Régime de Vichy

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Le régime de Vichy est le nom donné à la dictature qui dirige la moitié sud de la France du 10 juillet 1940 au 20 août 1944, après la défaite française face à l'Allemagne nazie. Le régime, dirigé par le réactionnaire Pétain, efface toute référence à la République et se dénomme lui-même « État français ».

Pétain n’est pas arrivé au pouvoir par un coup d’État. L’Assemblée nationale qui lui accorde les pleins pouvoirs constituants le 10 juillet 1940 est composée de la Chambre des députés élue en mai 1936 (celle du Front populaire) et du Sénat élu en 1938.

1 Contexte

1.1 Un impérialisme français affaibli

Depuis la fin du 19e siècle, les puissances capitalistes se heurtent de plus en plus violemment pour préserver ou accroître leur domination impérialiste. A la fin de la Première guerre mondiale, en Europe, la France est confortée dans un statut dominant sur le plan politique, militaire et diplomatique. Elle héritait aussi du deuxième plus grand empire colonial. Pourtant, sur le plan économique, elle était nettement en perte de vitesse. L'Allemagne était en train de reconstruire rapidement sa puissance industrielle et militaire, surtout depuis la prise de pouvoir par les nazis (1933). La bourgeoisie française n'avait donc pas envie d'une nouvelle guerre dans laquelle elle avait beaucoup à perdre.

1.2 Une lutte de classe plus forte

En Allemagne, la nazisme a vaincu le mouvement ouvrier qui était pourtant composé de puissants partis (SPD et KPD), et cet écrasement de toute résistance sociale et démocratique a joué un grand rôle pour donner un pouvoir décuplé à la bourgeoisie et donc à l'impérialisme allemand. A l'inverse, en France, la lutte de classe a joué un rôle relativement paralysant pour le pouvoir.

La grande grève de juin 1936 avait obligé le patronat à consentir de lourdes concessions comme les congés payés. Au cours de cette situation révolutionnaire, les dirigeants de la CGT, du PCF et de la SFIO ont tout fait pour calmer les masses, empêchant toute remise en cause du capitalisme. Cela rassurait certains secteurs modérés de la bourgeoisie, mais cela n'empêchait pas les craintes et la haine de toute la droite, qui enrageait de devoir négocier avec les syndicalistes, qui voyait la révolution en Espagne, et qui craignait qu'une insurrection ouvrière éclate à tout moment.

« Éradiquer le “danger communiste” devenait l’obsession de beaucoup et prenait le pas sur tout projet international. Ils voyaient de plus en plus la démocratie parlementaire comme un fardeau insupportable qui empêche toute élimination de la puissance syndicale. Laval est la personnification de ce point de vue qui l’emportait très largement au Parlement.»[1]

1.3 Une marche à la guerre sans conviction

En conséquence, la bourgeoisie française ne prépare la guerre que très mollement, et accepte toutes sortes de concessions à Hitler. Ainsi elle valide à Munich en septembre 1938 l'annexion d'une partie de la Tchécoslovaquie par le Troisième Reich (seuls les députés du PCF refusent de voter la confiance au négociateur de Munich).

En 1938, le gouvernement opère un net glissement à droite. La répression s'accentue sur les travailleurs combatifs, et des acquis de 1936 sont remis en question.

Le 25 février 1939, un accord franco-espagnol reconnait la légitimité de Franco sur l’Espagne, signant ainsi l’arrêt de mort de la République espagnole, tout en permettant d’obtenir la neutralité de l’Espagne en cas de guerre. Les camps de concentration se mettent en place dans le sud de la France pour enfermer les dizaines de milliers de républicains espagnols, qui seront rejoint rapidement par les antifascistes allemands, les réfugiés de toutes nationalités.

1.4 La guerre et le tournant autoritaire

Le 23 août 1939, l'URSS de Staline signe un pacte de non agression avec l'Allemagne de Hitler (qui prévoit aussi le dépeçage de la Pologne et autres partages de zones d'influence). Le PCF, courroie de transmission du Komintern, se met aussitôt à défendre le pacte, et à accuser l'impérialisme britannique d'être la cause des menaces de guerre, provoquant incompréhension et opposition de milliers de militants et sympathisants auxquels la direction communiste parlaient de priorité à l'antifascisme (souvent de façon interclassiste et pacifiste) depuis 4 ans.

Le 1er septembre 1939, l’Allemagne envahit la Pologne. Deux jours après la Grande-Bretagne et la France déclarent la guerre à l’Allemagne.

S'appuyant sur le pacte et agitant la trahison de la patrie, le gouvernement lance une vague de répression anticommuniste. L'Humanité et plus d'une centaine d'autres publications sont interdites. Le 26 septembre, le PCF et les organisations affiliées sont dissoutes, les maires et conseillers municipaux communistes sont suspendus. À part les 26 députés qui se désolidarisent, ceux qui ne sont pas dans la clandestinité ou mobilisés sont tous arrêtés, soit une trentaine. Le Secrétaire général Maurice Thorez, mobilisé, déserte pour rejoindre Moscou. Entre septembre 1939 et mars 1940, 620 syndicats et 675 associations où siégeaient des communistes seront dissouts, 2 718 élus déchus de leur mandat dont 69 députés et un sénateur, 3 400 arrestations effectuées et 3 000 sanctions prises contre des fonctionnaires.

Les dirigeants du mouvement ouvrier refont l'Union nationale comme en 1914, au premier chef Léon Jouhaux, le secrétaire général de la CGT (dans laquelle les communistes sont écartés). Le 7 octobre sont signés les « Accords Majestic » : la CGT et le patronat déclarent la nécessité d’un assouplissement de la législation sociale concernant les conventions collectives, la durée du travail et les congés payés.

La guerre provoque une rapide montée de l'autoritarisme de l’État (bonapartisme).

Édouard Daladier obtient les pleins pouvoirs le 30 novembre 1939. Le 22 mars 1940, un gouvernement d’union nationale est mis en place, et tout ce qui est à gauche de la SFIO se voit durement réprimé (le PCF, Marceau Pivert et le PSOP, les trotskistes...). Au moment où l’Allemagne, après avoir envahi la Pologne, s’attaque au Danemark et à la Norvège, le Ministre socialiste de l’Intérieur, Sérol, fait étendre la peine de mort aux « propagandistes de la Troisième internationale ».

2 La défaite et l'instauration du régime de Vichy

L’armée allemande, qui s'était concentrée sur l'Est tandis que les Alliés restaient sur la défensive, commence son offensive à l'Ouest le 10 mai 1940. La « guerre éclair » écrase les troupes hollandaises, belges, anglaises et françaises. Paris est occupé le 14 juin.

Parmi les élites françaises, la volonté d'accepter la défaite l'emporte rapidement, face à ceux qui voulaient continuer la guerre aux côtés de l'Angleterre et à partir de l'Empire colonial. Le Commandant en chef de l’armée, le général Weygand (qui eut un rôle dirigeant contre l'Armée rouge en Pologne en 1920) fait partie de tous ceux qui sont persuadés que la France n’aurait pas dû déclarer la guerre car elle n’était pas prête à cause de son régime politique. Il est prêt à tout sauf accepter une nouvelle Commune de Paris : « Afin de préserver le moral des armées et éviter un mouvement révolutionnaire, le gouvernement doit assurer qu’il restera dans la capitale à tout prix, et gardera le contrôle de la situation, y compris au risque d’être pris par l’ennemi. Il en va de l’ordre et de la dignité ».

En conséquence, un nouveau gouvernement d’union nationale est formé, pour négocier l'armistice. Il est dirigé par le maréchal Philippe Pétain, qui faisait partie des défaitistes également. Il est à noter que Pétain, Weygand, mais aussi De Gaulle, faisaient partie de ces gradés qui avaient participé à la guerre en Pologne contre l'Armée rouge). Pétain était devenu célèbre pour son rôle dans la bataille de Verdun, mais il était aussi notoirement un homme lié à l'extrême droite. Ce gouvernement comprend deux ministres socialistes, avec l'accord de Léon Blum lui-même.

L'autre figure de ce gouvernement est Pierre Laval. Cet ancien de la vie parlementaire de la IIIe république (onze fois ministre et plusieurs fois président du Conseil) fut un temps avocat de la CGT avant de venir un anticommuniste.

L'armistice est signé le 22 juin 1940. Les autorités françaises obtiennent le maintien d'un appareil d'État, en collaboration avec les occupants nazis. Le gouvernement français paye les « frais d’occupation ». Cela arrangeait en réalité l'Allemagne, qui n'avait pas les moyens humains d'administrer directement l'ensemble de ses conquêtes. Le pays est donc divisé en deux zones, la « zone libre » (avec très peu de présence allemande) et la zone occupée (Nord et Atlantique, sur la ligne de front). Le gouvernement de la zone libre est installé à Vichy, ce qui donnera le nom courant de ce régime.

L’Assemblée nationale et le Sénat réunis le 10 juillet accordent les pleins pouvoirs constituants à Pétain, qui fait effacer toute référence à la République (le régime se dénomme « État français »). Une large majorité de 569 voix vote pour cette liquidation, 357 députés et 212 sénateurs, (soit 87,67 % des suffrages exprimés) dont 90 SFIO et 170 radicaux. Seuls 80 parlementaires (57 députés et 23 sénateurs) votent contre, incluant 36 SFIO dont Blum et 27 radicaux. Enfin 20 autres s’abstiennent dont 7 SFIO dont Georges Monnet. Une large majorité de députés SFIO et radicaux s’ajoutent donc aux votes de la droite pour introniser Pétain tout à fait légalement. Étaient absents les députés communistes arrêtés ou en fuite et quelques députés prudents.

Au-delà du personnel politique, c’est la quasi-totalité du personnel administratif, policier, judiciaire et même artistique qui apporte son soutien au régime de Pétain. Les magistrats devaient jurer serment à Pétain, bien peu refusèrent. Les fonctionnaires se turent. Les policiers le servirent avec zèle. Les hauts fonctionnaires de l’administration préfectorale de Vichy, issus du radicalisme, servirent sans ciller l’État français jusque dans les pires errements de la collaboration. Malgré cela, estimant que la politique avait profondément pénétré dans les cadres administratifs du pays, en en paralysant l’action, et que les préfets d’hier n’avaient plus leur place, un vaste renouvellement est organisé : « un an après l’instauration du régime […] 82 postes sur 87 étaient occupés par de nouveaux titulaires, tandis que 80 anciens préfets étaient sortis des cadres », même si les nouveaux sont largement pris dans le vivier issu de la IIIe République.[2]

3 Le rôle de De Gaulle

Il n’était pas un membre de la classe politique ni même du Haut commandement de l’armée. Ce n’est pas pour autant qu’il n’avait aucune connexion avec l’appareil d’État. Ce bourgeois catholique, militaire de carrière, proche des idées d’extrême droite, familier de Pétain, hostile à la « démocrassouillerie », appartient de 1932 à 1937 au Conseil supérieur de la défense nationale, organisme qui le place à la jonction de l’armée et de la politique sous 14 ministères successifs.

Il est nommé sous-secrétaire d’État à la Défense nationale le 6 juin dans le gouvernement d’union nationale… jusqu’à son départ de France le 16 juin.

Son appel du 18 juin ne sera pas entendu par grand monde, sans crédibilité à ce moment.

Les britanniques qui lui permettent de le lancer cherchent des représentants plus légitimes. Mais la tentative de constituer à partir de quelques dizaines de parlementaires dont Édouard Daladier, Georges Mandel, Pierre Mendès France, Jean Zay un nouveau gouvernement en exil échoue lamentablement. Le bateau, le Massilia, qui les convoie part le 21 juin, mais est bloqué au Maroc trois jours après. Les possessions françaises basculent presque toutes du côté de Vichy. De Gaulle va donc alors occuper l’espace politique laissé vacant pour constituer petit à petit une structure politique paraétatique bourgeoise crédible pour l’après-guerre. Il a su représenter efficacement les besoins de la bourgeoisie dans une période compliquée.

4 Paralysie du mouvement ouvrier

Le PCF est paralysé par l’interdiction, mais aussi plus substantiellement à cause de sa politique. Il n’y a aucune action contre l’occupation jusqu’au moment de l’attaque de l’URSS par l’armée nazie en juin 1941. Il dénonce la guerre impérialiste, propose la fraternisation avec les prolétaires allemands sous l'uniforme, refuse de voir la France enchaînée au char de l’impérialisme britannique, tout en menant une propagande pour l’instauration d’une république française des soviets ! Ses dirigeants entament même en juin 1940 une démarche auprès des autorités allemandes pour une reparution légale du journal L’Humanité, leur espoir venant du pacte Hitler-Staline. Elle est violemment refusée par les autorités de Vichy qui confirment l’interdiction de parution.

Mais rapidement le renvoi dos à dos des vichystes et gaullistes, le refus de prendre les armes contre l'armée allemande, qui peut passer avec le sentiment pacifiste des premiers mois d’occupation, est de plus en plus en décalage avec la progression du sentiment anti-occupant.

La SFIO est hors course. Comme l’indiquent les votes lors de l’instauration de l’État français, les socialistes sont divisés, hésitants, certains se rallient à la politique gouvernementale, d’autres attendent. Ceux qui veulent s’opposer sont incapables s’adapter aux conditions de la clandestinité.

La classe ouvrière est complètement déstabilisée. La CGT est dans l’Union sacrée. Il y a d’abord l’effet de la mobilisation qui concerne 5 millions d’hommes, puis de l’exode, puis les 1 600 000 prisonniers en Allemagne, le chômage massif, l’embauchage sur les chantiers du gouvernement, les travailleurs envoyés en Allemagne.

5 Les 4 ans de régime de Vichy

5.1 Corporatisme et « Révolution nationale »

L’État de Pétain est obsédé par sa souveraineté et ses ennemis intérieurs : les juifs, la résistance, les francs-maçons, les syndicalistes, etc. S'il n'est pas à proprement un régime fasciste au sens où il n'est pas né d'un mouvement de masse plébéien, mais d'une transition par en haut, il est composé de nombreux militants d’extrême droite (dont d'anciens socialistes et communistes) qui souhaiteraient construite un régime totalitaire.

5.2 Collaboration dans la Shoah

Toutes les structures de l’État en place sont chargées en lien avec les nazis

6 La Libération et la transition bourgeoise

La fin de la Seconde Guerre mondiale inquiète les possédants, tant au niveau national qu’international. Tous craignent une vague révolutionnaire du type de celle qui s’est produite en Europe entre 1917 et 1923. Les trotskystes n’étaient pas les seuls à penser que la révolution pouvait survenir du choc produit par cette guerre. La Résistance, dont les forces vives sont majoritairement communistes, condamne la trahison des classes dirigeantes, les arrangements avec les nazis, identifie les élites, la grande bourgeoisie avec le régime de Vichy. Au moment où le journal trotskyste la Vérité titre en août 1944 « Pour que la défaite de Hitler soit la victoire des travailleurs », Albert Camus intitule l’éditorial du quotidien Combat « De la Résistance à la Révolution ».

7 Bibliographie

Articles :


  1. Ernest Mandel « Sur la seconde guerre mondiale Une interprétation marxiste », Éd. La Brèche 2018, p. 24.
  2. Marc Olivier Baruch, Qui sont les Préfets de Vichy ?