Différences entre les versions de « Ministérialisme »

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Le premier "socialiste" à intégrer un gouvernement fut [[Alexandre Millerand|Alexandre Millerand]] en 1899. Celui-ci fut débauché parmi le mouvement ouvrier par Waldeck-Rousseau pour servir de caution. C'était une trahison, mais Millerand faisait partie des "socialistes indépendants", un courant diffus qui ne tranchait pas vraiment entre un idéal de [[Jacobinisme|jacobinisme]] bourgeois et un socialisme verbal. L'[[Internationale Ouvrière|Internationale]] désapprouva clairement, de [[Jules Guesde|Jules Guesde]] à [[Rosa Luxemburg|Rosa Luxemburg]], mais Millerand était un [[Opportuniste|opportuniste]] et sa carrière n'était subordonnée à aucun [[Centralisme démocratique|centralisme]] de parti. Au sein de ce gouvernement, il se retrouvait aux côtés par exemple d'un ministre de la Guerre qui n'était nul autre que le général Galliffet, massacreur de la [[Commune de Paris (1871)|Commune]]... Après cela, Millerand évolua très rapidement vers la droite et fit une longue carrière bourgeoise&nbsp;: plusieurs ministères, président de la République...<br>
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La [[Deuxième Internationale|Deuxième Internationale]] condamna en 1904, lors de son Congrès, la participation à des gouvernements bourgeois. Il s'agissait de réagir au cas français avec Millerand. Mais ce n'était qu'une affirmation de principe par une direction centriste, dans une Internationale peu centralisée et dont les principales sections (France, Allemagne...) étaient gangrenées par l'[[opportunisme|opportunisme]]. Cela éclata en 1914 avec l'[[Union_sacrée_(1914)|Union sacrée]].
  
Après cela, bien d'autres prétendus socialistes participèrent à des gouvernements bourgeois. Pendant le Cartel des gauches en 1924, la SFIO&nbsp; réfrène son opportunisme déjà patent et n'entre pas au gouvernement avec les radicaux, de peur que cela profite aux communistes qui les auraient dénoncé immédiatement. En 1936, c'est le [[Front_populaire_(France)|Front populaire]]&nbsp;: la [[SFIO|SFIO]] entre au gouvernement avec les radicaux, soutenu de l'extérieur par les communistes ([[stalinisation|stalinisés]]). L'aile gauche de l'idéologie dominante est très fière de ce gouvernement Léon Blum, à qui elle attribue les grands acquis sociaux comme les congés payés, alors que Blum n'a fait ces concessions que pour [[Juin_1936_en_France|désamorcer la grève générale]]. Pendant la [[Seconde guerre mondiale|Seconde guerre mondiale]], certains des plus droitiers et opportunistes de la SFIO vont jusqu'à collaborer au [[gouvernement de Vichy|gouvernement de Vichy]].
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Le premier "socialiste" à intégrer un gouvernement fut [[Alexandre Millerand|Alexandre Millerand]] en 1899. Celui-ci fut débauché parmi le mouvement ouvrier par Waldeck-Rousseau pour servir de caution. C'était une trahison, mais Millerand faisait partie des "socialistes indépendants", un courant diffus qui ne tranchait pas vraiment entre un idéal de [[Jacobinisme|jacobinisme]] bourgeois et un socialisme verbal. L'[[Internationale Ouvrière|Internationale]] désapprouva, de [[Jules Guesde|Jules Guesde]] à [[Rosa Luxemburg|Rosa Luxemburg]], mais Millerand était un [[Opportuniste|opportuniste]] et sa carrière n'était subordonnée à aucun [[Centralisme démocratique|centralisme]] de parti. Au sein de ce gouvernement, il se retrouvait aux côtés par exemple d'un ministre de la Guerre qui n'était nul autre que le général Galliffet, massacreur de la [[Commune de Paris (1871)|Commune]]... Après cela, Millerand évolua très rapidement vers la droite et fit une longue carrière bourgeoise&nbsp;: plusieurs ministères, président de la République... Le groupe socialiste à la chambre des députés le désavoue, puis l'exclut en 1904. En 1906, deux ministres "socialistes" entrent au gouvernement Georges Clémenceau (et feront eux aussi une longue carrière) : [[René Viviani|René Viviani]], qui quitte la [[SFIO|SFIO]] pour un poste de Ministre du travail, et [[Aristide Briand|Aristide Briand]], qui avait quitté le [[Parti socialiste français|PSF]] en 1904 (et défendait la [[grève générale|grève générale]] quelques années auparavant) et se retrouve Ministre de l'Instruction publique. Un gouvernement qui entre autre réprimera la grève des carriers de&nbsp;1908...<br>
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Mais ce n'était plus qu'un "principe" qui retenait les dirigeants de la SFIO de collaborer avec la bourgeoisie, pas une théorie et une pratique révolutionnaire vivante. Cela ne pouvait tenir, et cela éclata, de façon aussi spectaculaire que pour l'ensemble de l'[[Internationale ouvrière|Internationale ouvrière]]. Le 26 août 1914, trois dirigeants socialistes entrent au gouvernement d'[[Union_sacrée_(1914)|Union sacrée]] : Jules Guesde, Macel Sembat (ex blanquiste), Albert Thomas. La justification sera le chauvinisme.
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Après cela, bien d'autres prétendus socialistes participèrent à des gouvernements bourgeois. Pendant le Cartel des gauches en 1924, la SFIO&nbsp; réfrène son opportunisme déjà patent et n'entre pas au gouvernement avec les radicaux, de peur que cela profite aux communistes qui les auraient dénoncé immédiatement. En 1936, c'est le [[Front populaire (France)|Front populaire]]&nbsp;: la [[SFIO|SFIO]] entre au gouvernement avec les radicaux, soutenu de l'extérieur par les communistes ([[Stalinisation|stalinisés]]). L'aile gauche de l'idéologie dominante est très fière de ce gouvernement Léon Blum, à qui elle attribue les grands acquis sociaux comme les congés payés, alors que Blum n'a fait ces concessions que pour [[Juin 1936 en France|désamorcer la grève générale]]. Pendant la [[Seconde guerre mondiale|Seconde guerre mondiale]], certains des plus droitiers et opportunistes de la SFIO vont jusqu'à collaborer au [[Gouvernement de Vichy|gouvernement de Vichy]].  
  
 
A la Libération en 1944, SFIO et PCF sont dans le gouvernement provisoire de De Gaulle, et y sont très influents. Dès lors, ces partis iront autant qu'ils pourront dans les institutions bourgeoises. Aujourd'hui, ces partis vantent les "acquis sociaux de la Libération", mais à la vérité, vu leur poids et leur discours marxiste d'alors, ce n'est rien d'autre qu'une énorme trahison, un sauvetage politique de l'Etat bourgeois. Maurice Thorez, dirigeant du PCF, fut ministre d'Etat en 1945, le gouvernement Léon Blum (3), qui envoya les troupes en Indochine, était entièrement composé de socialistes. Le PCF, auréolé par l'engagement de nombre de ses militants dans la [[Résistance française|Résistance]], est même le premier parti de France aux législatives de 1945 et à celles de novembre 1946.  
 
A la Libération en 1944, SFIO et PCF sont dans le gouvernement provisoire de De Gaulle, et y sont très influents. Dès lors, ces partis iront autant qu'ils pourront dans les institutions bourgeoises. Aujourd'hui, ces partis vantent les "acquis sociaux de la Libération", mais à la vérité, vu leur poids et leur discours marxiste d'alors, ce n'est rien d'autre qu'une énorme trahison, un sauvetage politique de l'Etat bourgeois. Maurice Thorez, dirigeant du PCF, fut ministre d'Etat en 1945, le gouvernement Léon Blum (3), qui envoya les troupes en Indochine, était entièrement composé de socialistes. Le PCF, auréolé par l'engagement de nombre de ses militants dans la [[Résistance française|Résistance]], est même le premier parti de France aux législatives de 1945 et à celles de novembre 1946.  

Version du 14 mai 2012 à 13:50

Ministérialisme est un terme qui a été utilisé par le mouvement socialiste et communiste pour désigner le fait de participer ou de prôner la participation de socialistes à un gouvernement bourgeois.

1 Position des communistes révolutionnaires

La question de la participation de socialistes à un gouvernement bourgeois a soulevé énormément de polémiques, notamment lorsque qu'Alexandre Millerand entra en 1899 au gouvernement de Waldeck-Rousseau.

Il y avait déjà eu auparavant des socialistes élus à des parlements bourgeois dans la deuxième moitié du XIXème siècle, et la question du "parlementarisme" a elle aussi beaucoup dividé. Elle a notamment été un des points qui a conduit à la scission anarchistes / socialistes. En soi, nous sommes pour la participation aux parlements pour faire de l'agitation, à condition que le parti contrôle les députés et maintienne le cap sur la révolution socialiste.

Partant de là, certains ont prétendu que ça ne posait pas plus de problème de participer à un gouvernement bourgeois. Il y a pourtant une différence fondamentale : le gouvernement a directement la responsabilité de la politique menée, alors que les députés représentent leur parti. Les ministres sont liés à une orientation politique donnée, et tant que le capitalisme reste en vigueur, cette politique ne peut être qu'au service de la classe dominante.

Jean Jaurès défendit Millerand et le ministérialisme en général, en particulier dans un débat avec Jules Guesde, connu sous le nom des "deux méthodes"[1]. Voici ses arguments et ce que les communistes révolutionnaires en pensent :

Jaurès dit : Nous disons :
La participation à un gouvernement bourgeois n'est qu'une question de tactique, sans contradiction avec la lutte des classes. Au contraire, à partir du moment où l'on admet qu'un gouvernement bourgeois ne peut mener qu'une politique pro-capitaliste, les socialistes doivent avoir pour principe intangible de ne cautionner aucun d'entre eux
Refuser d'aller au gouvernement, c'est du même ordre que refuser le parlementarisme Non, parce qu'un député agit en fonction de son parti (il n'est pas obligé de voter les lois nuisant aux travailleurs). Un gouvernement est collectivement responsable, et d'ailleurs si le ministre "socialiste" est accepté par ce gouvernement, c'est qu'il donne des gages de soumission...
Des socialistes étaient bien maires, donc dans un des rouages de l'Etat bourgeois Comme les parlementaires, les maires doivent être contrôlés démocratiquement par le parti.
Millerand au gouvernement, c'était la puissance du mouvement ouvrier qui pénétrait l'Etat bourgeois Guesde avait raison de répondre : "ce n 'est pas la conquête des pouvoirs publics par le socialisme, c'est la conquête d'un socialiste et de ses suivants par les pouvoirs publics de la bourgeoisie"
Il faut soutenir les républicains contre les réactionnaires (nationalistes, royalistes, bonapartistes...) La réaction progresse en même temps que le mouvement ouvrier. Il ne faut pas reculer en s'en remettant aux bourgeois, mais par les armes des travailleurs (la grève et l'auto-organisation). Pas d'alliances électorales, et encore moins de participation à un gouvernement bourgeois !


2 Historique

2.1 Position des Internationales

La Deuxième Internationale condamna en 1904, lors de son Congrès, la participation à des gouvernements bourgeois. Il s'agissait de réagir au cas français avec Millerand. Mais ce n'était qu'une affirmation de principe par une direction centriste, dans une Internationale peu centralisée et dont les principales sections (France, Allemagne...) étaient gangrenées par l'opportunisme. Cela éclata en 1914 avec l'Union sacrée.

2.2 France

Le premier "socialiste" à intégrer un gouvernement fut Alexandre Millerand en 1899. Celui-ci fut débauché parmi le mouvement ouvrier par Waldeck-Rousseau pour servir de caution. C'était une trahison, mais Millerand faisait partie des "socialistes indépendants", un courant diffus qui ne tranchait pas vraiment entre un idéal de jacobinisme bourgeois et un socialisme verbal. L'Internationale désapprouva, de Jules Guesde à Rosa Luxemburg, mais Millerand était un opportuniste et sa carrière n'était subordonnée à aucun centralisme de parti. Au sein de ce gouvernement, il se retrouvait aux côtés par exemple d'un ministre de la Guerre qui n'était nul autre que le général Galliffet, massacreur de la Commune... Après cela, Millerand évolua très rapidement vers la droite et fit une longue carrière bourgeoise : plusieurs ministères, président de la République... Le groupe socialiste à la chambre des députés le désavoue, puis l'exclut en 1904. En 1906, deux ministres "socialistes" entrent au gouvernement Georges Clémenceau (et feront eux aussi une longue carrière) : René Viviani, qui quitte la SFIO pour un poste de Ministre du travail, et Aristide Briand, qui avait quitté le PSF en 1904 (et défendait la grève générale quelques années auparavant) et se retrouve Ministre de l'Instruction publique. Un gouvernement qui entre autre réprimera la grève des carriers de 1908...

Mais ce n'était plus qu'un "principe" qui retenait les dirigeants de la SFIO de collaborer avec la bourgeoisie, pas une théorie et une pratique révolutionnaire vivante. Cela ne pouvait tenir, et cela éclata, de façon aussi spectaculaire que pour l'ensemble de l'Internationale ouvrière. Le 26 août 1914, trois dirigeants socialistes entrent au gouvernement d'Union sacrée : Jules Guesde, Macel Sembat (ex blanquiste), Albert Thomas. La justification sera le chauvinisme.

Après cela, bien d'autres prétendus socialistes participèrent à des gouvernements bourgeois. Pendant le Cartel des gauches en 1924, la SFIO  réfrène son opportunisme déjà patent et n'entre pas au gouvernement avec les radicaux, de peur que cela profite aux communistes qui les auraient dénoncé immédiatement. En 1936, c'est le Front populaire : la SFIO entre au gouvernement avec les radicaux, soutenu de l'extérieur par les communistes (stalinisés). L'aile gauche de l'idéologie dominante est très fière de ce gouvernement Léon Blum, à qui elle attribue les grands acquis sociaux comme les congés payés, alors que Blum n'a fait ces concessions que pour désamorcer la grève générale. Pendant la Seconde guerre mondiale, certains des plus droitiers et opportunistes de la SFIO vont jusqu'à collaborer au gouvernement de Vichy.

A la Libération en 1944, SFIO et PCF sont dans le gouvernement provisoire de De Gaulle, et y sont très influents. Dès lors, ces partis iront autant qu'ils pourront dans les institutions bourgeoises. Aujourd'hui, ces partis vantent les "acquis sociaux de la Libération", mais à la vérité, vu leur poids et leur discours marxiste d'alors, ce n'est rien d'autre qu'une énorme trahison, un sauvetage politique de l'Etat bourgeois. Maurice Thorez, dirigeant du PCF, fut ministre d'Etat en 1945, le gouvernement Léon Blum (3), qui envoya les troupes en Indochine, était entièrement composé de socialistes. Le PCF, auréolé par l'engagement de nombre de ses militants dans la Résistance, est même le premier parti de France aux législatives de 1945 et à celles de novembre 1946.

3 Notes et sources