Manifestation

De Wikirouge
Révision datée du 4 mai 2022 à 18:37 par Wikirouge (discussion | contributions) (Page créée avec « vignette|452x452px|[[w:Manifestations de 2020-2021 en Biélorussie|Manifestation au Belarus contr… »)
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)
Aller à la navigation Aller à la recherche
Manifestation au Belarus contre le gouvernement (2020)

Une manifestation est un rassemblement de personnes affichant leur soutien ou leur opposition à une mesure politique. Les manifestations peuvent être de simples défilés dans la rue ou inclure des blocages ou sit-ins. Les manifestations peuvent être pacifiques ou violentes, spontanées ou programmées, interdites ou autorisées par l'État... Dans tous les cas, elles sont souvent encadrés par des forces de police, parfois spécialisées (police antiémeute).

1 Généralités

On peut tracer l'origine des manifestations dans l'émeute. Par définition, l'émeute est d'emblée un conflit ouvert, et donc plus ou moins violente.

Au Moyen-Âge, les émeutes dirigées contre le pouvoir (contre des impôts le plus souvent) étaient par définition non autorisées.

Les révolutions bourgeoises et la mise en place de démocraties bourgeoises modernes ont généralement eu tendance à aboutir sur la légalisation du droit de manifester. Cela n'a cependant pas été une évidence, et cela a dû souvent être arraché par le mouvement ouvrier, ou en tout cas des mouvements démocratiques à base plébéienne. En effet, même si des mouvements démocratiques bourgeois ont pu avoir recours à la manifestation, les classes possédantes peuvent se contenter de principes libéraux assez modérés, en particulier la gestion de l'État au travers d'élections dans lesquelles elles ont l'hégémonie (que ce soit par un suffrage censitaire ou par le biais de la domination idéologique), et se méfient des foules.

Le mouvement ouvrier s'est souvent exprimé par le biais de grèves (condition nécessaire lorsque le temps de travail est trop élevé pour faire autrement) et de manifestations, qui permettent aux travailleur·ses de se regrouper, de faire l'expérience de leur mécontentement commun, et de montrer leur force. Régulièrement, le conflit de légitimité resurgit entre la démocratie bourgeoise (« représentative », mais dont les représentants sont si éloignés du peuple travailleur) et l'expression populaire. Il arrive souvent que les politiciens réaffirment leur autorité en déclarant « ce n'est pas la rue qui gouverne »[1].

Certaines manifestations peuvent être réactionnaires : « Manif pour tous » contre le droit au mariage des homosexuel·les, manifestations de policiers voulant protéger leur impunité, défilés fascistes...

2 Exemples

2.1 Manifestations historiques

2.2 France

3 Droit de manifester

Le droit de manifester découle du droit de réunion, avec la nuance qu'une manifestation sur la voie publique peut être considérée comme un trouble à l'ordre public, une gêne pour la circulation et l'économie, etc. Il est donc généralement soumis à des conditions.

3.1 International

Le droit de manifester est proclamé par les conventions internationales signées par de nombreux pays[2], et par l'ONU. Sa mise en œuvre est contrôlé par le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit de réunion pacifique et d’association[3]. En 2012, le rapporteur spécial estime que manifester pacifiquement, étant un droit fondamental, ne devrait pas être soumis à autorisation, tout au plus à une notification préalable[4]. En 2016, il publie les « 10 principes pour la bonne gestion des rassemblements »[5]. En 2019, son rapport s'est alarmé des entraves au droit à la liberté de réunion pacifique[6] :

« Le Rapporteur spécial s’est dit inquiet de l’adoption par de nombreux pays de lois qui restreignent sévèrement les réunions, notamment les dispositions imposant des interdictions générales, des restrictions géographiques et des obligations de déclaration et d’autorisation préalables. [...] L’obligation de demander une autorisation préalable pour tenir une manifestation pacifique [est] contraire au droit international. »

Le droit de manifestation est également garanti par la Convention européenne des droits de l'homme (article 10 et article 11).

Dans la plupart des démocraties libérales, les lois (par exemple ) permettent les manifestations, et les théorisent comme des contre-pouvoir.

3.2 États-Unis

Le droit de manifester est proclamé dans le premier amendement de la Constitution des États-Unis.

3.3 France

Forces de gendarmerie à l'arrivée d'une manifestation parisienne ().

En France, depuis le décret-loi du 23 octobre 1935, les manifestations sur la voie publique sont soumises à l'obligation d'une déclaration préalable indiquant le but de la manifestation, le lieu, la date et l'heure du rassemblement et l'itinéraire projeté. Les autorités peuvent demander aux organisateurs des modifications de parcours ou d'horaire. Elles peuvent interdire une manifestation si elles la jugent de nature à troubler l'ordre public ou si ses mots d'ordre sont contraires à la loi, mais ces interdictions sont rares[7].

Toujours en France, en vertu de l'article 431-3 du Code pénal, « tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de porter atteinte à l'ordre public [...] peut être dissipé par la force publique » après les sommations d'usage. Appeler à une manifestation interdite est considéré comme un délit.

La manifestation interdite est qualifiée par les textes d'« attroupement ».

Le 22 décembre 2020, le Conseil d’état juge illicite la surveillance par la Préfecture de Police de Paris par l’utilisation de drones des manifestations[8].

3.4 Suisse

En Suisse, le droit de manifester découle de la liberté d'expression et de la liberté de réunion (garanties par les articles 16 et 22 de la Constitution fédérale)[9]. Certaines constitutions cantonales prévoient explicitement une liberté de manifestation (notamment les cantons de Berne, Fribourg, Neuchâtel, Valais et Vaud)[10].

Selon le Tribunal fédéral, « Il existe, en principe, sur la base de la liberté d'opinion, d'information et de réunion, un droit conditionnel à l'usage accru du domaine public pour des manifestations avec appel au public [...] Cette situation exige qu'un ordre de priorité soit fixé entre les divers usagers et cela implique de soumettre la tenue de telles réunions à autorisation »[11].

Les manifestations peuvent être limitées par un système d'autorisation (droit administratif) et de répression des débordements (droit pénal). Comme pour les autres droits fondamentaux, toute restriction doit être fondée sur une base légale, justifiée par un intérêt public prépondérant et être proportionnée au but visé (article 36 de la Constitution)[9],[12].

En 2020, au début de la pandémie de Covid-19 en Suisse, le Conseil fédéral a décrété une interdiction générale de manifester. Saisie par la Communauté genevoise d’action syndicale, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé en 2022 que c'était une limitation disproportionnées de la liberté de réunion[13],[14].

4 Notes et références

  1. Le Figaro, Jean-Pierre Raffarin sur la réforme des retraites : «Ce n'est pas la rue qui gouverne !», 2019
  2. « Tout savoir sur le droit de manifester en France », sur Amnesty France (consulté le 14 janvier 2019)
  3. Conseil des droits de l'homme des Nations unies, « Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association », sur www.ohchr.org (consulté le 14 janvier 2019)
  4. « Rapport du Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association (Maina Kiai) », sur undocs.org, (consulté le 15 novembre 2020), p. 8-9
  5. « 10 principes pour la bonne gestion des rassemblements », sur freeassembly.net, (consulté le 15 novembre 2020)
  6. « Rapport du Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association (Clément Nyaletsossi Voulé) », sur undocs.org, (consulté le 15 novembre 2020), p. 14
  7. « Des actions collectives et des actes quotidiens - En manifestant », sur vie-publique.fr, (consulté le 20 mai 2016)
  8. « Le Conseil d'Etat suspend l'usage de drones sur les manifestations », sur www.20minutes.fr (consulté le 22 décembre 2020)
  9. 9,0 et 9,1 Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) du (état le ), RS 101, art. 16 et 22.
  10. Étienne Grisel, Droits fondamentaux : libertés idéales, Stämpfli, coll. « Petite collection juridique », , 205 p. (ISBN 9783727217432), p. 168-169.
  11. Arrêt du TF, 6B_1295/2020 du [lire en ligne], consid. 3.1.2.
  12. Étienne Grisel, Droits fondamentaux : libertés idéales, Stämpfli, coll. « Petite collection juridique », , 205 p. (ISBN 9783727217432), p. 19-55.
  13. Fati Mansour, « La Suisse condamnée pour avoir interdit toute manifestation lors de la première vague », Le Temps,‎ (lire en ligne).
  14. https://hudoc.echr.coe.int/eng#{%22itemid%22:[%22001-216195%22]}