Révolution d'Octobre

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Jusqu'en 1918, la Russie utilisait le calendrier julien, qui avait à l'époque 13 jours de retard sur le calendrier grégorien. Le 23 février « ancien style » correspond donc au 8 mars « nouveau style » (n.s.).
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La révolution d'Octobre marque la seconde phase de la Révolution russe de 1917, après la révolution de février. Son point d'orgue est l'insurrection du 25 octobre (n.s. 7 novembre). Appuyé sur les soviets, le parti bolchévik de Lénine et Trotsky réussit à donner une direction politique de classe qui mène en Octobre à la première vraie révolution socialiste, qui engendre une vague révolutionnaire en Europe. Mais l'échec de cette vague isolera la jeune URSS et favorisera l'émergence de la bureaucratie stalinienne.

1 Les évènements

1.1 La révolution de Février

Les grèves et manifestations insurrectionnelles à Petrograd de février ont poussé le tsar à abdiquer le 2 mars (n.s 15 mars). Un gouvernement provisoire est alors formé autour du Prince Lvov, membre du parti Constitutionnel Démocratique (KD), le principal parti de la bourgeoisie. Le 2 mars également, le soviet de Petrograd est formé, et des soviets d'ouvriers et de soldats se forment rapidement dans les grandes villes (et à partir d'avril dans les campagnes). Dans les soviets (« conseils », en russe) les classes populaires se réunissent pour discuter mais aussi pour autogérer toute une partie de la vie locale. Il y a donc une situation de double pouvoir, même si le soviet de Petrograd, présidé par le menchévik Tchkhéidzé, donne sa confiance au gouvernement provisoire. Kerensky (troudovik), à la fois ministre du gouvernement et vice-président du soviet, assure la liaison.

Mais le gouvernement provisoire ne veut prendre aucune mesure trop radicale, pas même la proclamation de la République. Il refuse les revendications des soviets (la paix, la terre aux paysans, la journée de 8 heures...), renvoyant la responsabilité à une future Assemblée constituante, tout en affirmant qu'il est impossible de la convoquer tant que des millions d'électeurs sont au front. La situation est donc toujours révolutionnaire. Les forces monarchistes ayant été dissoutes, les KD se retrouvent à l'extrême droite, face une opposition entièrement constituée de « socialistes » (même si le premier parti, le parti Socialiste-Révolutionnaire, est davantage une force petite-bourgeoise).

Les dirigeants bolchéviks présents en Russie (Kamenev, Staline, Molotov...) suivent les autres socialistes, considérant que leur ligne de soutien à la révolution bourgeoise passe par le soutien au gouvernement provisoire. Ils envisagent même une réunification avec les menchéviks. La Pravda appelle à la reprise du travail et au retour à la normale.

De retour d'exil, Lénine fait aussitôt paraître ses Thèses d'avril. Il soutient qu'il faut dénoncer le gouvernement provisoire comme incapable de satisfaire les revendications démocratiques, ouvrières et paysannes, et affirme que la situation de double pouvoir doit être tranchée en revendiquant « tout le pouvoir aux soviets », pour créer un Etat « du type de la Commune de Paris ». Il est d'abord mis en minorité, et le bruit court qu'il est devenu « trotskiste », voulant un « passage immédiat » à la révolution socialiste. En s'appuyant sur la base ouvrière, il parvient à faire changer l'orientation du parti.

1.2 La question de la paix et les Journées d'avril

Depuis 1914 la guerre a provoqué beaucoup de remises en question du discours nationaliste, d'autant plus que la Russie est affaiblie face à l'Allemagne. Néanmoins, début 1917 ce sont surtout l’incapacité du commendement militaire et ses mauvais traitements qui sont dénoncés. Les slogans de paix immédiate sont au départ plus fréquents à l’arrière qu’au front, où les soldats considèrent souvent les ouvriers comme des « planqués », et refusent d'admettre l’inutilité des sacrifices qu’ils endurent depuis trois ans. Le « défaitisme révolutionnaire » est très impopulaire, et même au sein des bolcheviks il ne passe pas toujours bien.

Le 18 avril, le ministre KD Milioukov s'engage dans une note secrète aux Alliés à ne pas remettre en cause les traités tsaristes et à poursuivre la guerre jusqu'au bout. Lorsque cette note fuite dans la presse, des manifestations armées d'ouvriers et de soldats éclatent (20-21 avril) et s'affrontement violemment à des manifestants pro-gouvernement. Ce sont les premiers véritables affrontements armés de la révolution. Le 15 mai, Milioukov démissionne et un remaniement ministériel renforce le poids de Kerensky et intègre des SR et 2 menchéviks (Tsereteli et Skobelev). Ce gouvernement a le soutien des ouvriers et beaucoup veulent croire que Kerensky (devenu ministre de la guerre) obtiendra une victoire militaire rapide.

1.3 Les journées de juillet

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Dispersion de la foule sur la perspective Nevski, pendant les journées de juillet.

Entre février et juillet, l’impopularité de la guerre et la lassitude gagnent du terrain, notamment parmi les ouvriers à qui l'on refuse la journée de 8 heures au nom de l'effort de guerre. Début juin, les bolcheviks sont majoritaires dans le soviet ouvrier de Petrograd.

L’échec militaire de l’« offensive Kerensky » de juillet entraîne une déception générale. L’armée entre en décomposition, les soldats refusent de monter en première ligne, les désertions se multiplient. Les 3 et 4 juillet, les soldats stationnés à Petrograd refusent de repartir au front. Rejoints par les ouvriers, ils manifestent pour exiger des dirigeants du soviet de la ville qu’il prenne le pouvoir.

Les bolcheviks s’opposent à une insurrection prématurée car ils ne sont majoritaires que dans le prolétariat de Petrograd et Moscou, mais la base les déborde. Ils décident alors de soutenir néanmoins les manifestants pour ne pas se couper de cette avant-garde.

1.4 La réaction et le putsch de Kornilov

🔍 Voir : Affaire Kornilov.

Les manifestants sont réprimés et une vague de répression frappe le parti bolchévik, ainsi que des calmonies (accusations d'être à la solde des Allemands pour les faire gagner). Lénine est obligé de se réfugier en Finlande, le journal bolchevique Rabotchi I Soldat est interdit, et Trotsky (qui se rapproche des bolchéviks) est emprisonné. Les régiments de mitrailleurs qui ont soutenu la révolution sont dissous, envoyés au front par petits détachements, les ouvriers sont désarmés. 90 000 hommes doivent quitter Petrograd, les « agitateurs » sont emprisonnés. La peine de mort abolie en février est rétablie et des pogroms se produisent en province. Au front, la reprise en main est brutale après la liberté laissée par le prikaze n°1 en février. Ainsi le 8 juillet, le général Kornilov, qui commande le front sud-ouest, donne l’ordre d’ouvrir le feu à la mitrailleuse et l’artillerie sur les soldats qui reculeraient. Du 18 juin au 6 juillet, l’offensive sur ce front fait 58 000 morts, sans succès.

Le gouvernement est en crise et le 15 juillet, les ministres KD démissionnent, y compris le premier ministre Lvov. Ils sont de plus en plus nationalistes et partisans de méthodes autoritaires. Avec des forces tsaristes ils misent de plus en plus sur Kornilov pour rétablir l'ordre (bonapartisme). Kerensky croit pouvoir s'appuyer sur Kornilov et le 19 juillet, il le nomme commandant en chef de l'armée russe. À la fin du mois de juillet, Kerensky forme un nouveau gouvernement à majorité socialiste. Le soviet de Petrograd, dominé par les socialistes opportunistes, donne sa confiance à ce gouvernement qui cautionne la réaction. La dualité de pouvoir semble disparaître. Dans ces conditions, les bolchéviks cessent de revendiquer le « pouvoir aux soviets », ceux-ci étant dirigés par les conciliateurs (SR et menchéviks) dont la seule perspective était clairement de confier ce pouvoir à un gouvernement de coalition avec les bourgeois.

Mais la réaction ne veut pas s'arrêter en chemin. Le 9 septembre, Kornilov envoie 3 régiments de cavalerie par chemin de fer sur Petrograd, dans le but affiché d’écraser dans le sang les soviets et les organisations ouvrières et de remettre la Russie dans la guerre. Kerensky panique et destitue Kornilov, mais son gouvernement est devenu trop faible pour se défendre. Ce sont les soviets qui organisent réellement la défense, et qui mettent en déroute Kornilov en 3 jours.

1.5 Ebullition populaire et essor des bolchéviks

La défaite du putsch retourne la situation. La réaction baisse la tête face une vague d'ébullition populaire. Les bolchéviks, qui étaient en première ligne contre Kornilov, sortent grandis par rapport au gouvernement Kerensky. Les soviets reprennent de l'autonomie et les bolchéviks y prennent de plus en plus d’importance. Le nombre des délégués bolchéviks augmente, mais les idées bolchéviques circulent encore plus vite : des décisions radicales commencent à remonter de régions où ils ne sont pas présents. Le rapport de forces permet à présent aux bolchéviks de prendre la parole sur le front lors des meetings de soldat. Le 31 août, le soviet de Petrograd devient bolchévik, et le 30 septembre il élit à sa présidence Trotski (qui vient de rejoindre les bolchéviks). Le soviet de Moscou passe également aux bolchéviks. Les bolchéviks remettent au centre le mot d'ordre « tout le pouvoir aux soviets ». Pour une courte période, Lénine envisage la possibilité d’une transition pacifique vers un gouvernement des soviets.

Après une période où Kérensky détient de fait le pouvoir, à la tête d’un directoire de 5 personnes, une « conférence démocratique » est convoquée le 14 septembre, à l’initiative des conciliateurs. Ils refusent le pouvoir aux soviets, mais veulent réfréner l’ambition de Kérensky. La conférence donne une majorité aux conciliateurs, et une représentation non négligeable aux bolchéviks. Elle accepte aussi des groupements petit-bourgeois, mais exclut les KD. Elle débouche sur la création d'une nouvelle instance, le Soviet de la République (ou Préparlement), qui intègre des représentants des classes possédantes et des cosaques. Le Comité central du Parti bolchévik est divisé sur la participation à ce Préparlement, mais le congrès du parti se prononce finalement pour la participation, contre l’avis de Trotsky et Lénine qui y voient une manière de repousser la question de la prise de pouvoir révolutionnaire. De nombreuses résolutions des sections locales contestent cette décision.

Il est également sorti de la « conférence démocratique » un nouveau gouvernement de coalition, caractérisé par les bolchéviks comme un gouvernement de guerre civile contre les masses. Pour celles-ci, la situation continue de se dégrader. Dans les villes, beaucoup d’ouvriers se mettent en grève, mais les plus avancés considèrent déjà ce mode d’action comme dépassé et se rallient à l’objectif de l’insurrection.

1.6 Frustrations et combat des paysans et des peuples opprimés

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En septembre-octobre, l'agitation révolutionnaire gagne les campagnes. Les paysans s’emparent des terres des grands propriétaires, il y a des violences et des destructions. Les paysans pauvres sont les plus radicaux, et les représentants locaux de l’État n’osent pas s’interposer, malgré les plaintes des propriétaires. Le mouvement déborde largement les cadres SR, qui reportent depuis trop longtemps la réforme agraire. On y voit alors l’influence des bolchéviks, mais ces derniers sont peu présents dans les campagnes, où leurs moyens sont très limités (manque d’imprimerie et d’orateurs). Avec leurs mots d'ordre, ils parviennent peu à peu à s’implanter parmi les paysans pauvres, surtout via les soldats revenant du front.

Au même moment, les différents peuples opprimés de l’empire tsariste déchu se soulèvent eux aussi. Le renversement de la monarchie leur a apporté l'égalité des droits civiques, mais n’a pas apporté de réelle libération nationale. Les KD ont perpétué la domination grand-russe, malgré leurs promesses antérieures. Les conciliateurs locaux, proches de la population, vont souvent plus loin dans les revendications que ne le veut le pouvoir central et conserveront plus longtemps leur base. Les bolchéviks sont peu présents parmi les minorités opprimées, mais la faillite des gouvernements de coalition sur la question nationale comme sur les autres, provoque le plus souvent de la bienveillance à son égard, d’autant plus quand il y a coïncidence des antagonismes sociaux et nationaux.

1.7 Les préparatifs de l’insurrection

Sous la pression des événements et de la radicalisation des masses, les bolchéviks ont rapidement évolué à gauche. Malgré l’opposition de Kamenev, il est décidé une sortie démonstrative du Préparlement (7 octobre), Trotsky y dénonçant la représentation exagérée des possédants, la politique économique du gouvernement, et en appelant au peuple pour la défense de la révolution et l’instauration du pouvoir des soviets. Ce Préparlement se montre de toute façon incapable de trancher les questions les plus graves selon lui, comme celle des moyens de rendre à l’armée son ardeur combative. Les bolchéviks consacrent leur énergie à l’agitation en faveur du pouvoir aux soviets. Les orateurs manquent (Lénine est toujours réfugié en Finlande, Kamenev et Zinoviev s’opposent à la perspective de l’insurrection qui se dessine…), mais l’agitation est efficace dans les masses.

Un congrès des soviets est convoqué pour le 20 octobre. Pour les bolchéviks, ce congrès doit marquer l’instauration du pouvoir des soviets. Les conciliateurs, qui s’étaient tout d’abord ralliés à ce congrès, le désavouent ensuite ; cette attitude ne fait qu’accélérer le ralliement à la ligne bolchévik des soviets les plus retardataires.

Après s’être battu pendant plusieurs semaines contre le Comité central du parti bolchévik (tout comme en avril), Lénine parvient enfin, le 10 octobre, à rallier une majorité à une motion qui met à l’ordre du jour immédiat la préparation de l’insurrection. Les conditions politiques sont maintenant mûres pour cette insurrection (en particulier grâce à l’attitude des paysans), il est donc urgent de s’atteler à la tâche.

Les opposants à cette perspective parmi les bolchéviks, principalement Kamenev et Zinoviev, mais qui se retrouvent à tous les échelons du parti, ont encore des illusions sur une transition institutionnelle vers un pouvoir des soviets : ils veulent attendre le Congrès des soviets, voire l’Assemblée constituante — dont les élections sont en préparation, le gouvernement les ayant longtemps repoussées, mais ayant décidé de les convoquer pour essayer de sauver le régime. Zinoviev et Kamenev, allant jusqu’à rompre la discipline du parti, parlent d’ « aventurisme », craignant qu’une insurrection fasse perdre aux bolchéviks la confiance des masses.

L’insurrection est malgré tout programmée, prévue initialement pour le 15 octobre, et en tout cas avant que ne se réunisse le congrès des soviets : forts de l’expérience historique de la Commune de Paris, les bolchéviks savent parfaitement que la bourgeoisie, toute démocratique qu’elle se prétende, ne se laissera pas prendre le pouvoir sans y être contrainte par la force. En outre, l’attitude des conciliateurs depuis février, refusant de rompre avec la bourgeoisie même quand celle-ci affichait le plus son caractère réactionnaire, montre qu’ils devront eux aussi être mis au pied du mur pour éventuellement accepter que les soviets prennent enfin tout le pouvoir.

Les antagonismes dus à la dualité des pouvoirs s’accentuent. Le soviet de Pétrograd décide la création d’un Comité militaire révolutionnaire (avec à sa tête un jeune socialiste-révolutionnaire de gauche, Lasimir), dans le but de contrôler la défense de la capitale (notamment pour empêcher la dispersion des troupes révolution­naires par le gouvernement). Il est également créé une section de la garde rouge (ouvriers armés), placée avec la garnison sous la direction du Comité militaire. Le gouvernement s’inquiète de ces démonstrations de force, comprenant ce qui se prépare. Il réclame les troupes de Pétrograd pour le front, mais la délégation du soviet tient tête et refuse ce prélèvement.

Le Comité militaire poursuit ses préparatifs, avec en particulier des mesures préventives contre les forces contre-révolutionnaires (junkers, cosaques, cent-noirs). Pendant les jours qui précèdent le congrès des soviets (finalement repoussé au 25 octobre pour des raisons techniques), la presse bourgeoise annonce des manifestations des bolchéviks. Mais ceux-ci ne font que recenser leurs troupes en vue de l’insurrection, ils s’assurent que les masses de Pétrograd et des alentours leur sont acquises. Les meetings renforcent à la fois les masses et leurs dirigeants dans l’idée que tout est prêt pour l’insurrection. La dernière étape est la conquête politique, suite à un meeting de Trotsky, des soldats de la forteresse Pierre-et-Paul, jusque-là réfractaire à l’autorité du Comité militaire.

1.8 Le déroulement de l’insurrection

Le 23 octobre, l’état-major de l’armée officielle est définitivement relevé de son commandement sur les troupes de Pétrograd. Le Parti bolchévik n’attend plus que le gouvernement fasse le premier geste d’offensive comme signal de départ pour l’insurrection, qui sera d’autant plus efficace et suivie qu’elle se parera des couleurs de la défensive…

Dans la nuit du 23, le gouvernement décide des poursuites judiciaires contre le Comité militaire, et la mise sous scellés des imprimeries bolchéviques. Mais les ouvriers et soldats se mobilisent et font paraître les journaux, et ils demandent des ordres pour la défense du palais de Smolny (siège du Comité militaire). Le croiseur « Aurore » se met aussi à disposition.

La journée du 24 est occupée à la répartition des tâches pour les bolchéviks. Pendant ce temps-là, les défections de troupes continuent parmi celles qui étaient jusque-là contrôlées par le gouvernement, comme par exemple le bataillon de motocyclistes. Au Préparlement, Kérensky décrète des mesures contre les bolchéviks, mais les troupes qu’il a encore à sa disposition (junkers, cosaques) sont trop faibles par rapport à l’adversaire pour les exécuter.

Dans la nuit du 24, le Comité militaire fait occuper les centres névralgiques de Pétrograd. Des troupes de junkers et des officiers sont arrêtés et désarmés. Parfois, les bolchéviks font preuve d’une trop grande indulgence envers les ennemis : sûrs de leur force, ils espèrent le moins de violence possible ; ils auront plus d’une fois à le regretter par la suite, pendant la guerre civile. Quant aux conciliateurs du Comité exécutif des soviets, ils ne peuvent que constater l’insurrection ; ils n’ont désormais plus de place propre dans le conflit direct entre la bourgeoisie et le prolétariat.

Le matin du 25, le Comité militaire annonce qu’il a pris le pouvoir et que le gouvernement est démis. En fait, celui-ci siège toujours au Palais d’hiver, dont la prise a été retardée (le comité a bien des lacunes dans la science militaire). Dans la journée, le Préparlement est évacué sans arrestation. La prise de la capitale s’est globalement déroulée dans le calme, comme un relèvement de la garde…

La seule tâche qui reste est donc la prise du Palais d’hiver. Parmi les bolchéviks, on commence à s’agacer du retard : il faut que l’action soit menée avant l’ouverture du Congrès des soviets, afin de mettre les conciliateurs devant le fait accompli. Le dispositif de défense du Palais d’hiver est en déliquescence, les junkers et les cosaques ne savent pas quelle attitude adopter. Dans la nuit, suite à une canonnade purement démonstra­tive de l’ « Aurore », le Palais d’hiver tombe sans combat, et le gouverne­ment est arrêté sans effusion de sang, à l’exception de Kérensky qui a réussi à s’enfuir vers le front.

1.9 Ouverture du Congrès des soviets

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Le Congrès des soviets est déjà réuni depuis le matin du 25, et les conciliateurs ne représentent qu’un quart des délégués. La première journée est consacrée aux réunions de fractions. Tous attendent le dénouement du siège du Palais d’hiver avant de commencer les discussions. Un bureau du Congrès est formé, avec 14 bolchéviks et 7 socialistes-révolutionnaires de gauche. Lénine, présent, n’apparaît pas encore publiquement.

Les conciliateurs refusent la proposition d’un front unique de la démocratie soviétique. Après l’annonce de la prise du Palais d’hiver, il ne reste au Congrès que les bolchéviks, les socialistes-révolutionnaires de gauche et les mencheviks internationalistes.

Le Congrès apprend que les troupes du front qui avaient été désignées par Kérensky pour réprimer l’insurrection se rangent du côté de celle-ci. Le matin du 26 octobre, on peut annoncer que le pouvoir est désormais aux mains des soviets.

Les premières mesures politiques du nouveau pouvoir sont prises par le Congrès lui-même, dans la nuit du 26 au 27. Il s’agit « d’édifier l’ordre socialiste », déclare Lénine, qui peut enfin apparaître publiquement, à la tribune. Les premières mesures prises par le Congrès sont donc un appel à tous les pays belligérants pour mettre fin à la guerre et discuter d’une paix juste et démocratique, un décret qui reconnaît que la terre appartient aux paysans, et la création du nouveau gouvernement : le « soviet des commissaires du peuple »…

2 Les premières mesures des bolcheviks

Un nouveau régime politique fut mise en place, basée sur la démocratie ouvrière. Le nouveau pouvoir soviétique commença immédiatement à introduire un programme de réformes radicales et de grande portée. Un des premiers décrets institua des mesures de contrôle ouvrier dans les usines.

La propriété privée de la terre fut abolie sans compensation. Le droit d’utiliser la terre alla à tous ceux qui la cultivaient. Après un débat acharné un traité de paix fut signé avec l’Allemagne. La Russie s’était retirée de la guerre. Les nations qui avaient anciennement été opprimées par l’empire russe obtinrent leur indépendance. Au cours des années suivantes cinq états indépendants furent créés, et au sein de la fédération russe 17 républiques autonomes et régions furent établies.

L’ancien code légal fut aboli et le système judiciaire fut complètement réformé. Des courts populaires furent mises en place avec des juges élus.

Les femmes obtinrent le droit de vote, la pleine citoyenneté, l’égalité des salaires et de droit du travail. Les changements légaux commencèrent à transformer toute la nature de la famille. Ainsi que l’expliquait un législateur le mariage « devait cesser d’être une cage dans laquelle mari et femme vivent comme des condamnés ». La discrimination à l’égard des enfants illégitimes cessa. En 1920 la Russie devint le premier pays au monde à légaliser l’avortement. L’homosexualité n’était plus un crime. De tels changements mirent la Russie largement en tête des nations d’Europe occidentale soi-disant plus avancées.

En un an le nombre d’école augmenta de plus de cinquante pour cent, et il y avait des campagnes pour apprendre aux illettrés à lire et à écrire. Les frais universitaires furent abolis pour permettre un plus grand accès à l’éducation supérieure. On se débarrassa des examens et l’apprentissage basé sur la mémorisation pure fut énormément réduit. L’étude scolaire fut combinée au travail manuel, et des mesures de contrôle démocratique furent apportées, impliquant tous les travailleurs scolaires et les élèves âgés de plus de 12 ans. Lénine attachait personnellement une grande attention à l’expansion des bibliothèques.

Les décrets ne pouvaient changer que jusqu’à ce point. La tâche d’éradiquer l’ignorance, la superstition et les attitudes réactionnaires prendrait plus de temps. Lénine insistait sur l’importance de l’auto-émancipation de la classe ouvrière, disant que la révolution devait « développer cette initiative indépendante des travailleurs, de tous les prolétaires et les exploités en général, la développer aussi largement que possible en travail organisationnel créatif. A tout prix nous devons rompre le vieil, absurde, sauvage, détestable et dégoûtant préjugé que seules les ‘classes supérieures’, seuls les riches, et ceux qui sont passés par les écoles des riches, sont capables d’administrer l’État et de diriger le développement organisationnel de la société socialiste ». Malgré les terribles privations de la période post-révolutionnaire, beaucoup de travailleurs se sentirent délivrés des limitations de leur ancien mode de vie. On trouve des récits contemporains de travailleurs, après une journée de travail, improvisant et produisant des pièces, ou assistant à des cours pour apprendre à écrire de la poésie.

La Russie révolutionnaire connut une effervescence d’innovations et d’expérimentations dans les domaines de la littérature, de la peinture et du cinéma. La position de l’artiste dans la société était transformée. Comme le dit le poète Maïakovski : « Les rues plutôt que des pinceaux nous utiliserons /Nos palettes, les places et leurs espaces grand ouverts » (Ordre à l’armée des arts, 1918).

3 Les suites immédiates de la révolution d’Octobre

3.1 Que faire face à la contre-révolution ?

La révolution victorieuse est généreuse : des représentants de la bourgeoisie, notamment des officiers et élèves-officers, faits prisonniers au moment de l’insurrection, sont libérés sur parole par le pouvoir soviétique. En échange, ils s’engagent à ne pas essayer de renverser le pouvoir soviétique. Mais la plupart, à peine libérés, trahissant leur parole, préparent, organisent ou essayent d’organiser des soulèvements armés, comme à Moscou. La bourgeoisie par l’intermédiaire de son parti, le parti cadet, et de ses relais dans l’armée et le vieil appareil d’État, s’efforce de rétablir son pouvoir par la violence.

Les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires (SR) de droite, quant à eux, s’opposent au pouvoir issu de la révolution : après avoir quitté le IIe Congrès des Soviets, où ils étaient en minorité, ils refusent d’envoyer leurs délégués au Comité exécutif central des soviets de Russie en proportion de leur représentation à ce congrès. Et ils prétendent substituer au gouvernement élu par ce dernier (conseil des commissaires du peuple) un gouvernement de coalition comprenant des bolcheviks, des mencheviks, des SR et des socialistes populistes (ces derniers étant dirigés par Kerensky, lequel, chef du gouvernement provisoire d’avant Octobre, avait multiplié les actes de répression contre les travailleurs et les soldats, ouvrant la voie à la préparation du coup d’État militaire de Kornilov). Le Comité exécutif du syndicat des cheminots, dirigé par les mencheviks, menace de bloquer le ravitaillement de la capitale si le gouvernement soviétique ne cède pas.

Des pourparlers sont engagés entre les représentants du gouvernement soviétique, des différents partis se revendiquant du socialisme et le Comité exécutif du syndicat des cheminots. Le gouvernement demande au syndicat des cheminots d’envoyer des troupes pour mater l’insurrection contre-révolutionnaire des élèves-officiers de Moscou. Ce dernier, en affirmant sa « neutralité », démasque devant le peuple tout entier le sens réel de sa politique. Le pouvoir soviétique rompt alors les pourparlers, dont la fonction (quelles que soient les bonnes intentions de certains socialistes-révolutionnaires ou mencheviks) se révèlait être objectivement celle d’un soutien politique à la lutte contre la révolution d’Octobre, c’est-à-dire contre le décret sur la paix, le décret sur la terre, le contrôle ouvrier sur l’industrie et plus généralement le pouvoir des ouvriers et des paysans.

D’un côté, le gouvernement soviétique dirigé par les bolcheviks s’efforce de réduire par la négociation tous les soulèvements contre le pouvoir, même armés : les soldats fidèles aux soviets reçoivent ordre de ne pas tirer les premiers. Les bolcheviks entendent ainsi démontrer à tous qu’ils ne veulent pas la guerre civile. Mais, de l’autre, le gouvernement réagit sans faiblesse aux menées de la contre-révolution : il triomphe militairement des troupes qui ne se rendent pas et décide de mettre en état d’arrestation les dirigeants du parti cadet, cerveaux de la contre-révolution, de placer ce parti sous surveillance et d’interdire sa presse.

3.2 La question de la liberté de la presse

Les mencheviks et les SR de droite se scandalisent : comment oser porter atteinte à la sacro-sainte liberté de la presse ? Comment oser interdire la presse bourgeoise ? Les mencheviks, les SR de droite et les socialistes-populistes n’avaient pas fait preuve d’autant de réticences à « porter atteinte à la liberté de la presse » et à recourir à la violence lorsque, aux lendemains des journées de juillet, ils avaient décidé d’interdire la presse du Parti bolchevik, d’envoyer l’armée fermer ses imprimeries, détruire ou confisquer son matériel et arrêter ses principaux dirigeants, qui passèrent les mois de juillet et août dans les prisons du gouvernement des mencheviks, des SR et des socialistes-populistes…

Dès lors, s’ils se scandalisent de la mesure d’interdiction de la presse bourgeoise au moment où celle-ci répand toutes sortes de fausses nouvelles et de calomnies contre le pouvoir soviétique dans l’objectif de son renversement, ce n’est pas qu’ils soient attachés à la « liberté de la presse » pour elle-même, mais plutôt qu’ils sont aussi déterminés à rétablir le pouvoir bourgeois qu’ils l’ont été à étouffer par tous les moyens la révolution prolétarienne. Pour eux, la presse est « libre » lorsque la presse est dans les mains de quelques grands hommes d’affaires et présente la réalité à leur avantage, calomniant les révolutionnaires (comme les bolcheviks, accusés sans fondement en juillet d’être financés par l’État-major allemand), tandis que l’immense majorité n’a tout simplement pas les moyens matériels de disposer de ses propres médias. À l’opposé, la politique des bolcheviks consista, dans l’esprit du projet de décret sur la presse, d’une part, à imposer à tous les journaux l’obligation de rendre publics leurs comptes, afin que le peuple puisse connaître le ou les commanditaire(s) du journal et, d’autre part, à collectiviser les imprimeries et à les mettre à la disposition de tout groupe significatif d’ouvriers ou de paysans désirant éditer un journal ou une revue (Lénine suggérait d’accorder ce droit à tout groupe d’au moins 10 000 ouvriers ou paysans). En donnant ainsi réellement la possibilité aux exploités et aux opprimés de faire leur propre presse, ces mesures constituaient un pas vers la liberté réelle de la presse.

Les rumeurs répandues par la presse bourgeoise ne peuvent être séparées des préparatifs militaires de coup d’État. En ce sens, faire preuve de la moindre faiblesse face à la contre-révolution, même avec les meilleures intentions du monde, c’est trahir la révolution. Tous les hésitants (comme les SR de gauche et le groupe Zinoviev-Kamenev dans le parti bolchévik) semblent avoir oublié les leçons de la Commune de Paris. La bourgeoisie française n’avait continué à discuter avec les communards que le temps de réunir, en accord avec Bismarck (représentant les intérêts de la bourgeoisie allemande), les forces nécessaires pour écraser la révolution prolétarienne commençante. La lutte politique et médiatique de la bourgeoisie contre le gouvernement révolutionnaire et son recours à la force militaire ne sont pas deux politiques opposées, mais les deux moments d’une même politique, dont le résultat ne peut être rien d’autre que le rétablissement du pouvoir de la bourgeoisie sur la base du massacre des ouvriers révolutionnaires.

3.3 Le comportement du gouvernement soviétique à l’égard des paysans

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On reproche aussi aux bolcheviks d’avoir accordé aux ouvriers une sur-représentation dans les soviets, devenus organes de l’État, par rapport à la paysannerie, qui était largement majoritaire en Russie. Pour les « démocrates » bourgeois et petits-bourgeois, cela représente une violation inadmissible de « la » démocratie, incarnée selon eux dans le principe : un homme, une voix. Pourtant, ce principe formel ignore que, sous le capitalisme, c’est la ville qui commande à la campagne. Dès lors, la question politique principale qui se pose, en ce qui concerne la paysannerie, est de savoir quelle classe la dirigera : la bourgeoisie ou le prolétariat ? En régime de « démocratie » bourgeoise, c’est la bourgeoisie qui commande à la paysannerie, comme à toutes les autres classes. C’est cette bourgeoisie qui domine la terre, surexploite les salariés agricoles, pille les petits paysans et souvent les exproprie en les conduisant à la ruine.

Le gouvernement soviétique, au contraire, s’est efforcé d’aider les travailleurs salariés et les paysans pauvres à lutter contre les bourgeois et les paysans riches, tout en essayant d’obtenir la bienveillante neutralité du paysan moyen (celui qui peut vivre de sa terre sans employer de salarié). Dans les premiers jours qui suivent la révolution d’Octobre, la grande majorité du prolétariat est déjà ouvertement du côté du pouvoir soviétique, mais la position de la paysannerie est encore incertaine. Pour la gagner à la révolution prolétarienne, le gouvernement soviétique fait connaître dans les campagnes ses premières mesures et convoque un congrès extraordinaire des soviets de délégués paysans de Russie. Parmi les délégués, on compte 197 SR de gauche, 65 SR de droite et 37 bolcheviks. Au terme d’une âpre lutte politique, les délégués de ce congrès, tout en reprenant la revendication menchevik et SR de la formation d’un gouvernement de coalition incluant, en plus des bolcheviks et des SR de gauche, des mencheviks, des SR de droite et des socialistes-populistes, affirme que ce gouvernement devra appliquer le programme adopté par le IIe Congrès des soviets de Russie, réuni en Octobre. Il démontre ainsi que le développement de la lutte entre les classes au cours de la révolution, modelé par un combat politique acharné entre les partis qui les représentent, a fini par placer, malgré ses oscillations constantes, la majorité de la paysannerie du côté du pouvoir soviétique. Car seul ce pouvoir s’est révélé capable d’apporter à une réponse positive aux revendications paysannes, en décidant l’expropriation des propriétaires fonciers et la répartition égalitaire de la terre entre les paysans. La conquête du pouvoir par le prolétariat permet ainsi de grouper autour de lui tous les opprimés, ce qui est une condition pour la victoire finale.

3.4 La dissolution de l'assemblée constituante

Entre avril et juillet 1917, les bolchéviks avaient revendiqué la constituante en soutenant qu'une démocratie bourgeoise (avec constituante) est meilleure qu'un régime bourgeois sans constituante, tout en maintenant leur ligne « tout le pouvoir aux soviets » et en expliquant inlassablement qu'une république soviétique serait supérieure à une république parlementaire. Le gouvernement provisoire repoussait la convocation de la constituante en prétextant les difficultés de la guerre. Finalement, en juin il annonce les élections pour novembre (la guerre est toujours en cours...). Quand à partir d'août les bolchéviks deviennent majoritaires dans les soviets, les cadets, SR et menchéviks deviennent farouchement partisans de la Constituante comme summum de la démocratie.

Suite à l'insurrection de la nuit du 25-26 octobre (n.s. 7-8 novembre), les bolchéviks dispersent le gouvernement provisoireet mettent en place un Conseil des commissaires du peuple. Espérant une validation du système soviétique, les bolchéviks décident de maintenir les élections de la Constituante, qui ont lieu le 12 novembre (n.s. 25).

Mais les résultats ne donnèrent qu'une minorité aux bolcheviks et SR de gauche. Malgré la nette majorité bolchévique dans les villes et parmi les soldats, les campagnes votent majoritairement pour des notables SR. La rupture des SR de gauche qui ne faisait que débuter ne s'était pas clairement matérialisée dans bien des endroits. Les élections au congrès pan-russe des soviets réuni en janvier 1918 donnent lieu à l’écrasement des SR de droite, qui n’obtiennent que 7 délégués, soit moins de 1 %, tandis que les SR de gauche raflent plus de 30 % des sièges.

Lors de la réunion de la Constituante le 5 janvier (n.s. 18) , les mencheviks et les SR de droite présentèrent une motion proposant d’abolir toutes les mesures prises par le pouvoir soviétique depuis octobre (décret sur la terre, adresse internationale pour mettre fin à la guerre, décret sur le contrôle ouvrier...) et affirmant la suprématie de la Constituante sur les Soviets. Dans ces conditions, les bolchéviks, suivi des SR de gauche, quittent l'assemblée. Ils décident alors de dissoudre l'Assemblée et de faire du Congrès des Soviets l'organe dirigeant du pays.

Par delà les formes institutionnelles, la lutte entre les Soviets et la Constituante était essentiellement au coeur de la lutte entre la révolution prolétarienne et la contre-révolution bourgeoise. Après l’échec de la voie putschiste pour en finir avec la révolution (échec du coup d’État de Kornilov fin août 1917), la bourgeoisie a cherché une autre façon de mettre un terme à la révolution, qui signifiait son expropriation et sa perte du pouvoir politique. Entre septembre 1917 et janvier 1918, elle a concentré son offensive sur la question de la Constituante en arguant du caractère sacré de la « démocratie ». Dès avant l’échec de cette manœuvre, mais surtout après, la bourgeoisie russe passait à l’option militaire : elle déclenchait la guerre civile, avec l’appui des tous les pays capitalistes réunis dans une grande offensive contre la République des soviets (Japon, France, Angleterre, Roumanie, Allemagne, etc).

3.5 La guerre civile et le « communisme de guerre »

Après la révolution d’Octobre, la guerre civile fait naître une terrible situation. De janvier 1919 à janvier 1920, un blocus total décidé par les puissances étrangères frappe la Russie tout entière, déjà profondément affaiblie et fragilisée dans son équilibre alimentaire et sanitaire. Par sa politique dite du « communisme de guerre », le gouvernement soviétique, dirigé par les bolcheviks, exige de mettre en place un rationnement très rigoureux, assorti de réquisitions des cultures agricoles. Lénine le soulignera plus tard : « L’essence du communisme de guerre était que nous prenions au paysan tout son surplus, et parfois non seulement son surplus, mais une partie des grains dont il avait besoin pour se nourrir. » Pour l’appliquer, des détachements de réquisition et de barrage sont instaurés, qui se révèlent souvent impitoyables et commettent de graves abus. Dès lors, l’automne et l’hiver 1920 sont marqués par de grandes révoltes paysannes : celles que conduit Nestor Makhno en Ukraine, celles qui ébranlent les campagnes de Tambov et de Tioumen. Les paysans protestent, dans la violence, contre les réquisitions et leurs excès. Selon Jean-Jacques Marie, les méthodes employées par les insurgés sont des plus barbares : non seulement les communistes sont fusillés en masse, mais encore les assassine-t-on parfois avec une extrême cruauté : déshabillés, on les laisse mourir gelés dans la neige ; on leur arrache les yeux ; on les éventre…

Enfin la révolte la plus notable et la plus connue fut celle qui eut lieu à Cronstadt, l'île forteresse située face à Petrograd.

4 Bibliographie

  • Charles-Olivier Carbonell, Le Grand Octobre russe : 1917 : la révolution inimitable, Paris, Éditions du Centurion, coll. « Un brûlant passé », , 288 p.
  • Léo Figuères, Octobre 1917 : la révolution en débat, éd. Le Temps des Cerises, 1998 (ISBN 2-84109-131-7)
  • (en) Sheila Fitzpatrick, The Russian Revolution, Oxford University Press, 2008
  • Marc Ferro, La Révolution de 1917, 2 vol., Paris, Aubier, 1967
  • François-Xavier Coquin, La Révolution russe, 1962
  • Richard Pipes, La Révolution russe, PUF, 1993
  • Alexander Rabinowitch, Prelude to Revolution, 1991
  • Alexander Rabinowitch, The Bolsheviks Come To Power: The Revolution of 1917, 2004
  • Alexander Rabinowitch, The Bolsheviks in Power: The First Year of Soviet Rule in Petrograd, 2007
  • John Reed, Dix jours qui ébranlèrent le monde, Éditions sociales, 1986 (ISBN 2-2090-5494-X) (ISBN 978-2-2090-5494-7) - (Ten Days that Shook the World), 1919
  • Voline, La Révolution Inconnue, Livre premier : Naissance, croissance et triomphe de la Révolution russe (1825-1917), Éditions Entremonde, Lausanne, 2009. (ISBN 978-2-940426-02-7 )
  • Nicolas Werth, 1917 : la Russie en révolution, Gallimard, coll. Découvertes, 1997
  • Éric Aunoble, La Révolution russe, une histoire française, lectures et représentations depuis 1917, Édition La Fabrique, 2016