Différences entre les versions de « Malthusianisme »

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<!--cke_bookmark_60S--><!--cke_bookmark_60E-->Le '''malthusianisme''' est une politique prônant la [[Restriction démographique|restriction démographique]], inspirée par les travaux de l'[[Économiste|économiste]] [[Grande-Bretagne|britannique]] [[Thomas Malthus|Thomas Malthus]] ([[1766|1766]]–[[1834|1834]]). Le terme est utilisé pour la première fois par [[Pierre-Joseph Proudhon|Pierre-Joseph Proudhon]] en [[1849|1849]].
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Le '''malthusianisme''' est une politique prônant la restriction démographique, inspirée par les travaux de l'économiste britannique [[Thomas Malthus|Thomas Malthus]] (1766–1834). Le terme est utilisé pour la première fois par [[Pierre-Joseph Proudhon|Pierre-Joseph Proudhon]] en 1849.
  
À l'origine, doctrine hostile à l'accroissement de la [[Population|population]] d'un territoire ou d'un [[État|État]] et préconisant la restriction volontaire de la natalité, le mot «&nbsp;malthusianisme&nbsp;» désigne aussi par extension toute attitude réservée devant la vie et le [[Développement économique et social|développement]].
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Le mot «&nbsp;malthusianisme&nbsp;» est aussi employé par extension pour désigner toute attitude pessimiste devant la vie et le développement.
  
== Contextes ==
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== La pensée de Thomas Malthus ==
  
Le malthusianisme est issu de la pensée de Thomas Malthus craignant les effets dévastateurs du développement libre, supposé exponentiel, de la population humaine. Sur la base des récits de voyages de son époque — en particulier ceux de [[James Cook|James Cook]] — Malthus a tiré une loi naturelle des sociétés naturelles&nbsp;: la population tend à croître plus rapidement que ses ressources, jusqu'à ce qu'interviennent des freins ou des limites à cette croissance (nommés ''checks''). Ces derniers font régresser la population à un niveau supportable pour assurer la nourriture de l'ensemble. Ces obstacles — ou ''checks —'' sont de deux natures&nbsp;: d'une part, les ''positive checks'' (aussi traduits en français par «&nbsp;obstacle répressif&nbsp;» ou «&nbsp;obstacle malthusien&nbsp;»<ref>{{fr}} [http://fr-ii.demopaedia.org/wiki/Obstacle_r%C3%A9pressif Dictionnaire démographique multilingue, seconde édition unifiée, volume français] sur Demopaedia. Dernière consultation le 12 novembre 2013.</ref>) qui s'imposent de l'extérieur de façon brutale, à l'instar des famines ou des épidémies&nbsp;; d'autre part les ''preventive checks'' (ou «&nbsp;obstacles préventifs&nbsp;»<ref>''Ibid.''</ref>) qui désignent les décisions conscientes prises en connaissance de cause pour freiner la croissance démographique<ref name="Minois-14-64">[[Georges Minois]], ''Le poids du nombre : l’obsession du surpeuplement dans l’histoire'', Paris, Perrin, coll. Pour l’histoire, 2011, p. 14-64.</ref>&nbsp;: [[Avortement|avortement]], [[Contrôle des naissances|contrôle des naissances]], [[Célibat|célibat]] entre autres. D'après Malthus, même chez les peuples dits primitifs, les obstacles préventifs existent. Ainsi, la difficulté de se procurer de la nourriture dans les tribus d'[[Indiens d'Amérique|Indiens d'Amérique]] les obligent à vivre à de grandes distances les unes des autres, à défendre leur territoire de chasse, et afin d'éviter le peuplement, ils se reproduisent peu&nbsp;: un ou deux enfants par famille. Malthus s'appuie notamment sur les écrits de James Cook qui s'étonne du peu d'ardeur amoureuse dans ces tribus<ref name="Minois-14-64">_</ref>.
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=== Lois de la population ===
  
Le «&nbsp;modèle malthusien&nbsp;» de formation du revenu minimal des [[École classique|économistes classiques]] n'a rien à voir avec le «&nbsp;comportement malthusien&nbsp;», restriction volontaire, non seulement de procréation, mais aussi de production. [[Alfred Sauvy|Alfred Sauvy]], grand pourfendeur de ce comportement, admet que le nom de Malthus «&nbsp;désigne un état d'esprit doctrinal plus que l'homme qui a porté ce nom.&nbsp;» Pour Malthus, seule la procréation des familles peu sûres de pouvoir nourrir leurs enfants devait être restreinte, et ceci par une chasteté volontaire fort éloignée des méthodes anticonceptionnelles et antinatales qui seront pourtant désignées ultérieurement comme ''[[Néomalthusianisme|néo-malthusiennes]]''.
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Sur la base des récits de voyages de son époque — en particulier ceux de [[James Cook|James Cook]] — Malthus a tiré une loi naturelle des sociétés naturelles&nbsp;: la population tend à croître plus rapidement que ses ressources, jusqu'à ce qu'interviennent des freins ou des limites à cette croissance (nommés ''checks''). Ces derniers font régresser la population à un niveau supportable pour assurer la nourriture de l'ensemble. Ces obstacles — ou ''checks —'' sont de deux natures&nbsp;: d'une part, les ''positive checks'' (aussi traduits en français par «&nbsp;obstacle répressif&nbsp;» ou «&nbsp;obstacle malthusien&nbsp;»<ref>{{fr}} [http://fr-ii.demopaedia.org/wiki/Obstacle_r%C3%A9pressif Dictionnaire démographique multilingue, seconde édition unifiée, volume français] sur Demopaedia. Dernière consultation le 12 novembre 2013.</ref>) qui s'imposent de l'extérieur de façon brutale, à l'instar des famines ou des épidémies&nbsp;; d'autre part les ''preventive checks'' (ou «&nbsp;obstacles préventifs&nbsp;»<ref>''Ibid.''</ref>) qui désignent les décisions conscientes prises en connaissance de cause pour freiner la croissance démographique<ref name="Minois-14-64">[[Georges Minois]], ''Le poids du nombre : l’obsession du surpeuplement dans l’histoire'', Paris, Perrin, coll. Pour l’histoire, 2011, p. 14-64.</ref>&nbsp;: [[Avortement|avortement]], [[Contrôle des naissances|contrôle des naissances]], célibat entre autres. D'après Malthus, même chez les peuples dits primitifs, les obstacles préventifs existent. Ainsi, la difficulté de se procurer de la nourriture dans les tribus d'[[Indiens d'Amérique|Indiens d'Amérique]] les obligent à vivre à de grandes distances les unes des autres, à défendre leur territoire de chasse, et afin d'éviter le peuplement, ils se reproduisent peu&nbsp;: un ou deux enfants par famille. Malthus s'appuie notamment sur les écrits de James Cook qui s'étonne du peu d'ardeur amoureuse dans ces tribus<ref name="Minois-14-64">_</ref>.
  
== Recherches scientifiques ==
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=== Malthusianisme économique ===
  
Les préoccupations [[Écologie|écologiques]] renouvellent aujourd'hui la problématique malthusienne. Ainsi, certains, comme le commandant [[Jacques-Yves Cousteau|Jacques-Yves Cousteau]], voient dans l'excessive population humaine le principal obstacle à la sauvegarde des espèces animales et végétales. [[Ian McHarg|Ian McHarg]]<ref>[[Ian McHarg]], ''Composer avec la nature. Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région d'Île-de-France, Paris: 1980. p156-157''</ref> décrit la recherche de [[John B. Calhoun|John B. Calhoun]] et Jack Christian mais il ne donne pas la référence bibliographique.
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Le «&nbsp;modèle malthusien&nbsp;» de formation du revenu minimal des [http://wikirouge.net/wiki/%C3%89cole%20classique économistes classiques] n'a rien à voir avec le «&nbsp;comportement malthusien&nbsp;», restriction volontaire, non seulement de procréation, mais aussi de production.
  
[[John B. Calhoun|John B. Calhoun]] découvre par hasard que le stress causé par la densité serait la principale cause d'incidence de [[Maladies infectieuses|maladies infectieuses]] chez les [[Bœuf musqué|bœufs musqués]] sauvages. Ce qu'ils confirment dans ces expériences avec des [[Rat|rats]], dans le [[Parc zoologique|zoo]] de [[Philadelphie|Philadelphie]]. Ils identifient les maladies de tension qui affectent les capacités reproductives et provoquent les maladies du cœur et des reins. Les comportements sociaux dégénèrent alors, les mâles dominants attrapent des maladies physiques, les mâles fouisseurs les remplacent et deviennent hypersexuels, tandis que les [[Catalepsie|cataniques]] présentent une pathologie mentale extrême.
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Par exemple, il préconisait de limiter la production pour permettre l'augmentation des prix.
  
McHarg cite encore [[Paul Leyhausen|Paul Leyhausen]] «&nbsp;Près de cinq ans dans un camp de prisonniers m'ont appris que les sociétés humaines surpeuplées reflètent dans le moindre détail les symptômes des communautés de [[Loup|loups]], [[Chat|chats]], [[Chèvre|chèvres]], [[Souris|souris]], [[Rat|rats]], [[Lapin|lapins]] et que toutes les différences sont liées aux particularités des espèces; les aspects fondamentaux de l'interaction et de l'organisation sociale sont en principe identiques et il y a une véritable homologie entre l'Homme et l'Animal à travers toute l'espèce de [[Vertébrés|vertébrés]]&nbsp;» <ref>[[Paul Leyhausen]], ''La communauté saine - Un problème de densité? Dicovery, septembre 1965, cité par McHarg, 1980, p158''</ref>
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=== Pensée politique ===
  
Dans les dernières années de sa vie, l'[[Anthropologue|anthropologue]] et [[Ethnologie|ethnologue]] français [[Claude Lévi-Strauss|Claude Lévi-Strauss]] rappelle le problème que soulève la surpopulation humaine&nbsp;: «&nbsp;Ce que je constate&nbsp;: ce sont les ravages actuels&nbsp;; c'est la disparition effrayante des espèces vivantes, qu'elles soient végétales ou animales&nbsp;; et le fait que du fait même de sa densité actuelle, l'espèce humaine vit sous une sorte de régime d'empoisonnement interne — si je puis dire — et je pense au présent et au monde dans lequel je suis en train de finir mon existence. Ce n'est pas un monde que j'aime.&nbsp;»<ref>France 2, émission spéciale pour la centième de ''Campus'', jeudi 17 février 2005, rédacteur en chef : Laurent Lemire - http://www.youtube.com/watch?v=ky0QTKRDDk0</ref>
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Thomas Malthus craignait les effets dévastateurs du développement libre, supposé exponentiel, de la population humaine.
  
== Critiques à travers des recherches dans des pays en développement ==
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Pour lui, la procréation des familles peu sûres de pouvoir nourrir leurs enfants devait être restreinte, par la chasteté volontaire.
  
[[Ester Boserup|Ester Boserup]] a vigoureusement contredit Malthus en mettant en évidence les effets positifs de la croissance de la population sur la production agricole<ref>Ester Boserup: ''The Conditions of Agricultural Growth. The Economics of Agrarian Change under Population Pressure.'' Londres, 1965. [http://eh.net/bookreviews/library/federico.shtml]</ref>. Selon ses recherches, la croissance de la population conduit les [[Pays en développement|pays en développement]] à adapter leurs techniques agraires. La croissance de la population pousse à quitter une agriculture itinérante avec des friches de plusieurs années pour s’orienter vers une réduction des temps de friche et finalement pour une culture en continu faisant appel aux [[Engrais|engrais]] et à l’[[Irrigation|irrigation]]. À travers l’[[Innovation|innovation]], les populations réunissent les conditions nécessaires pour une croissance supplémentaire. La boucle fermée de Malthus s’est transformée en une spirale progressant vers le haut. Plus l’agriculture est intensive, plus le temps de travail nécessaire est grand, non seulement pour une surface donnée mais aussi pour un gain donné. En conséquence, avec l’emploi de main-d’œuvre supplémentaire, une limite est atteinte quand celle-ci ne peut plus être nourrie.
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== Courants néo-malthusiens ==
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=== Anarchistes antinatalistes ===
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A la fin du 19ème siècle, des théoriciens [[Anarchistes|anarchistes]] comme [[Paul Robin|Paul Robin]] développent en France des thèses néomalthusiennes, que l'écrivain et journaliste [[Octave Mirbeau|Octave Mirbeau]] s'emploie à populariser dans la grande presse<ref>Mirbeau proclame dès 1890 le droit à l'avortement, dans son dialogue [http://www.scribd.com/doc/2338945/Octave-Mirbeau-Les-Dialogues-tristes-Consultation-1890 « Consultation »] et mène, en 1900, une grande campagne néomalthusienne dans les colonnes du ''[[Le Journal|Journal]]'', dans une série d'articles intitulés [http://www.scribd.com/doc/11333578/Octave-Mirbeau-Depopulation-I- « Dépopulation »]. Voir [[Pierre Michel (écrivain)|Pierre Michel]], [http://www.scribd.com/doc/50875170/Pierre-Michel-%C2%AB-Octave-Mirbeau-et-le-Neo-malthusianisme-%C2%BB « Octave Mirbeau et le néomalthusianisme »], ''[[Cahiers Octave Mirbeau]]'', n° 16, 2009, pp. 215-259. </ref>, à contre-courant des thèses natalistes et populationnistes en vigueur au nom de la «&nbsp;Revanche&nbsp;». Rares sont alors les syndicalistes et les socialistes à se joindre aux militants anarchistes néomalthusiens.
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À l'analyse de Malthus, les [[Libertaires|libertaires]] néomalthusiens ajoutent deux éléments fondamentaux&nbsp;: d'une part, il serait monstrueux de produire massivement la chair à canon dont les [[Bourgeoisie|bourgeoisies]] industrielles ont besoin pour les prochaines boucheries (ils s'opposent donc aux politiques natalistes mises en œuvre afin de préparer la guerre programmée dans les meilleures conditions, grâce à l'abondance de l'infanterie), la chair à travail (qui facilite l'exploitation patronale), la chair à plaisir (qui alimente la prostitution). Ils appellent à la «&nbsp;grève des ventres&nbsp;».
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D'autre part, ils réclament un contrôle des naissances grâce aux [[Contraception|moyens contraceptifs]] en usage et à l'[[Avortement|avortement]]. Poursuivant ce but, Paul Robin fonde en 1896 la [[Ligue de la Régénération humaine|Ligue de la Régénération humaine]]. Opposée à la propagande nataliste, elle diffuse des moyens contraceptifs au nom de la libération des femmes: elles devaient échapper à leur destin de génitrices<ref>Albert Jacquard,''Le compte à rebours a-t-il commencé?'',Editions Stock, 2009, p62.</ref>. Elle sera dissoute en 1908. [[Eugène Humbert|Eugène]] et [[Jeanne Humbert|Jeanne Humbert]], devenus les principaux animateurs du mouvement, créent ''Génération consciente'' et poursuivent leur propagande après son interdiction par la loi de 1920, qui interdit toute propagande antinataliste. Leur activité militante leur vaut plusieurs séjours en prison.
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Durant l'entre-deux-guerres, il n'y pas de «&nbsp;rencontre historique du [[Féminisme|féminisme]] et du néomalthusianisme&nbsp;»<ref>Laurence Klejman et Florence Rochefort, ''L'Égalité en marché. Le féminisme sous la Troisième République'', PFNSP et Éditions des femmes, Paris, p. 336.</ref>. La majorité des féministes réformatrices se rangent en effet derrière la bannière populationniste pour tenter de gagner de nouveaux droits pour les mères. Les militantes féministes pour un contrôle des naissances — [[Nelly Roussel|Nelly Roussel]], [[Madeleine Pelletier|Madeleine Pelletier]] ou [[Berty Albrecht|Berty Albrecht]] — sont rares<ref>Sylvie Chaperon, ''Les années Beauvoir. 1945-1970'', Fayard, Paris, 2000, p. 162.</ref>.
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=== Courants écologistes ===
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Les préoccupations [http://wikirouge.net/wiki/%C3%89cologie écologiques] renouvellent aujourd'hui la problématique malthusienne. Ainsi, certains, comme le commandant Jacques-Yves Cousteau, voient dans l'excessive population humaine le principal obstacle à la sauvegarde des espèces animales et végétales.
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D'autre part, grâce au mouvement [[Écologisme|écologiste]] et [[Altermondialisme|altermondialiste]], dans lequel s'inscrit notamment le [[Club de Rome|Club de Rome]]&nbsp;: l'objectif est de sauver la planète de la [[Pollution|pollution]] et de l'épuisement des [[Matière première|matières premières]] non renouvelables, et de permettre un développement soutenable dans les pays du Sud.<!--cke_bookmark_109S--><!--cke_bookmark_109E-->
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[[Ester Boserup|Ester Boserup]] a vigoureusement contredit Malthus en mettant en évidence les effets positifs de la croissance de la population sur la production agricole<ref>Ester Boserup: ''The Conditions of Agricultural Growth. The Economics of Agrarian Change under Population Pressure.'' Londres, 1965. [http://eh.net/bookreviews/library/federico.shtml]</ref>. Selon ses recherches, la croissance de la population conduit les [[Pays en développement|pays en développement]] à adapter leurs techniques agraires. La croissance de la population pousse à quitter une agriculture itinérante avec des friches de plusieurs années pour s’orienter vers une réduction des temps de friche et finalement pour une culture en continu faisant appel aux [[Engrais|engrais]] et à l’[[Irrigation|irrigation]]. À travers l’[[Innovation|innovation]], les populations réunissent les conditions nécessaires pour une croissance supplémentaire. La boucle fermée de Malthus s’est transformée en une spirale progressant vers le haut.
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=== Critique marxiste ===
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Dans son étude des lois de l'économie capitaliste, [[Marx|Marx]] a montré<ref>Voir notamment ''Le Capital, Livre 1, Chapitre 23, "La loi générale de l'accumulation capitaliste". ''</ref> comment l'accumulation capitaliste conduit tendanciellement à rejeter toute une partie de la classe ouvrière dans l'inactivité (création d'une surpopulation ouvrière, cette [[armée_de_réserve_industrielle|armée de réserve industrielle]] qui fait baisser le niveau des salaires), en parallèle d'un besoin de nouvelles forces pour assurer l'élargissement de l'accumulation capitaliste. Il montre ainsi que les "lois démographiques", qu'il appelle plutôt "lois tendancielles", sont dérivées des lois socio-économiques du mouvement propre au capital. Par là, il critique notamment la naturalisation de ces lois à laquelle procède Malthus.
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== Contrôle des naissances ==
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=== Droit de disposer de son corps ===
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Dans les dernières décennies du 20ème siècle, la natalité a fortement diminué dans les pays capitalistes centraux. Cela n'a pas été le fruit d'une politique d'État (même si la propagande nataliste a nettement reculé), mais d'une plus grande capacité/liberté des femmes à disposer de leur propre corps : lutte pour leur droit de n'avoir que des enfants désirés&nbsp;: fondation du [http://wikirouge.net/wiki/Planning%20familial Planning familial], création du M.L.A.C. (Mouvement pour la Liberté de l'Avortement et de la Contraception) en [http://wikirouge.net/wiki/1972 1972], ce qui aboutit à la [http://wikirouge.net/wiki/Loi%20Veil loi Veil] de janvier [http://wikirouge.net/wiki/1975 1975] légalisant l'interruption volontaire de grossesse (IVG) pour motif de détresse de la mère.
  
 
== Notes et références ==
 
== Notes et références ==
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=== Bibliographie ===
 
=== Bibliographie ===
  
*Robert[[Thomas Malthus|Malthus]], ''Essai sur le principe de population'', [[1798|1798]] ([http://classiques.uqac.ca/classiques/maltus_thomas_robert/malthus.html version en ligne])
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*[[Thomas Malthus|Malthus]], ''Essai sur le principe de population'', 1798 ([http://classiques.uqac.ca/classiques/maltus_thomas_robert/malthus.html version en ligne])
*[[Alfred Sauvy|Alfred Sauvy]], ''Théorie générale de la population'' (2 volumes), PUF, Paris [[1956|1956]]
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*[[Alfred Sauvy|Alfred Sauvy]], ''Théorie générale de la population'' (2 volumes), PUF, Paris 1956
  
 
=== Articles connexes ===
 
=== Articles connexes ===
  
 
*Démographie&nbsp;:
 
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**[[Néomalthusianisme|Néomalthusianisme]]
 
 
**[[Catastrophe malthusienne|Catastrophe malthusienne]]
 
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**[[Populationnisme|Populationnisme]]
 
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*Économie&nbsp;:
 
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**[[Sophisme d'une masse fixe de travail|Sophisme d'une masse fixe de travail]]
 
**[[Sophisme d'une masse fixe de travail|Sophisme d'une masse fixe de travail]]
**[[Malthusianisme économique|Malthusianisme économique]]
 
 
[[Category:Bases théoriques|Catégorie:Bases théoriques]]
 
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Version du 18 mai 2014 à 16:31

Le malthusianisme est une politique prônant la restriction démographique, inspirée par les travaux de l'économiste britannique Thomas Malthus (1766–1834). Le terme est utilisé pour la première fois par Pierre-Joseph Proudhon en 1849.

Le mot « malthusianisme » est aussi employé par extension pour désigner toute attitude pessimiste devant la vie et le développement.

1 La pensée de Thomas Malthus

1.1 Lois de la population

Sur la base des récits de voyages de son époque — en particulier ceux de James Cook — Malthus a tiré une loi naturelle des sociétés naturelles : la population tend à croître plus rapidement que ses ressources, jusqu'à ce qu'interviennent des freins ou des limites à cette croissance (nommés checks). Ces derniers font régresser la population à un niveau supportable pour assurer la nourriture de l'ensemble. Ces obstacles — ou checks — sont de deux natures : d'une part, les positive checks (aussi traduits en français par « obstacle répressif » ou « obstacle malthusien »[1]) qui s'imposent de l'extérieur de façon brutale, à l'instar des famines ou des épidémies ; d'autre part les preventive checks (ou « obstacles préventifs »[2]) qui désignent les décisions conscientes prises en connaissance de cause pour freiner la croissance démographique[3] : avortement, contrôle des naissances, célibat entre autres. D'après Malthus, même chez les peuples dits primitifs, les obstacles préventifs existent. Ainsi, la difficulté de se procurer de la nourriture dans les tribus d'Indiens d'Amérique les obligent à vivre à de grandes distances les unes des autres, à défendre leur territoire de chasse, et afin d'éviter le peuplement, ils se reproduisent peu : un ou deux enfants par famille. Malthus s'appuie notamment sur les écrits de James Cook qui s'étonne du peu d'ardeur amoureuse dans ces tribus[3].

1.2 Malthusianisme économique

Le « modèle malthusien » de formation du revenu minimal des économistes classiques n'a rien à voir avec le « comportement malthusien », restriction volontaire, non seulement de procréation, mais aussi de production.

Par exemple, il préconisait de limiter la production pour permettre l'augmentation des prix.

1.3 Pensée politique

Thomas Malthus craignait les effets dévastateurs du développement libre, supposé exponentiel, de la population humaine.

Pour lui, la procréation des familles peu sûres de pouvoir nourrir leurs enfants devait être restreinte, par la chasteté volontaire.

2 Courants néo-malthusiens

2.1 Anarchistes antinatalistes

A la fin du 19ème siècle, des théoriciens anarchistes comme Paul Robin développent en France des thèses néomalthusiennes, que l'écrivain et journaliste Octave Mirbeau s'emploie à populariser dans la grande presse[4], à contre-courant des thèses natalistes et populationnistes en vigueur au nom de la « Revanche ». Rares sont alors les syndicalistes et les socialistes à se joindre aux militants anarchistes néomalthusiens.

À l'analyse de Malthus, les libertaires néomalthusiens ajoutent deux éléments fondamentaux : d'une part, il serait monstrueux de produire massivement la chair à canon dont les bourgeoisies industrielles ont besoin pour les prochaines boucheries (ils s'opposent donc aux politiques natalistes mises en œuvre afin de préparer la guerre programmée dans les meilleures conditions, grâce à l'abondance de l'infanterie), la chair à travail (qui facilite l'exploitation patronale), la chair à plaisir (qui alimente la prostitution). Ils appellent à la « grève des ventres ».

D'autre part, ils réclament un contrôle des naissances grâce aux moyens contraceptifs en usage et à l'avortement. Poursuivant ce but, Paul Robin fonde en 1896 la Ligue de la Régénération humaine. Opposée à la propagande nataliste, elle diffuse des moyens contraceptifs au nom de la libération des femmes: elles devaient échapper à leur destin de génitrices[5]. Elle sera dissoute en 1908. Eugène et Jeanne Humbert, devenus les principaux animateurs du mouvement, créent Génération consciente et poursuivent leur propagande après son interdiction par la loi de 1920, qui interdit toute propagande antinataliste. Leur activité militante leur vaut plusieurs séjours en prison.

Durant l'entre-deux-guerres, il n'y pas de « rencontre historique du féminisme et du néomalthusianisme »[6]. La majorité des féministes réformatrices se rangent en effet derrière la bannière populationniste pour tenter de gagner de nouveaux droits pour les mères. Les militantes féministes pour un contrôle des naissances — Nelly Roussel, Madeleine Pelletier ou Berty Albrecht — sont rares[7].

2.2 Courants écologistes

Les préoccupations écologiques renouvellent aujourd'hui la problématique malthusienne. Ainsi, certains, comme le commandant Jacques-Yves Cousteau, voient dans l'excessive population humaine le principal obstacle à la sauvegarde des espèces animales et végétales.

D'autre part, grâce au mouvement écologiste et altermondialiste, dans lequel s'inscrit notamment le Club de Rome : l'objectif est de sauver la planète de la pollution et de l'épuisement des matières premières non renouvelables, et de permettre un développement soutenable dans les pays du Sud.

3 Critiques

3.1 Observations dans les pays en développement

Ester Boserup a vigoureusement contredit Malthus en mettant en évidence les effets positifs de la croissance de la population sur la production agricole[8]. Selon ses recherches, la croissance de la population conduit les pays en développement à adapter leurs techniques agraires. La croissance de la population pousse à quitter une agriculture itinérante avec des friches de plusieurs années pour s’orienter vers une réduction des temps de friche et finalement pour une culture en continu faisant appel aux engrais et à l’irrigation. À travers l’innovation, les populations réunissent les conditions nécessaires pour une croissance supplémentaire. La boucle fermée de Malthus s’est transformée en une spirale progressant vers le haut.

3.2 Critique marxiste

Dans son étude des lois de l'économie capitaliste, Marx a montré[9] comment l'accumulation capitaliste conduit tendanciellement à rejeter toute une partie de la classe ouvrière dans l'inactivité (création d'une surpopulation ouvrière, cette armée de réserve industrielle qui fait baisser le niveau des salaires), en parallèle d'un besoin de nouvelles forces pour assurer l'élargissement de l'accumulation capitaliste. Il montre ainsi que les "lois démographiques", qu'il appelle plutôt "lois tendancielles", sont dérivées des lois socio-économiques du mouvement propre au capital. Par là, il critique notamment la naturalisation de ces lois à laquelle procède Malthus.

4 Contrôle des naissances

4.1 Droit de disposer de son corps

Dans les dernières décennies du 20ème siècle, la natalité a fortement diminué dans les pays capitalistes centraux. Cela n'a pas été le fruit d'une politique d'État (même si la propagande nataliste a nettement reculé), mais d'une plus grande capacité/liberté des femmes à disposer de leur propre corps : lutte pour leur droit de n'avoir que des enfants désirés : fondation du Planning familial, création du M.L.A.C. (Mouvement pour la Liberté de l'Avortement et de la Contraception) en 1972, ce qui aboutit à la loi Veil de janvier 1975 légalisant l'interruption volontaire de grossesse (IVG) pour motif de détresse de la mère.

5 Notes et références

  1. fr Dictionnaire démographique multilingue, seconde édition unifiée, volume français sur Demopaedia. Dernière consultation le 12 novembre 2013.
  2. Ibid.
  3. 3,0 et 3,1 Georges Minois, Le poids du nombre : l’obsession du surpeuplement dans l’histoire, Paris, Perrin, coll. Pour l’histoire, 2011, p. 14-64. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « Minois-14-64 » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  4. Mirbeau proclame dès 1890 le droit à l'avortement, dans son dialogue « Consultation » et mène, en 1900, une grande campagne néomalthusienne dans les colonnes du Journal, dans une série d'articles intitulés « Dépopulation ». Voir Pierre Michel, « Octave Mirbeau et le néomalthusianisme », Cahiers Octave Mirbeau, n° 16, 2009, pp. 215-259.
  5. Albert Jacquard,Le compte à rebours a-t-il commencé?,Editions Stock, 2009, p62.
  6. Laurence Klejman et Florence Rochefort, L'Égalité en marché. Le féminisme sous la Troisième République, PFNSP et Éditions des femmes, Paris, p. 336.
  7. Sylvie Chaperon, Les années Beauvoir. 1945-1970, Fayard, Paris, 2000, p. 162.
  8. Ester Boserup: The Conditions of Agricultural Growth. The Economics of Agrarian Change under Population Pressure. Londres, 1965. [1]
  9. Voir notamment Le Capital, Livre 1, Chapitre 23, "La loi générale de l'accumulation capitaliste".

5.1 Bibliographie

5.2 Articles connexes