véritable et complète de leurs tâches démocratiques et de libération nationale ne peut être que la dictature du prolétariat, qui prend la tête de la nation opprimée, avant tout de ses masses paysannes. »
  • « La dictature du prolétariat qui a pris le pouvoir comme force dirigeante de la révolution démocratique est inévitablement et très rapidement placée devant des tâches qui la forceront à faire des incursions profondes dans le droit de propriété bourgeois. La révolution démocratique, au cours de son développement, se transforme directement en révolution socialiste et devient ainsi une révolution permanente. »
  • « La conquête du pouvoir par le prolétariat ne met pas un terme à la révolution, elle ne fait que l'inaugurer.  »
  • « La révolution socialiste commence sur le terrain national, se développe sur l'arène internationale et s'achève sur l'arène mondiale. Ainsi la révolution socialiste devient permanente au sens nouveau et le plus large du terme: elle ne s'achève que dans le triomphe définitif de la nouvelle société sur toute notre planète. »
  • Dans ces conditions, il n'y a plus de distinction rigide entre « pays "mûrs" ou "non mûrs" pour le socialisme. (...) Dans la mesure où le capitalisme a créé le marché mondial, la division mondiale du travail et les forces productives mondiales, il a préparé l'ensemble de l'économie mondiale à la reconstruction socialiste. » Trotsky exclut cependant de sa théorie des pays où le prolétariat est quasiment inexistant, et donc incapable d'arriver au pouvoir à la tête des masses populaires.
  • Il faut distinguer la prise du pouvoir par les travailleur-se-s (établissement de la dictature du prolétariat) et le socialisme, qui suppose un développement suffisant des forces productives pour satisfaire les besoins sociaux: « Les différents pays y arriveront avec des rythmes différents. Dans certaines circonstances, des pays arriérés peuvent arriver à la dictature du prolétariat plus rapidement que des pays avancés, mais ils parviendront au socialisme plus tard que ceux-ci. »

La théorie de la Révolution permanente est naturellement en antagonisme total avec la bureaucratie soviétique, dont l'ascension exprime l'échec de la révolution russe, et qui a elle eut plutôt intérêt à promouvoir le « socialisme dans un seul pays » et la « coexistence pacifique ».

« La division mondiale du travail, la dépendance de l'industrie soviétique à l'égard de la technique étrangère, la dépendance des forces productives des pays avancés à l'égard des matières premières asiatiques, etc., rendent impossible la construction d'une société socialiste autonome, isolée dans n'importe quelle contrée du monde. »

2 La question du front uni anti-impérialiste

L'Internationale communiste a défini lors de son 4ème congrès la tactique du front uni anti-impérialiste, consistant à faire des fronts sur des revendications nationales avec des forces bourgeoises si celles-ci luttent réellement contre des impérialistes. La question de la mise en oeuvre de cette tactique (comme celle du front uni en général) a soulevé de nombreux débats. Concrètement, c'est par exemple au nom de cette tactique que les communistes chinois se sont rapprochés du Kuomintang, et, sous direction stalinienne, jusqu'à sombrer dans un suivisme suicidaire.

Trotsky et les documents fondateurs de la Quatrième internationale n'évoquent pas le front uni anti-impérialiste. Pour certains, c'est une tactique qui était ambigue dès l'origine, et que Trotsky a rejeté[5].

3 Elaboration de la théorie

Marx et Engels utilisaient déjà le terme de permanence de la révolution pour décrire les révolutions comme la Révolution française, qui maintiennent la dictature révolutionnaire d'une classe jusqu'à la transformation de toute la structure sociale. De son côté, Trotsky se basera sur son vécu et ses analyses des révolutions contemporaines pour finir par exprimer en 1932 sa théorie de la Révolution permanente dans son livre éponyme.[3]

4 Points de discorde ultérieurs

Au sein des groupes se réclamant du trotskisme, la théorie de la Révolution permanente a été diversement critiquée et interprétée. On peut supposer que la raison principale est l'affaiblissement du mouvement ouvrier dans l'Après-guerre, qui diminue la possibilité pour les révolutionnaires de faire des démonstrations pratiques de la justesse de leur ligne.

4.1 Critique par le SWP anglais

Le Socialist Workers' Party britannique a critiqué dans les années 1960 la Révolution permanente, affirmant qu'il fallait la compléter.[6]

4.2 Critique par le SWP des Etats-Unis

Le Socialist Workers' Party étatsunien a rompu avec le trotskisme en s'alignant sur la Révolution cubaine et le castrisme.

4.3 Polémique de Moreno contre Mandel

Nahuel Moreno, Un document scandaleux, VII, 1973

4.4 Point de vue du SU de la IVème internationale

Pierre Frank estime que la théorie de la révolution permanente est validée positivement par les victoires des "Révolution yougoslave" et albanaise en Europe, "Révolution cubaine" en Amérique et chinoise, vietnamienne et nord-coréenne en Asie, avec cependant des particularités notables dans chaque cas. Ainsi, la Révolution chinoise de 1949 s'est effectuée sans mobilisation des ouvriers des villes (le Parti communiste jouant vis-à-vis d'eux un rôle substitutiste), et la Révolution cubaine a la particularité de ne pas avoir été dirigée par le Parti communiste mais par un mouvement non-marxiste d'inspiration "humaniste", le Mouvement du 26 juillet.[7]

4.5 L'opportunisme du SU de la IV, selon l'UCI

L'Union Communiste Internationaliste, dont fait partie Lutte Ouvrière, a développé une critique du Secrétariat Unifié de la IVème internationale, qui se traduit notamment par une critique de sa façon de faire référence à la Révolution permanente.[8]

5 Notes et sources

  1. Trotsky, Bilan et perspectives, 1905
  2. Trotsky, 1905, 1909
  3. 3,0 et 3,1 Trotsky, La Révolution permanente, 1928-1931
  4. Trotsky, La révolution permanente, Thèses, 1928-1931
  5. http://groupecri.free.fr/contenu/discussions/appel-GBauCRI.pdf
  6. Tony Cliff, La Révolution permanente déviée, 1963
  7. Source : Article de Pierre Frank, publié dans la revue Quatrième Internationale, avril-mai-juin 1981.
  8. La Révolution permanente telle que la défend le Secrétariat Unifié, Lutte de Classe, n°112 (mai 1984), Série 1978-1986