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Le '''matérialisme dialectique''' est la conception du [[Matérialisme|matérialisme]] initiée par Karl Marx. Il rompt notamment avec le [[Matérialisme_mécaniste|matérialisme mécaniste]], en y intégrant la pensée [[Dialectique|dialectique]].
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Le '''matérialisme dialectique''' est la conception [[Marxisme|marxiste]] du [[Matérialisme|matérialisme]]. Il rompt notamment avec le [[Matérialisme_mécaniste|matérialisme mécaniste]], en y intégrant la pensée [[Dialectique|dialectique]]. Il permet de mieux comprendre l'histoire et ses potentialités avec son corrolaire, le [[Matérialisme_historique|matérialisme historique]].
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Cette mise en jeu en une seule unité de ses deux termes antagonistes de matérialisme et de dialectique permet de mettre en avant un matérialisme ayant su assimiler et intégrer les enseignements de Hegel selon lesquels « ''la nature procède dialectiquement'' » :
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Ses deux termes antagonistes en une seule unité permet de mettre en avant un matérialisme ayant su assimiler et intégrer les enseignements de Hegel selon lesquels « ''la nature procède dialectiquement'' » :
   
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«&nbsp;les ''choses'' elles-mêmes ne sont pas immobiles, elles se développent selon un processus analogue à celui dont Hegel avait fait la loi de la pensée, c'est-à-dire par opposition (''thèse'' et ''antithèse'') qui se trouve dépassées, et résolue en une ''synthèse'' supérieure. Là où Hegel voyait une dialectique de l'idée, le matérialisme dialectique voit «&nbsp;le reflet dans la conscience, du mouvement dialectique du monde réel&nbsp;». Un tel matérialisme ne peut plus se définir, selon la formule d'Aug. Comte, comme la doctrine «&nbsp;qui explique le supérieur par l'inférieur&nbsp;». Ici, en effet, chaque ordre de réalité constitue une synthèse, en quelque mesure, nouvelle, bien qu'en dernière analyse elle se trouve conditionné par ce qui la précède&nbsp;: de même que la vie est quelque chose de relativement nouveau par rapport aux phénomènes physico-chimiques qui la conditionnent, la conscience, tout en dépendant de conditions physiologiques et ''aussi, d'ailleurs, sociales'' (cf. ci-dessus p.370), «&nbsp;amène un stade nouveau de développement, celui où l'homme transforme le monde à son usage, où le monde s'humanise et se rationalise&nbsp;»<ref>René Maublanc, ''Hegel et Marx'', dans recueil ''À la lumière du marxisme'', p.222-226</ref>. La pensée n'est plus un ''épiphénomène'' puisqu'elle réagit sur ses propres conditions&nbsp;» <ref>[[Armand Cuvillier|Cuvillier, A]] (1947). ''Manuel de philosophe'' (p604-605). Tome II. Armand Colin.</ref>.
 
«&nbsp;les ''choses'' elles-mêmes ne sont pas immobiles, elles se développent selon un processus analogue à celui dont Hegel avait fait la loi de la pensée, c'est-à-dire par opposition (''thèse'' et ''antithèse'') qui se trouve dépassées, et résolue en une ''synthèse'' supérieure. Là où Hegel voyait une dialectique de l'idée, le matérialisme dialectique voit «&nbsp;le reflet dans la conscience, du mouvement dialectique du monde réel&nbsp;». Un tel matérialisme ne peut plus se définir, selon la formule d'Aug. Comte, comme la doctrine «&nbsp;qui explique le supérieur par l'inférieur&nbsp;». Ici, en effet, chaque ordre de réalité constitue une synthèse, en quelque mesure, nouvelle, bien qu'en dernière analyse elle se trouve conditionné par ce qui la précède&nbsp;: de même que la vie est quelque chose de relativement nouveau par rapport aux phénomènes physico-chimiques qui la conditionnent, la conscience, tout en dépendant de conditions physiologiques et ''aussi, d'ailleurs, sociales'' (cf. ci-dessus p.370), «&nbsp;amène un stade nouveau de développement, celui où l'homme transforme le monde à son usage, où le monde s'humanise et se rationalise&nbsp;»<ref>René Maublanc, ''Hegel et Marx'', dans recueil ''À la lumière du marxisme'', p.222-226</ref>. La pensée n'est plus un ''épiphénomène'' puisqu'elle réagit sur ses propres conditions&nbsp;» <ref>[[Armand Cuvillier|Cuvillier, A]] (1947). ''Manuel de philosophe'' (p604-605). Tome II. Armand Colin.</ref>.
 
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Il permet de mieux comprendre l'histoire et de ses potentialités avec son corolaire, le [[Matérialisme_historique|matérialisme historique]]. Si le matérialisme dialectique est défini comme « marxiste », il a été vivement discuté, caricaturé ou rejeté par la majorité des marxistes du XX au XXI comme le montre la [[Bibliographie sur le matérialisme dialectique]].
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==Origine de l'expression, sa négation et négation de sa négation==
 
==Origine de l'expression, sa négation et négation de sa négation==
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==Les conceptions matérialistes dialectiques de Marx et Engels==
 
==Les conceptions matérialistes dialectiques de Marx et Engels==
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=== Opposition dans/entre l'idéalisme et le matérialisme ===
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===Opposition dans/entre l'idéalisme et le matérialisme===
    
====Les contradictions antagonistes avec l'idéalisme : « dialectique idéaliste >< dialectique matérialiste »====
 
====Les contradictions antagonistes avec l'idéalisme : « dialectique idéaliste >< dialectique matérialiste »====
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#il concevait l'«&nbsp;être humain&nbsp;» comme une abstraction et non comme «&nbsp;l'ensemble de tous les rapports sociaux&nbsp;» (concrètement déterminés par l'histoire), et ne faisait par conséquent qu'«&nbsp;interpréter&nbsp;» le monde alors qu'il s'agissait de le «&nbsp;transformer&nbsp;», c'est-à-dire qu'il ne saisissait pas la portée de l'activité pratique révolutionnaire.
 
#il concevait l'«&nbsp;être humain&nbsp;» comme une abstraction et non comme «&nbsp;l'ensemble de tous les rapports sociaux&nbsp;» (concrètement déterminés par l'histoire), et ne faisait par conséquent qu'«&nbsp;interpréter&nbsp;» le monde alors qu'il s'agissait de le «&nbsp;transformer&nbsp;», c'est-à-dire qu'il ne saisissait pas la portée de l'activité pratique révolutionnaire.
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=== Un nouveau paradigme progressiste ===
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===Un nouveau paradigme progressiste===
 
Tout comme le [[Matérialisme_mécaniste|matérialisme]] (plus ou moins mécaniste) accompagnait l'ascension de la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]], le matérialisme dialectique représente le paradigme en phase avec la société socialiste. A ce titre, il connaît encore des reculs, tant face au matérialisme mécaniste que face aux [[Idéalisme|idéalismes]] portés par certains secteurs [[Réactionnaires|réactionnaires]].
 
Tout comme le [[Matérialisme_mécaniste|matérialisme]] (plus ou moins mécaniste) accompagnait l'ascension de la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]], le matérialisme dialectique représente le paradigme en phase avec la société socialiste. A ce titre, il connaît encore des reculs, tant face au matérialisme mécaniste que face aux [[Idéalisme|idéalismes]] portés par certains secteurs [[Réactionnaires|réactionnaires]].
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====Dépassant la contradiction matérialisme / idéalisme ====
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====Dépassant la contradiction matérialisme / idéalisme====
    
Le matérialisme dialectique est à la fois un rejet de l'idéalisme, qui considère la conscience des hommes comme étant indépendante de toute forme matérielle concrète et supérieure à cette dernière, et un rejet du matérialisme vulgaire ou contemplatif qui ne considère que l'importance du concret, du réel, au détriment des idées.
 
Le matérialisme dialectique est à la fois un rejet de l'idéalisme, qui considère la conscience des hommes comme étant indépendante de toute forme matérielle concrète et supérieure à cette dernière, et un rejet du matérialisme vulgaire ou contemplatif qui ne considère que l'importance du concret, du réel, au détriment des idées.
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===Négation de la dialectique au XX===
 
===Négation de la dialectique au XX===
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Après 1945, à la suite de la caricature du matérialisme dialectique (le ''diamat'') et l'affaire Lyssenko, cette dialectique dogmatique est fortement et diversement critiquée par les philosophes ([[Jean-Paul_Sartre|Jean-Paul Sartre]]) et les scientifiques (Jacques Monod, Guillaume Lecointre<ref>[[Guillaume Lecointre]], Préface de l'[http://www.editionskime.fr/histoire-des-philosophies-materialistes/ ''Histoire des philosophies matérialistes'' de Pascal Charbonnat, éd Syllepse 2007 (Kimé, 2013)]</ref>).
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Après 1945, à la suite de la caricature du matérialisme dialectique (le ''diamat'') et de l'affaire Lyssenko, cette dialectique dogmatique est fortement et diversement critiquée par les philosophes (dont dialecticiens comme [[Jean-Paul_Sartre|Jean-Paul Sartre]]) et les scientifiques (anti-dialectiques comme Jacques Monod, Guillaume Lecointre<ref>[[Guillaume Lecointre]], Préface de l'[http://www.editionskime.fr/histoire-des-philosophies-materialistes/ ''Histoire des philosophies matérialistes'' de Pascal Charbonnat, éd Syllepse 2007 (Kimé, 2013)]</ref>).
    
Dans la période de la guerre froide générant une crise philosophique, il y a une difficulté à reconnaître la dialectique comme un processus réel existant en dehors de l'idée pure et de l'action humaine pure. La dialectique est dans ce cas perçue comme une simple logique qui n'existe pas dans la nature. Dans ces visions, la dialectique est un produit de la pensée pure.
 
Dans la période de la guerre froide générant une crise philosophique, il y a une difficulté à reconnaître la dialectique comme un processus réel existant en dehors de l'idée pure et de l'action humaine pure. La dialectique est dans ce cas perçue comme une simple logique qui n'existe pas dans la nature. Dans ces visions, la dialectique est un produit de la pensée pure.
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Ce blocage intellectuel était encore aggravé par la méconnaissance profonde des écrits d’Engels dans laquelle se complait l’Université philosophante.&nbsp;»
 
Ce blocage intellectuel était encore aggravé par la méconnaissance profonde des écrits d’Engels dans laquelle se complait l’Université philosophante.&nbsp;»
 
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Cependant au XX, quelques scientifiques comme [[Georges_Politzer|Georges Politzer]], [[Lev_Vigotsky|Lev Vigotsky]], [[Paul_Langevin|Paul Langevin]], [[Henri_Wallon|Henri Wallon]], [[J.B.S._Haldane|J.B.S. Haldane]], [[Stephan_Jay_Gould|Stephan Jay Gould]], [[Alexandre_Zinoviev|Alexandre Zinoviev]], [[Richard_Lewontin|Richard Lewontin]], [[William_Lawvere|William Lawvere]] reconnaissent ouvertement la dialectique dans l'objet de leurs études. Ils usent de démarche dialectique. Au XX, des ouvrages remettent en avant la dialectique dans les sciences comme ceux de&nbsp;: [[Bertell_Ollman|Bertell Ollman]], [[Patrick_Tort|Patrick Tort]], Pascal Charbonnat, [[Évariste_Sanchez-Palencia|Évariste Sanchez-Palencia]], [[Lucien_Sève|Lucien Sève]], [[Georges_Gastaud|Georges Gastaud]].
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Or, chez Engels, les principes philosophiques, dialectiques matérialistes <blockquote>« ne sont pas le point de départ de la recherche mais son résultat final; ils ne sont pas appliqués à la nature et à l'histoire des hommes mais abstraits de celle-ci; ce ne sont pas la nature et l'empire de l'homme qui se conforment aux principes, mais les principes ne sont exacts que dans la mesure où ils sont conformes à la nature et à l'histoire. »<ref>Engels, F., trad. Émile Bottigelli ''(1971). Anti-Dühring'' (p.66). Éd. sociales.</ref></blockquote>Cependant au XX, quelques scientifiques comme [[Georges_Politzer|Georges Politzer]], [[Lev_Vigotsky|Lev Vigotsky]], [[Paul_Langevin|Paul Langevin]], [[Henri_Wallon|Henri Wallon]], [[J.B.S._Haldane|J.B.S. Haldane]], [[Stephan_Jay_Gould|Stephan Jay Gould]], [[Alexandre_Zinoviev|Alexandre Zinoviev]], [[Richard_Lewontin|Richard Lewontin]], [[William_Lawvere|William Lawvere]] reconnaissent ouvertement la dialectique dans l'objet de leurs études. Ils usent de démarche dialectique. Au XXI, des ouvrages remettent en avant la dialectique dans les sciences comme ceux de&nbsp;: [[Bertell_Ollman|Bertell Ollman]], [[Patrick_Tort|Patrick Tort]], Pascal Charbonnat, [[Évariste_Sanchez-Palencia|Évariste Sanchez-Palencia]], [[Lucien_Sève|Lucien Sève]], [[Georges_Gastaud|Georges Gastaud]].
    
===Négation de la négation au XXI===
 
===Négation de la négation au XXI===
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====La dialectique chinoise====
 
====La dialectique chinoise====
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Si depuis le XX, les chercheurs rejettent la dialectique, en Chine, on met en lumière la dialectique de/dans la nature depuis des siècles. On l'associe au réel. Le sinologue [[François_Jullien|François Jullien]] montre qu'Hegel a eu tort de voir dans la dialectique chinoise un processus vide parce qu'elle s'exprime en dehors de la logique<ref>Jullien, F. (2012). ''Figures de l'immanence : Pour une lecture philosophique du Yi king, le Classique du changement''. Point.</ref>. Les regards et les actions (moment-position; ''shi wei'') <ref>Yves Richez (2017). ''[https://iste-editions.fr/products/detection-et-developpement-des-talents-en-entreprise Détection et développement des talents en entreprise]'' (p.84). éditions ISTE</ref><ref>Karl Marx use ainsi l' « action » dans le sens de « ''procès'' » dans son livre [[Le Capital]]. Le pédagogue [[John Dewey]] par sa connaissance d'Hegel de la même manière le terme « action » dans le sens de « ''procès'' ». Dewey est un des rares pragmatiques dialecticiens.</ref> associés au réel sont culturellement matérialistes<ref>Le matérialisme chinois est un [[matérialisme]] organique. Yves Richez ''(ISTE, 2017)''</ref> avec des représentations immanentes, fractales, changeantes et athées du monde. En effet selon le sémiologue et anthropologue Yves Richez&nbsp;:
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Si depuis le XX, les chercheurs rejettent la dialectique, en Chine, on met en lumière la dialectique de/dans la nature depuis des siècles. On l'associe au réel. Le sinologue [[François_Jullien|François Jullien]] montre qu'Hegel a eu tort de voir dans la dialectique chinoise un processus vide parce qu'elle s'exprime en dehors de la logique<ref>Jullien, F. (2012). ''Figures de l'immanence : Pour une lecture philosophique du Yi king, le Classique du changement''. Point.</ref>. Les regards et les actions (moment-position; ''shi wei'') <ref>Yves Richez (2017). ''[https://iste-editions.fr/products/detection-et-developpement-des-talents-en-entreprise Détection et développement des talents en entreprise]'' (p.84). éditions ISTE</ref><ref>Karl Marx use ainsi l' « action » dans le sens de « ''procès'' » dans son livre [[Le Capital]]. Le pédagogue [[John Dewey]] par sa connaissance d'Hegel de la même manière le terme « action » dans le sens de « ''procès'' ». Dewey est un des rares pragmatiques dialecticiens.</ref> associés au réel sont culturellement matérialistes avec des représentations immanentes, fractales, changeantes et athées du monde.
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«&nbsp;la pensée chinoise développe elle aussi une pensée dite ''astraite'', mais le principe s'oriente pricipalement sur le «&nbsp;procès des choses&nbsp;»<ref>Yves Richez, ISTE, p.49</ref>.
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En effet, le biochimiste marxiste et sinologue des sciences [[Joseph Needham]] montre en premier lieu :<blockquote>« de façon détaillée que la 'philosophie perennis' de la chine est un 'matériialisme organique' : cela peut être mis en lumière par les déclarations des philosophes et des penseurs scientifiques de chaque période. La pensée chinoise n'a jamais développée de vision mécaniste du monde, ... »<ref>Needham, J. (1973). ''La science chinoise et l'Occident'' '''(p.14)'''. Points (Sciences). (imp. de 2019)</ref></blockquote>D'autre part, « la pensée et la pratique mathématiques chinoises furent invariablement algébriques et non pas géométrique ». Elles ne sont donc pas abstraites mais pragmatiques/pratiques (id, p.15). Les nombres en Chine sont utilisés « comme matériaux de mesures quantitatives opérées ''a posteriori'' » et non « sous forme de « numérologie » ou de mysticisme du nombre construit ''a priori'' » (id, p.10) comme au Moyen-âge. Cette démarche apriori domine encore aujourd'hui en occident au XXI siècle essentiellement dans les domaines purement empiriques où le fait fait foi sous couvert de statistiques et de mesures aprioriques (diagnostique). Cette croyance libérale aux faits purs, objectivés et contrôlés (sans cadre théorique, ni sujet, ni histoire) émerge de l'Evidence-based qui peut être traduit par “démarches fondées sur les faits” (selon le point de vue des études de laboratoires contrôlées et randomisées hors sol, hors nature, hors terrain donc sans histoire) ou par “démarches fondées les données probantes” (selon le point de vue de l'étude bibliographique d'articles scientifiques dont les revues sont dirigées à plus de 60% par les pairs (peer) fidèles à l'Evidence-based au détriment de la Science-based, démarches dialectiques fondées sur la science). Dans les pratiques purement empiristes le Fait a substitué Dieu. Or,  « la pratique chinoise , n'[est] pas, comme on peut le croire à première vue, purement empirique » (id. p.15).  
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Les notion d'Être et d'intelligence n'existent pas. On parle de «&nbsp;mode opératoire&nbsp;»<ref>Chez [[Henri Wallon]] « on ne saurait distinguer l'intelligence de ses opérations » selon la formulation d' [[Émile Jalley]] pour résumer ''Principe de psychologie appliquée'' (1930). Yves Richez emploie le terme de « Mode Opératoire Naturel » (MoON). Il a mis à jour 10 MoON dont 20 composantes cœurs.</ref>. La perception des choses est donc spontanément [[Syncrétisme_(psychologie)|syncrétique]]<ref>Édouard Claparède découvre chez l'enfant une perception syncrétique ou globale des choses. L'enfant a cependant des difficultés à les abstraire soit à sortir des détails. Or, l'éducation chinoise qui actualise le « mode opératoire naturel » linguistique type figuratif ([https://iste-editions.fr/products/detection-et-developpement-des-talents-en-entreprise Yves Richez, ISTE, 2017]) sort l'enfant de ses « confusions syncrétiques » pour aller vers une généralisation/globalisation du réel. Le chinois développe ainsi ce qu'Henri Wallon nomme un « syncrétisme informelle » dans ''les origines de la pensée chez l'enfant'' p. 269.</ref>. Il n'y a pas besoin de méthode d'[[Abstraction|abstraction]] ou de passage de l'abstrait au concret. La pensée chinoise est «&nbsp;insipide&nbsp;» (''dan'') <ref>Yves Richez, ISTE, 2017, p.187 : « La notion d'insipidité au sens chinois renvoie au silence intérieur et à l'indifférence (sans avis arrêté, sans distinction ni préférence, détaché du matériel et honneurs mondains) »</ref>. Elle ne passe pas par des procédures logiques. Chez les asiatiques, le langage syllabaire et idéographique<ref>Ce langage syllabaire et idéographique concrétise la composante figuratif du « mode opératoire naturel » linguistique chez Yvez Richez, ISTE, 2017.</ref> concrétisent directement la dialectique de/dans la nature dans ses représentations. La dialectique des choses est ainsi retranscrite dans les idéogrammes au quotidien; et dans les figures immanentes très symbolisés comme le Ying et le Yang, ou les figures du Yi-King<ref>Jullien, F. (2012). ''Figures de l'immanence : Pour une lecture philosophique du Yi king, le Classique du changement''. Point.</ref>. Junji Itō exploite dans son manga Spirale le mouvement dialectique d'une société capitaliste dans toute sa [[Contradiction|contradiction]]<ref>Postface de Masaru Satō in Junji Itō, ''Spirale'' (2011). Tonkam.</ref>. La spirale est une des formes de la dialectique. Elle a été aussi mise en avant par Hegel.
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En effet,  pour citer le sémiologue entrepreneur et anthropologue Yves Richez :<blockquote>«&nbsp;la pensée chinoise développe elle aussi une pensée dite ''abstraite'', mais le principe s'oriente principalement sur le «&nbsp;procès des choses&nbsp;»<ref>Yves Richez, ISTE, p.49</ref>.</blockquote>On est donc sur le principe du [[Devenir (principe)|devenir]], rejeté par les empiristes, mais cher aux utopistes où « les utopies sont comme des enveloppes de brume sous lesquelles s'avancent des idées neuves et réalisables » (Ruyer)<ref>Cuviller, A (1990). ''Vocabulaire philosophique'' (p.241). Le livre de Poche (réimp de 1956).</ref>. Si en Chine, l'écriture est née du besoin administratif et donc limitant ainsi l'innovation à cause d'un enseignement figuratif par imitation pure, cela n'empêche pas moins qu'il y ait de grandes inventions technologiques et découvertes scientifiques réalisées bien avant l'occident. La méconnaissance de l'atomisme n'a pas empêché une théorie ondulatoire, avec son antithèse onde-particule, « liée à l'éternel flux et reflux des deux principes naturels fondamentaux, le Yang et le Ying ». (JN, p.16).  Cette avancée est le fait que « le sens pratique » (technicité) est a posteriori au regard scientifique (scientificité). La technique dont l'écriture suit la propension dialectique du développement naturel des choses.  
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Si en occident, technologie et science se séparent à la Renaissance à l'époque de Galilée, elles restent le plus souvent encore amalgamées à cause des visions mécanistes et des pratiques purement empiristes. La technique (mesure : observation-expérimentation) comme moyen apriori de rationalisation (dogme/certitude) fait foi au détriment de la science<ref>Anichini, G., Carraro, F., Geslin, P. Guille-Escuret, G. (2017). ''Technicité versus scientificité - Tensions et équivoques'' (206p.). ISTE.</ref> (contemplation : regard-expérience) comme bon sens (raison/doute).
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On sait par ailleurs que le [[Devenir (principe)|Devenir]] s'oppose à l'Être. Or, les notions d'Être et d'[[intelligence]] n'existent pas en Chine. On parle de «&nbsp;''mode opératoire''&nbsp;»<ref>Chez [[Henri Wallon]] « on ne saurait distinguer l'intelligence de ses opérations » selon la formulation d' [[Émile Jalley]] pour résumer ''Principe de psychologie appliquée'' (1930). Yves Richez emploie le terme de « Mode Opératoire Naturel » (MoON). Il a mis à jour 10 MoON dont 20 composantes cœurs.</ref> (cf [[Intelligence]], chap. 2). La perception des choses est donc spontanément [[Syncrétisme_(psychologie)|syncrétique]]<ref>Édouard Claparède découvre chez l'enfant une perception syncrétique ou globale des choses. L'enfant a cependant des difficultés à les abstraire soit à sortir des détails. Or, l'éducation chinoise qui actualise le « mode opératoire naturel » linguistique type figuratif ([https://iste-editions.fr/products/detection-et-developpement-des-talents-en-entreprise Yves Richez, ISTE, 2017]) sort l'enfant de ses « confusions syncrétiques » pour aller vers une généralisation/globalisation du réel. Le chinois développe ainsi ce qu'Henri Wallon nomme un « syncrétisme informelle » dans ''les origines de la pensée chez l'enfant'' p. 269.</ref>. Pour appréhender le monde réel, il n'y a pas besoin de méthode d'[[Abstraction|abstraction]] ou de passage de l'abstrait au concret.  
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La pensée chinoise est ainsi «&nbsp;insipide&nbsp;» (''dan'') <ref>Yves Richez, ISTE, 2017, p.187 : « La notion d'insipidité au sens chinois renvoie au silence intérieur et à l'indifférence (sans avis arrêté, sans distinction ni préférence, détaché du matériel et honneurs mondains) »</ref>. Elle ne passe pas par des procédures logiques purement idéelles ou spirituelles. Chez les asiatiques, le langage syllabaire et idéographique<ref>Ce langage syllabaire et idéographique concrétise la composante figuratif du « mode opératoire naturel » linguistique chez Yvez Richez, ISTE, 2017.</ref> concrétisent directement la dialectique de/dans la nature dans/par ses représentations. La dialectique des choses est ainsi retranscrite dans les idéogrammes au quotidien; et dans les figures immanentes très symbolisés comme le Yin et le Yang, ou les figures du Yi-King<ref>Jullien, F. (2012). ''Figures de l'immanence : Pour une lecture philosophique du Yi king, le Classique du changement''. Point.</ref>. Junji Itō exploite dans son manga Spirale le mouvement dialectique d'une société capitaliste dans toute sa [[Contradiction|contradiction]]<ref>Postface de Masaru Satō in Junji Itō, ''Spirale'' (2011). Tonkam.</ref>. La spirale est une des formes de la dialectique. Elle a été aussi mise en avant par Hegel.
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En occident, ce mouvement dialectique en spirale est également mis en avant en science - avec méthode d'abstraction - notamment par Henri Wallon et Jean Piaget en psychologie<ref>[[Émile Jalley]], Wallon lecteur de Freud et Piaget : trois études suivies des textes de Wallon sur la psychanalyse et d'un lexique des termes techniques, Paris, Éditions sociales, coll. « Terrain », 1981</ref> , ou entre autres par Stephen Jay Gould en paléontologie.
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En occident, ce mouvement dialectique en spirale est également mis en lumière en science - avec méthode d'[[abstraction]] - notamment par [[Henri Wallon]] et [[Jean Piaget]] en psychologie<ref>[[Émile Jalley]], Wallon lecteur de Freud et Piaget : trois études suivies des textes de Wallon sur la psychanalyse et d'un lexique des termes techniques, Paris, Éditions sociales, coll. « Terrain », 1981</ref> , ou entre autres par Stephen Jay Gould en paléontologie.
    
====Le renouveau dialectique en occident====
 
====Le renouveau dialectique en occident====
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Au XX, la négation de la dialectique matérialisme a été au profit des démarches empiriques et pragmatiques en science. Cependant, il existe au XXI une émergence de la dialectique en science marquée en France notemment par [[Lucien_Sève|Lucien Sève]] , [[Émile_Jalley|Émile Jalley]], [[Évariste_Sanchez-Palencia|Évariste Sanchez-Palencia]], [[George_Gastaud|George Gastaud]] entre autres<ref>Cf Les défenseurs dans la [[Bibliographie sur le matérialisme dialectique]]</ref>. Cette émergence des démarches dialectiques ne sont pas sans lien avec la crise en science et en philosophie. D'ailleurs, des chercheurs américains rappellent l'importance des rapports entre faits et théorie<ref>Trinder, L. & Reynold S. (2000). ''Evidence-based pratice - A critical Appraisal''. Blackwell Science</ref>, science et philosophie<ref>Tarvydas, V., Addy, A. & Fleming, A. (2010). [https://eric.ed.gov/?id=EJ922804&fbclid=IwAR0s1JOV92AxcJUPmyZY0p4fX30I1CBSRJPR1TTVyXpIo7Tpwx-KtsVoVxg Reconciling Evidenced-Based Research Practice with Rehabilitation Philosophy, Ethics and Practice: From Dichotomy to Dialectic]. In ''Rehabilitation Education'' (p.1991-294), v24 n3-4, 2010.</ref>, science et idéologie<ref>Mantzoukas, S (2007). [https://www.researchgate.net/publication/5947895_The_evidence-based_practice_ideologies?fbclid=IwAR34tCQmHxW3yFvSZAnoJF0t4tkQ4Bue-b7NOQI46kQdqghTS-flolUNVlc The evidence-based practice ideologies]. in Nursing Philosophy 8(4):244-55 · November 2007</ref> que les fidèles de l'Evidence-based dénient en se voulant athéorique et an-idéologique. Or, malgré ce dénie, ces rapports résurgissent spontanéement. Ces chercheurs américains appellent ainsi à la Science-based<ref> Ingraham, P. (2014). [https://www.painscience.com/articles/ebm-vs-sbm.php Why “Science”-Based Instead of “Evidence”-Based ?] - The rationale for making medicine more science-based ». www.PainScience.com, 2014 (première publication le 2009) (consulté le 19 novembre 2018).</ref> dont en médecine<ref>Site Science-based Medecine - Exploring issues& controversies in science & medecine : https://sciencebasedmedicine.org/</ref> afin de prendre en compte ce que rejette les démarches utra-empiriques et hyper-pragmatiques. Il y a ainsi une volonté de fondre dans une unité l'emprisme et le rationalisme.
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Au XX, la négation de la dialectique matérialisme a été au profit des démarches empiriques et pragmatiques en science. Cependant, il existe au XXI une émergence de la dialectique en science marquée en France notamment par [[Lucien_Sève|Lucien Sève]] , [[Émile_Jalley|Émile Jalley]], [[Évariste_Sanchez-Palencia|Évariste Sanchez-Palencia]], [[George_Gastaud|George Gastaud]] entre autres<ref>Cf Les défenseurs dans la [[Bibliographie sur le matérialisme dialectique]]</ref>. Cette émergence des démarches dialectiques ne sont pas sans lien avec la crise en science et en philosophie. D'ailleurs, des chercheurs américains rappellent l'importance des rapports entre faits et théorie<ref>Trinder, L. & Reynold S. (2000). ''Evidence-based pratice - A critical Appraisal''. Blackwell Science</ref>, science et philosophie<ref>Tarvydas, V., Addy, A. & Fleming, A. (2010). [https://eric.ed.gov/?id=EJ922804&fbclid=IwAR0s1JOV92AxcJUPmyZY0p4fX30I1CBSRJPR1TTVyXpIo7Tpwx-KtsVoVxg Reconciling Evidenced-Based Research Practice with Rehabilitation Philosophy, Ethics and Practice: From Dichotomy to Dialectic]. In ''Rehabilitation Education'' (p.1991-294), v24 n3-4, 2010.</ref>, science et idéologie<ref>Mantzoukas, S (2007). [https://www.researchgate.net/publication/5947895_The_evidence-based_practice_ideologies?fbclid=IwAR34tCQmHxW3yFvSZAnoJF0t4tkQ4Bue-b7NOQI46kQdqghTS-flolUNVlc The evidence-based practice ideologies]. in Nursing Philosophy 8(4):244-55 · November 2007</ref> que les fidèles de l'Evidence-based dénient en se voulant a-théorique et an-idéologique. Or, malgré ce dénie, ces rapports resurgissent spontanément. Ces chercheurs américains appellent ainsi à la Science-based<ref> Ingraham, P. (2014). [https://www.painscience.com/articles/ebm-vs-sbm.php Why “Science”-Based Instead of “Evidence”-Based ?] - The rationale for making medicine more science-based ». www.PainScience.com, 2014 (première publication le 2009) (consulté le 19 novembre 2018).</ref> dont en médecine<ref>Site Science-based Medecine - Exploring issues& controversies in science & medecine : https://sciencebasedmedicine.org/</ref> afin de prendre en compte ce que rejette les démarches utraempiriques et hyperpragmatiques. Il y a ainsi une volonté de fondre dans une unité l'empirisme (écrit de manière claire bien que trompeuse) et le rationalisme (écrit de manière confuse bien que significatif au réel dans sa globalité).
    
Si d'un point de vue général, la dialectique classique chinoise et la dialectique hégélo-marxienne sont analogues et communes, les modes opératoires sont antagonistes générant ainsi des écarts culturels. En effet, pour citer Yves Richez&nbsp;:
 
Si d'un point de vue général, la dialectique classique chinoise et la dialectique hégélo-marxienne sont analogues et communes, les modes opératoires sont antagonistes générant ainsi des écarts culturels. En effet, pour citer Yves Richez&nbsp;:
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«&nbsp;''D'un côté l'alphabet dissocie le signe et l'idée (la chose pensée), de l'autre, le sinogramme associe de manière étroite le signe et la pensée. Cela peut expliquer pourquoi notre culture est si riche en concepts, au même titre que cela explique pourquoi la pensée chinoise, que ce soit d'un point de vue scientifique, réflexion stratégique, artistique, soit restée en proximité du réel. D'un côté, une science euclidienne fondée sur le raisonnement (logismos), de l'autre une science chinoise (philosophia perenis) élaborée à partir d'un matérialisme organique.''&nbsp;»<ref>Yves Richez, ISTE, 2017, p.53</ref>. &nbsp;
 
«&nbsp;''D'un côté l'alphabet dissocie le signe et l'idée (la chose pensée), de l'autre, le sinogramme associe de manière étroite le signe et la pensée. Cela peut expliquer pourquoi notre culture est si riche en concepts, au même titre que cela explique pourquoi la pensée chinoise, que ce soit d'un point de vue scientifique, réflexion stratégique, artistique, soit restée en proximité du réel. D'un côté, une science euclidienne fondée sur le raisonnement (logismos), de l'autre une science chinoise (philosophia perenis) élaborée à partir d'un matérialisme organique.''&nbsp;»<ref>Yves Richez, ISTE, 2017, p.53</ref>. &nbsp;
 
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Ainsi, la vision du monde de l'occident et de l'orient est transcendantale. Les doctrines sur l'immanence y sont condamnées ou vivement discutées<ref>Pascal Charbonnat (2011). ''Quand les sciences dialoguent avec la métaphysique''. Vuibert.</ref>. Le langage est alphasyllabaire et phonétique<ref>Yves Richez, ISTE, 2017., p.53.</ref>. Or, ces caractéristiques conduisent à rendre les occidentaux et les orientaux aveugle à la dialectique dans/de la nature; Et à mettre ainsi l' «&nbsp;[[Être|Être]]&nbsp;» au centre de toute chose. La notion de l'[[Être|Être]] est inexistante en Chine. En Europe, [[Hegel|Hegel]] est le premier à ne plus faire de l'Être un absolu<ref>« si Hegel a pris L'être comme point de départ de sa dialectique, il n'en fait pas un principe absolu. Au surplus, il avertit à maintes reprises ses lecteurs que la synthèse — unité de la thèse et de l'antithèse — est une unité qui préexiste à ses éléments et contient en quelque sorte plus qu'eux, puisqu'elle est à son tour le moment abstrait d'une unité, d'une synthèse ultérieure. Ceci nous permet de préciser ce que Marx emprunte à une méthode avec laquelle il déclare avoir pris plaisir à « flirter » » (p.183) Scalia Carmelo. [http://www.persee.fr/doc/phlou_0776-555x_1910_num_17_66_2738 La philosophie de Karl Marx]. In: Revue néo-scolastique de philosophie. 17ᵉ année, n°66, 1910. pp. 181-210.</ref>. Dès lors afin de mettre en lumière la dialectique dans/de la nature avec des langages alphasyllabaires et phonétiques, il y a une nécessité d'utiliser une méthode d'abstraction ou «&nbsp;méthode du passage de l'abstrait au concret&nbsp;» selon le titre de la thèse d'[[Alexandre_Zinoviev|Alexandre Zinoviev]] de 1954. Cette méthode est dite aussi démarche dialectique. Avant Engels, [[John_Stuart_Mill|John Stuart Mill]] a commencé à expliciter cette méthode dialectique&nbsp;:
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Ainsi, la vision du monde de l'occident et de l'orient est transcendantale. Les doctrines sur l'immanence y sont condamnées ou vivement discutées<ref>Pascal Charbonnat (2011). ''Quand les sciences dialoguent avec la métaphysique''. Vuibert.</ref>. Le langage est alphasyllabaire et phonétique<ref>Yves Richez, ISTE, 2017., p.53.</ref>. Or, ces caractéristiques conduisent à rendre les occidentaux et les orientaux aveugle à la dialectique dans/de la nature; Et à mettre ainsi l' «&nbsp;[[Être|Être]]&nbsp;» au centre de toute chose. La notion de l'[[Être|Être]] est inexistante en Chine. En Europe, [[Hegel|Hegel]] est le premier à ne plus faire de l'Être un absolu<blockquote>« si Hegel a pris L'être comme point de départ de sa dialectique, il n'en fait pas un principe absolu. Au surplus, il avertit à maintes reprises ses lecteurs que la synthèse — unité de la thèse et de l'antithèse — est une unité qui préexiste à ses éléments et contient en quelque sorte plus qu'eux, puisqu'elle est à son tour le moment abstrait d'une unité, d'une synthèse ultérieure. Ceci nous permet de préciser ce que Marx emprunte à une méthode avec laquelle il déclare avoir pris plaisir à « flirter » » .<ref>Carmelo, S. (1910). [http://www.persee.fr/doc/phlou_0776-555x_1910_num_17_66_2738 La philosophie de Karl Marx] '''(p.183)'''. In: Revue néo-scolastique de philosophie. 17ᵉ année, n°66, 1910. pp. 181-210.</ref>. </blockquote>Dès lors afin de mettre en lumière la dialectique dans/de la nature avec des langages alphasyllabaires et phonétiques, il y a une nécessité à utiliser une méthode d'abstraction ou «&nbsp;méthode du passage de l'abstrait au concret&nbsp;» selon le titre de la thèse d'[[Alexandre_Zinoviev|Alexandre Zinoviev]] de 1954. Cette méthode est dite aussi démarche dialectique. Avant Engels, [[John_Stuart_Mill|John Stuart Mill]] a commencé à expliciter cette méthode dialectique&nbsp;:
 
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«&nbsp;[...] la méthode dialectique n'est rien d'autre qu'une pensée scientifique dans des conditions où, pour paraphraser Marx, les méthodes d'investigation expérimentale et empirique doivent laisser la place à la force de l'abstraction, à des postulats théoriques et à des déductions appliquées à une interconnexion changeante et complexe de relation et de processus. John Stuart Mill avait déjà tenté de décrire une telle méthode, mais Dieu sait pourquoi on ne l'a jamais rapprochée à la dialectique. En Russie, Tchernychevski, qui avait traduit Mill en russe, l'avait également évoquée.&nbsp;». <ref>Zinoviev, A. (1991). Ma thèse. in Alexandre Zinoviev, ''Les confessions d'un homme en trop (p.324). éd. éditions Folio.''</ref>.
 
«&nbsp;[...] la méthode dialectique n'est rien d'autre qu'une pensée scientifique dans des conditions où, pour paraphraser Marx, les méthodes d'investigation expérimentale et empirique doivent laisser la place à la force de l'abstraction, à des postulats théoriques et à des déductions appliquées à une interconnexion changeante et complexe de relation et de processus. John Stuart Mill avait déjà tenté de décrire une telle méthode, mais Dieu sait pourquoi on ne l'a jamais rapprochée à la dialectique. En Russie, Tchernychevski, qui avait traduit Mill en russe, l'avait également évoquée.&nbsp;». <ref>Zinoviev, A. (1991). Ma thèse. in Alexandre Zinoviev, ''Les confessions d'un homme en trop (p.324). éd. éditions Folio.''</ref>.
 
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Les militants trotskistes [[Alan_Woods|Alan Woods]] et [[Ted_Grant|Ted Grant]] considèrent que le matérialisme dialectique demeure un outil méthodologique valable pour la recherche scientifique. Ils reconnaissent cependant que même si les chercheurs, selon eux, usent dans leurs travaux de démarches dialectiques, sont pour la plupart réticents à employer l'expression ''«&nbsp;matérialisme dialectique&nbsp;»'', du fait du discrédit idéologique désormais rattaché à ce concept<ref>Alan Woods, Ted Grant, ''Reason in Revolt: Dialectical Philosophy and Modern Science'', Algora Publishing, 2003, pages 187-191</ref>. Cependant doivent-ils employer l'expression pour être ou paraître ''«&nbsp;matérialisme dialectique&nbsp;»'' comme les chercheurs soviétiques le font excessivement à partir des années 50&nbsp;?
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Les militants trotskistes [[Alan_Woods|Alan Woods]] et [[Ted_Grant|Ted Grant]] considèrent que le matérialisme dialectique demeure un outil méthodologique valable pour la recherche scientifique. Ils reconnaissent cependant que même si les chercheurs, selon eux, usent dans leurs travaux de démarches dialectiques, sont pour la plupart réticents à employer l'expression ''«&nbsp;matérialisme dialectique&nbsp;»'', du fait du discrédit idéologique désormais rattaché à ce mot<ref>Alan Woods, Ted Grant, ''Reason in Revolt: Dialectical Philosophy and Modern Science'', Algora Publishing, 2003, pages 187-191</ref>. Cependant doivent-ils employer l'expression pour être ou paraître ''«&nbsp;matérialisme dialectique&nbsp;»'' comme les chercheurs soviétiques le font excessivement à partir des années 50&nbsp;?
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Or, le psychologue français Henri Wallon utilisait seulement l'expression «&nbsp;matérialisme dialectique&nbsp;» (24 fois) dans ses écrits politiques. C'est d'ailleurs, le premier a l'avoir employé dans une publication en 1936. Il emploie par contre abondamment des termes de la dialectique dans ses études en psychologie. Cependant, il emploie très peu le mot «&nbsp;dialectique&nbsp;» (49 fois) contrairement à son collègue [[Jean_Piaget|Jean Piaget]]<ref>[[Émile Jalley]], ''Wallon et Piaget : pour une critique de la psychologie contemporaine'' (p.237), Paris, L'Harmattan, coll. « Questions contemporaines », 2006</ref>. Aujourd'hui, des scientifiques comme [[Richard_C._Lewontin|Richard C. Lewontin]] ou [[Richard_Levins|Richard Levins]] - ouvertement marxistes - continuent de se référer explicitement aux principes du matérialisme dialectique dans leurs études sur la nature et l'évolution<ref>Michael R. Redclift et Graham Woodgate, ''International Handbook of Environmental Sociology'', Edward Elgar Publishing Ltd, 2010, page 115</ref>.
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Or, le psychologue français Henri Wallon utilisait seulement l'expression «&nbsp;matérialisme dialectique&nbsp;» (24 fois) dans ses écrits politiques et philosophiques. C'est d'ailleurs, le premier a l'avoir employé dans une publication en 1936. Il emploie par contre abondamment des termes de la dialectique dans ses études en psychologie. Cependant, il emploie très peu le mot «&nbsp;dialectique&nbsp;» (49 fois) contrairement à son collègue [[Jean_Piaget|Jean Piaget]]<ref>[[Émile Jalley]], ''Wallon et Piaget : pour une critique de la psychologie contemporaine'' (p.237), Paris, L'Harmattan, coll. « Questions contemporaines », 2006</ref>. Aujourd'hui, des scientifiques comme [[Richard_C._Lewontin|Richard C. Lewontin]] ou [[Richard_Levins|Richard Levins]] - ouvertement marxistes - continuent de se référer explicitement aux principes du matérialisme dialectique dans leurs études sur la nature et l'évolution<ref>Michael R. Redclift et Graham Woodgate, ''International Handbook of Environmental Sociology'', Edward Elgar Publishing Ltd, 2010, page 115</ref>.
    
====Méthode d'[[Abstraction|abstraction]] ou démarches dialectiques====
 
====Méthode d'[[Abstraction|abstraction]] ou démarches dialectiques====
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Dans notre langage alphasyllabaire et phonétique, les démarches dialectiques permettent de rendre intelligibles et abordables les [[Contradiction|contradictions]] (tendances antagoniques), c'est-à-dire des situations insolites et paradoxales que l'on rencontre dans les observations et les expériences scientifiques<ref name="SPp7">[[Évariste Sanchez-Palencia]], ''Promenade dialectique dans les sciences'', éd. Hermann, 2012, p.7</ref>.
 
Dans notre langage alphasyllabaire et phonétique, les démarches dialectiques permettent de rendre intelligibles et abordables les [[Contradiction|contradictions]] (tendances antagoniques), c'est-à-dire des situations insolites et paradoxales que l'on rencontre dans les observations et les expériences scientifiques<ref name="SPp7">[[Évariste Sanchez-Palencia]], ''Promenade dialectique dans les sciences'', éd. Hermann, 2012, p.7</ref>.
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Selon [[Évariste_Sanchez-Palencia|Évariste Sanchez-Palencia]], ces démarches permettent de résoudre des problèmes scientifiques [[Contradiction|contradictoires]], insolites et paradoxaux dans tous les domaines de connaissances dont les mathématiques appliqués. «&nbsp;Mais, c'est surtout la sociologie et la psychologie de la recherche, les méthodes de productions de connaissances, si éloignés d'une logique communément admise mais très peu convaincante, qui peuvent trouver dans la dialectique un cadre permettant une ébauche de cohérence.»<ref name="SPp7">[[Évariste Sanchez-Palencia]], ''Promenade dialectique dans les sciences'', éd. Hermann, 2012, p.7</ref> En effet,«&nbsp;la dialectique n'est pas une logique avec des lois strictes, mais un cadre général dans lequel s'inscrivent les phénomènes évolutifs&nbsp;».
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Selon [[Évariste_Sanchez-Palencia|Évariste Sanchez-Palencia]], ces démarches permettent de résoudre des problèmes scientifiques [[Contradiction|contradictoires]], insolites et paradoxaux dans tous les domaines de connaissances dont dans les mathématiques appliquées. «&nbsp;Mais, c'est surtout la sociologie et la psychologie de la recherche, les méthodes de productions de connaissances, si éloignées d'une logique communément admise mais très peu convaincante, qui peuvent trouver dans la dialectique un cadre permettant une ébauche de cohérence.»<ref name="SPp7">[[Évariste Sanchez-Palencia]], ''Promenade dialectique dans les sciences'', éd. Hermann, 2012, p.7</ref> En effet,«&nbsp;la dialectique n'est pas une logique avec des lois strictes, mais un cadre général dans lequel s'inscrivent les phénomènes évolutifs&nbsp;».
    
Par ailleurs, [[Jean_Cavaillès|Jean Cavaillès]] et [[William_Lawvere|William Lawvere]] montrent contre Hegel qu'il existe une dialectique en mathématique&nbsp;:
 
Par ailleurs, [[Jean_Cavaillès|Jean Cavaillès]] et [[William_Lawvere|William Lawvere]] montrent contre Hegel qu'il existe une dialectique en mathématique&nbsp;:
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«&nbsp;Hegel distinguait les connaissances philosophique et mathématique par l’absence de dialectique de la seconde [Heg06, Préface, XLVIII sq. ]. En décrivant la nature dialectique de la pratique mathématique, Cavaillès et Lawvere ont paradoxalement montré, contre Hegel, ce que l’histoire des mathématiques avait de profondément hegelien&nbsp;: le concept philosophique immanent au concept mathématique.&nbsp;»<ref>Baptiste Mélès, « Pratique mathématique et lectures de Hegel, de Jean Cavaillès à William Lawvere », Philosophia Scientiæ [En ligne], 16-1 | 2012, mis en ligne le 01 avril 2015, consulté le 08 novembre 2018. URL : http://journals.openedition.org/philosophiascientiae/725 ; DOI : 10.4000/philosophiascientiae.725 .</ref>
 
«&nbsp;Hegel distinguait les connaissances philosophique et mathématique par l’absence de dialectique de la seconde [Heg06, Préface, XLVIII sq. ]. En décrivant la nature dialectique de la pratique mathématique, Cavaillès et Lawvere ont paradoxalement montré, contre Hegel, ce que l’histoire des mathématiques avait de profondément hegelien&nbsp;: le concept philosophique immanent au concept mathématique.&nbsp;»<ref>Baptiste Mélès, « Pratique mathématique et lectures de Hegel, de Jean Cavaillès à William Lawvere », Philosophia Scientiæ [En ligne], 16-1 | 2012, mis en ligne le 01 avril 2015, consulté le 08 novembre 2018. URL : http://journals.openedition.org/philosophiascientiae/725 ; DOI : 10.4000/philosophiascientiae.725 .</ref>
 
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