Différences entre les versions de « Opposition de gauche »

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[[File:OppositionDeGauche-1927.jpg|right|287x197px|Principaux membres de l'Opposition de gauche, en 1927. Trotsky est au centre.]]L''''Opposition de gauche''' est le nom donné à la tendance du Parti communiste de l'Union soviétique (PCUS), entre 1923 et 1927, dirigée par [[Léon_Trotsky|Léon Trotsky]], et d'anciens membres de l'[[Opposition_ouvrière|Opposition ouvrière]]. Cette tendance se forma lors des luttes de pouvoir émergeant entre factions rivales au moment où [[Lénine|Lénine]], qui meurt en janvier 1924, était malade. Elle développa une critique de la [[Bureaucratisation_soviétique|bureaucratisation du régime]], et fut finalement brutalement réprimée. Elle donnera naissance à la [[Quatrième_internationale|Quatrième internationale]].
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L''''Opposition de gauche''' est le nom donné à la tendance du Parti communiste de l'Union soviétique (PCUS), entre 1923 et 1927, dirigée par [[Léon_Trotsky|Léon Trotsky]], et d'anciens membres de l'[[Opposition_ouvrière|Opposition ouvrière]]. Cette tendance se forma lors des luttes de pouvoir émergeant entre factions rivales au moment où [[Lénine|Lénine]], qui meurt en janvier 1924, était malade. Elle développa une critique de la [[Bureaucratisation_soviétique|bureaucratisation du régime]], et fut finalement brutalement réprimée. Elle donnera naissance à la [[Quatrième_internationale|Quatrième internationale]].
  
 
== Contexte ==
 
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Depuis l'[[Guerre_soviéto-polonaise|échec de l'Armée Rouge en Pologne]], la révolution reculait sur tous les fronts, «&nbsp;l'offensive révolutionnaire&nbsp;» de mars 1921 en Allemagne ne pouvait enrayer ce mouvement. En octobre 1922, Mussolini formait le premier ministère [[Italie_fasciste|fasciste]]. En septembre 1923, c'était en Espagne le coup d'État de Primo de Rivera. Ce recul ne devait pas épargner la Russie des soviets. Dès 1921 la [[Nouvelle_politique_économique|N.E.P.]] représentait toute une série de concessions faites aux éléments de la ville et de la campagne. La fin de la [[Guerre_civile_russe|guerre civile]] trouva le pays épuisé à un tel point, l'économie si délabrée, qu'il fallut bien en passer par là et renoncer au [[Communisme_de_guerre|communisme de guerre]].
  
Le [[Parti_Bolchevik|Parti Bolchevik]] était parfaitement conscient qu'il s'agissait d'un recul, il n'essaya pas de le cacher. Et, pour éviter que la pression de la [[Petite-bourgeoisie|petite bourgeoisie]] qui allait immanquablement renaître de la [[NEP|N.E.P]] ne se manifeste trop facilement dans le seul parti dirigeant, le X<sup>e</sup> congrès supprima le [[droit_de_fraction|droit de fraction]]. Mais cette mesure se révéla parfaitement inefficace, elle se retourna même finalement contre les révolutionnaires, car ce ne fut pas à la périphérie du parti mais en son centre, dans son appareil, que se manifesta l'influence petite-bourgeoise.
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Le [[Parti_Bolchevik|Parti Bolchevik]] était parfaitement conscient qu'il s'agissait d'un recul, il n'essaya pas de le cacher. Et, pour éviter que la pression de la [[Petite-bourgeoisie|petite bourgeoisie]] qui allait immanquablement renaître de la [[NEP|N.E.P]] ne se manifeste trop facilement dans le seul parti dirigeant, le X<sup>e</sup> congrès supprima le [[Droit_de_fraction|droit de fraction]]. Mais cette mesure se révéla parfaitement inefficace, elle se retourna même finalement contre les révolutionnaires, car ce ne fut pas à la périphérie du parti mais en son centre, dans son appareil, que se manifesta l'influence petite-bourgeoise.
  
 
== Historique ==
 
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Le 8 octobre 1923, [[Trotsky|<span class="mw-redirect">Trotsky</span>]] envoie une lettre au Comité central et à la Commission centrale de contrôle qui dénonce le manque de [[Démocratie_interne|démocratie interne]]&nbsp;:
 
Le 8 octobre 1923, [[Trotsky|<span class="mw-redirect">Trotsky</span>]] envoie une lettre au Comité central et à la Commission centrale de contrôle qui dénonce le manque de [[Démocratie_interne|démocratie interne]]&nbsp;:
 
<blockquote>''«&nbsp;Aux pires moments du communisme de guerre, le système de nomination au sein du parti n'atteignait pas le dixième de ce qu'il est maintenant. La nomination des secrétaires des comités provinciaux est maintenant la règle. Cela crée pour le secrétaire un poste essentiellement indépendant de l'organisation locale. [...] La bureaucratisation de l'appareil du parti s'est développée dans des proportions inouïes au moyen de la méthode de sélection des secrétariats. On a créé une très large couche de travailleurs du parti, entrant dans l'appareil du gouvernement du parti, qui renoncent totalement à leur propre opinion de parti, au moins l'expression ouverte, faisant comme si la hiérarchie du secrétariat était l'appareil qui crée l'opinion et les décisions du parti. Sous cette strate, s'abstenant de leurs propres opinions, se trouve la grande masse du parti, devant qui chaque décision prend la forme d'une injonction ou d'un commandement.&nbsp;»''<ref>Trotsky, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1923/10/lettrecomitecentral.htm ''Aux membres du Comité Central et de la Commission Centrale de Contrôle''], 8 octobre 1923</ref></blockquote>  
 
<blockquote>''«&nbsp;Aux pires moments du communisme de guerre, le système de nomination au sein du parti n'atteignait pas le dixième de ce qu'il est maintenant. La nomination des secrétaires des comités provinciaux est maintenant la règle. Cela crée pour le secrétaire un poste essentiellement indépendant de l'organisation locale. [...] La bureaucratisation de l'appareil du parti s'est développée dans des proportions inouïes au moyen de la méthode de sélection des secrétariats. On a créé une très large couche de travailleurs du parti, entrant dans l'appareil du gouvernement du parti, qui renoncent totalement à leur propre opinion de parti, au moins l'expression ouverte, faisant comme si la hiérarchie du secrétariat était l'appareil qui crée l'opinion et les décisions du parti. Sous cette strate, s'abstenant de leurs propres opinions, se trouve la grande masse du parti, devant qui chaque décision prend la forme d'une injonction ou d'un commandement.&nbsp;»''<ref>Trotsky, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1923/10/lettrecomitecentral.htm ''Aux membres du Comité Central et de la Commission Centrale de Contrôle''], 8 octobre 1923</ref></blockquote>  
Les partisans de Trotsky promeuvent aussi l'[[industrialisation|industrialisation]] rapide du pays pour le sortir de la misère et redonner courage aux masses.
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Les partisans de Trotsky promeuvent aussi l'[[Industrialisation|industrialisation]] rapide du pays pour le sortir de la misère et redonner courage aux masses.
  
La semaine suivante est envoyée au [[Politburo|Politburo]] une [[déclaration_des_46|déclaration de 46 dirigeants bolchéviks]] allant dans le même sens. Elle dénonce prudemment ''«&nbsp;le régime de dictature fractionnelle à l'intérieur du parti qui s'est objectivement formé après le X<sup>e</sup> congrès&nbsp;»''.
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La semaine suivante est envoyée au [[Politburo|Politburo]] une [[Déclaration_des_46|déclaration de 46 dirigeants bolchéviks]] allant dans le même sens. Elle dénonce prudemment ''«&nbsp;le régime de dictature fractionnelle à l'intérieur du parti qui s'est objectivement formé après le X<sup>e</sup> congrès&nbsp;»''.
  
 
Staline et Zinoviev font d’abord condamner, fin octobre, la démarche de Trotsky et des 46 comme fractionnelle, puis, par un apparent revirement, font décider l’ouverture d’une discussion publique. Le 5 décembre, après une âpre discussion, le bureau politique adopte un texte affirmant, avec mille circonlocutions, la nécessité de démocratiser la vie du parti.
 
Staline et Zinoviev font d’abord condamner, fin octobre, la démarche de Trotsky et des 46 comme fractionnelle, puis, par un apparent revirement, font décider l’ouverture d’une discussion publique. Le 5 décembre, après une âpre discussion, le bureau politique adopte un texte affirmant, avec mille circonlocutions, la nécessité de démocratiser la vie du parti.
  
Le 8 décembre, Trotsky, refusant de se laisser ligoter par un accord dont il sent le caractère trompeur, rédige un long article, intitulé [[Cours_nouveau|''Cours nouveau'']], que [[Boukharine|Boukharine]], rédacteur en chef de la [[Pravda|''Pravda'']], bloque deux jours, puis publie le 11. Il y dénonce le danger d’une dégénérescence de la vieille garde bolchevique à l’image de celle de la [[social-démocratie|social-démocratie]]. Il centre son attention sur l’[[appareil_d’État|appareil d’État]], ''«&nbsp;source la plus importante du bureaucratisme&nbsp;»'', en refusant de réduire le problème à ''«&nbsp;l’ensemble des mauvaises habitudes des employés de bureau&nbsp;»'' (comme le faisaient jusque là les bolchéviks, Lénine le premier). En termes de causes, Trotsky évoque le manque de culture des masses, et la nature particulière de l’État russe en raison de l’alliance avec une classe non prolétarienne ([[Mouvement_paysan_en_1917|paysannerie]]).
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Le 8 décembre, Trotsky, refusant de se laisser ligoter par un accord dont il sent le caractère trompeur, rédige un long article, intitulé [[Cours_nouveau|''Cours nouveau'']], que [[Boukharine|Boukharine]], rédacteur en chef de la [[Pravda|''Pravda'']], bloque deux jours, puis publie le 11. Il y dénonce le danger d’une dégénérescence de la vieille garde bolchevique à l’image de celle de la [[Social-démocratie|social-démocratie]]. Il centre son attention sur l’[[Appareil_d’État|appareil d’État]], ''«&nbsp;source la plus importante du bureaucratisme&nbsp;»'', en refusant de réduire le problème à ''«&nbsp;l’ensemble des mauvaises habitudes des employés de bureau&nbsp;»'' (comme le faisaient jusque là les bolchéviks, Lénine le premier). En termes de causes, Trotsky évoque le manque de culture des masses, et la nature particulière de l’État russe en raison de l’alliance avec une classe non prolétarienne ([[Mouvement_paysan_en_1917|paysannerie]]).
  
 
Les triumvirs (l’alliance Staline-Zinoviev-Kamenev) multiplient les mesures disciplinaires, démettent 15 responsables du comité central des Jeunesses et y obtiennent ainsi la majorité, révoquent [[Antonov-Ovseenko|Antonov-Ovseenko]], responsable de l’administration politique de l’[[Armée_rouge|Armée rouge]]. Staline, dans la [[Pravda|''Pravda'']] (15 décembre), qualifie les opposants de ''«&nbsp;bureaucrates&nbsp;»''.
 
Les triumvirs (l’alliance Staline-Zinoviev-Kamenev) multiplient les mesures disciplinaires, démettent 15 responsables du comité central des Jeunesses et y obtiennent ainsi la majorité, révoquent [[Antonov-Ovseenko|Antonov-Ovseenko]], responsable de l’administration politique de l’[[Armée_rouge|Armée rouge]]. Staline, dans la [[Pravda|''Pravda'']] (15 décembre), qualifie les opposants de ''«&nbsp;bureaucrates&nbsp;»''.
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Malgré la censure dont étaient victimes les idées de l'Opposition, malgré la mise à l'écart de ses dirigeants ([[Trotsky|Trotsky]], [[Zinoviev|Zinoviev]] et [[Kamenev|Kamenev]] avaient été évincés du Bureau politique par Staline, fin 1926), malgré les bandes de voyous staliniens cherchant à disperser leurs réunions, les dirigeants de l'Opposition rassemblaient parfois des milliers d'auditeurs. Ainsi, le 17 octobre, lors d'une manifestation officielle à Léningrad, Trotsky et Zinoviev, bien qu'écartés de la tribune, avaient été ovationnés par une foule d'ouvriers. La semaine suivante, Staline les fit exclure du [[Comité_central_bolchévik|Comité central]].
 
Malgré la censure dont étaient victimes les idées de l'Opposition, malgré la mise à l'écart de ses dirigeants ([[Trotsky|Trotsky]], [[Zinoviev|Zinoviev]] et [[Kamenev|Kamenev]] avaient été évincés du Bureau politique par Staline, fin 1926), malgré les bandes de voyous staliniens cherchant à disperser leurs réunions, les dirigeants de l'Opposition rassemblaient parfois des milliers d'auditeurs. Ainsi, le 17 octobre, lors d'une manifestation officielle à Léningrad, Trotsky et Zinoviev, bien qu'écartés de la tribune, avaient été ovationnés par une foule d'ouvriers. La semaine suivante, Staline les fit exclure du [[Comité_central_bolchévik|Comité central]].
  
Le mouvement ouvrier chinois subit un revers majeur avec le [[massacre_de_Shanghai|massacre de Shanghai]] en avril 1927. Théoriquement, cela validait les critiques de Trotsky de l'[[étapisme|étapisme]] stalinien, mais en pratique, l'effet dominant fut de miner le camp contestataire en URSS.
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Le mouvement ouvrier chinois subit un revers majeur avec le [[Massacre_de_Shanghai|massacre de Shanghai]] en avril 1927. Théoriquement, cela validait les critiques de Trotsky de l'[[Étapisme|étapisme]] stalinien, mais en pratique, l'effet dominant fut de miner le camp contestataire en URSS.
  
 
A l'occasion du dixième anniversaire d'[[Révolution_d'Octobre_1917|Octobre]], et du quinzième congrès du parti qui devait suivre, les dirigeants de l'Opposition étaient bien décidés à se faire entendre, à dénoncer devant le parti la trahison de la [[Révolution_chinoise_(1925-1927)|révolution chinoise]]. Craignant l'écho que pourraient avoir dans le parti et l'Internationale les critiques de Trotsky, Staline fit tout pour museler l'Opposition. Prenant prétexte qu'elle avait manifesté à l'occasion du dixième anniversaire d'Octobre, Staline fit exclure Trotsky et Zinoviev du parti. Il fit arrêter plusieurs oppositionnels en vue, il interdit que l'on publiât la plate-forme de l'Opposition pour le congrès. Dans le même temps, pour faire croire que, quoi qu'en dise l'Opposition, le prolétariat chinois n'était pas vaincu, le [[Komintern|Komintern]] stalinien lança le [[PCC|PCC]] dans une aventure putschiste vouée à l'échec&nbsp;: la prise du pouvoir à Canton, le 11 décembre 1927. Cette "[[Commune_de_Canton|Commune de Canton]]" se termina, deux jours plus tard, par le massacre de plusieurs milliers d'ouvriers et de communistes chinois.
 
A l'occasion du dixième anniversaire d'[[Révolution_d'Octobre_1917|Octobre]], et du quinzième congrès du parti qui devait suivre, les dirigeants de l'Opposition étaient bien décidés à se faire entendre, à dénoncer devant le parti la trahison de la [[Révolution_chinoise_(1925-1927)|révolution chinoise]]. Craignant l'écho que pourraient avoir dans le parti et l'Internationale les critiques de Trotsky, Staline fit tout pour museler l'Opposition. Prenant prétexte qu'elle avait manifesté à l'occasion du dixième anniversaire d'Octobre, Staline fit exclure Trotsky et Zinoviev du parti. Il fit arrêter plusieurs oppositionnels en vue, il interdit que l'on publiât la plate-forme de l'Opposition pour le congrès. Dans le même temps, pour faire croire que, quoi qu'en dise l'Opposition, le prolétariat chinois n'était pas vaincu, le [[Komintern|Komintern]] stalinien lança le [[PCC|PCC]] dans une aventure putschiste vouée à l'échec&nbsp;: la prise du pouvoir à Canton, le 11 décembre 1927. Cette "[[Commune_de_Canton|Commune de Canton]]" se termina, deux jours plus tard, par le massacre de plusieurs milliers d'ouvriers et de communistes chinois.
  
Il fallait cela à Staline pour couvrir d'un silence de plomb les critiques de l'Opposition communiste en URSS et entamer une véritable épuration. En décembre 1927, le «&nbsp;[[Trotskysme|trotskysme]]&nbsp;» fut déclaré incompatible avec l'appartenance au PCUS (Parti communiste de l'Union soviétique) et les membres de l'Opposition de gauche exclus du Parti, signalant l'avènement de la mainmise complète de [[Staline|Staline]] sur les institutions du régime soviétique. Certaines figures de l'Opposition décidèrent de faire leur «&nbsp;[[autocritique|autocritique]]&nbsp;» et de se renier en capitulant ''«&nbsp;devant le monde entier&nbsp;»'', comme l'exigea Staline. [[Zinoviev|Zinoviev]] et [[Kamenev|Kamenev]] notamment suivirent une voie qui allait les emporter toujours plus loin dans le reniement de leurs idées.
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Il fallait cela à Staline pour couvrir d'un silence de plomb les critiques de l'Opposition communiste en URSS et entamer une véritable épuration. En décembre 1927, le «&nbsp;[[Trotskysme|trotskysme]]&nbsp;» fut déclaré incompatible avec l'appartenance au PCUS (Parti communiste de l'Union soviétique) et les membres de l'Opposition de gauche exclus du Parti, signalant l'avènement de la mainmise complète de [[Staline|Staline]] sur les institutions du régime soviétique. Certaines figures de l'Opposition décidèrent de faire leur «&nbsp;[[Autocritique|autocritique]]&nbsp;» et de se renier en capitulant ''«&nbsp;devant le monde entier&nbsp;»'', comme l'exigea Staline. [[Zinoviev|Zinoviev]] et [[Kamenev|Kamenev]] notamment suivirent une voie qui allait les emporter toujours plus loin dans le reniement de leurs idées.
  
 
[[Trotsky|Trotsky]] fut déporté à Alma-Ata (actuel Almaty au Kazakhstan) en janvier 1928, puis banni en Turquie en février 1929.
 
[[Trotsky|Trotsky]] fut déporté à Alma-Ata (actuel Almaty au Kazakhstan) en janvier 1928, puis banni en Turquie en février 1929.
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Cette lutte internationalisée se traduit en premier lieu par l'insécurité physique des trotskistes dans le monde entier, face à un [[NKVD|NKVD]] / [[KGB|KGB]] au bras long. L'opposition apparaît nettement dans les situations révolutionnaires&nbsp;: lors de la [[Révolution_espagnole_(1931-1939)|Révolution espagnole]] les staliniens, freinant la révolution, s'en prennent au [[POUM|POUM]]. Trotsky a donné son avis sur ce qu'aurait pu et dû faire le POUM&nbsp;selon lui.
 
Cette lutte internationalisée se traduit en premier lieu par l'insécurité physique des trotskistes dans le monde entier, face à un [[NKVD|NKVD]] / [[KGB|KGB]] au bras long. L'opposition apparaît nettement dans les situations révolutionnaires&nbsp;: lors de la [[Révolution_espagnole_(1931-1939)|Révolution espagnole]] les staliniens, freinant la révolution, s'en prennent au [[POUM|POUM]]. Trotsky a donné son avis sur ce qu'aurait pu et dû faire le POUM&nbsp;selon lui.
  
En URSS, les [[procès_de_Moscou|procès de Moscou]] de 1936 mettront un terme au trotskisme sur la phrase de Vychinski&nbsp;: «&nbsp;Il faut fusiller ces chiens enragés&nbsp;». Des anciens bolchéviks, il ne reste que le sinistre [[Staline|Staline]].
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En URSS, les [[Procès_de_Moscou|procès de Moscou]] de 1936 mettront un terme au trotskisme sur la phrase de Vychinski&nbsp;: «&nbsp;Il faut fusiller ces chiens enragés&nbsp;». Des anciens bolchéviks, il ne reste que le sinistre [[Staline|Staline]].
  
 
== Personnalités de l'Opposition de Gauche ==
 
== Personnalités de l'Opposition de Gauche ==
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Version du 17 mai 2018 à 00:28


Principaux membres de l'Opposition de gauche, en 1927. Trotsky est au centre.

L'Opposition de gauche est le nom donné à la tendance du Parti communiste de l'Union soviétique (PCUS), entre 1923 et 1927, dirigée par Léon Trotsky, et d'anciens membres de l'Opposition ouvrière. Cette tendance se forma lors des luttes de pouvoir émergeant entre factions rivales au moment où Lénine, qui meurt en janvier 1924, était malade. Elle développa une critique de la bureaucratisation du régime, et fut finalement brutalement réprimée. Elle donnera naissance à la Quatrième internationale.

1 Contexte

Depuis l'échec de l'Armée Rouge en Pologne, la révolution reculait sur tous les fronts, « l'offensive révolutionnaire » de mars 1921 en Allemagne ne pouvait enrayer ce mouvement. En octobre 1922, Mussolini formait le premier ministère fasciste. En septembre 1923, c'était en Espagne le coup d'État de Primo de Rivera. Ce recul ne devait pas épargner la Russie des soviets. Dès 1921 la N.E.P. représentait toute une série de concessions faites aux éléments de la ville et de la campagne. La fin de la guerre civile trouva le pays épuisé à un tel point, l'économie si délabrée, qu'il fallut bien en passer par là et renoncer au communisme de guerre.

Le Parti Bolchevik était parfaitement conscient qu'il s'agissait d'un recul, il n'essaya pas de le cacher. Et, pour éviter que la pression de la petite bourgeoisie qui allait immanquablement renaître de la N.E.P ne se manifeste trop facilement dans le seul parti dirigeant, le Xe congrès supprima le droit de fraction. Mais cette mesure se révéla parfaitement inefficace, elle se retourna même finalement contre les révolutionnaires, car ce ne fut pas à la périphérie du parti mais en son centre, dans son appareil, que se manifesta l'influence petite-bourgeoise.

2 Historique

2.1 Naissance de l'Opposition de gauche

En 1923, Lénine était très malade et écarté de fait de la politique du nouvel Etat. C'est aussi en 1923 que Trotsky commence à critiquer la bureaucratisation du parti bolchevik. Son courant lutte en interne pour plus de démocratie, plus d'intervention de la base ouvrière face notamment aux bureaucrates derrière Staline qui accroissent rapidement leur pouvoir. Mais comme Lénine et la vieille garde bolchévique, il sait que le salut ne peut être que dans la « révolution permanente et mondiale ». L'enfermement dans un pays économiquement arriéré ne peut conduire qu'à la démoralisation ouvrière. C'est pourquoi l'échec de la Révolution allemande a directement renforcé la bureaucratie, qui défend désormais la thèse révisionniste du "socialisme dans un seul pays".

Le 8 octobre 1923, Trotsky envoie une lettre au Comité central et à la Commission centrale de contrôle qui dénonce le manque de démocratie interne :

« Aux pires moments du communisme de guerre, le système de nomination au sein du parti n'atteignait pas le dixième de ce qu'il est maintenant. La nomination des secrétaires des comités provinciaux est maintenant la règle. Cela crée pour le secrétaire un poste essentiellement indépendant de l'organisation locale. [...] La bureaucratisation de l'appareil du parti s'est développée dans des proportions inouïes au moyen de la méthode de sélection des secrétariats. On a créé une très large couche de travailleurs du parti, entrant dans l'appareil du gouvernement du parti, qui renoncent totalement à leur propre opinion de parti, au moins l'expression ouverte, faisant comme si la hiérarchie du secrétariat était l'appareil qui crée l'opinion et les décisions du parti. Sous cette strate, s'abstenant de leurs propres opinions, se trouve la grande masse du parti, devant qui chaque décision prend la forme d'une injonction ou d'un commandement. »[1]

Les partisans de Trotsky promeuvent aussi l'industrialisation rapide du pays pour le sortir de la misère et redonner courage aux masses.

La semaine suivante est envoyée au Politburo une déclaration de 46 dirigeants bolchéviks allant dans le même sens. Elle dénonce prudemment « le régime de dictature fractionnelle à l'intérieur du parti qui s'est objectivement formé après le Xe congrès ».

Staline et Zinoviev font d’abord condamner, fin octobre, la démarche de Trotsky et des 46 comme fractionnelle, puis, par un apparent revirement, font décider l’ouverture d’une discussion publique. Le 5 décembre, après une âpre discussion, le bureau politique adopte un texte affirmant, avec mille circonlocutions, la nécessité de démocratiser la vie du parti.

Le 8 décembre, Trotsky, refusant de se laisser ligoter par un accord dont il sent le caractère trompeur, rédige un long article, intitulé Cours nouveau, que Boukharine, rédacteur en chef de la Pravda, bloque deux jours, puis publie le 11. Il y dénonce le danger d’une dégénérescence de la vieille garde bolchevique à l’image de celle de la social-démocratie. Il centre son attention sur l’appareil d’État, « source la plus importante du bureaucratisme », en refusant de réduire le problème à « l’ensemble des mauvaises habitudes des employés de bureau » (comme le faisaient jusque là les bolchéviks, Lénine le premier). En termes de causes, Trotsky évoque le manque de culture des masses, et la nature particulière de l’État russe en raison de l’alliance avec une classe non prolétarienne (paysannerie).

Les triumvirs (l’alliance Staline-Zinoviev-Kamenev) multiplient les mesures disciplinaires, démettent 15 responsables du comité central des Jeunesses et y obtiennent ainsi la majorité, révoquent Antonov-Ovseenko, responsable de l’administration politique de l’Armée rouge. Staline, dans la Pravda (15 décembre), qualifie les opposants de « bureaucrates ».

Le 16 janvier 1924, Staline réunit une conférence nationale, dont le secrétariat a pour la première fois désigné lui-même les participants. L’Opposition de gauche n’y recueille donc que trois voix (Trotsky lui-même a été envoyé soigner deux mois dans le Caucase). Sans suprise, la résolution finale de la conférence affirme que l’Opposition, « reflétant objectivement la pression de la petite-bourgeoisie (...), a abandonné le léninisme », exprime une « déviation petite-bourgeoise » et doit être condamnée pour avoir « lancé le mot d’ordre de destruction de l’appareil du parti ».

2.2 Renforcement de la lutte

La montée de la Révolution chinoise à partir de 1925 redonne du souffle à l'Opposition, qui condamne fermement la poltique suicidaire de l'Internationale communiste.

L'intense activité révolutionnaire du prolétariat chinois redonnent alors espoir et énergie combative à certains travailleurs en URSS, et poussent vers la gauche de nombreux bolchéviks. En 1926, Zinoviev et Kamenev forment une alliance avec Trotsky, que l'on appellera l'Opposition unifiée. Ce regroupement recevait de nombreuses marques de sympathie, des soutiens nouveaux, dans les usines, les quartiers ouvriers.

Malgré la censure dont étaient victimes les idées de l'Opposition, malgré la mise à l'écart de ses dirigeants (Trotsky, Zinoviev et Kamenev avaient été évincés du Bureau politique par Staline, fin 1926), malgré les bandes de voyous staliniens cherchant à disperser leurs réunions, les dirigeants de l'Opposition rassemblaient parfois des milliers d'auditeurs. Ainsi, le 17 octobre, lors d'une manifestation officielle à Léningrad, Trotsky et Zinoviev, bien qu'écartés de la tribune, avaient été ovationnés par une foule d'ouvriers. La semaine suivante, Staline les fit exclure du Comité central.

Le mouvement ouvrier chinois subit un revers majeur avec le massacre de Shanghai en avril 1927. Théoriquement, cela validait les critiques de Trotsky de l'étapisme stalinien, mais en pratique, l'effet dominant fut de miner le camp contestataire en URSS.

A l'occasion du dixième anniversaire d'Octobre, et du quinzième congrès du parti qui devait suivre, les dirigeants de l'Opposition étaient bien décidés à se faire entendre, à dénoncer devant le parti la trahison de la révolution chinoise. Craignant l'écho que pourraient avoir dans le parti et l'Internationale les critiques de Trotsky, Staline fit tout pour museler l'Opposition. Prenant prétexte qu'elle avait manifesté à l'occasion du dixième anniversaire d'Octobre, Staline fit exclure Trotsky et Zinoviev du parti. Il fit arrêter plusieurs oppositionnels en vue, il interdit que l'on publiât la plate-forme de l'Opposition pour le congrès. Dans le même temps, pour faire croire que, quoi qu'en dise l'Opposition, le prolétariat chinois n'était pas vaincu, le Komintern stalinien lança le PCC dans une aventure putschiste vouée à l'échec : la prise du pouvoir à Canton, le 11 décembre 1927. Cette "Commune de Canton" se termina, deux jours plus tard, par le massacre de plusieurs milliers d'ouvriers et de communistes chinois.

Il fallait cela à Staline pour couvrir d'un silence de plomb les critiques de l'Opposition communiste en URSS et entamer une véritable épuration. En décembre 1927, le « trotskysme » fut déclaré incompatible avec l'appartenance au PCUS (Parti communiste de l'Union soviétique) et les membres de l'Opposition de gauche exclus du Parti, signalant l'avènement de la mainmise complète de Staline sur les institutions du régime soviétique. Certaines figures de l'Opposition décidèrent de faire leur « autocritique » et de se renier en capitulant « devant le monde entier », comme l'exigea Staline. Zinoviev et Kamenev notamment suivirent une voie qui allait les emporter toujours plus loin dans le reniement de leurs idées.

Trotsky fut déporté à Alma-Ata (actuel Almaty au Kazakhstan) en janvier 1928, puis banni en Turquie en février 1929.

La plupart de ceux qui avaient été opposants, même lorsqu'ils avaient multiplié les gages de soumission, furent ensuite exécutés lors des Grandes Purges de la fin des années 1930.

2.3 L'Opposition de gauche internationale

Mais la lutte entre trotskisme et stalinisme n'est ni la lutte entre deux personnes, ni un simple "clivage poitique" de l'URSS. C'est grosso-modo la lutte entre des révolutionnaires communistes d'une part, et la bureaucratie stalinienne et ses laquais internationaux qui lui donnent une puissance incomparable. Et la première force des PC stalinisés partout dans le monde sera un soutien souvent fort de nombreux ouvriers et de "compagnons de route".

Trotsky forma l'Opposition internationale de gauche au sein du Komintern en 1930, devenu en 1933 la Ligue communiste internationale à la suite de l'exclusion du Komintern de ses adhérents. Celle-ci devint en 1938 la Quatrième Internationale, marquant la rupture définitive entre les trotskystes et le Komintern.

Cette lutte internationalisée se traduit en premier lieu par l'insécurité physique des trotskistes dans le monde entier, face à un NKVD / KGB au bras long. L'opposition apparaît nettement dans les situations révolutionnaires : lors de la Révolution espagnole les staliniens, freinant la révolution, s'en prennent au POUM. Trotsky a donné son avis sur ce qu'aurait pu et dû faire le POUM selon lui.

En URSS, les procès de Moscou de 1936 mettront un terme au trotskisme sur la phrase de Vychinski : « Il faut fusiller ces chiens enragés ». Des anciens bolchéviks, il ne reste que le sinistre Staline.

3 Personnalités de l'Opposition de Gauche

4 Notes