Matérialisme dialectique

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Le matérialisme dialectique est la conception marxiste du matérialisme. Il romp notamment avec le matérialisme mécaniste, et permet de mieux comprendre l'histoire et ses potentialités avec son corrolaire, le matérialisme historique.

1 Les conceptions matérialistes de Marx et Engels

1.1 En opposition à l'idéalisme

Le matérialisme de Marx s'est forgé au contact de la philosophie de Feuerbach. Ce dernier était considéré par Marx comme un penseur important par la rupture qu'il introduit par rapport à l'idéalisme hégélien. Marx peut ainsi écrire :

« Pour Hegel, le mouvement de la pensée, qu'il personnifie sous le nom de l'idée, est le démiurge [c'est-à-dire le créateur] de la réalité. [...] Pour moi, au contraire, le mouvement de la pensée n'est que le reflet du mouvement réel, transporté ettransposé dans le cerveau de l'homme. » [1]

En parfait accord avec cette philosophie matérialiste de Marx, F. Engels, en l'exposant dans l'Anti-Dühring (dont Marx avait lu le manuscrit), écrivait :

« L'unité du monde ne consiste pas en son Etre... L'unité réelle du monde consiste en sa matérialité, et celle-ci se prouve... par un long et laborieux développement de la philosophie et de la science de la nature... Le mouvement est le mode d'existence de la matière. Jamais, et nulle part, il n'y a eu de matière sans mouvement, et il ne peut y en avoir... Mais si l'on demande ensuite ce que sont la pensée et la conscience et d'où elles viennent, on trouve qu'elles sont des produits du cerveau humain et que l'homme est lui-même un produit de la nature, qui s'est développé dans et avec son milieu ; d'où il résulte naturellement que les productions du cerveau humain, qui en dernière analyse sont aussi des produits de la nature, ne sont pas en contradiction, mais en conformité avec l'ensemble de la nature. »
« Hegel était idéaliste, ce qui veut dire qu'au lieu de considérer les idées de son esprit comme les reflets[2] plus ou moins abstraits des choses et des processus réels, il considérait à l'inverse les objets et leur développement comme de simples copies réalisées de l'« Idée » existant on ne sait où dès avant le monde. »

Dans son Ludwig Feuerbach, livre où il expose ses propres idées et celles de Marx sur la philosophie de Feuerbach, et qu'il n'envoya à l'impression qu'après avoir relu encore une fois le vieux manuscrit de 1844-1845 écrit en collaboration avec Marx sur Hegel, Feuerbach et la conception matérialiste de l'histoire, Engels écrit :

« La grande question fondamentale de toute philosophie, et spécialement de la philosophie moderne, est celle ... du rapport de la pensée à l'être, de l'esprit à la nature... la question de savoir quel est l'élément primordial, l'esprit ou la nature... Selon qu'ils répondaient de telle ou telle façon à cette question, les philosophes se divisaient en deux grands camps. Ceux qui affirmaient le caractère primordial de l'esprit par rapport à la nature, et qui admettaient, par conséquent, en dernière instance,une création du monde de quelque espèce que ce fût... formaient le camp de l'idéalisme. Les autres, qui considéraient la nature comme l'élément primordial, appartenaient aux différentes écoles du matérialisme. »

Marx repoussait catégoriquement non seulement l'idéalisme, toujours lié d'une façon ou d'une autre à la religion, mais aussi le point de vue, particulièrement répandu de nos jours, de Hume et de Kant, l'agnosticisme, le criticisme, le positivisme sous leurs différents aspects, considérant ce genre de philosophie comme une concession « réactionnaire » à l'idéalisme et, dans le meilleur des cas, comme « une façon honteuse d'accepter le matérialisme en cachette, tout en le reniant publiquement ».

Voyez à ce propos, outre les ouvrages d'Engels et de Marx que nous venons de citer, la lettre de Marx à Engels en date du 12 décembre 1868, où il parle d'une intervention du célèbre naturaliste T. Huxley. Constatant que ce dernier s'est montré « plus matérialiste » que d'ordinaire et a reconnu que, tant que « nous observons et pensons réellement, nous ne pouvons jamais sortir du matérialisme », Marx lui reproche d'avoir « ouvert une porte dérobée » à l'agnosticisme et à la théorie de Hume.

1.2 En opposition au matérialisme mécaniste

Selon Marx et Engels, le défaut essentiel de l'« ancien » matérialisme, y compris celui de Feuerbach (et à plus forte raison du matérialisme «vulgaire» de Büchner-Vogt-Moleschott), tenait au fait que :

  1. ce matérialisme était «essentiellement mécaniste» et ne tenait pas compte du développement moderne de la chimie et de la biologie (de nos jours, il conviendrait d'ajouter encore : de la théorie électrique de la matière) ;
  2. l'ancien matérialisme n'était ni historique ni dialectique (mais métaphysique dans le sens d'antidialectique) et n'appliquait pas le point de vue de l'évolution d'une façon systématique et généralisée ;
  3. il concevait l'« être humain » comme une abstraction et non comme « l'ensemble de tous les rapports sociaux » (concrètement déterminés par l'histoire), et ne faisait par conséquent qu'« interpréter » le monde alors qu'il s'agissait de le «transformer», c'est-à-dire qu'il ne saisissait pas la portée de l'« activité pratique révolutionnaire ».

1.3 Sur le déterminisme

Il importe surtout de retenir l'opinion de Marx sur le rapport entre la liberté et la nécessité. « La nécessité n'est aveugle que dans la mesure où elle n'est pas comprise... La liberté est l'intellection de la nécessité » (F. Engels dans l'Anti-Dühring) ; autrement dit, elle consiste à reconnaître l'existence de lois objectives de la nature et la transformation dialectique de la nécessité en liberté (de même que la transformation de la « chose en soi », non connue, mais connaissable, en une « chose pour nous », de l'« essence des choses » en « phénomènes »).

2 Articles connexes

Matérialisme
Matérialisme antique
Matérialisme mécaniste
Matérialisme historique

3 Notes et sources

  1. Karl Marx, Le Capital, livre 1, postface de la deuxième édition.
  2. dans l'original : Abbilder, parfois Engels parle de « reproduction »