Différences entre les versions de « Moyen-Âge européen »

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Le rôle des villes diminue beaucoup. Celles-ci doivent s'enfermer dans des murailles et la diminution des échanges les font décliner.
 
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Il y a certes une part objective de "recul social" avec la dégénérescence de l'[[Empire_Romain|Empire Romain]] et la généralisation en Europe de l'[[Féodalisme|organisation féodale]]. Mais l'image que nous avons de "1000 ans de stagnation dans l'[[Obscurantisme|obscurantisme]]" est un produit de l'[[Idéologie_bourgeoise|idéologie bourgeoise]]. Avec le mouvement de la [[Renaissance|Renaissance]], la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]] a cherché à flétrir l'ère dont la [[Classe_dirigeante|classe dirigeante]] d'alors était issue, et s'identifiait à l'[[Antiquité|Antiquité]]. Les siècles féodaux ont alors été profondément caricaturés. C'est surtout le Haut Moyen-Âge qui est présenté comme un Âge sombre, sur la base il est vrai d'une historiographie de l'époque qui laisse à désirer.
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[[Marx]] dénonçait d'ailleurs la tendance des bourgeois à se donner à bon compte une image de libérateurs en exagérant l'arriération médiévale, soulignant que ''« nos livres d'histoire [sont] imbus de préjugés bourgeois. Il est par trop commode d'être « libéral » aux dépens du moyen âge. »<ref>Karl Marx, [https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-27.htm Le Capital, Livre I, Chapitre XXVII]</ref>''
  
 
==Notes et source==
 
==Notes et source==

Version du 11 mars 2020 à 23:56

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Un prêtre, un chevalier et un serf, représentant les trois ordres de la société médiévale

Le Moyen-Âge est en Europe une époque historique s'étant à peu sur un millénaire (500-1500), de l'Antiquité jusqu'à la Renaissance.

1 Caractéristiques

Le mode de production féodal domine pendant le Moyen-Âge.

L’agriculture constitue la principale source d’emploi (environ 80%), de revenus, de valeur de la production. La population vit donc essentiellement en milieu rural (avec un taux de mortalité qui implique globalement une stagnation démographique). La production non comestible repose essentiellement sur le textile et quelques outils, avec un artisanat local travaillant surtout en lien avec les activités agricoles.

La richesse de la classe dominante (nobles, haut clergé...) repose sur la propriété foncière. La circulation monétaire et le commerce de longue distance sont faibles, les voies de communication sont de mauvaise qualité et dangereuses (comparées à celles de l'Empire romain par exemple). Les marchés et les pouvoirs politiques sont très éclatés. Il en résulte une hiérarchie sociale fossilisée et un rapport personnel de propriété, particulièrement entre seigneurs et serfs.

2 Historique

Il serait bien sûr ridicule de chercher à donner des dates précises pour des processus si étalés dans le temps. Les découpages ci-dessous sont donc grossiers et visent seulement à donner des repères.

2.1 Chute de l'Empire Romain d'Occident

Rome tombe à la fois pour des facteurs internes (crise du 3e siècle) et externes, avec les grandes invasions (du 3e au 5e siècle).

Le pouvoir effectif de l'Empire Romain d'Occident est perdu vers 455, et officiellement celui-ci n'existe plus en 476.

Le rôle des villes diminue beaucoup. Celles-ci doivent s'enfermer dans des murailles et la diminution des échanges les font décliner.

476eur.jpg


2.2 Haut Moyen-Âge (500 - 1000)

Alors que dans les sociétés antiques et notamment avec l'Empire Romain, une vaste structure juridique et commerciale permettait à une bourgeoisie embryonnaire de se développer, le Moyen-Âge constitue un relatif récul. Le centralisme recule brusquement au profit des pouvoirs locaux, l'économie est plus autarcique.

Le servage et la féodalité sont en place vers le 9e siècle. Le moulin hydraulique se généralise à cette époque et tend à remplacer du travail d'esclaves.

2.3 Essor commercial et urbain

Aux 10e et 11e siècles a lieu ce qu'on pourrait appeler une "révolution commerciale". Une bourgeoisie commerçante va peu à peu se former et commencer à avoir un impact important sur la société. Le développement marchand provoque du 11e au 15e siècles une crise d’adaptation des cadres politiques et sociaux de la féodalité.

Le développement de l'artisanat et du commerce s’opère hors des seigneuries rurales : dans les villes, en particulier ports, noeuds de communication, sites de grandes foires. Ce milieu urbain génère des rapports sociaux plus démocratiques, plus favorables à l’émancipation juridique, sociale et culturelle. Des rapports capitalistes apparaissent dans les interstices du féodalisme.

Ainsi les habitants des villes obtiennent très tôt des chartes par lesquelles les seigneurs reconnaissent aux Communes différents droits individuels et collectifs. Même si le développement urbain mine progressivement les bases de la domination des seigneurs féodaux, ces derniers se retrouvent le plus souvent à accompagner le mouvement en misant sur le court terme. Par exemple quand ils soutiennent les droits d'une Commune pour nuire à un seigneur rival. Les urbains, particulièrement les marchands, essaient de construire des administrations locales répondant à leur intérêt économique et politique (entretien des voies de communication, protection des échanges, crédibilité de la monnaie...).

Le développement marchand s'accompagne d'un développement des forces productives (essentiellement par l'artisanat) d'une série de transformations sociales progressives, et de luttes de classes qui selon leur issue mettent un coup de frein ou d'accélérateur à ces transformations. La bourgeoisie marchande est alors globalement progressiste, luttant pour les libertés communales.

2.4 Bas Moyen-Âge (1000 - 1500)

De nombreuses communes reprennent de l'importance en devenant des centres d'échanges et de pouvoir. Certaines sont nommées à cette époque Villefranche, ou Francheville, ou Franqueville (dans le sens de ville affranchie de certaines obligations féodales).

A partir du 12e siècle en France, les libertés communales sont généralement actées par des chartes signées par les suzerains. Paris devient une ville commerciale importante à la fin 12e siècle.

Dès le début du 13e siècle, une proto-industrie drapière s'est développée en Flandre, et se tourne vers le commerce de longue distance (Italie, France, Espagne et, via les marchands italiens, pays de l’Adriatique et d’Orient). On y trouve déjà une forte division du travail (plus de 30 métiers différents dans la fabrication d’un drap) et des détenteurs de capitaux maîtrisant le circuit depuis l’achat des matières premières (laine anglaise) jusqu'à la commercialisation. Leur pouvoir économique leur permet de jouer un rôle politique (échevins). Ainsi, la ville de Douai jouit dès 1188 d’une autonomie très importante (administration, police, justice, pouvoir législatif local, règlementation technique...), et connaît d'importantes grèves ouvrières et émeutes très tôt, par exemple en janvier 1245. Les communes se retrouvent souvent à mettre en place des premières formes de régulations sur les conditions d’embauche des salariés.

Entre 1222 et 1373, entre 300 et 500 villes nouvelles sont créées dans le Sud-Ouest de la France, les bastides (dont certaines portent encore le nom de La Bastide ou Labastide).

Le développement des échanges engendre aussi un renouveau culturel :

  • Les écoles monastiques sont concurrencées par les écoles épiscopales au 12e siècle, puis par les universités au 13e siècle.
  • Les sciences et la philosophie acquis de la part de la civilisation arabo-musulmane, ainsi que des auteurs grecs, viennent compléter les sept arts libéraux, sans les supprimer.
  • Dès le 12e siècle, la scolarisation des jeunes se développe dans les villes, à travers les universités (auparavant l'enseignement était réservé aux clercs).
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En 1347, la Grande Peste réduit tellement la population des campagnes, des bourgs et des villes que la main d’œuvre manque. En milieu rural, les paysans en profitent pour sortir du servage. Les artisans et commerçants des bourgs obtiennent de nouvelles avancées démocratiques, améliorant fréquemment les chartes communales. Partout, les salaires augmentent.

La Guerre de Cent Ans (1337-1453) coûte cher à la royauté et aux féodaux qui augmentent les taxes provoquant des révoltes importantes, comme la Grande Jacquerie de 1358 en France.

La période de s’étendant de 1378 à 1385 fut marquée par une forte combativité populaire :

  • la révolte des Ciompi de 1378 à Florence,
  • 1378 : révoltes contre les impôts dans le sud de la France (Puy, Nîmes, Alès) à Pâques,
  • 1379 : révolte des Chaperons blancs à Gand contre le comte de Flandre
  • 1379 : à nouveau des révoltes contre les impôts (Aubenas, Alès) et des émeutes à Montpellier en octobre
  • 1380 : Révolte de Lübeck
  • Octobre – novembre 1380 : agitation anti-fiscale dans la vallée de l’Oise, à Rouen et à Chartres. Agression d’agents fiscaux à Paris.
  • Février 1381 : émeutes anti-fiscales à Saint-Quentin, Début de la révolte des Tuchins en Languedoc
  • Septembre 1381 : Soulèvement des "Bons amis" à Béziers
  • en Angleterre, la révolte des paysans menée par Wat Tyler en 1381
  • 24 février 1382 à Rouen, Révolte de la Harelle
  • 1382 : Nouvelle révolution à Florence
  • 1382 en Flandre : sous la conduite de Philip Van Artevelde, les tisserands de Gand se soulèvent contre le comte de Flandre et ses soutiens français
  • 1er mars 1382 Révolte des Maillotins à Paris, puis jusqu'à l'été révolte générale dans le Nord de la France au cri de « vive Gand ! vive Paris ! ». Mais le 11 janvier 1383 voit la reprise en main par le duc Jean sans Peur de Bourgogne : exécution des meneurs de la Harelle et des Maillotins, occupation de Paris et Rouen par l’armée royale. Les institutions municipales sont supprimées dans de nombreuses cités jusqu’en 1389. A Paris, la prévôté des marchands est supprimée. Le roi n’accorde son pardon que contre d’énormes amendes (800 000 francs en Auvergne).
  • 1383 : Soulèvement réussi des Gênois
  • 1384 : Révolution de Lisbonne
  • 1384 : Mobilisation en Bohême contre le roi Venceslas de Luxembourg, dit ’L’Ivrogne". Il fait appel à des troupes allemandes « pour maintenir ses sujets dans l’obéissance, et fait périr les mécontents sur la place publique » (George Sand, Zizka). Cette lutte présente une grande importance car elle annonce et prépare le soulèvement hussite.
  • 1385 : Victoire des confédérés suisses sur l’empereur à Sempach
  • 1385 : de nombreuses luttes éclatent en Aragon

Ces mouvements des années 1378-1385 auront des répercussions sur ceux qui suivront (c’est par exemple le cas de la révolte anglaise de 1381 sur les hussites). Signalons :

Aux 14e et 15e siècle eut lieu ce que l'on appelle la crise du Moyen-Âge espagnol[1]. L'absolutisme s'y renforce progressivement, de même que l'organisation populaire locale (Hermandad, Somaten), au détriment de la petite noblesse. Un peut citer notamment la Gran Guerra Irmandiña.

3 Évolutions

3.1 Progrès techniques

Bien que lents, des progrès techniques ont été accomplis durant le Moyen-Âge.

  • Le moulin hydraulique se répand dans l'Occident médiéval vers le 9e siècle.
  • Le moulin à vent apparaît en Grande-Bretagne vers 800 et se généralise en Europe vers le 12e siècle.
  • L'introduction de la jachère, puis l'assolement triennal permettent d'accroître la productivité de l'agriculture.
  • Les rendements s'améliorent à partir de 1000 grâce à la diffusion d'outils en fer et à l'essor de la charrue et du collier d'épaules.

3.2 Esclavage

Globalement, l'esclavage était déjà en déclin sous l'Empire Romain. Mais le recours à l'esclavage est plus ou moins intensif selon l'organisation économique de telle ou telle région. Vers le Nord (Îles britanniques, France, Germanie...) l'esclavage est virtuellement aboli vers les 8e et 9e siècles. Il est à la fois remplacé par le servage et quelques avancées techniques (chaque meule d'un moulin à eau peut moudre 150 kg de blé à l'heure ce qui correspond au travail de 40 esclaves[2]).

Mais le nombre d'esclaves augmente en tant que marchandises après le renouveau commercial, et particulièrement en Catalogne et en Italie entre les 13e et 15e siècles. Les grandes républiques maritimes de Gênes et de Venise sont les plus grands marchands d'esclaves à cette époque.

3.3 Culture

La culture ne va pas vraiment plus loin que la culture antique, qui est plus ou moins conservée selon les lieux et les époques.

Du 6e au 8e siècle, la péninsule ibérique (bibliothèque sévillane...) en est un sanctuaire.

Dans les îles britanniques, les monastères se développent fortement dès le 6e siècle et font eux-aussi œuvre de conservation.

Entre le 8e et le 9e siècle, la stabilité de l'Empire carolingien permet un certain renouveau culturel et attire des érudits de toute l'Europe.

La chute de l'Empire carolingien bloque à nouveau la circulation du savoir, qui est relancée avec la renaissance ottonienne du 10e siècle.

Les monastères auront une influence double sur la culture antique. Quasiment les seuls gardiens des écrits, ils lui feront traverser le temps, mais parfois des écrits antiques sont utilisés comme brouillons, jugés inutiles et le papier étant rare.

Les écoles monastiques sont concurrencées par les écoles épiscopales au 12e siècle, puis par les universités au 13e siècle.

Les sciences et la philosophie acquis de la part de la civilisation arabo-musulmane, ainsi que des auteurs grecs, viennent compléter les sept arts libéraux, sans les supprimer.

Dès le 12e siècle, la scolarisation des jeunes se développe dans les villes, à travers les universités (auparavant l'enseignement était réservé aux clercs).

4 Un âge obscur ?

Il y a certes une part objective de "recul social" avec la dégénérescence de l'Empire Romain et la généralisation en Europe de l'organisation féodale. Mais l'image que nous avons de "1000 ans de stagnation dans l'obscurantisme" est un produit de l'idéologie bourgeoise. Avec le mouvement de la Renaissance, la bourgeoisie a cherché à flétrir l'ère dont la classe dirigeante d'alors était issue, et s'identifiait à l'Antiquité. Les siècles féodaux ont alors été profondément caricaturés. C'est surtout le Haut Moyen-Âge qui est présenté comme un Âge sombre, sur la base il est vrai d'une historiographie de l'époque qui laisse à désirer.

Marx dénonçait d'ailleurs la tendance des bourgeois à se donner à bon compte une image de libérateurs en exagérant l'arriération médiévale, soulignant que « nos livres d'histoire [sont] imbus de préjugés bourgeois. Il est par trop commode d'être « libéral » aux dépens du moyen âge. »[3]

5 Notes et source

  1. https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_du_Moyen_Âge_espagnol
  2. Jean Gimpel, La révolution industrielle du Moyen Age, Paris, Seuil, 1975, p. 149-150.
  3. Karl Marx, Le Capital, Livre I, Chapitre XXVII