Parti communiste ukrainien (oukapiste)

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Le Parti communiste ukrainien dit « oukapiste » (de l'ukrainien Українська Комуністична Партія, Ukrayins’ka Komunistychna Partiya) était un parti actif en 1920-1925 pendant la révolution ukrainienne, allié aux bolchéviks contre les Blancs, mais réclamant l'indépendance de l'Ukraine.

1 Origine

En Ukraine, la social-démocratie (au sens historique, de partis se revendiquant du marxisme) s'est organisée en deux pôles :

Les circonstances historiques du développement économique ont fait que seulement 43% du prolétariat était de nationalité ukrainienne – le reste étant russe (surtout à l'Ouest, vers la Russie), russifié et juif. Les Ukrainiens constituaient moins d’un tiers de la population urbaine. Le POSDR était surtout implanté dans le prolétariat russe. L'USDRP, de nature plus petite-bourgeoise mais mieux implanté chez les Ukrainiens, oscillait entre lutte de classe et revendications nationales. On retrouvait dans le parti deux sensibilités, l'une plus nationaliste/démocrate (représentée par Petlioura), l'autre plus sociale/révolutionnaire (Vynnytchenko).

La révolution d'Octobre 1917 partie de Russie a des conséquences majeures et stimule une profonde lutte de classes en Ukraine, mais en se combinant à la question nationale. Au 4e congrès de l'USDRP (janvier 1919), l'aile gauche, dite des « indépendants », scissionna. Elle prônait une république soviétique, sur le modèle bolchévik, mais avec une Ukraine indépendante.

La faction majoritaire de l'USDRP (dits SD « officiels ») préconisait seulement la démocratie bourgeoise, la socialisation progressive des secteurs économiques clés et la défense de la République populaire ukrainienne et de son Directoire. Mais les officiels étaient toujours divisés entre des social-démocrates conservant des principes, comme Vynnytchenko, et d'autres évoluant toujours plus vers le nationalisme pur, dont Petlioura n'était que la pointe avancée. Ce dernier quitte l'USDRP et devient le nouveau chef du Directoire de la République nationale ukrainienne, qui négocie avec les impérialistes de l'Entente. Cela provoque la scission du parti.

La minorité autour de Vynnytchenko rejoint les indépendants qui avaient quitté l'USDRP avant eux, et ils forment en janvier 1920 le Parti communiste ukrainien (dit « oukapiste »), communiste mais opposé au Parti communiste d'Ukraine constitué par la Russie bolchévique.

2 Historique

L'UKP fut donc fondée par des anciens de l'USDRP, mais aussi par des borotbistes (déçus du PC(b)U bolchévik ou qui ne l'avaient pas rejoint), et des fédéralistes du PC(b), comme Yuriy Lapchynsky.

Issu de la tradition théorique de la social-démocratie allemande, ce nouveau parti était beaucoup plus solide théoriquement que le borotbisme, d’origine populiste, où on maîtrisait mieux l’art de la poésie que la science de l’économie politique[1]. Mais il était moins lié aux masses[2]. Masses qui, par ailleurs, étaient de plus en plus épuisées par cette révolution. Les oukapistes analysaient ainsi la situation, du point de vue de la nation et de la classe :

« Le fait que des dirigeants de la révolution prolétarienne en Ukraine s’appuient sur les couches supérieures, russes et russifiées, du prolétariat du pays et ignorent la dynamique de la révolution ukrainienne, ne leur permet pas de se défaire du préjugé de la Russie une et indivisible qui inonde toute la Russie soviétique. Une telle attitude conduit à la crise de la révolution ukrainienne, coupe le pouvoir soviétique des masses, aggrave la lutte nationale, pousse une masse considérable de travailleurs dans les bras de la petite bourgeoisie nationaliste ukrainienne et freine la différenciation entre le prolétariat et la petite bourgeoisie. »[3]

Ils reprenaient même ouvertement la notion de révolution permanente :

« Le prolétariat international a pour tâche d’attirer à la révolution communiste et à la construction d’une nouvelle société non seulement les pays capitalistes avancés mais aussi les peuples retardés des pays coloniaux en profitant des révolutions nationales de ces derniers. Pour accomplir cette tâche, il faut qu’il y participe et joue le rôle dirigeant dans la perspective de la révolution permanente. Il faut qu’il empêche la bourgeoisie d’arrêter les révolutions nationales au niveau de la réalisation du mot d’ordre de libération nationale ; qu’il poursuive la lutte jusqu’à la prise du pouvoir et à l’instauration de la dictature du prolétariat ; et qu’il conduise jusqu’au bout la révolution démocratique bourgeoise en constituant des États nationaux destinés à rejoindre le réseau international de l’union émergente des Républiques soviétiques. » Ceux-ci doivent s’appuyer « sur les forces du prolétariat national et sur les masses laborieuses du pays ainsi que sur l’aide mutuelle de tous les détachements de la révolution mondiale »

En 1923 une fraction de l'UKP, financée par la Tchéka, demanda l'unification avec le PC(b)U.

Le 27 août 1920, et encore en 1924, l'UKP envoya un mémorandum au Komintern pour demander la reconnaissance de l'indépendance de l'Ukraine, et le droit des Ukrainiens à avoir leur propre représentation au sein du Komintern. Le Komintern, de facto dirigé par les Russes, répondit que la République ukrainienne, en tant qu'Etat souverain au sein de l'URSS, était déjà déjà représentée, et que l'UKP devait se dissoudre dans le PC(b)U.

A son 4e congrès, l'UKP se dissout formellement. Certains de ses membres rejoignent le PC(b)U, dont son leader Andryi Richytsky, afin d'avoir un minimum d'influence sur la politique ukrainienne. De récentes études ont montré qu'à la veille de sa dissolution, l'UKP gagnait en influence dans les provinces de Kiev et de Katerynoslav.

Les anciens oukapistes furent par la suite victime des purges staliniennes, entre 1931 et 1934, et exécutés ou exilés en Sibérie.

3 Bibliographie

  1. Zbigniew Marcin Kowalewski, L’indépendance de l’Ukraine : préhistoire d’un mot d’ordre de Trotski, Inprecor N° 611, janvier 2015
  2. J. E. Mace, Communism and the Dilemmas of National Liberation : National Communism in Soviet Ukraine, 1918-1933, Harvard University Press, Cambridge, 1983.
  3. Le mémorandum du PC ukrainien adressé au 2e congrès de l’Internationale communiste (été 1920), in Oukraiins’ka souspilno-politychna doumka v 20 stolitti : Dokumenty i materialy, vol. 1, Soutchasnist’, New York 1938, p. 456.