Différences entre les versions de « Révolution d'Octobre »

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{{InfoCalendrierJulien}} [[File:October-rev1a.jpg|right|381x237px|October-rev1a.jpg]]La '''révolution d'Octobre''' marque la seconde phase de la [http://wikirouge.net/Révolution_russe_(1917) Révolution russe] de 1917, après la [[Révolution_de_février|révolution de février]]. Son point d'orgue est l'insurrection du 25 octobre (n.s. 7 novembre). Appuyé sur les [[Soviets|soviets]], le [[Parti_bolchévik|parti bolchévik]] de [[Lénine|Lénine]] et [[Trotsky|Trotsky]] réussit à donner une direction politique de classe qui mène en Octobre à la première vraie [[Révolution_socialiste|révolution socialiste]], qui engendre une [[Vague_révolutionnaire_de_1917-1923|vague révolutionnaire en Europe]]. Mais l'échec de cette vague isolera la jeune [[URSS|URSS]] et favorisera l'émergence de la [[Bureaucratie_stalinienne|bureaucratie stalinienne]].
 
  
== Les évènements ==
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{{InfoCalendrierJulien}} [[File:October-rev1a.jpg|right|381x237px|October-rev1a.jpg]]La '''révolution d'Octobre''' marque la seconde phase de la [http://wikirouge.net/Révolution_russe_(1917) Révolution russe] de 1917, après la [[Révolution_de_février|révolution de février]]. Son point d'orgue est l'[[Insurrection_d'octobre|insurrection du 24-25 octobre]] (n.s. 6-7 novembre). Appuyé sur les [[Soviets|soviets]], le [[Parti_bolchévik|parti bolchévik]] de [[Lénine|Lénine]] et [[Trotsky|Trotsky]] réussit à donner une direction politique de classe qui mène en Octobre à la première vraie [[Révolution_socialiste|révolution prolétarienne]], qui engendre une [[Vague_révolutionnaire_de_1917-1923|vague révolutionnaire en Europe]]. Mais l'échec de cette vague isolera la jeune [[URSS|URSS]] et favorisera la [[Bureaucratisation_de_l'Etat_soviétique|bureaucratisation du nouveau régime]] et l'émergence du [[Stalinisme|stalinisme]].
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== Contexte ==
  
 
=== La révolution de Février ===
 
=== La révolution de Février ===
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{{Article détaillé|Révolution de Février}}
 
{{Article détaillé|Révolution de Février}}
  
Les grèves et manifestations insurrectionnelles à Petrograd de février ont poussé le tsar à abdiquer le 2 mars (n.s 15 mars). Un [[Gouvernement_provisoire_russe|gouvernement provisoire]] est alors formé autour du Prince Lvov, membre du [[Parti_constitutionnel_démocratique|parti Constitutionnel Démocratique]] (KD), le principal [[Parti_de_la_bourgeoisie|parti de la bourgeoisie]]. Le 2 mars également, le [[Soviet_de_Petrograd|soviet de Petrograd]] est formé, et des soviets d'ouvriers et de soldats se forment rapidement dans les grandes villes (et à partir d'avril dans les campagnes). Dans les [[Soviets|soviets]] (''« conseils »'', en russe) les classes populaires se réunissent pour discuter mais aussi pour [[Autogestion|autogérer]] toute une partie de la vie locale. Il y a donc une situation de [[Double_pouvoir|double pouvoir]], même si le soviet de Petrograd, présidé par le [[Menchévik|menchévik]] [[Tchkhéidzé|Tchkhéidzé]], donne sa confiance au gouvernement provisoire. [[Kerensky|Kerensky]] ([[Troudovik|troudovik]]), à la fois ministre du gouvernement et vice-président du soviet, assure la liaison.
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Les grèves et manifestations insurrectionnelles à Petrograd de février ont poussé le tsar à abdiquer le 2 mars. Un [[Gouvernement_provisoire_russe|gouvernement provisoire]] est alors formé autour du Prince Lvov, membre du [[Parti_constitutionnel_démocratique|parti Constitutionnel Démocratique]] (KD), le principal [[Parti_de_la_bourgeoisie|parti de la bourgeoisie]]. Le 2 mars également, le [[Soviet_de_Petrograd|soviet de Petrograd]] est formé, et des soviets d'ouvriers et de soldats se forment rapidement dans les grandes villes (et à partir d'avril dans les campagnes). Dans les [[Soviets|soviets]] (''« conseils »'', en russe) les classes populaires se réunissent pour discuter mais aussi pour [[Autogestion|autogérer]] toute une partie de la vie locale. Il y a donc une situation de [[Double_pouvoir|double pouvoir]], même si le soviet de Petrograd, présidé par le [[Menchévik|menchévik]] [[Tchkhéidzé|Tchkhéidzé]], donne sa confiance au gouvernement provisoire. [[Kerensky|Kerensky]] ([[Troudovik|troudovik]]), à la fois ministre du gouvernement et vice-président du soviet, assure la liaison.
  
 
Mais le gouvernement provisoire ne veut prendre aucune mesure trop radicale, pas même la proclamation de la République. Il refuse les revendications des soviets ([[Pacifisme|la paix]], [[Réforme_agraire|la terre aux paysans]], [[Journée_de_8_heures|la journée de 8 heures]]...), renvoyant la responsabilité à une future Assemblée constituante, tout en affirmant qu'il est impossible de la convoquer tant que des millions d'électeurs [[Guerre_de_1914-1918|sont au front]]. La situation est donc [[Situation_révolutionnaire|toujours révolutionnaire]]. Les forces monarchistes ayant été dissoutes, les [[Parti_KD|KD]] se retrouvent à l'extrême droite, face une opposition entièrement constituée de ''« socialistes »'' (même si le premier parti, le parti [[Socialistes-révolutionnaires|Socialiste-Révolutionnaire]], est davantage une force petite-bourgeoise).
 
Mais le gouvernement provisoire ne veut prendre aucune mesure trop radicale, pas même la proclamation de la République. Il refuse les revendications des soviets ([[Pacifisme|la paix]], [[Réforme_agraire|la terre aux paysans]], [[Journée_de_8_heures|la journée de 8 heures]]...), renvoyant la responsabilité à une future Assemblée constituante, tout en affirmant qu'il est impossible de la convoquer tant que des millions d'électeurs [[Guerre_de_1914-1918|sont au front]]. La situation est donc [[Situation_révolutionnaire|toujours révolutionnaire]]. Les forces monarchistes ayant été dissoutes, les [[Parti_KD|KD]] se retrouvent à l'extrême droite, face une opposition entièrement constituée de ''« socialistes »'' (même si le premier parti, le parti [[Socialistes-révolutionnaires|Socialiste-Révolutionnaire]], est davantage une force petite-bourgeoise).
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=== La question de la paix et les Journées d'avril ===
 
=== La question de la paix et les Journées d'avril ===
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{{Article détaillé|Traité de Brest-Litovsk{{!}}La question de la paix en 1917}}
  
 
Depuis 1914 la guerre a provoqué beaucoup de remises en question du discours [[Nationaliste|nationaliste]], d'autant plus que la Russie est affaiblie face à l'Allemagne. Néanmoins, début 1917 ce sont surtout l’incapacité du commendement militaire et ses mauvais traitements qui sont dénoncés. Les slogans de paix immédiate sont au départ plus fréquents à l’arrière qu’au front, où les soldats considèrent souvent les ouvriers comme des « planqués », et refusent d'admettre l’inutilité des sacrifices qu’ils endurent depuis trois ans. Le « [[Défaitisme_révolutionnaire|défaitisme révolutionnaire]] » est très impopulaire, et même au sein des [http://wikirouge.net/Bolcheviks bolcheviks] il ne passe pas toujours bien.
 
Depuis 1914 la guerre a provoqué beaucoup de remises en question du discours [[Nationaliste|nationaliste]], d'autant plus que la Russie est affaiblie face à l'Allemagne. Néanmoins, début 1917 ce sont surtout l’incapacité du commendement militaire et ses mauvais traitements qui sont dénoncés. Les slogans de paix immédiate sont au départ plus fréquents à l’arrière qu’au front, où les soldats considèrent souvent les ouvriers comme des « planqués », et refusent d'admettre l’inutilité des sacrifices qu’ils endurent depuis trois ans. Le « [[Défaitisme_révolutionnaire|défaitisme révolutionnaire]] » est très impopulaire, et même au sein des [http://wikirouge.net/Bolcheviks bolcheviks] il ne passe pas toujours bien.
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Le 18 avril, le ministre [[Parti_KD|KD]] [[Milioukov|Milioukov]] s'engage dans une note secrète aux Alliés à ne pas remettre en cause les traités tsaristes et à poursuivre la guerre jusqu'au bout. Lorsque cette note fuite dans la presse, des manifestations armées d'ouvriers et de soldats éclatent (20-21 avril) et s'affrontement violemment à des manifestants pro-gouvernement. Ce sont les premiers véritables affrontements armés de la révolution. Le 15 mai, Milioukov démissionne et un remaniement ministériel renforce le poids de [[Kerensky|Kerensky]] et intègre des SR et 2 menchéviks ([[Tsereteli|Tsereteli]] et [[Skobelev|Skobelev]]). Ce gouvernement a le soutien des ouvriers et beaucoup veulent croire que Kerensky (devenu ministre de la guerre) obtiendra une victoire militaire rapide.
 
Le 18 avril, le ministre [[Parti_KD|KD]] [[Milioukov|Milioukov]] s'engage dans une note secrète aux Alliés à ne pas remettre en cause les traités tsaristes et à poursuivre la guerre jusqu'au bout. Lorsque cette note fuite dans la presse, des manifestations armées d'ouvriers et de soldats éclatent (20-21 avril) et s'affrontement violemment à des manifestants pro-gouvernement. Ce sont les premiers véritables affrontements armés de la révolution. Le 15 mai, Milioukov démissionne et un remaniement ministériel renforce le poids de [[Kerensky|Kerensky]] et intègre des SR et 2 menchéviks ([[Tsereteli|Tsereteli]] et [[Skobelev|Skobelev]]). Ce gouvernement a le soutien des ouvriers et beaucoup veulent croire que Kerensky (devenu ministre de la guerre) obtiendra une victoire militaire rapide.
  
Début avril 1917 se réunit le premier Congrès pan-russe des soviets, même s'il ne représente quasiment pas de campagnes (480 délégués de la capitale, 138 de soviets locaux et 46 de l'armée). Il affiche un total suivisme envers le gouvernement provisoire et appuie la poursuite de la guerre, tout en appelant au ''« contrôle »'' par les soviets et à leur extension à tout le pays.
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Début avril 1917 se réunit le premier [[Congrès_pan-russe_des_soviets|Congrès pan-russe des soviets]], même s'il ne représente quasiment pas de campagnes (480 délégués de la capitale, 138 de soviets locaux et 46 de l'armée). Il affiche un total suivisme envers le [[Gouvernement_provisoire_(Russie)|gouvernement provisoire]] et appuie la poursuite de la guerre, tout en appelant au ''« contrôle »'' par les soviets et à leur extension à tout le pays.
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== Flux et reflux de la lutte de classe ==
  
 
=== Les journées de juillet ===
 
=== Les journées de juillet ===
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{{Article détaillé|Journées de juillet 1917}}
 
{{Article détaillé|Journées de juillet 1917}}
  
[[File:EmeutesPetrograd1917.jpg|thumb|right|334x226px|Dispersion de la foule sur la perspective Nevski, pendant les journées de juillet.]]Entre février et juillet, l’impopularité de la guerre et la lassitude gagnent du terrain, notamment parmi les ouvriers à qui l'on refuse la [[Journée_de_8_heures|journée de 8 heures]] au nom de l'effort de guerre. Début juin, les bolcheviks sont majoritaires dans le soviet ouvrier de Petrograd.
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[[File:EmeutesPetrograd1917.jpg|thumb|right|334x226px|Dispersion de la foule sur la perspective Nevski, pendant les journées de juillet.]]Entre février et juillet, l’impopularité de la guerre et la lassitude gagnent du terrain, notamment parmi les ouvriers à qui l'on refuse la [[Journée_de_8_heures|journée de 8 heures]] au nom de l'effort de guerre. Début juin, les bolcheviks sont majoritaires dans le soviet ouvrier de Petrograd. Le 14 juin, le gouvernement provisoire annonce des élections pour l'[[Assemblée_constituante_(Russie)|Assemblée constituante]] pour le 12 novembre.
  
 
L’échec militaire de l’« offensive Kerensky » de juillet entraîne une déception générale. L’armée entre en décomposition, les soldats refusent de monter en première ligne, les désertions se multiplient. Les 3 et 4 juillet, les soldats stationnés à Petrograd refusent de repartir au front. Rejoints par les ouvriers, ils manifestent pour exiger des dirigeants du soviet de la ville qu’il prenne le pouvoir.
 
L’échec militaire de l’« offensive Kerensky » de juillet entraîne une déception générale. L’armée entre en décomposition, les soldats refusent de monter en première ligne, les désertions se multiplient. Les 3 et 4 juillet, les soldats stationnés à Petrograd refusent de repartir au front. Rejoints par les ouvriers, ils manifestent pour exiger des dirigeants du soviet de la ville qu’il prenne le pouvoir.
  
 
Les bolcheviks s’opposent à une insurrection prématurée car ils ne sont majoritaires que dans le prolétariat de Petrograd et Moscou, mais la base les déborde. Ils décident alors de soutenir néanmoins les manifestants pour ne pas se couper de cette [[Avant-garde|avant-garde]].
 
Les bolcheviks s’opposent à une insurrection prématurée car ils ne sont majoritaires que dans le prolétariat de Petrograd et Moscou, mais la base les déborde. Ils décident alors de soutenir néanmoins les manifestants pour ne pas se couper de cette [[Avant-garde|avant-garde]].
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Un débat s'engage chez les bolchéviks sur la participation à la [[Conférence_de_Stockholm_(1917)|Conférence de Stockholm]], c'est-à-dire sur le lien à garder ou non avec les [[Centristes|centristes]] de l'[[Internationale_ouvrière|Internationale]].
  
 
=== La réaction et le putsch de Kornilov ===
 
=== La réaction et le putsch de Kornilov ===
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{{Article détaillé|Affaire Kornilov}}
 
{{Article détaillé|Affaire Kornilov}}
  
Les manifestants sont réprimés et une vague de répression frappe le parti bolchévik, ainsi que des calmonies (accusations d'être à la solde des Allemands pour les faire gagner). [[Lénine|Lénine]] est obligé de se réfugier en Finlande, le journal bolchevique [[Rabotchi_I_Soldat|''Rabotchi I Soldat'']] est interdit, et [[Trotsky|Trotsky]] (qui se rapproche des bolchéviks) est emprisonné. Les régiments de mitrailleurs qui ont soutenu la révolution sont dissous, envoyés au front par petits détachements, les ouvriers sont désarmés. 90 000 hommes doivent quitter Petrograd, les « agitateurs » sont emprisonnés. La peine de mort abolie en février est rétablie et des pogroms se produisent en province. Au front, la reprise en main est brutale après la liberté laissée par le prikaze n°1 en février. Ainsi le 8 juillet, le général Kornilov, qui commande le front sud-ouest, donne l’ordre d’ouvrir le feu à la mitrailleuse et l’artillerie sur les soldats qui reculeraient. Du 18 juin au 6 juillet, l’offensive sur ce front fait 58 000 morts, sans succès.
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Les manifestants sont réprimés et une vague de répression frappe le parti bolchévik, ainsi que des calmonies (accusations d'être à la solde des Allemands pour les faire gagner). [[Lénine|Lénine]] est obligé de se réfugier en Finlande, le journal bolchevique [[Rabotchi_I_Soldat|''Rabotchi I Soldat'']] est interdit, et [[Trotsky|Trotsky]] (qui se rapproche des bolchéviks) est emprisonné. Les régiments de mitrailleurs qui ont soutenu la révolution sont dissous, envoyés au front par petits détachements, les ouvriers sont désarmés. 90 000 hommes doivent quitter Petrograd, les « agitateurs » sont emprisonnés. La [[Peine_de_mort|peine de mort]] abolie en février est rétablie et des pogroms se produisent en province. Au front, la reprise en main est brutale après la liberté laissée par le prikaze n°1 en février. Ainsi le 8 juillet, le général Kornilov, qui commande le front sud-ouest, donne l’ordre d’ouvrir le feu à la mitrailleuse et l’artillerie sur les soldats qui reculeraient. Du 18 juin au 6 juillet, l’offensive sur ce front fait 58 000 morts, sans succès.
  
Le gouvernement est en crise et le 15 juillet, les ministres KD démissionnent, y compris le premier ministre Lvov. Ils sont de plus en plus nationalistes et partisans de méthodes autoritaires. Avec des forces tsaristes ils misent de plus en plus sur Kornilov pour rétablir l'ordre ([[Bonapartisme|bonapartisme]]). Kerensky croit pouvoir s'appuyer sur Kornilov et le 19 juillet, il le nomme commandant en chef de l'armée russe. À la fin du mois de juillet, Kerensky forme un nouveau gouvernement à majorité socialiste. Le soviet de Petrograd, dominé par les socialistes opportunistes, donne sa confiance à ce gouvernement qui cautionne la réaction. La dualité de pouvoir semble disparaître. Dans ces conditions, les bolchéviks cessent de revendiquer le « pouvoir aux soviets », ceux-ci étant dirigés par les conciliateurs ([[Socialistes-révolutionnaires|SR]] et [[Menchéviks|menchéviks]]) dont la seule perspective était clairement de confier ce pouvoir à un gouvernement de coalition avec les bourgeois.
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Le gouvernement est en crise et le 15 juillet, les ministres KD démissionnent, y compris le ministre-président Lvov. Ils sont de plus en plus nationalistes et partisans de méthodes autoritaires. Avec des forces tsaristes ils misent sur Kornilov pour rétablir l'ordre ([[Bonapartisme|bonapartisme]]). Kerensky croit pouvoir s'appuyer sur Kornilov et le 19 juillet, il le nomme commandant en chef de l'armée russe. À la fin du mois de juillet, Kerensky forme un nouveau gouvernement à majorité socialiste. Le [[Soviet_de_Petrograd|soviet de Petrograd]], dominé par les socialistes [[Conciliateurs|conciliateurs]] ([[Socialistes-révolutionnaires|SR]] et [[Menchéviks|menchéviks]]), donne sa confiance à ce gouvernement et cautionne la réaction. La [[Dualité_de_pouvoir|dualité de pouvoir]] semble disparaître. Dans ces conditions, les bolchéviks cessent de revendiquer le « [[Pouvoir_aux_soviets|pouvoir aux soviets]] ». [[Lénine|Lénine]] considère que le seul moyen de reprendre l'initiative est que le [[Parti_bolchévik|parti bolchévik]] prenne le pouvoir, quitte à reformer des soviets après.
  
Mais la réaction ne veut pas s'arrêter en chemin. Le 9 septembre, Kornilov envoie 3 régiments de cavalerie par chemin de fer sur Petrograd, dans le but affiché d’écraser dans le sang les soviets et les organisations ouvrières et de remettre la Russie dans la guerre. Kerensky panique et destitue Kornilov, mais son gouvernement est devenu trop faible pour se défendre. Ce sont les soviets qui organisent réellement la défense, et qui mettent en déroute Kornilov en 3 jours.
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Les 12-15 août, Kerensky organise à Moscou une [[Conférence_d'État_de_Moscou_(1917)|Conférence d'État]] pour tenter de se légitimer, mais c'est Kornilov qui émerge vraiment comme solution aux yeux des [[Possédants|possédants]]. La réaction veut marquer son avantage. Le 9 septembre, [[Putsch_de_Kornilov|Kornilov envoie 3 régiments de cavalerie par chemin de fer sur Petrograd]], dans le but affiché d’écraser dans le sang les soviets et les organisations ouvrières et de remettre la Russie dans la guerre. Kerensky panique et destitue Kornilov, mais son gouvernement est devenu trop faible pour se défendre. Ce sont les soviets qui organisent réellement la défense, et qui mettent en déroute Kornilov en 3 jours.
  
 
=== Ebullition populaire et essor des bolchéviks ===
 
=== Ebullition populaire et essor des bolchéviks ===
  
La défaite du [[Putsch_de_Kornilov|putsch]] retourne la situation. La [[Réaction|réaction]] baisse la tête face une vague d'ébullition populaire. Les bolchéviks, qui étaient en première ligne contre Kornilov, sortent grandis par rapport au gouvernement Kerensky. Les soviets reprennent de l'autonomie et les bolchéviks y prennent de plus en plus d’importance. Le nombre des délégués bolchéviks augmente, mais les idées bolchéviques circulent encore plus vite : des décisions radicales commencent à remonter de régions où ils ne sont pas présents. Le rapport de forces permet à présent aux bolchéviks de prendre la parole sur le front lors des meetings de soldat. Le 31 août, le soviet de Petrograd devient bolchévik, et le 30 septembre il élit à sa présidence [[Trotski|Trotski]] (qui vient de rejoindre les bolchéviks). Le soviet de Moscou passe également aux bolchéviks. Les bolchéviks remettent au centre le mot d'ordre ''« tout le pouvoir aux soviets »''. Pour une courte période, Lénine envisage la possibilité d’une transition pacifique vers un gouvernement des soviets.
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{{Article détaillé|Élections pendant la révolution russe}}
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La défaite du [[Putsch_de_Kornilov|putsch]] retourne la situation. La [[Réaction|réaction]] baisse la tête face aux masses armées. Les bolcheviks peuvent sortir de leur semi-clandestinité, les prisonniers politiques, dont [[Trotsky|Trotsky]], sont libérés par les marins de Kronstadt. Les bolchéviks, qui étaient en première ligne contre Kornilov, sortent grandis par rapport au gouvernement [[Kerensky|Kerensky]]. Les [[Soviets|soviets]] reprennent de la vitalité et de l'autonomie et les bolchéviks y prennent de plus en plus d’importance. Ils remettent au centre le mot d'ordre ''« tout le pouvoir aux soviets »'', qui est repris par des ouvriers [[Parti_SR|SR]] ou [[Mencheviks|mencheviks]]. Des soviets et des [[Syndicats_dans_la_révolution_russe|syndicats]] se rangent du côté des bolcheviks. Le nombre des délégués bolchéviks augmente, mais les idées bolchéviques circulent encore plus vite : des décisions radicales commencent à remonter de régions où ils ne sont pas présents.
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Le rapport de forces permet à présent aux bolchéviks de prendre la parole sur le front lors des meetings de soldat. Aux élections municipales de Moscou, entre juin et septembre, les SR passent de 375&nbsp;000 suffrages à 54&nbsp;000, les mencheviks de 76&nbsp;000 à 16&nbsp;000, les KD de 109&nbsp;000 à 101&nbsp;000, alors que les bolcheviks passent de 75&nbsp;000 à 198&nbsp;000 voix. Le 31 août, le [[Soviet_de_Petrograd|soviet de Petrograd]] et 126 soviets de province votent une résolution en faveur du pouvoir des soviets. Dans beaucoup de localités on va plus loin et le pouvoir effectif est de fait entre les mains des soviets. Le 3<sup>e</sup> congrès des soviets de Finlande se proclame instance dirigeante. Les bolchéviks prennent la majorité au [[Soviet_de_Moscou|soviet de Moscou]] 5 septembre, et au [[Soviet_de_Petrograd|soviet de Petrograd]] le 9 ([[Trotsky|Trotsky]] en devient président le 25).
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Lénine tente alors de revenir à la stratégie d'[[Interpellation|interpellation]] des conciliateurs<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/09/vil19170916d.htm Au sujet des compromis]'', rédigé du 1er au 3 septembre 1917</ref><ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/10/vil19171010.htm Les tâches de la révolution]'', rédigé autour du 6 septembre 1917</ref><ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/09/vil19170927b.htm Une des questions fondamentales de la révolution]'', rédigé autour du 7 septembre 1917</ref>. Les bolchéviks leur proposent un compromis&nbsp;: prenez le pouvoir sans la bourgeoisie, et les bolchéviks se limiteront à la démocratie soviétique (les partis majoritaires au soviet forment le gouvernement).
  
Après une période où Kérensky détient de fait le pouvoir, à la tête d’un directoire de 5 personnes, une «&nbsp;conférence démocratique&nbsp;» est convoquée le 14 septembre, à l’initiative des conciliateurs. Ils refusent le pouvoir aux soviets, mais veulent réfréner l’ambition de Kérensky. La conférence donne une majorité aux conciliateurs, et une représentation non négligeable aux bolchéviks. Elle accepte aussi des groupements petit-bourgeois, mais exclut les KD. Elle débouche sur la création d'une nouvelle instance, le Soviet de la République (ou Préparlement), qui intègre des représentants des classes possédantes et des cosaques. Le Comité central du Parti bolchévik est divisé sur la participation à ce Préparlement, mais le congrès du parti se prononce finalement pour la participation, contre l’avis de Trotsky et Lénine qui y voient une manière de repousser la question de la prise de pouvoir révolutionnaire. De nombreuses résolutions des sections locales contestent cette décision.
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Le 14 septembre, une «&nbsp;[[Conférence_démocratique_(Russie)|Conférence démocratique]]&nbsp;» est convoquée à l'initiative des conciliateurs, qui veulent limiter les tendances autoritaires de [[Kérensky|Kérensky]], mais aussi minimiser l'influence bolchévique en surreprésentant les secteurs petit-bourgeois. La Conférence proclame enfin la [[République|République]], mais débouche finalement sur une nouvelle avec les [[Classes_possédantes|classes possédantes]], même si les leaders [[Parti_KD|KD]] discrédités sont écartés. Devant le refus des conciliateurs, Lénine propose que les bolchéviks prennent immédiatement le pouvoir, mais le Comité central est contre ce revirement. La Conférence débouche sur un [[Préparlement_(Russie)|Préparlement]]., auquel les bolchéviks décident d'abord de participer. Finalement, une majorité derrière [[Lénine|Lénine]] et [[Trotsky|Trotsky]] se dégage, et lors de l'ouverture du préparlement le 7 octobre, les&nbsp;bolchéviks font une sortie fracassante.
  
Il est également sorti de la «&nbsp;conférence démocratique&nbsp;» un nouveau gouvernement de coalition, caractérisé par les bolchéviks comme un gouvernement de guerre civile contre les masses. Pour celles-ci, la situation continue de se dégrader. Dans les villes, beaucoup d’ouvriers se mettent en [[grève|grève]], mais les plus avancés considèrent déjà ce mode d’action comme dépassé et se rallient à l’objectif de l’[[insurrection|insurrection]].
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La guerre continue à faire rage et est une [[Paix_de_Brest-Litovsk|question politique majeure]]. Le 3 septembre, les Allemands ont pris Riga. Début Octobre, ils sont aux portes de Petrograd. Les possédants si ''«&nbsp;patriotes&nbsp;»'' haïssent la capitale rouge à tel point qu'ils espèrent la voir écrasée. La [[Flotte_de_la_Baltique|Flotte de la Baltique]], dominée par les [[Bolchéviks|bolchéviks]], défend le bastion ouvrier tout en lançant des appels révolutionnaires aux Allemands et en se préparant à renverser les [[Classe_dirigeante|classes dirigeantes]] russes. Tout ce que tente [[Kerensky|Kerensky]] pour hausser le ton se retourne contre lui&nbsp;: il ordonne la dissolution du [[Tsentroflot|Tsentroflot]] et doit reculer 3 jours après, il envoie les troupes contre le [[Soviet_de_Tachkent|Soviet de Tachkent]] et y déclenche une grève générale, il fait face à une grève [[Vikjel|des cheminots]] pourtant dirigés par les [[Conciliateurs|conciliateurs]]...
  
Aux élections municipales de Moscou, entre juin et septembre, les SR passent de 375&nbsp;000 suffrages à 54&nbsp;000, les mencheviks de 76&nbsp;000 à 16&nbsp;000, les KD de 109&nbsp;000 à 101&nbsp;000, alors que les bolcheviks passent de 75&nbsp;000 à 198&nbsp;000 voix. Le mot d’ordre «&nbsp;tout le pouvoir aux soviets&nbsp;» dépasse largement les bolcheviks et est repris par des ouvriers SR ou mencheviks. Le 31 août, le soviet de Petrograd et 126 soviets de province votent une résolution en faveur du pouvoir des soviets.
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=== Soulèvements des paysans et des peuples opprimés ===
  
=== Frustrations et combat des paysans et des peuples opprimés ===
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{{Article détaillé|Mouvement paysan en 1917|Minorités nationales en Russie}}
  
En septembre-octobre, l'agitation révolutionnaire gagne les campagnes, dans ce qui sera sans doute la plus grande [[jacquerie|jacquerie]] de l'histoire européenne. Les paysans s’emparent des terres des grands propriétaires, il y a des violences et des destructions. Les paysans pauvres sont les plus radicaux, et les représentants locaux de l’État n’osent pas s’interposer, malgré les plaintes des propriétaires. Le mouvement déborde largement les cadres SR, qui reportent depuis trop longtemps la [[Réforme_agraire|réforme agraire]]. On y voit alors l’influence des bolchéviks, mais ces derniers sont peu présents dans les campagnes, où leurs moyens sont très limités (manque d’imprimerie et d’orateurs). Avec leurs mots d'ordre, ils parviennent peu à peu à s’implanter parmi les paysans pauvres, surtout via les soldats revenant du front.
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En septembre-octobre, l'agitation révolutionnaire gagne les campagnes, dans ce qui sera sans doute la plus grande [[Jacquerie|jacquerie]] de l'histoire européenne. Les paysans s’emparent des terres des grands propriétaires, il y a des violences et des destructions. Les paysans pauvres sont les plus radicaux, et les représentants locaux de l’État n’osent pas s’interposer, malgré les plaintes des propriétaires. Apprenant que le «&nbsp;[[Partage_noir|partage noir]]&nbsp;» est en train de s’accomplir dans leurs villages, les soldats, largement d’origine paysanne, désertent en masse afin de pouvoir participer à temps à la redistribution des terres. Les tranchées se vident peu à peu. Le mouvement déborde largement les cadres SR, qui reportent depuis trop longtemps la [[Réforme_agraire|réforme agraire]]. On y voit alors l’influence des bolchéviks, mais ces derniers sont peu présents dans les campagnes, où leurs moyens sont très limités (manque d’imprimerie et d’orateurs). Avec leurs mots d'ordre, ils parviennent peu à peu à s’implanter parmi les paysans pauvres, surtout via les soldats revenant du front.
  
 
Au même moment, les différents peuples opprimés de l’empire tsariste déchu se soulèvent eux aussi. Le renversement de la monarchie leur a apporté l'égalité des droits civiques, mais n’a pas apporté de réelle libération nationale. Les [[Parti_KD|KD]] ont perpétué la domination grand-russe, malgré leurs promesses antérieures. Les conciliateurs locaux, proches de la population, vont souvent plus loin dans les revendications que ne le veut le pouvoir central et conserveront plus longtemps leur base. Les bolchéviks sont peu présents parmi les minorités opprimées, mais la faillite des gouvernements de coalition sur la [[Question_nationale|question nationale]] comme sur les autres, provoque le plus souvent de la bienveillance à son égard, d’autant plus quand il y a coïncidence des antagonismes sociaux et nationaux.
 
Au même moment, les différents peuples opprimés de l’empire tsariste déchu se soulèvent eux aussi. Le renversement de la monarchie leur a apporté l'égalité des droits civiques, mais n’a pas apporté de réelle libération nationale. Les [[Parti_KD|KD]] ont perpétué la domination grand-russe, malgré leurs promesses antérieures. Les conciliateurs locaux, proches de la population, vont souvent plus loin dans les revendications que ne le veut le pouvoir central et conserveront plus longtemps leur base. Les bolchéviks sont peu présents parmi les minorités opprimées, mais la faillite des gouvernements de coalition sur la [[Question_nationale|question nationale]] comme sur les autres, provoque le plus souvent de la bienveillance à son égard, d’autant plus quand il y a coïncidence des antagonismes sociaux et nationaux.
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== La révolution et l'insurrection d'Octobre ==
  
 
=== Les préparatifs de l’insurrection ===
 
=== Les préparatifs de l’insurrection ===
  
Sous la pression des événements et de la radicalisation des masses, les bolchéviks ont rapidement évolué à gauche. Malgré l’opposition de Kamenev, il est décidé une sortie démonstrative du Préparlement (7 octobre), Trotsky y dénonçant la représentation exagérée des possédants, la politique économique du gouvernement, et en appelant au peuple pour la défense de la révolution et l’instauration du pouvoir des soviets. Ce Préparlement se montre de toute façon incapable de trancher les questions les plus graves selon lui, comme celle des moyens de rendre à l’armée son ardeur combative. Les bolchéviks consacrent leur énergie à l’agitation en faveur du pouvoir aux soviets. Les orateurs manquent (Lénine est toujours réfugié en Finlande, Kamenev et Zinoviev s’opposent à la perspective de l’insurrection qui se dessine…), mais l’agitation est efficace dans les masses.
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Dans les villes, beaucoup d’ouvriers se mettent en [[Grève|grève]], mais les plus avancés considèrent déjà ce mode d’action comme dépassé et se rallient à l’objectif de l’[[Insurrection|insurrection]]. Mais les débats sur cette question sont tendus dans le parti bolchévik. Les opposants, principalement [[Kamenev|Kamenev]] et [[Zinoviev|Zinoviev]], mais qui se retrouvent à tous les échelons du parti, croient encore possible une transition institutionnelle vers le pouvoir des soviets. Ils veulent attendre le [[Congrès_des_soviets|Congrès des soviets]] (20 octobre), voire l’[[Assemblée_constituante_(Russie)|Assemblée constituante]] (12 novembre).
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Après s’être battu pendant plusieurs semaines contre le Comité central bolchévik (comme en avril), Lénine parvient, le 10 octobre, à rallier une majorité à une motion qui met à l’ordre du jour immédiat la préparation de l’insurrection. Elle est prévue initialement pour le 15 octobre, avant le congrès des soviets. L'idée est de ne pas attendre que les classes dominantes prennent l'initiative car elle ne se laissera pas faire, et également de mettre les conciliateurs devant le fait accompli pour les forcer à choisir le camp des soviets. Zinoviev et Kamenev paniquent et craignent qu’une insurrection fasse perdre aux bolchéviks la confiance des masses. Ils dénoncent ''«&nbsp;l'[[Aventurisme|aventurisme]]&nbsp;»'', et vont jusqu’à rompre la [[Centralisme_démocratique|discipline du parti]] en livrant dans des journaux les plans de l'insurrection. Kerensky la voit bien venir mais se retrouve largement impuissant.
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[[File:Octoberrevolution 198.jpg|right|346x400px|Octoberrevolution 198.jpg]]Les bolchéviks consacrent leur énergie à l’agitation en faveur du pouvoir aux soviets. Les orateurs manquent (Lénine est toujours réfugié en Finlande, Kamenev et Zinoviev s’opposent à la ligne…), mais l’agitation est efficace dans les masses, et Trotsky en particulier joue un rôle clé. La [[Dualité_de_pouvoir|dualité de pouvoir]] est à un point de basculement. Dans la capitale, la question est ''«&nbsp;qui dirige les bandes d'hommes armées&nbsp;»'', c'est-à-dire le fondement de l'[[Etat|Etat]]. Le soviet de Pétrograd décide la création d’un [[Comité_militaire_révolutionnaire|Comité militaire révolutionnaire]] (avec à sa tête un jeune [[SR_de_gauche|SR de gauche]], [[Pavel_Lasimir|Lasimir]]), qui coordonne les soldats fidèles aux soviets. Une section de [[Garde_rouge|gardes rouges]] (ouvriers armés) est également créée. Le gouvernement s’inquiète, et réclame les troupes de Pétrograd pour le front. Mais la délégation du soviet tient tête et refuse.
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Le Comité militaire révolutionnaire (CMR) poursuit ses préparatifs, avec en particulier des mesures préventives contre les forces contre-révolutionnaires ([[Junkers|junkers]], [[Cosaques|cosaques]], [[Cent-noirs|cent-noirs]]). Pendant les jours qui précèdent le Congrès des soviets (finalement repoussé au 25 octobre pour des raisons techniques), la presse bourgeoise annonce des manifestations des bolchéviks. Mais ceux-ci ne font que recenser leurs troupes en vue de l’insurrection, ils s’assurent que les masses de Pétrograd et des alentours leur sont acquises. Parfois ils s'assurent au moins de la neutralité de certaines troupes. Les meetings renforcent à la fois les masses et leurs dirigeants dans l’idée que tout est prêt pour l’insurrection. Un meeting de Trotsky finit de convaincre les soldats de la forteresse Pierre-et-Paul, jusque-là réfractaires à l’autorité du Comité militaire.
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=== L’insurrection du 24-25 octobre ===
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{{Article détaillé|Insurrection d'Octobre}}
  
[[File:Lenin 7 november 1918 speech 1year great socialist october revolution red square.jpg|right|378x251px|Lenin 7 november 1918 speech 1year great socialist october revolution red square.jpg]]Un congrès des soviets est convoqué pour le 20 octobre. Pour les bolchéviks, ce congrès doit marquer l’instauration du pouvoir des soviets. Les conciliateurs, qui s’étaient tout d’abord ralliés à ce congrès, le désavouent ensuite&nbsp;; cette attitude ne fait qu’accélérer le ralliement à la ligne bolchévik des soviets les plus retardataires.
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Le 23 octobre, l’état-major de l’armée officielle est définitivement relevé de son commandement sur les troupes de Pétrograd. Le Parti bolchévik, [[Tactique|tactiquement]], n’attend plus qu'un geste d'offensive du gouvernement pour lancer l'insurrection en mesure défensive.
  
Après s’être battu pendant plusieurs semaines contre le Comité central du parti bolchévik (tout comme en avril), Lénine parvient enfin, le 10 octobre, à rallier une majorité à une motion qui met à l’ordre du jour immédiat la préparation de l’insurrection. Les conditions politiques sont maintenant mûres pour cette insurrection (en particulier grâce à l’attitude des paysans), il est donc urgent de s’atteler à la tâche.
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Dans la nuit du 23, le gouvernement décide des poursuites judiciaires contre le Comité militaire, et la mise sous scellés des imprimeries bolchéviques. Mais les ouvriers et soldats se mobilisent et font paraître les journaux, et ils demandent des ordres pour la défense de [[Institut_Smolny|Smolny]] (siège du [[Comité_militaire_révolutionnaire|CMR]]). Le croiseur Aurore se met aussi à disposition.
  
Les opposants à cette perspective parmi les bolchéviks, principalement Kamenev et Zinoviev, mais qui se retrouvent à tous les échelons du parti, ont encore des illusions sur une transition institutionnelle vers un pouvoir des soviets&nbsp;: ils veulent attendre le Congrès des soviets, voire l’Assemblée constituante — dont les élections sont en préparation, le gouvernement les ayant longtemps repoussées, mais ayant décidé de les convoquer pour essayer de sauver le régime. Zinoviev et Kamenev, allant jusqu’à rompre la discipline du parti, parlent d’&nbsp;«&nbsp;aventurisme&nbsp;», craignant qu’une insurrection fasse perdre aux bolchéviks la confiance des masses.
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La journée du 24 est occupée à la répartition des tâches pour les bolchéviks. Pendant ce temps-là, les défections de troupes continuent parmi celles qui étaient jusque-là contrôlées par le gouvernement, comme par exemple le bataillon de motocyclistes. Au [[Préparlement_(Russie)|Préparlement]], Kérensky décrète des mesures contre les bolchéviks, mais les troupes qu’il a encore à sa disposition ([[Junkers|junkers]], [[Cosaques|cosaques]]) sont trop faibles par rapport à l’adversaire pour les exécuter.
  
L’insurrection est malgré tout programmée, prévue initialement pour le 15 octobre, et en tout cas avant que ne se réunisse le congrès des soviets&nbsp;: forts de l’expérience historique de la Commune de Paris, les bolchéviks savent parfaitement que la bourgeoisie, toute démocratique qu’elle se prétende, ne se laissera pas prendre le pouvoir sans y être contrainte par la force. En outre, l’attitude des conciliateurs depuis février, refusant de rompre avec la bourgeoisie même quand celle-ci affichait le plus son caractère réactionnaire, montre qu’ils devront eux aussi être mis au pied du mur pour éventuellement accepter que les soviets prennent enfin tout le pouvoir.
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Dans la nuit du 24, le [[Comité_militaire_révolutionnaire|CMR]] fait occuper les centres névralgiques de Pétrograd&nbsp;: ponts, gares, banque centrale, centrales postale et téléphonique. Des troupes de junkers et des officiers sont arrêtés et désarmés. Parfois, les bolchéviks font preuve d’une trop grande indulgence&nbsp;: sûrs de leur force, ils espèrent le moins de [[Violence|violence]] possible&nbsp;; ils auront plus d’une fois à le regretter par la suite, pendant la [[Guerre_civile_russe|guerre civile]]. Quant aux conciliateurs du Comité exécutif des soviets, ils ne peuvent que constater l’insurrection&nbsp;; ils n’ont désormais plus de place propre dans le conflit direct entre la bourgeoisie et le prolétariat.
  
Les antagonismes dus à la dualité des pouvoirs s’accentuent. Le soviet de Pétrograd décide la création d’un Comité militaire révolutionnaire (avec à sa tête un jeune socialiste-révolutionnaire de gauche, Lasimir), dans le but de contrôler la défense de la capitale (notamment pour empêcher la dispersion des troupes révolution­naires par le gouvernement). Il est également créé une section de la garde rouge (ouvriers armés), placée avec la garnison sous la direction du Comité militaire. Le gouvernement s’inquiète de ces démonstrations de force, comprenant ce qui se prépare. Il réclame les troupes de Pétrograd pour le front, mais la délégation du soviet tient tête et refuse ce prélèvement.
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Le matin du 25 octobre (n.s 7 novembre), le [[Comité_militaire_révolutionnaire|CMR]] annonce qu’il a pris le pouvoir et que le gouvernement est démis. En fait, celui-ci siège toujours au Palais d’hiver, dont la prise a été retardée (le CMR a bien des lacunes dans la science militaire). Dans la journée, le Préparlement est évacué sans arrestation. La prise de la capitale s’est globalement déroulée dans le calme, causant seulement 5 morts et quelques blessés. Pendant l’insurrection, les tramways continuent à circuler, les théâtres à jouer, les magasins à ouvrir.
  
Le Comité militaire poursuit ses préparatifs, avec en particulier des mesures préventives contre les forces contre-révolutionnaires (junkers, cosaques, cent-noirs). Pendant les jours qui précèdent le congrès des soviets (finalement repoussé au 25 octobre pour des raisons techniques), la presse bourgeoise annonce des manifestations des bolchéviks. Mais ceux-ci ne font que recenser leurs troupes en vue de l’insurrection, ils s’assurent que les masses de Pétrograd et des alentours leur sont acquises. Les meetings renforcent à la fois les masses et leurs dirigeants dans l’idée que tout est prêt pour l’insurrection. La dernière étape est la conquête politique, suite à un meeting de Trotsky, des soldats de la forteresse Pierre-et-Paul, jusque-là réfractaire à l’autorité du Comité militaire.
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La seule tâche qui reste est donc la prise du Palais d’hiver. Parmi les bolchéviks, on commence à s’agacer du retard&nbsp;: il faut que l’action soit menée avant l’ouverture du Congrès des soviets. Le dispositif de défense du Palais d’hiver est en déliquescence, les junkers et les cosaques ne savent pas quelle attitude adopter. Dans la nuit, suite à une canonnade purement démonstra­tive de l’Aurore, le Palais d’hiver tombe sans combat, et le gouverne­ment est arrêté, à l’exception de [[Kérensky|Kérensky]] qui a réussi à s’enfuir vers le front.
  
=== Le déroulement de l’insurrection ===
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La prise de Moscou fut plus violente, et dura du 28 octobre au 2 novembre. Les bolchéviks occupent le Kremlin puis la direction locale hésite et signe une trêve avec les autorités [[Socialistes-révolutionnaires|SR]] locales avant d’évacuer le bâtiment. Les troupes gouvernementales en profitent alors pour abattre à la mitrailleuse 300 [[Gardes_rouges|gardes rouges]] désarmés, sous les ordres du maire [[Socialistes-révolutionnaires|SR]] [[Vadim_Roudnev|Roudnev]]. Les SR s'associent à des monarchistes pour mener une sanglante répression. Il faudra une semaine de combats acharnés avant que les bolcheviks, conduits par [[Boukharine|Boukharine]], ne s’emparent finalement de la ville.
  
Le 23 octobre, l’état-major de l’armée officielle est définitivement relevé de son commandement sur les troupes de Pétrograd. Le Parti bolchévik n’attend plus que le gouvernement fasse le premier geste d’offensive comme signal de départ pour l’insurrection, qui sera d’autant plus efficace et suivie qu’elle se parera des couleurs de la défensive…
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=== Congrès des soviets et premières mesures révolutionnaires ===
  
Dans la nuit du 23, le gouvernement décide des poursuites judiciaires contre le Comité militaire, et la mise sous scellés des imprimeries bolchéviques. Mais les ouvriers et soldats se mobilisent et font paraître les journaux, et ils demandent des ordres pour la défense du palais de Smolny (siège du Comité militaire). Le croiseur «&nbsp;Aurore&nbsp;» se met aussi à disposition.
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{{Voir|Deuxième congrès des soviets|Premières mesures du gouvernement soviétique}}
  
La journée du 24 est occupée à la répartition des tâches pour les bolchéviks. Pendant ce temps-là, les défections de troupes continuent parmi celles qui étaient jusque-là contrôlées par le gouvernement, comme par exemple le bataillon de motocyclistes. Au Préparlement, Kérensky décrète des mesures contre les bolchéviks, mais les troupes qu’il a encore à sa disposition (junkers, cosaques) sont trop faibles par rapport à l’adversaire pour les exécuter.
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[[File:Octoberrevolution 28.jpg|right|339x424px|Octoberrevolution 28.jpg]]Le [[Congrès_des_soviets|Congrès des soviets]] se réunit le matin du 25. Les [[Menchéviks|menchéviks]] se sont effondrés, et le [[Parti_SR|parti SR]] s'est divisé, une partie (les SR de gauche) se ralliant aux bolchéviks. Les conciliateurs, qui ne représentent qu’un quart des délégués, quittent la salle après l’annonce de la prise du Palais d’hiver. Il ne reste au Congrès que les bolchéviks, les SR de gauche et les mencheviks internationalistes.
  
Dans la nuit du 24, le Comité militaire fait occuper les centres névralgiques de Pétrograd. Des troupes de junkers et des officiers sont arrêtés et désarmés. Parfois, les bolchéviks font preuve d’une trop grande indulgence envers les ennemis&nbsp;: sûrs de leur force, ils espèrent le moins de violence possible&nbsp;; ils auront plus d’une fois à le regretter par la suite, pendant la guerre civile. Quant aux conciliateurs du Comité exécutif des soviets, ils ne peuvent que constater l’insurrection&nbsp;; ils n’ont désormais plus de place propre dans le conflit direct entre la bourgeoisie et le prolétariat.
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Le Congrès déclare que le pouvoir est désormais aux mains des soviets, et Lénine déclare qu'il s’agit ''«&nbsp;d’édifier l’ordre socialiste&nbsp;»''. Les premières mesures politiques du nouveau pouvoir sont prises par le Congrès lui-même, dans la nuit du 26 au 27. En 33 heures sont prises des mesures que le gouvernement provisoire n’avait pas pris en 8 mois d’existence&nbsp;:
  
Le matin du 25, le Comité militaire annonce qu’il a pris le pouvoir et que le gouvernement est démis. En fait, celui-ci siège toujours au Palais d’hiver, dont la prise a été retardée (le comité a bien des lacunes dans la science militaire). Dans la journée, le Préparlement est évacué sans arrestation. La prise de la capitale s’est globalement déroulée dans le calme, comme un relèvement de la garde…
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*appel à tous les pays belligérants pour [[Paix_de_Brest-Litovsk|mettre fin à la guerre]] et discuter d’une paix juste et démocratique<ref>Deuxième congrès des Soviets des députés ouvriers et soldats de Russie, [https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/10/2-co-so/vil19171025-02.htm ''Décret sur la paix''], 1917</ref>,  
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*décret qui affirme que la terre appartient à ceux qui la cultivent<ref>Deuxième congrès des Soviets des députés ouvriers et soldats de Russie, [https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/10/2-co-so/vil19171025-04.htm ''Décret sur la terre''], 1917</ref>,
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*création du nouveau gouvernement, le «&nbsp;[[Soviet_des_commissaires_du_peuple|soviet des commissaires du peuple]]&nbsp;» (Sovnarkom).  
  
La seule tâche qui reste est donc la prise du Palais d’hiver. Parmi les bolchéviks, on commence à s’agacer du retard&nbsp;: il faut que l’action soit menée avant l’ouverture du Congrès des soviets, afin de mettre les conciliateurs devant le fait accompli. Le dispositif de défense du Palais d’hiver est en déliquescence, les junkers et les cosaques ne savent pas quelle attitude adopter. Dans la nuit, suite à une canonnade purement démonstra­tive de l’&nbsp;«&nbsp;Aurore&nbsp;», le Palais d’hiver tombe sans combat, et le gouverne­ment est arrêté sans effusion de sang, à l’exception de Kérensky qui a réussi à s’enfuir vers le front.
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De nombreuses autres réformes furent lancées dans les jours ou les mois suivants&nbsp;:
  
=== Ouverture du Congrès des soviets ===
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*Décret instaurant le [[Contrôle_ouvrier|contrôle ouvrier]] dans les usines, [[Journée_de_8_heures|journée de 8 heures]] et semaine de 48h,
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*Annulation de la [[Emprunts_russes|dette publique russe]] et [[Nationalisation|nationalisation]] des banques et des grandes industries.
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*Fin de toute discrimination en fonction de la nationalité et [[Droit_à_l'autodétermination_des_peuples|droit à l'autodétermination]]. Au cours des années suivantes 5 états indépendants furent créés, et au sein de la fédération russe 17 républiques autonomes et régions furent établies.
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*Egalité complète des droits pour les femmes, affirmation de l'égalité des salaires et mesures sociales pour transformer la famille. Fin de la discrimination à l’égard des enfants illégitimes. Dépénalisation de l'[[Homosexualité|homosexualité]]. Légalisation de l'[[Avortement|avortement]] en 1920.
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*Mesures volontaristes pour alphabétiser la population et favoriser l'éducation. Suppression des frais universitaires.
  
[[File:Octoberrevolution 28.jpg|right|339x424px|Octoberrevolution 28.jpg]]Le Congrès des soviets est déjà réuni depuis le matin du 25, et les conciliateurs ne représentent qu’un quart des délégués. La première journée est consacrée aux réunions de fractions. Tous attendent le dénouement du siège du Palais d’hiver avant de commencer les discussions. Un bureau du Congrès est formé, avec 14 bolchéviks et 7 socialistes-révolutionnaires de gauche. Lénine, présent, n’apparaît pas encore publiquement.
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== Les suites immédiates de la révolution d’Octobre ==
  
Les conciliateurs refusent la proposition d’un front unique de la démocratie soviétique. Après l’annonce de la prise du Palais d’hiver, il ne reste au Congrès que les bolchéviks, les socialistes-révolutionnaires de gauche et les mencheviks internationalistes.
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=== La question du gouvernement et de la Constituante ===
  
Le Congrès apprend que les troupes du front qui avaient été désignées par Kérensky pour réprimer l’insurrection se rangent du côté de celle-ci. Le matin du 26 octobre, on peut annoncer que le pouvoir est désormais aux mains des soviets.
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{{Article détaillé|Sovnarkom|Assemblée constituante russe de 1918}}
  
Les premières mesures politiques du nouveau pouvoir sont prises par le Congrès lui-même, dans la nuit du 26 au 27. Il s’agit «&nbsp;d’édifier l’ordre socialiste&nbsp;», déclare Lénine, qui peut enfin apparaître publiquement, à la tribune. Les premières mesures prises par le Congrès sont donc un appel à tous les pays belligérants pour mettre fin à la guerre et discuter d’une paix juste et démocratique, un décret qui reconnaît que la terre appartient aux paysans, et la création du nouveau gouvernement&nbsp;: le «&nbsp;soviet des commissaires du peuple&nbsp;»…
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Le Sovnarkom était initialement composé uniquement de bolchéviks, ce qui avait été approuvé par le <abbr class="abbr" title="Deuxième">2<sup>e</sup></abbr> Congrès des Soviets. Mais ce point a soulevé de violents débats et a failli mener à la scission le parti bolchévik. [[Lénine|Lénine]] et [[Trotsky|Trotsky]] étaient les plus fermement opposés à la participation des autres ''«&nbsp;partis socialistes&nbsp;»'', en qui ils n'avaient aucune confiance. Le compromis trouvé est que les négociations se poursuivront, et finalement des [[SR_de_gauche|SR de gauche]] entreront au Sovnarkom en décembre. Mais après leurs attentats de juillet 1918, les SR de gauche seront interdits, et les bolchéviks seront définitivement seuls au pouvoir.
  
== Les premières mesures des bolcheviks ==
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Par ailleurs, les élections pour la Constituante, prévues depuis juin, devaient avoir lieu le le 12 novembre. Espérant une validation du système soviétique, les bolchéviks décident de maintenir le processus constituant. Le Sovnarkom élu par le Congrès des soviet d'Octobre était donc officiellement un gouvernement provisoire, jusqu'à la réunion de l'Assemblée constituante en janvier 1918.
  
{{Voir|Premières mesures du gouvernement bolchevik}}
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Mais les résultats ne donnèrent qu'une minorité aux bolcheviks et SR de gauche. Malgré la nette majorité bolchévique dans les villes et parmi les soldats, les campagnes votent pour des notables SR.&nbsp;La rupture des [[SR_de_gauche|SR de gauche]] ne s'était pas encore clairement matérialisée dans bien des endroits. Lors de la réunion de la Constituante le 5 janvier, ces notables SR font voter avec les menchéviks l'abolition des mesures depuis Octobre... Pourtant le 3<sup>e</sup> [[Congrès_des_soviets|congrès des soviets]] qui se réunit aussi en janvier 1918 prouve que la paysannerie soutient les mesures (le [[Partage_des_terres|partage des terres]] avant tout)&nbsp;: les SR de droite n'ont même pas 1% des délégués. Refusant la légitimité de cette Constituante réactionnaire, les bolchéviks et les SR de gauche décident alors de la dissoudre, et de faire du Congrès des Soviets l'organe dirigeant du pays.
  
Un nouveau régime politique fut mise en place, basée sur la [[Démocratie_ouvrière|démocratie ouvrière]]. Le nouveau pouvoir soviétique commença immédiatement à introduire un programme de réformes radicales et de grande portée. Un des premiers décrets institua des mesures de [[Contrôle_ouvrier|contrôle ouvrier]] dans les usines.
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=== Défense face à la contre-révolution ===
  
La propriété privée de la terre fut abolie sans compensation. Le droit d’utiliser la terre alla à tous ceux qui la cultivaient. Après un débat acharné un traité de paix fut signé avec l’Allemagne. La Russie s’était retirée de la guerre. Les nations qui avaient anciennement été opprimées par l’empire russe obtinrent leur indépendance. Au cours des années suivantes cinq états indépendants furent créés, et au sein de la fédération russe 17 républiques autonomes et régions furent établies.
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{{Article détaillé|Premi%C3%A8res_mesures_du_gouvernement_sovi%C3%A9tique#R.C3.A9pression_politique{{!}}Répression politique|Premi%C3%A8res_mesures_du_gouvernement_sovi%C3%A9tique#La_question_de_la_libert.C3.A9_de_la_presse{{!}}Liberté de la presse}}
  
L’ancien code légal fut aboli et le système judiciaire fut complètement réformé. Des courts populaires furent mises en place avec des juges élus.
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[[File:October-revolution-54.jpg|right|387x374px|October-revolution-54.jpg]]Lors de l'[[Insurrection_d'Octobre|insurrection du 25 octobre]] à Petrograd, de nombreuses régions sont encore contrôlées par des forces réactionnaires même si la lutte de classe les met sur la sellette.&nbsp;La bourgeoisie par l’intermédiaire de son parti, le parti KD, et de ses relais dans l’armée et l'appareil d’État, s’efforce de rétablir son pouvoir par la violence. Les fonctionnaires de Petrograd se sont mis en grève pour protester. Le 9 novembre, Lénine appelle les soldats à s’opposer à toute tentative contre-révolutionnaire des officiers, à élire des représentants et engager directement des [[Paix_de_Brest-Litovsk|négociations d’armistice]].
  
Les femmes obtinrent le droit de vote, la pleine citoyenneté, l’égalité des salaires et de droit du travail. Les changements légaux commencèrent à transformer toute la nature de la famille. Ainsi que l’expliquait un législateur le mariage «&nbsp;''devait cesser d’être une cage dans laquelle mari et femme vivent comme des condamnés''&nbsp;». La discrimination à l’égard des enfants illégitimes cessa. En 1920 la Russie devint le premier pays au monde à légaliser l’avortement. L’homosexualité n’était plus un crime. De tels changements mirent la Russie largement en tête des nations d’Europe occidentale soi-disant plus avancées.
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Dès le 12 novembre, Kerensky tente une contre-attaque à l'aide des Cosaques du général <span class="mw-disambig">Krasnov</span>. Ces derniers sont appuyés à Petrograd même par une mutinerie des [[Junkers|junkers]], avec des SR à leur tête. Les junkers sont rapidement défaits par les [[Gardes_rouges|gardes rouges]]. Arrivés à <span class="nowrap">20 km</span> de la capitale, les cosaques se heurtent à leur tour aux gardes rouges et subissent de lourdes pertes.
  
En un an le nombre d’école augmenta de plus de cinquante pour cent, et il y avait des campagnes pour apprendre aux illettrés à lire et à écrire. Les frais universitaires furent abolis pour permettre un plus grand accès à l’éducation supérieure. On se débarrassa des examens et l’apprentissage basé sur la mémorisation pure fut énormément réduit. L’étude scolaire fut combinée au travail manuel, et des mesures de contrôle démocratique furent apportées, impliquant tous les travailleurs scolaires et les élèves âgés de plus de 12 ans. Lénine attachait personnellement une grande attention à l’expansion des bibliothèques.
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Le 13 novembre, le grand Quartier général (''stavka'') de l’armée russe annonce marcher sur Petrograd «&nbsp;afin d’y rétablir l’ordre&nbsp;». Rejoint par les chefs du parti SR, [[Tchernov|Tchernov]] et [[Mikhail_Gots|Gots]], il propose la création d’un «&nbsp;gouvernement de l’ordre&nbsp;». Cependant, la masse des soldats passe peu à peu aux bolcheviks, arrêtant les officiers. Le 18 novembre, l’état-major doit fuir dans le sud, le généralissime Doukhonine étant massacré par ses propres soldats.&nbsp; L'armistice avec les Empires centraux est signé le 15 décembre.
  
Les décrets ne pouvaient changer que jusqu’à ce point. La tâche d’éradiquer l’ignorance, la superstition et les attitudes réactionnaires prendrait plus de temps. Lénine insistait sur l’importance de l’auto-émancipation de la classe ouvrière, disant que la révolution devait «&nbsp;''développer cette initiative indépendante des travailleurs, de tous les prolétaires et les exploités en général, la développer aussi largement que possible en travail organisationnel créatif. A tout prix nous devons rompre le vieil, absurde, sauvage, détestable et dégoûtant préjugé que seules les ‘classes supérieures’, seuls les riches, et ceux qui sont passés par les écoles des riches, sont capables d’administrer l’État et de diriger le développement organisationnel de la société socialiste''&nbsp;». Malgré les terribles privations de la période post-révolutionnaire, beaucoup de travailleurs se sentirent délivrés des limitations de leur ancien mode de vie. On trouve des récits contemporains de travailleurs, après une journée de travail, improvisant et produisant des pièces, ou assistant à des cours pour apprendre à écrire de la poésie.
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La révolution victorieuse est d'abord généreuse&nbsp;: les bolchéviks s’efforcent de réduire par la négociation tous les soulèvements, même armés (les soldats rouges ont ordre de ne pas tirer les premiers). Les bolcheviks entendent ainsi démontrer à tous qu’ils ne veulent pas la guerre civile.&nbsp; Des officiers et junkers&nbsp;faits prisonniers, et même des généraux comme Krasnov, sont libérés aussitôt contre leur parole de ne pas reprendre les armes contre les soviets. Mais la plupart, à peine libérés, trahissant leur parole, et formeront les cadres de l’[[Armée_blanche|armée blanche]] dans les mois suivants.
  
La Russie révolutionnaire connut une effervescence d’innovations et d’expérimentations dans les domaines de la littérature, de la peinture et du cinéma. La position de l’artiste dans la société était transformée. Comme le dit le poète Maïakovski&nbsp;: «&nbsp;''Les rues plutôt que des pinceaux nous utiliserons /Nos palettes, les places et leurs espaces grand ouverts''&nbsp;» (Ordre à l’armée des arts, 1918).
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Le [[Sovnarkom|Sovnarkom]] est donc obligé de prendre des mesures fermes face à la [[Contre-révolution|contre-révolution]]. Pour les [[Bolchéviks|bolchéviks]], cela fait partie des leçons de la [[Commune_de_Paris_(1871)|Commune de Paris]], et de ce que [[Marx|Marx]] appelait la [[Dictature_du_prolétariat|dictature du prolétariat]]. [[Lénine|Lénine]] opposait la [[Terreur_rouge|terreur rouge]] en réaction à la [[Terreur_blanche|terreur blanche]], par analogie avec la [[Terreur_(Révolution_française)|terreur]] [[Jacobins|jacobine]].
  
== Les suites immédiates de la révolution d’Octobre ==
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Dès la nuit du 25-26, sept journaux bourgeois de Petrograd sont interdits, dont celui du <span class="reference-text">[[Parti_KD|parti KD]].</span> Des journaux n'hésitaient pas à appeler à la résistance armée au ''«&nbsp;coup de force des agents du Kaiser&nbsp;»''. <span class="reference-text">[[Lénine|Lénine]] rappellera&nbsp;: ''«&nbsp;N'avait-on pas interdit les journaux tsaristes après le renversement du tsarisme&nbsp;?&nbsp;»''.</span> De nombreuses protestations s'élèvent cependant, y compris parmi les SR de gauche et les bolchéviks. Quand il devient clair que les dirigeants du parti KD sont activement impliqués dans les tentatives contre-révolutionnaires, ils sont arrêtés (décembre). Une police politique, la [[Tcheka|Tcheka]], est aussi fondée en décembre 1917.
  
=== Que faire face à la contre-révolution&nbsp;? ===
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Les partis socialistes conservent plus longtemps leur presse. La presse légale [[Menchevique|menchevique]] ne disparaît qu’entre 1919 et 1921, celle des [[Anarchistes|anarchistes]] hostiles au régime en 1921, celle des [[SR_de_gauche|SR de gauche]] dès juillet 1918 du fait de leurs attentats.
  
[[File:Octoberrevolution 54.jpg|right|333x388px|Octoberrevolution 54.jpg]]La révolution victorieuse est généreuse&nbsp;: des représentants de la bourgeoisie, notamment des officiers et élèves-officers, faits prisonniers au moment de l’insurrection, sont libérés sur parole par le pouvoir soviétique. En échange, ils s’engagent à ne pas essayer de renverser le pouvoir soviétique. Mais la plupart, à peine libérés, trahissant leur parole, préparent, organisent ou essayent d’organiser des soulèvements armés, comme à Moscou. La bourgeoisie par l’intermédiaire de son parti, le parti cadet, et de ses relais dans l’armée et le vieil appareil d’État, s’efforce de rétablir son pouvoir par la violence.
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== L'évolution de l'Etat soviétique ==
  
Les [[Mencheviks|mencheviks]] et les socialistes-révolutionnaires (SR) de droite, quant à eux, s’opposent au pouvoir issu de la révolution&nbsp;: après avoir quitté le II<sup>e</sup> Congrès des Soviets, où ils étaient en minorité, ils refusent d’envoyer leurs délégués au Comité exécutif central des soviets de Russie en proportion de leur représentation à ce congrès. Et ils prétendent substituer au gouvernement élu par ce dernier (conseil des commissaires du peuple) un gouvernement de coalition comprenant des bolcheviks, des mencheviks, des SR et des socialistes populistes (ces derniers étant dirigés par Kerensky, lequel, chef du gouvernement provisoire d’avant Octobre, avait multiplié les actes de répression contre les travailleurs et les soldats, ouvrant la voie à la préparation du coup d’État militaire de Kornilov). Le Comité exécutif du syndicat des cheminots, dirigé par les mencheviks, menace de bloquer le ravitaillement de la capitale si le gouvernement soviétique ne cède pas.
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=== Crise, guerre civile et ''«&nbsp;communisme de guerre&nbsp;»'' ===
  
Des pourparlers sont engagés entre les représentants du gouvernement soviétique, des différents partis se revendiquant du socialisme et le Comité exécutif du syndicat des cheminots. Le gouvernement demande au syndicat des cheminots d’envoyer des troupes pour mater l’insurrection contre-révolutionnaire des élèves-officiers de Moscou. Ce dernier, en affirmant sa «&nbsp;neutralité&nbsp;», démasque devant le peuple tout entier le sens réel de sa politique. Le pouvoir soviétique rompt alors les pourparlers, dont la fonction (quelles que soient les bonnes intentions de certains socialistes-révolutionnaires ou mencheviks) se révèlait être objectivement celle d’un soutien politique à la lutte contre la révolution d’Octobre, c’est-à-dire contre le décret sur la paix, le décret sur la terre, le contrôle ouvrier sur l’industrie et plus généralement le pouvoir des ouvriers et des paysans.
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''{{Article détaillé|Guerre civile russe|Communisme de guerre}}''
  
D’un côté, le gouvernement soviétique dirigé par les bolcheviks s’efforce de réduire par la négociation tous les soulèvements contre le pouvoir, même armés&nbsp;: les soldats fidèles aux soviets reçoivent ordre de ne pas tirer les premiers. Les bolcheviks entendent ainsi démontrer à tous qu’ils ne veulent pas la guerre civile. Mais, de l’autre, le gouvernement réagit sans faiblesse aux menées de la contre-révolution&nbsp;: il triomphe militairement des troupes qui ne se rendent pas et décide de mettre en état d’arrestation les dirigeants du parti cadet, cerveaux de la contre-révolution, de placer ce parti sous surveillance et d’interdire sa presse.
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[[File:Lenin 7 november 1918 speech 1year great socialist october revolution red square.jpg|right|378x251px|Lenin 7 november 1918 speech 1year great socialist october revolution red square.jpg]]La production industrielle a été minée par la guerre, les grèves et les [[Lock-out|lock out]]. Avant même l’arrivée au pouvoir des bolcheviks, elle a déjà chuté de 75%. L'Ukraine, région riche, est occupée par les troupes allemandes. Et dès la Russie soviétique sortie de la guerre avec l'Allemagne au printemps 1918, les principales [[Puissances_impérialistes|puissances impérialistes]] (Grande-Bretagne,&nbsp;États-Unis, France, Japon) cherchent à la renverser, en décrètent l'embargo et en envoyant des troupes dans le camp des [[Armées_blanches|Blancs]].
  
=== La question de la liberté de la presse ===
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La direction bolchévique autour de [[Lénine|Lénine]] et [[Trotsky|Trotsky]] estime, malgré les frictions en interne, que la seule solution de survie est de mettre en place une disclipine stricte dans l'[[Armée_rouge|Armée rouge]] et dans l'industrie, et un rationnement très rigoureux, assorti de [[Mouvement_paysan_en_1917|réquisitions agricoles]]. Une politique qui sera appelée a posteriori ''«&nbsp;[[Communisme_de_guerre|communisme de guerre]]&nbsp;»''.
  
Les mencheviks et les SR de droite se scandalisent&nbsp;: comment oser porter atteinte à la sacro-sainte liberté de la presse&nbsp;? Comment oser interdire la presse bourgeoise&nbsp;? Les mencheviks, les SR de droite et les socialistes-populistes n’avaient pas fait preuve d’autant de réticences à «&nbsp;porter atteinte à la liberté de la presse&nbsp;» et à recourir à la violence lorsque, aux lendemains des journées de juillet, ils avaient décidé d’interdire la presse du Parti bolchevik, d’envoyer l’armée fermer ses imprimeries, détruire ou confisquer son matériel et arrêter ses principaux dirigeants, qui passèrent les mois de juillet et août dans les prisons du gouvernement des mencheviks, des SR et des socialistes-populistes…
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Un des premiers effets est la rupture du lien avec la [[Mouvement_paysan_en_1917|paysannerie]]. L’automne et l’hiver 1920 furent marqués par de grandes révoltes paysannes ([[Makhnovchina|Makhnovchina]], Tambov, Tioumen...), des ''«&nbsp;[[Armées_vertes|armées vertes]]&nbsp;»'' se battant indépendamment des [[Armée_rouge|rouges]] ou des [[Armées_blanches|blancs]] (qui réquisitionnent aussi des récoltes). Mais globalement, les masses paysannes repoussent en priorité les Blancs, qui sont porteurs de l'ordre ancien, d'avant le partage des terres.
  
Dès lors, s’ils se scandalisent de la mesure d’interdiction de la presse bourgeoise au moment où celle-ci répand toutes sortes de fausses nouvelles et de calomnies contre le pouvoir soviétique dans l’objectif de son renversement, ce n’est pas qu’ils soient attachés à la «&nbsp;liberté de la presse&nbsp;» pour elle-même, mais plutôt qu’ils sont aussi déterminés à rétablir le pouvoir bourgeois qu’ils l’ont été à étouffer par tous les moyens la révolution prolétarienne. Pour eux, la presse est «&nbsp;libre&nbsp;» lorsque la presse est dans les mains de quelques grands hommes d’affaires et présente la réalité à leur avantage, calomniant les révolutionnaires (comme les bolcheviks, accusés sans fondement en juillet d’être financés par l’État-major allemand), tandis que l’immense majorité n’a tout simplement pas les moyens matériels de disposer de ses propres médias. À l’opposé, la politique des bolcheviks consista, dans l’esprit du projet de décret sur la presse, d’une part, à imposer à tous les journaux l’obligation de rendre publics leurs comptes, afin que le peuple puisse connaître le ou les commanditaire(s) du journal et, d’autre part, à collectiviser les imprimeries et à les mettre à la disposition de tout groupe significatif d’ouvriers ou de paysans désirant éditer un journal ou une revue (Lénine suggérait d’accorder ce droit à tout groupe d’au moins 10 000 ouvriers ou paysans). En donnant ainsi réellement la possibilité aux exploités et aux opprimés de faire leur propre presse, ces mesures constituaient un pas vers la liberté réelle de la presse.
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Dans l'industrie, au nom de l'efficacité, [[Lénine|Lénine]] et [[Trotsky|Trotsky]] prônent la [[Discipline|discipline]] et le [[Principe_de_collégialité|pouvoir d'un directeur]] plutôt que des [[Comité_d'usine|comités d'usine]], ce qui soulève des contestations ouvrières et de nombreuses oppositions dans le parti bolchévik ([[Kommunist|Kommunist]], [[Opposition_ouvrière|Opposition ouvrière]]...).
  
Les rumeurs répandues par la presse bourgeoise ne peuvent être séparées des préparatifs militaires de coup d’État. En ce sens, faire preuve de la moindre faiblesse face à la contre-révolution, même avec les meilleures intentions du monde, c’est trahir la révolution. Tous les hésitants (comme les SR de gauche et le groupe Zinoviev-Kamenev dans le parti bolchévik) semblent avoir oublié les leçons de la Commune de Paris. La bourgeoisie française n’avait continué à discuter avec les communards que le temps de réunir, en accord avec Bismarck (représentant les intérêts de la bourgeoisie allemande), les forces nécessaires pour écraser la révolution prolétarienne commençante. La lutte politique et médiatique de la bourgeoisie contre le gouvernement révolutionnaire et son recours à la force militaire ne sont pas deux politiques opposées, mais les deux moments d’une même politique, dont le résultat ne peut être rien d’autre que le rétablissement du pouvoir de la bourgeoisie sur la base du massacre des ouvriers révolutionnaires.
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L'Armée rouge parvient finalement à la victoire, mais au prix d'un affaiblissement considérable de la [[Démocratie_soviétique|démocratie soviétique]], et le lien organique avec les masses s'est rompu. La guerre civile a conduit à la répression de tout parti d'opposition, et même si le parti bolchévik a réussi à devenir un parti de masse en absorbant la majorité du camp révolutionnaire, la démocratie ouvrière ne dépend plus que de sa [[Démocratie_interne|démocratie interne]]. Or, par ailleurs, de nombreux nouveaux membres sont des arrivistes ralliés au nouveau parti-Etat uniquement pour faire carrière, et les [[Vieux_bolchéviks|Vieux bolchéviks]] y deviennent vite minoritaires.
  
=== Le comportement du gouvernement soviétique à l’égard des paysans ===
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=== Bureaucratisation et Nouvelle politique économique (NEP) ===
  
[[File:Octoberrevolution 198.jpg|right|346x400px|Octoberrevolution 198.jpg]]On reproche aussi aux bolcheviks d’avoir accordé aux ouvriers une sur-représentation dans les soviets, devenus organes de l’État, par rapport à la paysannerie, qui était largement majoritaire en Russie. Pour les «&nbsp;démocrates&nbsp;» bourgeois et petits-bourgeois, cela représente une violation inadmissible de «&nbsp;la&nbsp;» démocratie, incarnée selon eux dans le principe&nbsp;: un homme, une voix. Pourtant, ce principe formel ignore que, sous le capitalisme, c’est la ville qui commande à la campagne. Dès lors, la question politique principale qui se pose, en ce qui concerne la paysannerie, est de savoir quelle classe la dirigera&nbsp;: la bourgeoisie ou le prolétariat&nbsp;? En régime de «&nbsp;démocratie&nbsp;» bourgeoise, c’est la bourgeoisie qui commande à la paysannerie, comme à toutes les autres classes. C’est cette bourgeoisie qui domine la terre, surexploite les salariés agricoles, pille les petits paysans et souvent les exproprie en les conduisant à la ruine.
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{{Article détaillé|Nouvelle politique économique}}
  
Le gouvernement soviétique, au contraire, s’est efforcé d’aider les travailleurs salariés et les paysans pauvres à lutter contre les bourgeois et les paysans riches, tout en essayant d’obtenir la bienveillante neutralité du paysan moyen (celui qui peut vivre de sa terre sans employer de salarié). Dans les premiers jours qui suivent la révolution d’Octobre, la grande majorité du prolétariat est déjà ouvertement du côté du pouvoir soviétique, mais la position de la paysannerie est encore incertaine. Pour la gagner à la révolution prolétarienne, le gouvernement soviétique fait connaître dans les campagnes ses premières mesures et convoque un congrès extraordinaire des soviets de délégués paysans de Russie. Parmi les délégués, on compte 197 SR de gauche, 65 SR de droite et 37 bolcheviks. Au terme d’une âpre lutte politique, les délégués de ce congrès, tout en reprenant la revendication menchevik et SR de la formation d’un gouvernement de coalition incluant, en plus des bolcheviks et des SR de gauche, des mencheviks, des SR de droite et des socialistes-populistes, affirme que ce gouvernement devra appliquer le programme adopté par le IIe Congrès des soviets de Russie, réuni en Octobre. Il démontre ainsi que le développement de la lutte entre les classes au cours de la révolution, modelé par un combat politique acharné entre les partis qui les représentent, a fini par placer, malgré ses oscillations constantes, la majorité de la paysannerie du côté du pouvoir soviétique. Car seul ce pouvoir s’est révélé capable d’apporter à une réponse positive aux revendications paysannes, en décidant l’expropriation des propriétaires fonciers et la répartition égalitaire de la terre entre les paysans. La conquête du pouvoir par le prolétariat permet ainsi de grouper autour de lui tous les opprimés, ce qui est une condition pour la victoire finale.
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La contestation atteint même le coeur révolutionnaire de Petrograd, où de nombreux ouvriers participent à des grèves et des manifestations, qui sont réprimées par le parti bolchévik, qui estime représenter la volonté et l'intérêt de la classe ouvrière. Un des symboles les plus forts de cette contestation ''«&nbsp;sur la gauche&nbsp;»'' du nouveau pouvoir a été la [[Révolte_de_Cronstadt|révolte de Cronstadt]] en mars 1921. L'ensemble de la direction bolchévique, qui est au même moment (X<sup>e </sup>Congrès), accepte la répression. Malgré les désaccords importants qui les divisent ([http://wikirouge.net/Opposition_ouvrière Opposition ouvrière], [http://wikirouge.net/Décistes décistes]...), l'esprit de citadelle assiégé est tel que les congressistes acceptent la suppression du [http://wikirouge.net/wiki/index.php?title=Droit_de_fraction&action=edit&redlink=1 droit de fraction].
  
=== La dissolution de l'assemblée constituante ===
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La direction bolchévique est bien consciente que la révolution est gangrenée par les problèmes, Lénine définit lui-même l'Etat soviétique comme un ''«&nbsp;Etat ouvrier présentant une déformation bureaucratique&nbsp;»''. Mais selon lui, la priorité pour regagner la confiance des masses et aller vers le [[Socialisme|socialisme]] est de rétablir la production économique à tout prix via un ''«&nbsp;[[Capitalisme_d'Etat|capitalisme d'Etat]]&nbsp;»''. Le X<sup>e</sup> congrès décide donc une [[Nouvelle_politique_économique|Nouvelle politique économique]]&nbsp;:
  
{{Article détaillé|Assemblée constituante russe de 1918}}
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*dans les industries d'Etat&nbsp;: de maintenir une discipline stricte ([[Trotsky|<span class="mw-redirect">Trotsky</span>]] est même pour la [[Militarisation_des_syndicats|<span class="new">militarisation des syndicats</span>]], que Lénine repousse)&nbsp;;
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*dans l'agriculture et le petit-commerce&nbsp;: de permettre une [[Libéralisation|libéralisation]] (en rupture avec le [[Communisme_de_guerre|communisme de guerre]]), notamment pour inciter la paysannerie à produire en la laissant libre de vendre sur le marché.
  
Entre avril et juillet 1917, les bolchéviks avaient revendiqué la constituante en soutenant qu'une démocratie bourgeoise (avec constituante) est meilleure qu'un régime bourgeois sans constituante, tout en maintenant leur ligne ''«&nbsp;tout le pouvoir aux soviets&nbsp;»'' et en expliquant inlassablement qu'une république soviétique serait supérieure à une république parlementaire. Le gouvernement provisoire repoussait la convocation de la constituante en prétextant les difficultés de la guerre. Finalement, en juin il annonce les élections pour novembre (la guerre est toujours en cours...). Quand à partir d'août les bolchéviks deviennent majoritaires dans les soviets, les cadets, SR et menchéviks deviennent farouchement partisans de la Constituante comme summum de la démocratie.
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Si la production va connaître un regain, la bureaucratisation va vite devenir définitive. [[Vague_révolutionnaire_de_1917-1923|L'échec des processus révolutionnaires]] ailleurs qu'en Russie ([[République_des_conseils_de_Hongrie|Hongrie]], [[Révolution_allemande|Allemagne]], [[Biennio_rosso|Italie]], [[Révolution_chinoise_(1925-1927)|Chine]]...) va renforcer le noyau bureaucratique du parti, autour de [[Staline|Staline]], qui se stabilise dans une logique [[Gestionnaire|gestionnaire]] du ''«&nbsp;[[Socialisme_dans_un_seul_pays|socialisme en Russie]]&nbsp;»''. Toute opposition sera réprimée, notamment [[Opposition_de_gauche|celle de Trotsky]], et Staline finira par développer un Etat [[Totalitaire|totalitaire]] et à éliminer presque tous les [[Vieux_bolchéviks|Vieux bolchéviks]], ceux qui avaient fait la Révolution d'Octobre, mais pas pour ce résultat...
  
Suite à l'insurrection de la nuit du 25-26 octobre (n.s. 7-8 novembre), les bolchéviks dispersent le gouvernement provisoireet mettent en place un [[Conseil_des_commissaires_du_peuple_(URSS)|Conseil des commissaires du peuple]]. Espérant une validation du système soviétique, les bolchéviks décident de maintenir les élections de la Constituante, qui ont lieu le 12 novembre (n.s. 25).
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== Perception de la révolution à l'étranger ==
  
Mais les résultats ne donnèrent qu'une minorité aux bolcheviks et SR de gauche. Malgré la nette majorité bolchévique dans les villes et parmi les soldats, les campagnes votent majoritairement pour des notables SR. La rupture des SR de gauche qui ne faisait que débuter ne s'était pas clairement matérialisée dans bien des endroits. Les élections au congrès pan-russe des soviets réuni en janvier 1918 donnent lieu à l’écrasement des SR de droite, qui n’obtiennent que 7 délégués, soit moins de 1&nbsp;%, tandis que les SR de gauche raflent plus de 30&nbsp;% des sièges.
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Une poignée d'étrangers présents en Russie adhère activement à la révolution d'Octobre, ainsi son futur historien, le journaliste américain [[John_Silas_Reed|John Reed]], ou encore le philosophe chrétien français [[Pierre_Pascal|Pierre Pascal]]. En mars 1919, [[André_Marty|André Marty]] et [[Charles_Tillon|Charles Tillon]] mènent la mutinerie de la flotte française en mer Noire contre l'intervention. Certains prisonniers de guerre des Empires centraux, convertis au bolchevisme pendant leur captivité en Russie, se sont faits les propagateurs de la révolution à leur retour au pays&nbsp;: le Yougoslave Josip Broz, futur maréchal [[Josip_Broz_Tito|Tito]], n'est que l'exemple le plus célèbre.
  
Lors de la réunion de la Constituante le 5 janvier (n.s. 18) , les mencheviks et les SR de droite présentèrent une motion proposant d’abolir toutes les mesures prises par le pouvoir soviétique depuis octobre (décret sur la terre, adresse internationale pour mettre fin à la guerre, décret sur le contrôle ouvrier...) et affirmant la suprématie de la Constituante sur les Soviets. Dans ces conditions, les bolchéviks, suivi des SR de gauche, quittent l'assemblée. Ils décident alors de dissoudre l'Assemblée et de faire du [[Congrès_des_Soviets|Congrès des Soviets]] l'organe dirigeant du pays.
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La révolution d'Octobre n'est d'abord perçue que comme une péripétie politique après bien d'autres, et ni l'Entente ni les Empires centraux ne croient au début à la durée du nouveau pouvoir. Après le draconien [[Traité_de_Brest-Litovsk|traité de Brest-Litovsk]] (contre la ratification duquel vote le [[Parti_social-démocrate_d'Allemagne|SPD]] au Reichstag), le ''Kaiser'' fait figure d'allié objectif et paradoxal du régime bolchevique, celui-ci ayant tout intérêt à jouer des divisions «&nbsp;interimpérialistes&nbsp;» et à ne pas s'ajouter un ennemi de plus. L'Entente intervient sur le territoire russe d'abord pour empêcher la disparition du front oriental, le reproche principal fait aux bolcheviks étant leur «&nbsp;trahison&nbsp;» de l'alliance. Après l'armistice de Rethondes en 1918, c'est la révolution en tant que telle qui est combattue.
  
Par delà les formes institutionnelles, la lutte entre les Soviets et la Constituante était essentiellement au coeur de la lutte entre la révolution prolétarienne et la contre-révolution bourgeoise. Après l’échec de la voie putschiste pour en finir avec la révolution (échec du coup d’État de Kornilov fin août 1917), la bourgeoisie a cherché une autre façon de mettre un terme à la révolution, qui signifiait son expropriation et sa perte du pouvoir politique. Entre septembre 1917 et janvier 1918, elle a concentré son offensive sur la question de la Constituante en arguant du caractère sacré de la «&nbsp;démocratie&nbsp;». Dès avant l’échec de cette manœuvre, mais surtout après, la bourgeoisie russe passait à l’option militaire&nbsp;: elle déclenchait la guerre civile, avec l’appui des tous les pays capitalistes réunis dans une grande offensive contre la République des soviets (Japon, France, Angleterre, Roumanie, Allemagne, etc).
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Le pacifisme et la crise économique d'après-guerre, ainsi que le refus de voir une révolution écrasée, suscitent de fortes sympathies actives dans les couches populaires d'Europe pour la révolution d'Octobre.
  
=== La guerre civile et le ''«&nbsp;communisme de guerre&nbsp;»'' ===
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En France, la révolution russe est lue au prisme de la mémoire toujours très vive de la [[Révolution_française|Grande Révolution]] de 1789&nbsp;: les bolcheviks sont ainsi assimilés aux [[Club_des_Jacobins|Jacobins]], [[Alexandre_Kerensky|Kerensky]] à la [[Gironde_(Révolution_française)|Gironde]], les Blancs aux Vendéens, Trotsky à [[Lazare_Nicolas_Marguerite_Carnot|Lazare Carnot]] «&nbsp;l'organisateur de la victoire&nbsp;», etc. Un historien sympathisant comme [[Albert_Mathiez|Albert Mathiez]] trace dès 1920 l'analogie entre [[Maximilien_de_Robespierre|Robespierre]] et [[Vladimir_Ilitch_Lénine|Lénine]], la terreur rouge et la [[Terreur_(Révolution_française)|Terreur]] de 1793<ref>L'importance de la mémoire de la Révolution française dans l'accueil et l'interprétation de 1917 a été soulignée par le livre de [[François Furet]], ''Le Passé d'une Illusion'', Robert Laffont, 1995.</ref>. Le poète [[André_Breton|André Breton]] n'est pas le seul à lire aussi la révolution russe comme une revanche sur la répression de la [[Commune_de_Paris_(1871)|Commune de Paris]] lorsqu'il note que 1917 renverse [[Commune_de_Paris_(1871)|1871]]. Mais la «&nbsp;grande lueur à l'Est&nbsp;» (titre d'un ouvrage de [[Jules_Romains|Jules Romains]]) n'est pas aussi bien accueillie par tout le monde. Les [[Classes_moyennes|classes moyennes]] sont ulcérées par la perte des [[Emprunt_russe|emprunts russes]], que Lénine a cessé de reconnaître dès le début 1918. Et l'[[Anticommunisme|anticommunisme]] est très fort chez les [[Section_française_de_l'Internationale_ouvrière|socialistes]] restés fidèles à la «&nbsp;vieille maison&nbsp;» lors du [[Congrès_de_Tours_(SFIO)|congrès de Tours]] de 1920, chez les [[Anarchistes|anarchistes]], chez certains intellectuels [[Humanisme|humanistes]] hostiles aux méthodes des Bolcheviks (par exemple [[Romain_Rolland|Romain Rolland]], ami de [[Maxime_Gorki|Gorki]]), et bien sûr dans les droites. Dès 1919, une affiche célèbre stigmatise dans le bolchevik «&nbsp;l'homme au couteau entre les dents&nbsp;».
  
Après la révolution d’Octobre, la guerre civile fait naître une terrible situation. De janvier 1919 à janvier 1920, un blocus total décidé par les puissances étrangères frappe la Russie tout entière, déjà profondément affaiblie et fragilisée dans son équilibre alimentaire et sanitaire. Par sa politique dite du «&nbsp;[[Communisme_de_guerre|communisme de guerre]]&nbsp;», le gouvernement soviétique, dirigé par les bolcheviks, exige de mettre en place un rationnement très rigoureux, assorti de réquisitions des cultures agricoles. Lénine le soulignera plus tard&nbsp;: «&nbsp;''L’essence du communisme de guerre était que nous prenions au paysan tout son surplus, et'' ''parfois non seulement son surplus, mais une partie des grains dont il avait besoin pour se nourrir.&nbsp;''» Pour l’appliquer, des détachements de réquisition et de barrage sont instaurés, qui se révèlent souvent impitoyables et commettent de graves abus. Dès lors, l’automne et l’hiver 1920 sont marqués par de grandes révoltes paysannes&nbsp;: celles que conduit Nestor Makhno en Ukraine, celles qui ébranlent les campagnes de Tambov et de Tioumen. Les paysans protestent, dans la violence, contre les réquisitions et leurs excès. Selon Jean-Jacques Marie, les méthodes employées par les insurgés sont des plus barbares&nbsp;: non seulement les communistes sont fusillés en masse, mais encore les assassine-t-on parfois avec une extrême cruauté&nbsp;: déshabillés, on les laisse mourir gelés dans la neige&nbsp;; on leur arrache les yeux&nbsp;; on les éventre…
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Aux [[États-Unis|États-Unis]], la ''red scare'' ou peur des «&nbsp;Rouges&nbsp;» marque les années d'immédiat après-guerre et contribue aux réactions autoritaires, puritaines et xénophobes (les migrants sont perçus comme des porteurs potentiels du «&nbsp;virus&nbsp;» bolchevique) qui marquent les [[Années_1920|années 1920]]. En Allemagne, en Hongrie, en Italie, les forces conservatrices, nationalistes ou [[Fascisme|fascistes]], parfois alliées pour un temps à des sociaux-démocrates comme [[Gustav_Noske|Noske]] à Berlin, se battent pour réprimer par la violence le «&nbsp;bolchevisme&nbsp;» (un mot d'ailleurs élastique, sous lequel ils finissent par regrouper abusivement tout partisan d'un changement social, voire n'importe quel adversaire). En 1919, la peur et la haine du [[Bolchevik|bolchevisme]] et de la révolution d'Octobre, de ses avatars et de son extension possible jouent un rôle non négligeable dans la formation des idéologies et des mouvements de [[Benito_Mussolini|Benito Mussolini]] en Italie et d'[[Adolf_Hitler|Adolf Hitler]] en Allemagne.
  
Enfin la révolte la plus notable et la plus connue fut [[Révolte_de_Cronstadt|celle qui eut lieu à Cronstadt]], l'île forteresse située face à Petrograd.
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Dans les pays colonisés, la révolution d'Octobre a aussi suscité des espoirs importants. Dès 1920, à Bakou, les bolcheviks convoquent un «&nbsp;[[Congrès_des_peuples_de_l'Orient|congrès des&nbsp; peuples de l'Orient]]&nbsp;» (1<sup>er</sup> au 8 septembre) qui tente de faire la jonction entre les nationalismes des colonisés et le mouvement communiste mondial.
  
 
== Bibliographie ==
 
== Bibliographie ==
  
*Léon Trotsky, [[Histoire_de_la_révolution_russe|''Histoire de la révolution russe'']], 1930
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{{Article détaillé|Bibliographie sur la révolution russe de 1917}}
*{{Ouvrage |langue= fr|auteur1= Charles-Olivier Carbonell|lien auteur1= Charles-Olivier Carbonell|titre= Le Grand Octobre russe|sous-titre= 1917 : la révolution inimitable|éditeur= Éditions du Centurion|collection= Un brûlant passé|lieu= Paris|année= 1967|volume= |tome= |pages totales= 288|passage= |isbn= |lire en ligne= }}
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*Léo Figuères, ''Octobre 1917&nbsp;: la révolution en débat'', éd. Le Temps des Cerises, 1998 {{ISBN|2-84109-131-7}}
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== Notes ==
*{{en}} Sheila Fitzpatrick, ''The Russian Revolution'', Oxford University Press, 2008
 
*Marc Ferro, ''La Révolution de 1917'', 2 vol., Paris, Aubier, 1967
 
*François-Xavier Coquin, ''La Révolution russe'', 1962
 
*Richard Pipes, ''La Révolution russe'', PUF, 1993
 
*Alexander Rabinowitch, ''Prelude to Revolution'', 1991
 
*Alexander Rabinowitch, ''The Bolsheviks Come To Power: The Revolution of 1917'', 2004
 
*Alexander Rabinowitch, ''The Bolsheviks in Power: The First Year of Soviet Rule in Petrograd'', 2007
 
*John Reed, ''[[Dix_jours_qui_ébranlèrent_le_monde|Dix jours qui ébranlèrent le monde]]'', Éditions sociales, 1986 {{ISBN|2-2090-5494-X}} {{ISBN|978-2-2090-5494-7}} - (''Ten Days that Shook the World''), 1919
 
*Voline, ''La Révolution Inconnue, Livre premier&nbsp;: Naissance, croissance et triomphe de la Révolution russe (1825-1917)'', Éditions Entremonde, Lausanne, 2009. {{ISBN|978-2-940426-02-7 }}  
 
*Nicolas Werth, ''1917&nbsp;: la Russie en révolution'', Gallimard, coll. ''Découvertes'', 1997
 
*Éric Aunoble, ''La Révolution russe, une histoire française, lectures et représentations depuis 1917'', Édition La Fabrique, 2016
 
  
 
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Version du 24 novembre 2017 à 18:35

Jusqu'en 1918, la Russie utilisait le calendrier julien, qui avait à l'époque 13 jours de retard sur le calendrier grégorien. Le 23 février « ancien style » correspond donc au 8 mars « nouveau style » (n.s.).
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La révolution d'Octobre marque la seconde phase de la Révolution russe de 1917, après la révolution de février. Son point d'orgue est l'insurrection du 24-25 octobre (n.s. 6-7 novembre). Appuyé sur les soviets, le parti bolchévik de Lénine et Trotsky réussit à donner une direction politique de classe qui mène en Octobre à la première vraie révolution prolétarienne, qui engendre une vague révolutionnaire en Europe. Mais l'échec de cette vague isolera la jeune URSS et favorisera la bureaucratisation du nouveau régime et l'émergence du stalinisme.

1 Contexte

1.1 La révolution de Février

Les grèves et manifestations insurrectionnelles à Petrograd de février ont poussé le tsar à abdiquer le 2 mars. Un gouvernement provisoire est alors formé autour du Prince Lvov, membre du parti Constitutionnel Démocratique (KD), le principal parti de la bourgeoisie. Le 2 mars également, le soviet de Petrograd est formé, et des soviets d'ouvriers et de soldats se forment rapidement dans les grandes villes (et à partir d'avril dans les campagnes). Dans les soviets (« conseils », en russe) les classes populaires se réunissent pour discuter mais aussi pour autogérer toute une partie de la vie locale. Il y a donc une situation de double pouvoir, même si le soviet de Petrograd, présidé par le menchévik Tchkhéidzé, donne sa confiance au gouvernement provisoire. Kerensky (troudovik), à la fois ministre du gouvernement et vice-président du soviet, assure la liaison.

Mais le gouvernement provisoire ne veut prendre aucune mesure trop radicale, pas même la proclamation de la République. Il refuse les revendications des soviets (la paix, la terre aux paysans, la journée de 8 heures...), renvoyant la responsabilité à une future Assemblée constituante, tout en affirmant qu'il est impossible de la convoquer tant que des millions d'électeurs sont au front. La situation est donc toujours révolutionnaire. Les forces monarchistes ayant été dissoutes, les KD se retrouvent à l'extrême droite, face une opposition entièrement constituée de « socialistes » (même si le premier parti, le parti Socialiste-Révolutionnaire, est davantage une force petite-bourgeoise).

Les dirigeants bolchéviks présents en Russie (Kamenev, Staline, Molotov...) suivent les autres socialistes, considérant que leur ligne de soutien à la révolution bourgeoise passe par le soutien au gouvernement provisoire. Ils envisagent même une réunification avec les menchéviks. La Pravda appelle à la reprise du travail et au retour à la normale.

De retour d'exil, Lénine fait aussitôt paraître ses Thèses d'avril. Il soutient qu'il faut dénoncer le gouvernement provisoire comme incapable de satisfaire les revendications démocratiques, ouvrières et paysannes, et affirme que la situation de double pouvoir doit être tranchée en revendiquant « tout le pouvoir aux soviets », pour créer un Etat « du type de la Commune de Paris ». Il est d'abord mis en minorité, et le bruit court qu'il est devenu « trotskiste », voulant un « passage immédiat » à la révolution socialiste. En s'appuyant sur la base ouvrière, il parvient à faire changer l'orientation du parti.

1.2 La question de la paix et les Journées d'avril

Depuis 1914 la guerre a provoqué beaucoup de remises en question du discours nationaliste, d'autant plus que la Russie est affaiblie face à l'Allemagne. Néanmoins, début 1917 ce sont surtout l’incapacité du commendement militaire et ses mauvais traitements qui sont dénoncés. Les slogans de paix immédiate sont au départ plus fréquents à l’arrière qu’au front, où les soldats considèrent souvent les ouvriers comme des « planqués », et refusent d'admettre l’inutilité des sacrifices qu’ils endurent depuis trois ans. Le « défaitisme révolutionnaire » est très impopulaire, et même au sein des bolcheviks il ne passe pas toujours bien.

Le 18 avril, le ministre KD Milioukov s'engage dans une note secrète aux Alliés à ne pas remettre en cause les traités tsaristes et à poursuivre la guerre jusqu'au bout. Lorsque cette note fuite dans la presse, des manifestations armées d'ouvriers et de soldats éclatent (20-21 avril) et s'affrontement violemment à des manifestants pro-gouvernement. Ce sont les premiers véritables affrontements armés de la révolution. Le 15 mai, Milioukov démissionne et un remaniement ministériel renforce le poids de Kerensky et intègre des SR et 2 menchéviks (Tsereteli et Skobelev). Ce gouvernement a le soutien des ouvriers et beaucoup veulent croire que Kerensky (devenu ministre de la guerre) obtiendra une victoire militaire rapide.

Début avril 1917 se réunit le premier Congrès pan-russe des soviets, même s'il ne représente quasiment pas de campagnes (480 délégués de la capitale, 138 de soviets locaux et 46 de l'armée). Il affiche un total suivisme envers le gouvernement provisoire et appuie la poursuite de la guerre, tout en appelant au « contrôle » par les soviets et à leur extension à tout le pays.

2 Flux et reflux de la lutte de classe

2.1 Les journées de juillet

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Dispersion de la foule sur la perspective Nevski, pendant les journées de juillet.

Entre février et juillet, l’impopularité de la guerre et la lassitude gagnent du terrain, notamment parmi les ouvriers à qui l'on refuse la journée de 8 heures au nom de l'effort de guerre. Début juin, les bolcheviks sont majoritaires dans le soviet ouvrier de Petrograd. Le 14 juin, le gouvernement provisoire annonce des élections pour l'Assemblée constituante pour le 12 novembre.

L’échec militaire de l’« offensive Kerensky » de juillet entraîne une déception générale. L’armée entre en décomposition, les soldats refusent de monter en première ligne, les désertions se multiplient. Les 3 et 4 juillet, les soldats stationnés à Petrograd refusent de repartir au front. Rejoints par les ouvriers, ils manifestent pour exiger des dirigeants du soviet de la ville qu’il prenne le pouvoir.

Les bolcheviks s’opposent à une insurrection prématurée car ils ne sont majoritaires que dans le prolétariat de Petrograd et Moscou, mais la base les déborde. Ils décident alors de soutenir néanmoins les manifestants pour ne pas se couper de cette avant-garde.

Un débat s'engage chez les bolchéviks sur la participation à la Conférence de Stockholm, c'est-à-dire sur le lien à garder ou non avec les centristes de l'Internationale.

2.2 La réaction et le putsch de Kornilov

🔍 Voir : Affaire Kornilov.

Les manifestants sont réprimés et une vague de répression frappe le parti bolchévik, ainsi que des calmonies (accusations d'être à la solde des Allemands pour les faire gagner). Lénine est obligé de se réfugier en Finlande, le journal bolchevique Rabotchi I Soldat est interdit, et Trotsky (qui se rapproche des bolchéviks) est emprisonné. Les régiments de mitrailleurs qui ont soutenu la révolution sont dissous, envoyés au front par petits détachements, les ouvriers sont désarmés. 90 000 hommes doivent quitter Petrograd, les « agitateurs » sont emprisonnés. La peine de mort abolie en février est rétablie et des pogroms se produisent en province. Au front, la reprise en main est brutale après la liberté laissée par le prikaze n°1 en février. Ainsi le 8 juillet, le général Kornilov, qui commande le front sud-ouest, donne l’ordre d’ouvrir le feu à la mitrailleuse et l’artillerie sur les soldats qui reculeraient. Du 18 juin au 6 juillet, l’offensive sur ce front fait 58 000 morts, sans succès.

Le gouvernement est en crise et le 15 juillet, les ministres KD démissionnent, y compris le ministre-président Lvov. Ils sont de plus en plus nationalistes et partisans de méthodes autoritaires. Avec des forces tsaristes ils misent sur Kornilov pour rétablir l'ordre (bonapartisme). Kerensky croit pouvoir s'appuyer sur Kornilov et le 19 juillet, il le nomme commandant en chef de l'armée russe. À la fin du mois de juillet, Kerensky forme un nouveau gouvernement à majorité socialiste. Le soviet de Petrograd, dominé par les socialistes conciliateurs (SR et menchéviks), donne sa confiance à ce gouvernement et cautionne la réaction. La dualité de pouvoir semble disparaître. Dans ces conditions, les bolchéviks cessent de revendiquer le « pouvoir aux soviets ». Lénine considère que le seul moyen de reprendre l'initiative est que le parti bolchévik prenne le pouvoir, quitte à reformer des soviets après.

Les 12-15 août, Kerensky organise à Moscou une Conférence d'État pour tenter de se légitimer, mais c'est Kornilov qui émerge vraiment comme solution aux yeux des possédants. La réaction veut marquer son avantage. Le 9 septembre, Kornilov envoie 3 régiments de cavalerie par chemin de fer sur Petrograd, dans le but affiché d’écraser dans le sang les soviets et les organisations ouvrières et de remettre la Russie dans la guerre. Kerensky panique et destitue Kornilov, mais son gouvernement est devenu trop faible pour se défendre. Ce sont les soviets qui organisent réellement la défense, et qui mettent en déroute Kornilov en 3 jours.

2.3 Ebullition populaire et essor des bolchéviks

La défaite du putsch retourne la situation. La réaction baisse la tête face aux masses armées. Les bolcheviks peuvent sortir de leur semi-clandestinité, les prisonniers politiques, dont Trotsky, sont libérés par les marins de Kronstadt. Les bolchéviks, qui étaient en première ligne contre Kornilov, sortent grandis par rapport au gouvernement Kerensky. Les soviets reprennent de la vitalité et de l'autonomie et les bolchéviks y prennent de plus en plus d’importance. Ils remettent au centre le mot d'ordre « tout le pouvoir aux soviets », qui est repris par des ouvriers SR ou mencheviks. Des soviets et des syndicats se rangent du côté des bolcheviks. Le nombre des délégués bolchéviks augmente, mais les idées bolchéviques circulent encore plus vite : des décisions radicales commencent à remonter de régions où ils ne sont pas présents.

Le rapport de forces permet à présent aux bolchéviks de prendre la parole sur le front lors des meetings de soldat. Aux élections municipales de Moscou, entre juin et septembre, les SR passent de 375 000 suffrages à 54 000, les mencheviks de 76 000 à 16 000, les KD de 109 000 à 101 000, alors que les bolcheviks passent de 75 000 à 198 000 voix. Le 31 août, le soviet de Petrograd et 126 soviets de province votent une résolution en faveur du pouvoir des soviets. Dans beaucoup de localités on va plus loin et le pouvoir effectif est de fait entre les mains des soviets. Le 3e congrès des soviets de Finlande se proclame instance dirigeante. Les bolchéviks prennent la majorité au soviet de Moscou 5 septembre, et au soviet de Petrograd le 9 (Trotsky en devient président le 25).

Lénine tente alors de revenir à la stratégie d'interpellation des conciliateurs[1][2][3]. Les bolchéviks leur proposent un compromis : prenez le pouvoir sans la bourgeoisie, et les bolchéviks se limiteront à la démocratie soviétique (les partis majoritaires au soviet forment le gouvernement).

Le 14 septembre, une « Conférence démocratique » est convoquée à l'initiative des conciliateurs, qui veulent limiter les tendances autoritaires de Kérensky, mais aussi minimiser l'influence bolchévique en surreprésentant les secteurs petit-bourgeois. La Conférence proclame enfin la République, mais débouche finalement sur une nouvelle avec les classes possédantes, même si les leaders KD discrédités sont écartés. Devant le refus des conciliateurs, Lénine propose que les bolchéviks prennent immédiatement le pouvoir, mais le Comité central est contre ce revirement. La Conférence débouche sur un Préparlement., auquel les bolchéviks décident d'abord de participer. Finalement, une majorité derrière Lénine et Trotsky se dégage, et lors de l'ouverture du préparlement le 7 octobre, les bolchéviks font une sortie fracassante.

La guerre continue à faire rage et est une question politique majeure. Le 3 septembre, les Allemands ont pris Riga. Début Octobre, ils sont aux portes de Petrograd. Les possédants si « patriotes » haïssent la capitale rouge à tel point qu'ils espèrent la voir écrasée. La Flotte de la Baltique, dominée par les bolchéviks, défend le bastion ouvrier tout en lançant des appels révolutionnaires aux Allemands et en se préparant à renverser les classes dirigeantes russes. Tout ce que tente Kerensky pour hausser le ton se retourne contre lui : il ordonne la dissolution du Tsentroflot et doit reculer 3 jours après, il envoie les troupes contre le Soviet de Tachkent et y déclenche une grève générale, il fait face à une grève des cheminots pourtant dirigés par les conciliateurs...

2.4 Soulèvements des paysans et des peuples opprimés

En septembre-octobre, l'agitation révolutionnaire gagne les campagnes, dans ce qui sera sans doute la plus grande jacquerie de l'histoire européenne. Les paysans s’emparent des terres des grands propriétaires, il y a des violences et des destructions. Les paysans pauvres sont les plus radicaux, et les représentants locaux de l’État n’osent pas s’interposer, malgré les plaintes des propriétaires. Apprenant que le « partage noir » est en train de s’accomplir dans leurs villages, les soldats, largement d’origine paysanne, désertent en masse afin de pouvoir participer à temps à la redistribution des terres. Les tranchées se vident peu à peu. Le mouvement déborde largement les cadres SR, qui reportent depuis trop longtemps la réforme agraire. On y voit alors l’influence des bolchéviks, mais ces derniers sont peu présents dans les campagnes, où leurs moyens sont très limités (manque d’imprimerie et d’orateurs). Avec leurs mots d'ordre, ils parviennent peu à peu à s’implanter parmi les paysans pauvres, surtout via les soldats revenant du front.

Au même moment, les différents peuples opprimés de l’empire tsariste déchu se soulèvent eux aussi. Le renversement de la monarchie leur a apporté l'égalité des droits civiques, mais n’a pas apporté de réelle libération nationale. Les KD ont perpétué la domination grand-russe, malgré leurs promesses antérieures. Les conciliateurs locaux, proches de la population, vont souvent plus loin dans les revendications que ne le veut le pouvoir central et conserveront plus longtemps leur base. Les bolchéviks sont peu présents parmi les minorités opprimées, mais la faillite des gouvernements de coalition sur la question nationale comme sur les autres, provoque le plus souvent de la bienveillance à son égard, d’autant plus quand il y a coïncidence des antagonismes sociaux et nationaux.

3 La révolution et l'insurrection d'Octobre

3.1 Les préparatifs de l’insurrection

Dans les villes, beaucoup d’ouvriers se mettent en grève, mais les plus avancés considèrent déjà ce mode d’action comme dépassé et se rallient à l’objectif de l’insurrection. Mais les débats sur cette question sont tendus dans le parti bolchévik. Les opposants, principalement Kamenev et Zinoviev, mais qui se retrouvent à tous les échelons du parti, croient encore possible une transition institutionnelle vers le pouvoir des soviets. Ils veulent attendre le Congrès des soviets (20 octobre), voire l’Assemblée constituante (12 novembre).

Après s’être battu pendant plusieurs semaines contre le Comité central bolchévik (comme en avril), Lénine parvient, le 10 octobre, à rallier une majorité à une motion qui met à l’ordre du jour immédiat la préparation de l’insurrection. Elle est prévue initialement pour le 15 octobre, avant le congrès des soviets. L'idée est de ne pas attendre que les classes dominantes prennent l'initiative car elle ne se laissera pas faire, et également de mettre les conciliateurs devant le fait accompli pour les forcer à choisir le camp des soviets. Zinoviev et Kamenev paniquent et craignent qu’une insurrection fasse perdre aux bolchéviks la confiance des masses. Ils dénoncent « l'aventurisme », et vont jusqu’à rompre la discipline du parti en livrant dans des journaux les plans de l'insurrection. Kerensky la voit bien venir mais se retrouve largement impuissant.

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Les bolchéviks consacrent leur énergie à l’agitation en faveur du pouvoir aux soviets. Les orateurs manquent (Lénine est toujours réfugié en Finlande, Kamenev et Zinoviev s’opposent à la ligne…), mais l’agitation est efficace dans les masses, et Trotsky en particulier joue un rôle clé. La dualité de pouvoir est à un point de basculement. Dans la capitale, la question est « qui dirige les bandes d'hommes armées », c'est-à-dire le fondement de l'Etat. Le soviet de Pétrograd décide la création d’un Comité militaire révolutionnaire (avec à sa tête un jeune SR de gauche, Lasimir), qui coordonne les soldats fidèles aux soviets. Une section de gardes rouges (ouvriers armés) est également créée. Le gouvernement s’inquiète, et réclame les troupes de Pétrograd pour le front. Mais la délégation du soviet tient tête et refuse.

Le Comité militaire révolutionnaire (CMR) poursuit ses préparatifs, avec en particulier des mesures préventives contre les forces contre-révolutionnaires (junkers, cosaques, cent-noirs). Pendant les jours qui précèdent le Congrès des soviets (finalement repoussé au 25 octobre pour des raisons techniques), la presse bourgeoise annonce des manifestations des bolchéviks. Mais ceux-ci ne font que recenser leurs troupes en vue de l’insurrection, ils s’assurent que les masses de Pétrograd et des alentours leur sont acquises. Parfois ils s'assurent au moins de la neutralité de certaines troupes. Les meetings renforcent à la fois les masses et leurs dirigeants dans l’idée que tout est prêt pour l’insurrection. Un meeting de Trotsky finit de convaincre les soldats de la forteresse Pierre-et-Paul, jusque-là réfractaires à l’autorité du Comité militaire.

3.2 L’insurrection du 24-25 octobre

Le 23 octobre, l’état-major de l’armée officielle est définitivement relevé de son commandement sur les troupes de Pétrograd. Le Parti bolchévik, tactiquement, n’attend plus qu'un geste d'offensive du gouvernement pour lancer l'insurrection en mesure défensive.

Dans la nuit du 23, le gouvernement décide des poursuites judiciaires contre le Comité militaire, et la mise sous scellés des imprimeries bolchéviques. Mais les ouvriers et soldats se mobilisent et font paraître les journaux, et ils demandent des ordres pour la défense de Smolny (siège du CMR). Le croiseur Aurore se met aussi à disposition.

La journée du 24 est occupée à la répartition des tâches pour les bolchéviks. Pendant ce temps-là, les défections de troupes continuent parmi celles qui étaient jusque-là contrôlées par le gouvernement, comme par exemple le bataillon de motocyclistes. Au Préparlement, Kérensky décrète des mesures contre les bolchéviks, mais les troupes qu’il a encore à sa disposition (junkers, cosaques) sont trop faibles par rapport à l’adversaire pour les exécuter.

Dans la nuit du 24, le CMR fait occuper les centres névralgiques de Pétrograd : ponts, gares, banque centrale, centrales postale et téléphonique. Des troupes de junkers et des officiers sont arrêtés et désarmés. Parfois, les bolchéviks font preuve d’une trop grande indulgence : sûrs de leur force, ils espèrent le moins de violence possible ; ils auront plus d’une fois à le regretter par la suite, pendant la guerre civile. Quant aux conciliateurs du Comité exécutif des soviets, ils ne peuvent que constater l’insurrection ; ils n’ont désormais plus de place propre dans le conflit direct entre la bourgeoisie et le prolétariat.

Le matin du 25 octobre (n.s 7 novembre), le CMR annonce qu’il a pris le pouvoir et que le gouvernement est démis. En fait, celui-ci siège toujours au Palais d’hiver, dont la prise a été retardée (le CMR a bien des lacunes dans la science militaire). Dans la journée, le Préparlement est évacué sans arrestation. La prise de la capitale s’est globalement déroulée dans le calme, causant seulement 5 morts et quelques blessés. Pendant l’insurrection, les tramways continuent à circuler, les théâtres à jouer, les magasins à ouvrir.

La seule tâche qui reste est donc la prise du Palais d’hiver. Parmi les bolchéviks, on commence à s’agacer du retard : il faut que l’action soit menée avant l’ouverture du Congrès des soviets. Le dispositif de défense du Palais d’hiver est en déliquescence, les junkers et les cosaques ne savent pas quelle attitude adopter. Dans la nuit, suite à une canonnade purement démonstra­tive de l’Aurore, le Palais d’hiver tombe sans combat, et le gouverne­ment est arrêté, à l’exception de Kérensky qui a réussi à s’enfuir vers le front.

La prise de Moscou fut plus violente, et dura du 28 octobre au 2 novembre. Les bolchéviks occupent le Kremlin puis la direction locale hésite et signe une trêve avec les autorités SR locales avant d’évacuer le bâtiment. Les troupes gouvernementales en profitent alors pour abattre à la mitrailleuse 300 gardes rouges désarmés, sous les ordres du maire SR Roudnev. Les SR s'associent à des monarchistes pour mener une sanglante répression. Il faudra une semaine de combats acharnés avant que les bolcheviks, conduits par Boukharine, ne s’emparent finalement de la ville.

3.3 Congrès des soviets et premières mesures révolutionnaires

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Le Congrès des soviets se réunit le matin du 25. Les menchéviks se sont effondrés, et le parti SR s'est divisé, une partie (les SR de gauche) se ralliant aux bolchéviks. Les conciliateurs, qui ne représentent qu’un quart des délégués, quittent la salle après l’annonce de la prise du Palais d’hiver. Il ne reste au Congrès que les bolchéviks, les SR de gauche et les mencheviks internationalistes.

Le Congrès déclare que le pouvoir est désormais aux mains des soviets, et Lénine déclare qu'il s’agit « d’édifier l’ordre socialiste ». Les premières mesures politiques du nouveau pouvoir sont prises par le Congrès lui-même, dans la nuit du 26 au 27. En 33 heures sont prises des mesures que le gouvernement provisoire n’avait pas pris en 8 mois d’existence :

De nombreuses autres réformes furent lancées dans les jours ou les mois suivants :

  • Décret instaurant le contrôle ouvrier dans les usines, journée de 8 heures et semaine de 48h,
  • Annulation de la dette publique russe et nationalisation des banques et des grandes industries.
  • Fin de toute discrimination en fonction de la nationalité et droit à l'autodétermination. Au cours des années suivantes 5 états indépendants furent créés, et au sein de la fédération russe 17 républiques autonomes et régions furent établies.
  • Egalité complète des droits pour les femmes, affirmation de l'égalité des salaires et mesures sociales pour transformer la famille. Fin de la discrimination à l’égard des enfants illégitimes. Dépénalisation de l'homosexualité. Légalisation de l'avortement en 1920.
  • Mesures volontaristes pour alphabétiser la population et favoriser l'éducation. Suppression des frais universitaires.

4 Les suites immédiates de la révolution d’Octobre

4.1 La question du gouvernement et de la Constituante

Le Sovnarkom était initialement composé uniquement de bolchéviks, ce qui avait été approuvé par le 2e Congrès des Soviets. Mais ce point a soulevé de violents débats et a failli mener à la scission le parti bolchévik. Lénine et Trotsky étaient les plus fermement opposés à la participation des autres « partis socialistes », en qui ils n'avaient aucune confiance. Le compromis trouvé est que les négociations se poursuivront, et finalement des SR de gauche entreront au Sovnarkom en décembre. Mais après leurs attentats de juillet 1918, les SR de gauche seront interdits, et les bolchéviks seront définitivement seuls au pouvoir.

Par ailleurs, les élections pour la Constituante, prévues depuis juin, devaient avoir lieu le le 12 novembre. Espérant une validation du système soviétique, les bolchéviks décident de maintenir le processus constituant. Le Sovnarkom élu par le Congrès des soviet d'Octobre était donc officiellement un gouvernement provisoire, jusqu'à la réunion de l'Assemblée constituante en janvier 1918.

Mais les résultats ne donnèrent qu'une minorité aux bolcheviks et SR de gauche. Malgré la nette majorité bolchévique dans les villes et parmi les soldats, les campagnes votent pour des notables SR. La rupture des SR de gauche ne s'était pas encore clairement matérialisée dans bien des endroits. Lors de la réunion de la Constituante le 5 janvier, ces notables SR font voter avec les menchéviks l'abolition des mesures depuis Octobre... Pourtant le 3e congrès des soviets qui se réunit aussi en janvier 1918 prouve que la paysannerie soutient les mesures (le partage des terres avant tout) : les SR de droite n'ont même pas 1% des délégués. Refusant la légitimité de cette Constituante réactionnaire, les bolchéviks et les SR de gauche décident alors de la dissoudre, et de faire du Congrès des Soviets l'organe dirigeant du pays.

4.2 Défense face à la contre-révolution

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Lors de l'insurrection du 25 octobre à Petrograd, de nombreuses régions sont encore contrôlées par des forces réactionnaires même si la lutte de classe les met sur la sellette. La bourgeoisie par l’intermédiaire de son parti, le parti KD, et de ses relais dans l’armée et l'appareil d’État, s’efforce de rétablir son pouvoir par la violence. Les fonctionnaires de Petrograd se sont mis en grève pour protester. Le 9 novembre, Lénine appelle les soldats à s’opposer à toute tentative contre-révolutionnaire des officiers, à élire des représentants et engager directement des négociations d’armistice.

Dès le 12 novembre, Kerensky tente une contre-attaque à l'aide des Cosaques du général Krasnov. Ces derniers sont appuyés à Petrograd même par une mutinerie des junkers, avec des SR à leur tête. Les junkers sont rapidement défaits par les gardes rouges. Arrivés à 20 km de la capitale, les cosaques se heurtent à leur tour aux gardes rouges et subissent de lourdes pertes.

Le 13 novembre, le grand Quartier général (stavka) de l’armée russe annonce marcher sur Petrograd « afin d’y rétablir l’ordre ». Rejoint par les chefs du parti SR, Tchernov et Gots, il propose la création d’un « gouvernement de l’ordre ». Cependant, la masse des soldats passe peu à peu aux bolcheviks, arrêtant les officiers. Le 18 novembre, l’état-major doit fuir dans le sud, le généralissime Doukhonine étant massacré par ses propres soldats.  L'armistice avec les Empires centraux est signé le 15 décembre.

La révolution victorieuse est d'abord généreuse : les bolchéviks s’efforcent de réduire par la négociation tous les soulèvements, même armés (les soldats rouges ont ordre de ne pas tirer les premiers). Les bolcheviks entendent ainsi démontrer à tous qu’ils ne veulent pas la guerre civile.  Des officiers et junkers faits prisonniers, et même des généraux comme Krasnov, sont libérés aussitôt contre leur parole de ne pas reprendre les armes contre les soviets. Mais la plupart, à peine libérés, trahissant leur parole, et formeront les cadres de l’armée blanche dans les mois suivants.

Le Sovnarkom est donc obligé de prendre des mesures fermes face à la contre-révolution. Pour les bolchéviks, cela fait partie des leçons de la Commune de Paris, et de ce que Marx appelait la dictature du prolétariat. Lénine opposait la terreur rouge en réaction à la terreur blanche, par analogie avec la terreur jacobine.

Dès la nuit du 25-26, sept journaux bourgeois de Petrograd sont interdits, dont celui du parti KD. Des journaux n'hésitaient pas à appeler à la résistance armée au « coup de force des agents du Kaiser ». Lénine rappellera : « N'avait-on pas interdit les journaux tsaristes après le renversement du tsarisme ? ». De nombreuses protestations s'élèvent cependant, y compris parmi les SR de gauche et les bolchéviks. Quand il devient clair que les dirigeants du parti KD sont activement impliqués dans les tentatives contre-révolutionnaires, ils sont arrêtés (décembre). Une police politique, la Tcheka, est aussi fondée en décembre 1917.

Les partis socialistes conservent plus longtemps leur presse. La presse légale menchevique ne disparaît qu’entre 1919 et 1921, celle des anarchistes hostiles au régime en 1921, celle des SR de gauche dès juillet 1918 du fait de leurs attentats.

5 L'évolution de l'Etat soviétique

5.1 Crise, guerre civile et « communisme de guerre »

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La production industrielle a été minée par la guerre, les grèves et les lock out. Avant même l’arrivée au pouvoir des bolcheviks, elle a déjà chuté de 75%. L'Ukraine, région riche, est occupée par les troupes allemandes. Et dès la Russie soviétique sortie de la guerre avec l'Allemagne au printemps 1918, les principales puissances impérialistes (Grande-Bretagne, États-Unis, France, Japon) cherchent à la renverser, en décrètent l'embargo et en envoyant des troupes dans le camp des Blancs.

La direction bolchévique autour de Lénine et Trotsky estime, malgré les frictions en interne, que la seule solution de survie est de mettre en place une disclipine stricte dans l'Armée rouge et dans l'industrie, et un rationnement très rigoureux, assorti de réquisitions agricoles. Une politique qui sera appelée a posteriori « communisme de guerre ».

Un des premiers effets est la rupture du lien avec la paysannerie. L’automne et l’hiver 1920 furent marqués par de grandes révoltes paysannes (Makhnovchina, Tambov, Tioumen...), des « armées vertes » se battant indépendamment des rouges ou des blancs (qui réquisitionnent aussi des récoltes). Mais globalement, les masses paysannes repoussent en priorité les Blancs, qui sont porteurs de l'ordre ancien, d'avant le partage des terres.

Dans l'industrie, au nom de l'efficacité, Lénine et Trotsky prônent la discipline et le pouvoir d'un directeur plutôt que des comités d'usine, ce qui soulève des contestations ouvrières et de nombreuses oppositions dans le parti bolchévik (Kommunist, Opposition ouvrière...).

L'Armée rouge parvient finalement à la victoire, mais au prix d'un affaiblissement considérable de la démocratie soviétique, et le lien organique avec les masses s'est rompu. La guerre civile a conduit à la répression de tout parti d'opposition, et même si le parti bolchévik a réussi à devenir un parti de masse en absorbant la majorité du camp révolutionnaire, la démocratie ouvrière ne dépend plus que de sa démocratie interne. Or, par ailleurs, de nombreux nouveaux membres sont des arrivistes ralliés au nouveau parti-Etat uniquement pour faire carrière, et les Vieux bolchéviks y deviennent vite minoritaires.

5.2 Bureaucratisation et Nouvelle politique économique (NEP)

La contestation atteint même le coeur révolutionnaire de Petrograd, où de nombreux ouvriers participent à des grèves et des manifestations, qui sont réprimées par le parti bolchévik, qui estime représenter la volonté et l'intérêt de la classe ouvrière. Un des symboles les plus forts de cette contestation « sur la gauche » du nouveau pouvoir a été la révolte de Cronstadt en mars 1921. L'ensemble de la direction bolchévique, qui est au même moment (Xe Congrès), accepte la répression. Malgré les désaccords importants qui les divisent (Opposition ouvrière, décistes...), l'esprit de citadelle assiégé est tel que les congressistes acceptent la suppression du droit de fraction.

La direction bolchévique est bien consciente que la révolution est gangrenée par les problèmes, Lénine définit lui-même l'Etat soviétique comme un « Etat ouvrier présentant une déformation bureaucratique ». Mais selon lui, la priorité pour regagner la confiance des masses et aller vers le socialisme est de rétablir la production économique à tout prix via un « capitalisme d'Etat ». Le Xe congrès décide donc une Nouvelle politique économique :

  • dans les industries d'Etat : de maintenir une discipline stricte (Trotsky est même pour la militarisation des syndicats, que Lénine repousse) ;
  • dans l'agriculture et le petit-commerce : de permettre une libéralisation (en rupture avec le communisme de guerre), notamment pour inciter la paysannerie à produire en la laissant libre de vendre sur le marché.

Si la production va connaître un regain, la bureaucratisation va vite devenir définitive. L'échec des processus révolutionnaires ailleurs qu'en Russie (Hongrie, Allemagne, Italie, Chine...) va renforcer le noyau bureaucratique du parti, autour de Staline, qui se stabilise dans une logique gestionnaire du « socialisme en Russie ». Toute opposition sera réprimée, notamment celle de Trotsky, et Staline finira par développer un Etat totalitaire et à éliminer presque tous les Vieux bolchéviks, ceux qui avaient fait la Révolution d'Octobre, mais pas pour ce résultat...

6 Perception de la révolution à l'étranger

Une poignée d'étrangers présents en Russie adhère activement à la révolution d'Octobre, ainsi son futur historien, le journaliste américain John Reed, ou encore le philosophe chrétien français Pierre Pascal. En mars 1919, André Marty et Charles Tillon mènent la mutinerie de la flotte française en mer Noire contre l'intervention. Certains prisonniers de guerre des Empires centraux, convertis au bolchevisme pendant leur captivité en Russie, se sont faits les propagateurs de la révolution à leur retour au pays : le Yougoslave Josip Broz, futur maréchal Tito, n'est que l'exemple le plus célèbre.

La révolution d'Octobre n'est d'abord perçue que comme une péripétie politique après bien d'autres, et ni l'Entente ni les Empires centraux ne croient au début à la durée du nouveau pouvoir. Après le draconien traité de Brest-Litovsk (contre la ratification duquel vote le SPD au Reichstag), le Kaiser fait figure d'allié objectif et paradoxal du régime bolchevique, celui-ci ayant tout intérêt à jouer des divisions « interimpérialistes » et à ne pas s'ajouter un ennemi de plus. L'Entente intervient sur le territoire russe d'abord pour empêcher la disparition du front oriental, le reproche principal fait aux bolcheviks étant leur « trahison » de l'alliance. Après l'armistice de Rethondes en 1918, c'est la révolution en tant que telle qui est combattue.

Le pacifisme et la crise économique d'après-guerre, ainsi que le refus de voir une révolution écrasée, suscitent de fortes sympathies actives dans les couches populaires d'Europe pour la révolution d'Octobre.

En France, la révolution russe est lue au prisme de la mémoire toujours très vive de la Grande Révolution de 1789 : les bolcheviks sont ainsi assimilés aux Jacobins, Kerensky à la Gironde, les Blancs aux Vendéens, Trotsky à Lazare Carnot « l'organisateur de la victoire », etc. Un historien sympathisant comme Albert Mathiez trace dès 1920 l'analogie entre Robespierre et Lénine, la terreur rouge et la Terreur de 1793[6]. Le poète André Breton n'est pas le seul à lire aussi la révolution russe comme une revanche sur la répression de la Commune de Paris lorsqu'il note que 1917 renverse 1871. Mais la « grande lueur à l'Est » (titre d'un ouvrage de Jules Romains) n'est pas aussi bien accueillie par tout le monde. Les classes moyennes sont ulcérées par la perte des emprunts russes, que Lénine a cessé de reconnaître dès le début 1918. Et l'anticommunisme est très fort chez les socialistes restés fidèles à la « vieille maison » lors du congrès de Tours de 1920, chez les anarchistes, chez certains intellectuels humanistes hostiles aux méthodes des Bolcheviks (par exemple Romain Rolland, ami de Gorki), et bien sûr dans les droites. Dès 1919, une affiche célèbre stigmatise dans le bolchevik « l'homme au couteau entre les dents ».

Aux États-Unis, la red scare ou peur des « Rouges » marque les années d'immédiat après-guerre et contribue aux réactions autoritaires, puritaines et xénophobes (les migrants sont perçus comme des porteurs potentiels du « virus » bolchevique) qui marquent les années 1920. En Allemagne, en Hongrie, en Italie, les forces conservatrices, nationalistes ou fascistes, parfois alliées pour un temps à des sociaux-démocrates comme Noske à Berlin, se battent pour réprimer par la violence le « bolchevisme » (un mot d'ailleurs élastique, sous lequel ils finissent par regrouper abusivement tout partisan d'un changement social, voire n'importe quel adversaire). En 1919, la peur et la haine du bolchevisme et de la révolution d'Octobre, de ses avatars et de son extension possible jouent un rôle non négligeable dans la formation des idéologies et des mouvements de Benito Mussolini en Italie et d'Adolf Hitler en Allemagne.

Dans les pays colonisés, la révolution d'Octobre a aussi suscité des espoirs importants. Dès 1920, à Bakou, les bolcheviks convoquent un « congrès des  peuples de l'Orient » (1er au 8 septembre) qui tente de faire la jonction entre les nationalismes des colonisés et le mouvement communiste mondial.

7 Bibliographie

8 Notes

  1. Lénine, Au sujet des compromis, rédigé du 1er au 3 septembre 1917
  2. Lénine, Les tâches de la révolution, rédigé autour du 6 septembre 1917
  3. Lénine, Une des questions fondamentales de la révolution, rédigé autour du 7 septembre 1917
  4. Deuxième congrès des Soviets des députés ouvriers et soldats de Russie, Décret sur la paix, 1917
  5. Deuxième congrès des Soviets des députés ouvriers et soldats de Russie, Décret sur la terre, 1917
  6. L'importance de la mémoire de la Révolution française dans l'accueil et l'interprétation de 1917 a été soulignée par le livre de François Furet, Le Passé d'une Illusion, Robert Laffont, 1995.