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Malgré tout, l’organisation de Lénine aura permis que, malgré la répression et la dispersion, subsiste un corps de militants dévoués, animés par une claire [[Conscience_de_classe|conscience de classe]], d’où va sortir l’instrument de la révolution d’octobre. Dès 1914, des militants bolchéviks commencèrent à développer dans les masses, par la presse et la parole, leur agitation contre la guerre. Un rapport de la police mentionne :
 
Malgré tout, l’organisation de Lénine aura permis que, malgré la répression et la dispersion, subsiste un corps de militants dévoués, animés par une claire [[Conscience_de_classe|conscience de classe]], d’où va sortir l’instrument de la révolution d’octobre. Dès 1914, des militants bolchéviks commencèrent à développer dans les masses, par la presse et la parole, leur agitation contre la guerre. Un rapport de la police mentionne :
<blockquote>''«&nbsp;Les partisans de Lénine, qui mènent en Russie la grande majorité des organisations social-démocrates clandestines, ont mis en circulation depuis le début de la guerre, dans leurs principaux centres (savoir&nbsp;: Pétrograd, Moscou, Kharkov, Kiev, Toula, Kostroma, le gouvernement de Vladimir, Samara), une quantité considérable de tracts révolutionnaires, réclamant la fin des hostilités, le renversement du pouvoir actuel et la proclamation de la république&nbsp;; en outre, cette activité a eu pour résultat sensible 1'organisation par les ouvriers de grèves et de désordres.&nbsp;&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr03.htm Histoire de la révolution russe]'', 1930</ref>''</blockquote>  
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<blockquote>''«&nbsp;Les partisans de Lénine, qui mènent en Russie la grande majorité des organisations social-démocrates clandestines, ont mis en circulation depuis le début de la guerre, dans leurs principaux centres (savoir&nbsp;: Pétrograd, Moscou, Kharkov, Kiev, Toula, Kostroma, le gouvernement de Vladimir, Samara), une quantité considérable de tracts révolutionnaires, réclamant la fin des hostilités, le renversement du pouvoir actuel et la proclamation de la république&nbsp;; en outre, cette activité a eu pour résultat sensible l'organisation par les ouvriers de grèves et de désordres.&nbsp;&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr03.htm Histoire de la révolution russe]'', 1930</ref>''</blockquote>  
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En février 1915, une conférence des groupes bolcheviques émigrés réunie à Berne et à laquelle participent de nouveaux venus de Russie, [[Boukharine|Boukharine]] et [[Piatakov|Piatakov]], se prononce pour la «&nbsp;transformation en guerre civile de la guerre impérialiste ».
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Dans le désarroi de la guerre, les lignes bougent et se redéfinissent. Certains rompent avec les menchéviks ([[Antonov-Ovseenko|Antonov-Ovseenko]], [[Tchitchérine|Tchitchérine]], [[Moïsseï_Ouritsky|Ouritsky]], [[Kollontaï|Kollontaï]]...) et des cadres communs se forment entre des groupes de militants d'horizons différents. Par exemple le groupe de [[Nache_Slovo|''Nache Slovo'']] (dominé par [[Trotsky|Trotsky]]), qui fut une plaque tournante de l'internationalisme en Europe. Lénine avait des désaccords avec eux, certains mineurs ([[Défaitisme_révolutionnaire|défaitisme]], [[Etats-Unis_d'Europe|Etats-Unis d'Europe]]...), le principal étant la nécessaire rupture avec l'[[Internationale_ouvrière|Internationale]] des [[Social-chauvins|social-chauvins]]. Mais ce qui empêche surtout le rapprochement est la méfiance née des querelles passées.
 
Dans le désarroi de la guerre, les lignes bougent et se redéfinissent. Certains rompent avec les menchéviks ([[Antonov-Ovseenko|Antonov-Ovseenko]], [[Tchitchérine|Tchitchérine]], [[Moïsseï_Ouritsky|Ouritsky]], [[Kollontaï|Kollontaï]]...) et des cadres communs se forment entre des groupes de militants d'horizons différents. Par exemple le groupe de [[Nache_Slovo|''Nache Slovo'']] (dominé par [[Trotsky|Trotsky]]), qui fut une plaque tournante de l'internationalisme en Europe. Lénine avait des désaccords avec eux, certains mineurs ([[Défaitisme_révolutionnaire|défaitisme]], [[Etats-Unis_d'Europe|Etats-Unis d'Europe]]...), le principal étant la nécessaire rupture avec l'[[Internationale_ouvrière|Internationale]] des [[Social-chauvins|social-chauvins]]. Mais ce qui empêche surtout le rapprochement est la méfiance née des querelles passées.
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Un autre type de désaccord apparaît entre [[Lénine|Lénine]] et ceux qui soutiennent une position qu'il appelle de ''«&nbsp;l'[[Économisme|économisme]] impérialiste&nbsp;»'' ([[Boukharine|Boukharine]], [[Piatakov|Piatakov]], [[Yevgenia_Bosch|Bosch]]). C'est-à-dire ceux qui s'opposaient aux revendications d'autonomie / indépendance nationale au nom du fait que les [[Forces_productives|forces productives]] se développent mieux à grande échelle.
 
Un autre type de désaccord apparaît entre [[Lénine|Lénine]] et ceux qui soutiennent une position qu'il appelle de ''«&nbsp;l'[[Économisme|économisme]] impérialiste&nbsp;»'' ([[Boukharine|Boukharine]], [[Piatakov|Piatakov]], [[Yevgenia_Bosch|Bosch]]). C'est-à-dire ceux qui s'opposaient aux revendications d'autonomie / indépendance nationale au nom du fait que les [[Forces_productives|forces productives]] se développent mieux à grande échelle.
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Ce n'est qu'au printemps 1916 que Lénine et [[Zinoviev|Zinoviev]], de Suisse, réussissent à rétablir le contact avec ce qui a survécu de l'organisation en Russie. Un «&nbsp;bureau russe&nbsp;» est reconstitué, autour de&nbsp;[[Zaloutski|Zaloutski]], [[Viatcheslav_Mikhaïlovitch_Molotov|Molotov]] et [[Chliapnikov|Chliapnikov]], qui a établi personnellement les liaisons. Quelques journaux reparaissent illégalement, à Pétrograd, Moscou, Kharkov. En janvier 1917, le métallo Loutovinov réussit à regrouper les militants de la région du Donetz et à organiser une conférence régionale. Les conditions de travail sont précaires, chaque fois qu'une direction du travail est reconstituée à Moscou, elle est immédiatement arrêtée. La plupart des groupes ouvriers qui parviennent à se constituer sont autonomes : celui de la Tverskaia à Moscou, le comité du parti du rayon de Pressnia, l'[[Groupe_interrayons|organisation interrayons]] à Pétrograd...
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Ce n'est qu'au printemps 1916 que Lénine et [[Zinoviev|Zinoviev]], de Suisse, réussissent à rétablir le contact avec ce qui a survécu de l'organisation en Russie. Un «&nbsp;bureau russe&nbsp;» est reconstitué, autour de&nbsp;[[Zaloutski|Zaloutski]], [[Viatcheslav_Mikhaïlovitch_Molotov|Molotov]] et [[Chliapnikov|Chliapnikov]], qui a établi personnellement les liaisons. Quelques journaux reparaissent illégalement, à Pétrograd, Moscou, Kharkov. En janvier 1917, le métallo Loutovinov réussit à regrouper les militants de la région du Donetz et à organiser une conférence régionale. Les conditions de travail sont précaires, chaque fois qu'une direction du travail est reconstituée à Moscou, elle est immédiatement arrêtée. La plupart des groupes ouvriers qui parviennent à se constituer sont autonomes&nbsp;: celui de la Tverskaia à Moscou, le comité du parti du rayon de Pressnia, l'[[Groupe_interrayons|organisation interrayons]] à Pétrograd...
    
== Le Parti bolchévik en 1917 ==
 
== Le Parti bolchévik en 1917 ==
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Lorsqu'éclate la [[Révolution_de_Février_1917|révolution de Février 1917]], beaucoup de dirigeants social-démocrates, bolchéviks comme menchéviks, sont en exil&nbsp;: [[Lénine|Lénine]] et [[Julius_Martov|Martov]] sont à Zurich, [[Léon_Trotski|Trotski]] est à New York, [[Viktor_Tchernov|Tchernov]] à Paris, [[Irakli_Tsereteli|Tsereteli]], [[Fedor_Dan|Dan]] et [[Joseph_Staline|Staline]] en exil en Sibérie.
 
Lorsqu'éclate la [[Révolution_de_Février_1917|révolution de Février 1917]], beaucoup de dirigeants social-démocrates, bolchéviks comme menchéviks, sont en exil&nbsp;: [[Lénine|Lénine]] et [[Julius_Martov|Martov]] sont à Zurich, [[Léon_Trotski|Trotski]] est à New York, [[Viktor_Tchernov|Tchernov]] à Paris, [[Irakli_Tsereteli|Tsereteli]], [[Fedor_Dan|Dan]] et [[Joseph_Staline|Staline]] en exil en Sibérie.
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Les tous premiers jours les socialistes de toute tendance ne réalisent pas immédiatement ce qui est en train de se passer. Le bolchevik [[Alexandre_Chliapnikov|Chliapnikov]] (membre du [[Comité_central|comité central]] du parti) pense qu'il s'agit là plus d'une [[Émeute|émeute]] de la faim que d'une révolution en marche.
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Les tous premiers jours les socialistes de toute tendance ne réalisent pas immédiatement ce qui est en train de se passer. Le bolchevik [[Alexandre_Chliapnikov|Chliapnikov]] (membre du [[Comité_central|comité central]] du parti) pense qu'il s'agit là plus d'une [[Émeute|émeute]] de la faim que d'une révolution en marche. Mais sur le plan pratique, les militants bolchéviks étaient plus résolus. Les ouvriers bolcheviks, aussitôt après l'insurrection, avaient pris sur eux l'initiative de la lutte pour la [[Journée_de_huit_heures|journée de huit heures]]; les menchéviks déclaraient prématurée cette revendication. Les bolcheviks dirigeaient les arrestations de fonctionnaires tsaristes, les menchéviks s'opposaient aux "excès". Les bolcheviks entreprirent énergiquement de créer une [[Garde_rouge_(Russie)|milice ouvrière]], les menchéviks enrayaient l'armement des ouvriers, ne désirant pas se brouiller avec la bourgeoisie.
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Le 27 février, le [[soviet_de_Petrograd|soviet de Petrograd]] se forme au même moment que le [[Gouvernement_provisoire_(Russie)|gouvernement provisoire]] bourgeois. Les [[Menchéviks|menchéviks]] et les [[Socialistes-révolutionnaires|socialistes-révolutionnaires]], qui sont majoritaires dans les [[Soviets|soviets]] qui se forment, font confiance au gouvernement provisoire, et soutiennent l'effort de guerre au nom de la défense de la patrie démocratique.
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La direction bolchévique est assurée par un « bureau russe du comité central » composé de [[Chliapnikov|Chliapnikov]], [[Viatcheslav_Mikhaïlovitch_Molotov|Molotov]] et [[Zaloutsky|Zaloutsky]]. Elle n’a pas de ligne claire, mais maintient une politique indépendante de la bourgeoisie. La [[Pravda|''Pravda'']] dénonce le ''«&nbsp;gouvernement de capitalistes et de propriétaires fonciers&nbsp;»'', en réclamant un vrai ''«&nbsp;gouvernement révolutionnaire provisoire&nbsp;»'' et en appelant le soviet à convoquer une assemblée constituante afin d’instaurer ''« une république démocratique »''. (Cependant [[Viatcheslav_Molotov|Molotov]] est mis en minorité au comité de Pétrograd quand il propose de qualifier de «&nbsp;contre-révolutionnaire&nbsp;» le gouvernement provisoire) Les bolchéviks pensaient être fidèles à la ligne qui les avait opposé aux menchéviks dans les débats depuis 1905. Le 10 mars, la [[Pravda|''Pravda'']] appelle à transformer la guerre impérialiste en une guerre civile qui libérera les peuples du joug des classes dominantes.
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Sur le papier, le programme officiel de tous les social-démocrates était identique et se bornait à la révolution démocratique. Mais dans la pratique, les militants bolchéviks étaient bien plus résolus. Les ouvriers bolcheviks, aussitôt après l'insurrection, avaient pris sur eux l'initiative de la lutte pour la [[Journée_de_huit_heures|journée de huit heures]]; les menchéviks déclaraient prématurée cette revendication. Les bolcheviks dirigeaient les arrestations de fonctionnaires tsaristes, les menchéviks s'opposaient aux "excès". Les bolcheviks entreprirent énergiquement de créer une [[Garde_rouge_(Russie)|milice ouvrière]], les menchéviks enrayaient l'armement des ouvriers, ne désirant pas se brouiller avec la bourgeoisie.
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Mais la ligne change le 12 mars lorsque [[Kamenev|Kamenev]] et [[Staline|Staline]] reviennent de leur exil en Sibérie et prennent la direction. La ''[[Pravda|Pravda]]'' du 15 mars écrit que les bolcheviks soutiendront résolument le gouvernement provisoire ''«&nbsp;dans la mesure où il lutte contre la réaction ou la contre-révolution&nbsp;»''. Une formule floue que raillera [[Lénine|Lénine]]. [[Kamenev|Kamenev]] rédige plusieurs articles ouvertement défensistes, écrivant notamment ''«&nbsp;un peuple libre répond aux balles par des balles&nbsp;»''. Selon [[Chliapnikov|Chliapnikov]], ce revirement est accueilli avec jubilation au gouvernement provisoire et à la direction du [[Soviet_de_Petrograd|Soviet]], tandis qu’une opposition de gauche se lève au sein du parti, notamment dans son bastion ouvrier de la capitale, le [[district_de_Vyborg|district de Vyborg]], dont le comité ''« demande même l’exclusion du parti de Staline et de Kamenev »''.
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Le 27 février, le soviet de Petrograd se forme au même moment que le [[Gouvernement_provisoire_(Russie)|gouvernement provisoire]] bourgeois. Les [[Menchéviks|menchéviks]] et les [[Socialistes-révolutionnaires|socialistes-révolutionnaires]], qui sont majoritaires dans les [[Soviets|soviets]] qui se forment, font confiance au gouvernement provisoire, et les bolchéviks (dirigés par [[Lev_Kamenev|Kamenev]] et [[Staline|Staline]]) tendent à s'aligner sur cette position, alors que le gouvernement provisoire maintient la participation à la guerre et ne lance pas de [[Réforme_agraire|réforme agraire]]. Au lendemain de l'insurrection, on avait pu lire dans un manifeste du comité central des bolcheviks: ''«&nbsp;Les ouvriers des fabriques et des usines, ainsi que toutes les troupes soulevées doivent immédiatement élire leurs représentants au gouvernement révolutionnaire provisoire.&nbsp;»&nbsp;''La [[Pravda|Pravda]] du 15 mars avait écrit que les bolcheviks soutiendraient résolument le gouvernement provisoire ''«&nbsp;dans la mesure où il lutte contre la réaction ou la contre-révolution&nbsp;»''. Une formule floue que raille [[Lénine|Lénine]].
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Le 29&nbsp;mars s’ouvre à Pétrograd la première conférence nationale bolchévique depuis la révolution, divisée entre la droite défensiste et la gauche révolutionnaire (animée par [[Chliapnikov|Chliapnikov]] et [[Kollontaï|Kollontaï]]). Pour cette dernière, ''« la révolution russe ne peut obtenir un maximum de libertés démocratiques et de réformes sociales que si elle devient le point de départ d’un mouvement révolutionnaire du prolétariat occidental »'', pour cela ''« il faut préparer la lutte contre le gouvernement provisoire »'', le soviet étant ''« un embryon de pouvoir révolutionnaire »'' et la ''« garde rouge ouvrière »'' un outil central afin de l’imposer. Mais la droite l'emporte, et envisage le 1<sup>er</sup> avril la réunification de tous les [[POSDR|social-démocrates]] que leur propose&nbsp;[[Tséretelli|Tséretelli]] au nom du Comité d'organisation.
    
=== Le retour de Lénine et la réorientation ===
 
=== Le retour de Lénine et la réorientation ===
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Lénine, qui est arrivé à [[Petrograd|Petrograd]] dans la nuit du 3 au 4 avril, présente ses thèses (que l'on retiendra comme [[Thèses_d'avril|''Thèses d'avril'']]) à la réunion du Parti bolchevik du 4 avril. Il en avait déjà tracé les grandes lignes dans le train (le fameux ''«&nbsp;[[Wagon_plombé|wagon plombé]]&nbsp;»'') qui le ramenait vers la Russie. Il prône un redressement immédiat de la ligne politique. Dès son arrivée à Petrograd, en gare de Finlande, Lénine engueule [[Kamenev|Kamenev]] sur ce qu'il écrivait dans la [[Pravda|Pravda]].
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Lénine, qui est arrivé à [[Petrograd|Petrograd]] dans la nuit du 3 au 4 avril, présente ses thèses (que l'on retiendra comme [[Thèses_d'avril|''Thèses d'avril'']]) à la réunion du Parti bolchevik du 4 avril. Il en avait déjà tracé les grandes lignes dans le train (le fameux ''«&nbsp;[[Wagon_plombé|wagon plombé]]&nbsp;»'') qui le ramenait vers la Russie. Il prône un redressement immédiat de la ligne politique. Dès son arrivée à Petrograd, en gare de Finlande, Lénine engueule [[Kamenev|Kamenev]] sur ce qu'il écrivait dans la ''[[Pravda|Pravda]]''.
    
Etant donné le pouvoir populaire direct qu'ont les ouvriers et les soldats dans les soviets, le gouvernement provisoire ne contrôle pas tout, et il y a de fait une situation de [[Dualité_de_pouvoir|dualité de pouvoir]]. Au lieu de faire confiance au gouvernement provisoire, Lénine propose de revendiquer ''«&nbsp;tout le pouvoir aux soviets&nbsp;!&nbsp;»''. Lénine considère que la [[Dictature_démocratique_des_ouvriers_et_des_paysans|formule bolchévique]] a été confirmée, mais qu''’«&nbsp;il faut savoir compléter et corriger les vieilles formules&nbsp;»''<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/04/vil19170409.htm Sur la dualité du pouvoir]'', ''Pravda'' n° 28, 9 avril 1917</ref>, car ''«&nbsp;personne autrefois ne songeait, ni ne pouvait songer, à une dualité du pouvoir&nbsp;»''. Il fait l'analyse que la ''dictature des ouvriers est paysans'' est non pas le gouvernement provisoire, mais ce pouvoir des soviets, ''«&nbsp;du même type que la Commune de Paris de 1871&nbsp;»''.
 
Etant donné le pouvoir populaire direct qu'ont les ouvriers et les soldats dans les soviets, le gouvernement provisoire ne contrôle pas tout, et il y a de fait une situation de [[Dualité_de_pouvoir|dualité de pouvoir]]. Au lieu de faire confiance au gouvernement provisoire, Lénine propose de revendiquer ''«&nbsp;tout le pouvoir aux soviets&nbsp;!&nbsp;»''. Lénine considère que la [[Dictature_démocratique_des_ouvriers_et_des_paysans|formule bolchévique]] a été confirmée, mais qu''’«&nbsp;il faut savoir compléter et corriger les vieilles formules&nbsp;»''<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/04/vil19170409.htm Sur la dualité du pouvoir]'', ''Pravda'' n° 28, 9 avril 1917</ref>, car ''«&nbsp;personne autrefois ne songeait, ni ne pouvait songer, à une dualité du pouvoir&nbsp;»''. Il fait l'analyse que la ''dictature des ouvriers est paysans'' est non pas le gouvernement provisoire, mais ce pouvoir des soviets, ''«&nbsp;du même type que la Commune de Paris de 1871&nbsp;»''.
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Les [[Thèses_d'avril|thèses]] de Lénine semblèrent trop radicales aux dirigeants bolcheviks de l’intérieur qui restaient accrochés à la vieille tactique de la ''«&nbsp;[[Dictature_démocratique_des_ouvriers_et_des_paysans|dictature démocratique des ouvriers et des paysans]]&nbsp;»''. Le 8 avril, 13 des 15 membres de la direction [[Bolchevik|bolchevik]] de Petrograd rejetèrent les thèses de Lénine. [[Kamenev|Kamenev]] déclare&nbsp;: ''«&nbsp;Pour ce qui est du schéma général du camarade Lénine, il nous parait inacceptable dans la mesure où il présente comme achevée la révolution démocratique bourgeoise et compte sur une transformation immédiate de cette révolution en révolution socialiste.&nbsp;»'' Le bruit court à ce moment-là que Lénine est devenu [[Trotskiste|trotskiste]], car il semble s'être rallié de fait à l'idée de [[Révolution_permanente|révolution permanente]]. Selon [[Trotsky|Trotsky]] c'est effectivement ce qui s'est passé<ref>Trotsky, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr15.htm ''Histoire de la Révolution russe''], 1930</ref> (ce que les [[Bordiguistes|bordiguistes]] contestent<ref>sinistra.net, [http://www.sinistra.net/lib/bas/progco/qioi/qioinpibef.html ''Critique de la théorie de la révolution permanente''], «Programme Communiste», numéro 57, octobre-décembre 1972</ref>).
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Les [[Thèses_d'avril|thèses]] de Lénine semblèrent trop radicales aux dirigeants bolcheviks de l’intérieur qui restaient accrochés à la vieille tactique de la ''«&nbsp;[[Dictature_démocratique_des_ouvriers_et_des_paysans|dictature démocratique des ouvriers et des paysans]]&nbsp;»''. Le 8 avril, 13 des 15 membres de la direction [[Bolchevik|bolchevik]] de Petrograd rejetèrent les thèses de Lénine. [[Kamenev|Kamenev]] déclare&nbsp;: ''«&nbsp;Pour ce qui est du schéma général du camarade Lénine, il nous parait inacceptable dans la mesure où il présente comme achevée la révolution démocratique bourgeoise et compte sur une transformation immédiate de cette révolution en révolution socialiste.&nbsp;»'' Le bruit court à ce moment-là que Lénine est devenu [[Trotskiste|trotskiste]], car il semble s'être rallié de fait à l'idée de [[Révolution_permanente|révolution permanente]]. Selon [[Trotsky|Trotsky]] c'est effectivement ce qui s'est passé<ref>Trotsky, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr15.htm ''Histoire de la Révolution russe''], 1930</ref>.
    
Le 24 avril a lieu une conférence réunissant 149 délégués (qui représentent 79 000 adhérents)&nbsp;: Lénine y obtient une quasi-unanimité contre la guerre, ainsi qu’une forte majorité pour transférer aux [[Soviets|soviets]] les pouvoirs d’Etat, une faible majorité pour entrer dans la voie de la [[Révolution_socialiste|révolution socialiste]], mais échoue à changer le nom du parti de «&nbsp;social-démocrate&nbsp;» en «&nbsp;communiste&nbsp;».
 
Le 24 avril a lieu une conférence réunissant 149 délégués (qui représentent 79 000 adhérents)&nbsp;: Lénine y obtient une quasi-unanimité contre la guerre, ainsi qu’une forte majorité pour transférer aux [[Soviets|soviets]] les pouvoirs d’Etat, une faible majorité pour entrer dans la voie de la [[Révolution_socialiste|révolution socialiste]], mais échoue à changer le nom du parti de «&nbsp;social-démocrate&nbsp;» en «&nbsp;communiste&nbsp;».
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La radicalisation de la ligne bouleverse les organisations préexistantes. Les bolchéviks droitiers quittent le parti, les menchéviks de gauche le rejoignent. De nombreux groupes ou organisations autonomes ou isolés le rejoignent. Notamment, le [[Comité_Interrayons|comité Interrayons]], dirigé par [[Léon_Trotsky|Trotsky]], et qui compte à sa tête des dirigeants de qualité, fusionne avec le Parti bolchévik en juillet (lors du 6<sup>e</sup> Congrès, dit ''«&nbsp;congrès d'unification&nbsp;»''). Auparavant, Staline et Kamenev s’étaient opposé à cette fusion. Au cours de ce congrès, qui regroupe 175 délégués pour 112 organisations et 177 000 membres, Lénine, Kamenev, Zinoviev et Trotsky sont élus au comité central à la quasi-unanimité.
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La radicalisation de la ligne bouleverse les organisations préexistantes. Les bolchéviks les plus droitiers quittent le parti ([[Vladimir_Voitinski|Voitinski]], [[Nikolai_Glebov-Avilov|Avilov]] et [[Joseph_Goldenberg|Goldenberg]]), les menchéviks les plus à gauche le rejoignent. De nombreux groupes ou organisations autonomes ou isolés le rejoignent. Notamment, le [[Comité_Interrayons|comité Interrayons]], dirigé par [[Léon_Trotsky|Trotsky]], et qui compte à sa tête des dirigeants de qualité, fusionne avec le Parti bolchévik en juillet (lors du 6<sup>e</sup> Congrès, dit ''«&nbsp;congrès d'unification&nbsp;»''). Auparavant, Staline et Kamenev s’étaient opposé à cette fusion. Au cours de ce congrès, qui regroupe 175 délégués pour 112 organisations et 177 000 membres, Lénine, Kamenev, Zinoviev et Trotsky sont élus au comité central à la quasi-unanimité.
    
Dans [[L'Etat_et_la_Révolution|''L'Etat et la Révolution'']], écrit au coeur de la révolution, Lénine fera un retour critique sur la ligne politique [[Réformiste|réformiste]] qui gangrène la [[Deuxième_internationale|''Deuxième internationale'']]. Il revendique un retour à la politique révolutionnaire de [[Marx|Marx]] et [[Engels|Engels]], et réaffirme que l'Etat ouvrier ne peut être construit que par une [[Révolution_socialiste|révolution]] qui détruit l'[[Etat_bourgeois|Etat bourgeois]]. Le nouvel Etat ouvrier est ''«&nbsp;du type de la Commune de Paris&nbsp;»'', du type [[Soviet|soviétique]].
 
Dans [[L'Etat_et_la_Révolution|''L'Etat et la Révolution'']], écrit au coeur de la révolution, Lénine fera un retour critique sur la ligne politique [[Réformiste|réformiste]] qui gangrène la [[Deuxième_internationale|''Deuxième internationale'']]. Il revendique un retour à la politique révolutionnaire de [[Marx|Marx]] et [[Engels|Engels]], et réaffirme que l'Etat ouvrier ne peut être construit que par une [[Révolution_socialiste|révolution]] qui détruit l'[[Etat_bourgeois|Etat bourgeois]]. Le nouvel Etat ouvrier est ''«&nbsp;du type de la Commune de Paris&nbsp;»'', du type [[Soviet|soviétique]].

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