Différences entre les versions de « Lutte des classes »

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[[Image:LutteDeClasse.jpg|right|303x188px|LutteDeClasse.jpg]]La '''lutte des classes''' est, comme son nom l'indique, le conflit, ouvert ou larvé, entre les [[Classes sociales|classes sociales]] pour leurs intérêts. Elle est pour le [[Marxisme|marxisme]] le fondement de l'[[Histoire|histoire]] des sociétés de classe et ce qui permet de les comprendre.<br>
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[[File:LutteDeClasse.jpg|right|303x188px|LutteDeClasse.jpg]]La '''lutte des classes''' est, comme son nom l'indique, le conflit, ouvert ou larvé, entre les [[Classes sociales|classes sociales]] pour leurs intérêts. Elle est pour le [[Marxisme|marxisme]] le fondement de l'[[Histoire|histoire]] des sociétés de classe et ce qui permet de les comprendre.
  
== Le moteur de l'histoire<br> ==
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== Le moteur de l'histoire<br/> ==
  
=== Les conflits d'intérêt font la politique ===
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=== Les conflits d'intérêt font la politique ===
  
Chacun peut faire l'expérience que, dans toute [[Société|société]], les aspirations de certains de ses membres se heurtent à celles des autres, que la vie sociale est pleine de contradictions, que l'histoire nous révèle la lutte entre les peuples et les sociétés, ainsi que dans leur propre sein, et qu'elle nous montre, en outre, une succession de périodes de [[Révolution|révolution]] et de [[Réaction|réaction]], de paix et de [[Guerre|guerre]], de stagnation et de progrès rapide ou de décadence. Le marxisme a donné le fil conducteur qui, dans ce labyrinthe et ce chaos apparent, permet de découvrir l'existence de lois&nbsp;: la théorie de la lutte des classes. Seule l'étude de l'ensemble des aspirations de tous les membres d'une société ou d'un groupe de sociétés permet de définir avec une précision [[Scientifique|scientifique]] le résultat de ces aspirations. Or, les aspirations contradictoires naissent de la différence de situation et de conditions de vie des classes en lesquelles se décompose toute société. <br>
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Chacun peut faire l'expérience que, dans toute [[Société|société]], les aspirations de certains de ses membres se heurtent à celles des autres, que la vie sociale est pleine de contradictions, que l'histoire nous révèle la lutte entre les peuples et les sociétés, ainsi que dans leur propre sein, et qu'elle nous montre, en outre, une succession de périodes de [[Révolution|révolution]] et de [[Réaction|réaction]], de paix et de [[Guerre|guerre]], de stagnation et de progrès rapide ou de décadence. Le marxisme a donné le fil conducteur qui, dans ce labyrinthe et ce chaos apparent, permet de découvrir l'existence de lois&nbsp;: la théorie de la lutte des classes. Seule l'étude de l'ensemble des aspirations de tous les membres d'une société ou d'un groupe de sociétés permet de définir avec une précision [[Scientifique|scientifique]] le résultat de ces aspirations. Or, les aspirations contradictoires naissent de la différence de situation et de conditions de vie des classes en lesquelles se décompose toute société.
  
C'est ce que résument [[Marx|Marx]] et [[Engels|Engels]] dans le Manifeste du Parti communiste&nbsp;:<br>
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C'est ce que résument [[Marx|Marx]] et [[Engels|Engels]] dans le Manifeste du Parti communiste&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;L'histoire de toute société jusqu'à nos jours<ref>excepté l'histoire de la communauté primitive, ajoutera plus tard Engels</ref>, n'a été que l'histoire de luttes de classes. Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurande et compagnon, en un mot oppresseurs et opprimés, en opposition constante, ont mené une guerre ininterrompue, tantôt ouverte, tantôt dissimulée, une guerre qui finissait toujours soit par une transformation révolutionnaire de la société tout entière, soit par la destruction des deux classes en lutte... La société bourgeoise moderne, élevée sur les ruines de la société féodale, n'a pas aboli les antagonismes de classes. Elle n'a fait que substituer de nouvelles classes, de nouvelles conditions d'oppression, de nouvelles formes de lutte à celles d'autrefois. Cependant, le caractère distinctif de notre époque, de l'époque de la bourgeoisie, est d'avoir simplifié les antagonismes de classes. La société se divise de plus en plus en deux vastes camps ennemis, en deux grandes classes diamétralement opposées&nbsp;: la bourgeoisie et le prolétariat.&nbsp;»<ref name="manifeste">Karl Marx, Friedrich Engels, [http://www.marxists.org/francais/marx/works/1847/00/kmfe18470000.htm Le Manifeste du Parti communiste, 1847]</ref><br> </blockquote>  
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<blockquote>«&nbsp;L'histoire de toute société jusqu'à nos jours<ref>excepté l'histoire de la communauté primitive, ajoutera plus tard Engels</ref>, n'a été que l'histoire de luttes de classes. Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurande et compagnon, en un mot oppresseurs et opprimés, en opposition constante, ont mené une guerre ininterrompue, tantôt ouverte, tantôt dissimulée, une guerre qui finissait toujours soit par une transformation révolutionnaire de la société tout entière, soit par la destruction des deux classes en lutte... La société bourgeoise moderne, élevée sur les ruines de la société féodale, n'a pas aboli les antagonismes de classes. Elle n'a fait que substituer de nouvelles classes, de nouvelles conditions d'oppression, de nouvelles formes de lutte à celles d'autrefois. Cependant, le caractère distinctif de notre époque, de l'époque de la bourgeoisie, est d'avoir simplifié les antagonismes de classes. La société se divise de plus en plus en deux vastes camps ennemis, en deux grandes classes diamétralement opposées&nbsp;: la bourgeoisie et le prolétariat.&nbsp;»<ref name="manifeste">Karl Marx, Friedrich Engels, [http://www.marxists.org/francais/marx/works/1847/00/kmfe18470000.htm Le Manifeste du Parti communiste, 1847]</ref><br/></blockquote>
=== Un modèle de l'évolution des sociétés de classe ===
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=== Un modèle de l'évolution des sociétés de classe ===
  
Il est important de garder à l'esprit que la théorie de la lutte des classes sert à modéliser une partie de l'histoire de l'humanité. Ce n'est pas une loi intemporelle, mais une loi qui décrit les sociétés de classes, depuis la révolution néolithique, jusqu'à la révolution socialiste pour laquelle nous nous battons. Tout comme la sociologie devient plus pertinente que la génétique pour expliquer les comportements des primates grégaires, la lutte des classes nous apprend bien plus de choses sur les sociétés féodales ou capitalistes que la seule "loi du plus fort". Cela ne signifie bien sûr pas que rien ne peut être dit sur l'histoire depuis 10 000 ans sans la lutte des classes. En particulier, au sein d'une même classe, la loi du plus fort s'applique évidemment. Dans le cas de fiefs, de [[Monarchie absolue|monarchies absolues]], ou de régimes [[Fascistes|fascistes]] très personnifiés, la psychologie du tyran a même directement un impact sur l'histoire. Autre exemple, les tensions guerrières entre nations et les conquêtes [[Impérialistes|impérialistes]] ne relèvent pas que de la lutte des classes.  
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Il est important de garder à l'esprit que la théorie de la lutte des classes sert à modéliser une partie de l'histoire de l'humanité. Ce n'est pas une loi intemporelle, mais une loi qui décrit les sociétés de classes, depuis la révolution néolithique, jusqu'à la révolution socialiste pour laquelle nous nous battons. Tout comme la sociologie devient plus pertinente que la génétique pour expliquer les comportements des primates grégaires, la lutte des classes nous apprend bien plus de choses sur les sociétés féodales ou capitalistes que la seule "loi du plus fort". Cela ne signifie bien sûr pas que rien ne peut être dit sur l'histoire depuis 10 000 ans sans la lutte des classes. En particulier, au sein d'une même classe, la loi du plus fort s'applique évidemment. Dans le cas de fiefs, de [[Monarchie absolue|monarchies absolues]], ou de régimes [[Fascistes|fascistes]] très personnifiés, la psychologie du tyran a même directement un impact sur l'histoire. Autre exemple, les tensions guerrières entre nations et les conquêtes [[Impérialistes|impérialistes]] ne relèvent pas que de la lutte des classes.
  
Mais lorsque l'on s'intéresse à ce qui fait apparaître ce que l'on peut appeler le progrès social dans l'histoire, la lutte de classes est un outil théorique indispensable.  
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Mais lorsque l'on s'intéresse à ce qui fait apparaître ce que l'on peut appeler le progrès social dans l'histoire, la lutte de classes est un outil théorique indispensable.
  
== Une dialectique complexe ==
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== Une dialectique complexe ==
  
=== Classe progressiste ou réactionnaire<br> ===
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=== Classe progressiste ou réactionnaire<br/> ===
  
Bien loin de la caricature dépeinte par ses détracteurs, le [[Marxisme|marxisme]] n'a rien d'une méthode simpliste de catégorisation. Il n'a que la rigueur dont font preuvent ceux qui raisonnent avec. Par exemple il n'y aurait aucun sens à étudier la lutte des classes à partir d'un ''instantanné'' de la structure sociale&nbsp;: les transformations en cours et le devenir des classes sont encore plus déterminants. Ainsi la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]] n'est pas une classe [[Réactionnaire|réactionnaire]] ''en soi'', elle a eu un rôle [[Progressiste|progressiste]] lorsqu'elle était dans son mouvement ascendant.  
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Bien loin de la caricature dépeinte par ses détracteurs, le [[Marxisme|marxisme]] n'a rien d'une méthode simpliste de catégorisation. Il n'a que la rigueur dont font preuvent ceux qui raisonnent avec. Par exemple il n'y aurait aucun sens à étudier la lutte des classes à partir d'un ''instantanné'' de la structure sociale&nbsp;: les transformations en cours et le devenir des classes sont encore plus déterminants. Ainsi la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]] n'est pas une classe [[Réactionnaire|réactionnaire]] ''en soi'', elle a eu un rôle [[Progressiste|progressiste]] lorsqu'elle était dans son mouvement ascendant.
  
Le passage suivant du Manifeste du Parti communiste de Marx montre que celui-ci exigeait de la science sociale l'analyse objective de la situation de chaque classe au sein de la société moderne, en connexion avec les conditions de développement de chacune d'elles&nbsp;:  
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Le passage suivant du Manifeste du Parti communiste de Marx montre que celui-ci exigeait de la science sociale l'analyse objective de la situation de chaque classe au sein de la société moderne, en connexion avec les conditions de développement de chacune d'elles&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;De toutes les classes qui, à l'heure présente, s'opposent à la bourgeoisie, le prolétariat seul est une classe vraiment révolutionnaire. Les autres classes périclitent et périssent avec la grande industrie&nbsp;; le prolétariat, au contraire, en est le produit le plus authentique. Les classes moyennes, petits fabricants, détaillants, artisans, paysans, tous combattent la bourgeoisie parce qu'elle est une menace pour leur existence en tant que classes moyennes. Elles ne sont donc pas révolutionnaires, mais conservatrices&nbsp;; bien plus, elles sont réactionnaires&nbsp;: elles cherchent à faire tourner à l'envers la roue de l'histoire. Si elles sont révolutionnaires, c'est en considération de leur passage imminent au prolétariat&nbsp;: elles défendent alors leurs intérêts futurs et non leurs intérêts actuels&nbsp;; elles abandonnent leur propre point de vue pour se placer à celui du prolétariat.&nbsp;» <ref name="manifeste" /> </blockquote>  
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<blockquote>«&nbsp;De toutes les classes qui, à l'heure présente, s'opposent à la bourgeoisie, le prolétariat seul est une classe vraiment révolutionnaire. Les autres classes périclitent et périssent avec la grande industrie&nbsp;; le prolétariat, au contraire, en est le produit le plus authentique. Les classes moyennes, petits fabricants, détaillants, artisans, paysans, tous combattent la bourgeoisie parce qu'elle est une menace pour leur existence en tant que classes moyennes. Elles ne sont donc pas révolutionnaires, mais conservatrices&nbsp;; bien plus, elles sont réactionnaires&nbsp;: elles cherchent à faire tourner à l'envers la roue de l'histoire. Si elles sont révolutionnaires, c'est en considération de leur passage imminent au prolétariat&nbsp;: elles défendent alors leurs intérêts futurs et non leurs intérêts actuels&nbsp;; elles abandonnent leur propre point de vue pour se placer à celui du prolétariat.&nbsp;» <ref name="manifeste">_</ref></blockquote>
=== Lutte, idéologies et conscience de classe ===
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=== Lutte, idéologies et conscience de classe ===
  
La lutte des classes a en général lieu sans que les classes elles mêmes en soient [[Conscience de classe|conscientes]]. La plupart du temps, elles se représentent leurs motivations à travers des [[Idéologies|idéologies]]. En temps de "paix sociale", l'[[Idéologie dominante|idéologie dominante]] est celle de la [[Classe dominante|classe dominante]], qui évidemment ne parle pas clairement de domination de classe, ou alors la justifie par des arguments d'autorité ([[Religion|religion]]...). En temps de troubles révolutionnaires, la classe qui lutte pour le pouvoir ou pour une réforme radicale défend une ou plusieurs idéologies propres. Mais ces idéologies ne sont en général pas non plus une analyse de la réalité de la lutte de classe, mais une justification qui part de l'idéologie dominante et la contredit (une autre religion, le [[Rationalisme|rationalisme]] des Lumières...).  
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La lutte des classes a en général lieu sans que les classes elles mêmes en soient [[Conscience de classe|conscientes]]. La plupart du temps, elles se représentent leurs motivations à travers des [[Idéologies|idéologies]]. En temps de "paix sociale", l'[[Idéologie dominante|idéologie dominante]] est celle de la [[Classe dominante|classe dominante]], qui évidemment ne parle pas clairement de domination de classe, ou alors la justifie par des arguments d'autorité ([[Religion|religion]]...). En temps de troubles révolutionnaires, la classe qui lutte pour le pouvoir ou pour une réforme radicale défend une ou plusieurs idéologies propres. Mais ces idéologies ne sont en général pas non plus une analyse de la réalité de la lutte de classe, mais une justification qui part de l'idéologie dominante et la contredit (une autre religion, le [[Rationalisme|rationalisme]] des Lumières...).
  
En revanche, il y a une différence majeure dans le cas de la [[Révolution socialiste|révolution socialiste]]&nbsp;: il est impératif que la [[Classe travailleuse|classe travailleuse]] lutte consciemment pour le pouvoir, sans idéologie mystificatrice. En effet, de par sa position dans les [[Rapports de production|rapports de production]], elle ne pourra pas devenir une [[Classe possédante|classe possédante]] progressivement. Elle ne pourra pas devenir dominante économiquement avant d'avoir pris le pouvoir politique, cela ne peut être que simultané. Par ailleurs, la révolution socialiste réussie, par définition, ne peut être que le prélude immédiat à l'[[Abolition des classes|abolition des classes]]. A cet âge de pleine conscience de l'humanité ne peut que correspondre une idéologie scientifique de la réalité, sans fausse conscience.  
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En revanche, il y a une différence majeure dans le cas de la [[Révolution socialiste|révolution socialiste]]&nbsp;: il est impératif que la [[Classe travailleuse|classe travailleuse]] lutte consciemment pour le pouvoir, sans idéologie mystificatrice. En effet, de par sa position dans les [[Rapports de production|rapports de production]], elle ne pourra pas devenir une [[Classe possédante|classe possédante]] progressivement. Elle ne pourra pas devenir dominante économiquement avant d'avoir pris le pouvoir politique, cela ne peut être que simultané. Par ailleurs, la révolution socialiste réussie, par définition, ne peut être que le prélude immédiat à l'[[Abolition des classes|abolition des classes]]. A cet âge de pleine conscience de l'humanité ne peut que correspondre une idéologie scientifique de la réalité, sans fausse conscience.
  
Du côté de la bourgeoisie, des analyses scientifiques sérieuses en sciences sociales tendent à déboucher sur la conclusion de l'existence des classes et de leur lutte. L'idéologie dominante rejette ce concept comme une lubie ou au moins une vieillerie dépassée, mais il y a régulièrement des prises de consciences individuelles. En 2006 par exemple, Warren Buffet - seconde fortune des États-Unis - disait&nbsp;:<br>
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Du côté de la bourgeoisie, des analyses scientifiques sérieuses en sciences sociales tendent à déboucher sur la conclusion de l'existence des classes et de leur lutte. L'idéologie dominante rejette ce concept comme une lubie ou au moins une vieillerie dépassée, mais il y a régulièrement des prises de consciences individuelles. En 2006 par exemple, Warren Buffet - seconde fortune des États-Unis - disait&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;Il y a une guere de classes, bien sûr, mais c'est ma classe, celle des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner&nbsp;» <ref>[http://www.nytimes.com/2006/11/26/business/yourmoney/26every.html?_r=1&amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;ex=1165554000&amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;en=02ed48ae1473efe0&amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;ei=5070 New York Times, 26 novembre 2006]</ref></blockquote>  
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<blockquote>«&nbsp;Il y a une guerre de classes, bien sûr, mais c'est ma classe, celle des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner&nbsp;» <ref>[http://www.nytimes.com/2006/11/26/business/yourmoney/26every.html?_r=1&amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;ex=1165554000&amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;en=02ed48ae1473efe0&amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;ei=5070 New York Times, 26 novembre 2006]</ref><br/></blockquote>
En France, certains sondages consistaient à demander si les gens ont le sentiment que la lutte de classe existe&nbsp;:<ref>L'Humanité, [http://www.humanite.fr/politique/exclusif-lhumanite-la-lutte-des-classes-une-realit-512348 La lutte des classes, une réalité bien vivante], 2013</ref>  
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En France, certains sondages consistaient à demander si les gens ont le sentiment que la lutte de classe existe&nbsp;:<ref>L'Humanité, [http://www.humanite.fr/politique/exclusif-lhumanite-la-lutte-des-classes-une-realit-512348 La lutte des classes, une réalité bien vivante], 2013</ref>
  
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== Confirmation par les faits<br>  ==
 
  
=== Un concept antérieur à Marx...<br> ===
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== Formes de la lutte des classes<br/> ==
  
Depuis la [[Révolution française|Révolution française]], l'histoire de l'Europe a, dans nombre de pays, révélé avec une évidence particulière cette cause réelle des événements&nbsp;: la lutte des classes. Déjà, à l'époque de la Restauration, on vit apparaître en France un certain nombre d'historiens (Thierry, Guizot, Mignet, [[Adolphe Thiers|Thiers]]) qui,dans leur synthèse des événements, ne purent s'empêcher de reconnaître que la lutte des classes était la clé permettant de comprendre l'histoire de France. <br>
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La lutte de classe est permanente mais prend différentes formes, qui peuvent aller de la plus discrète (une hausse de la [[TVA]]) jusqu'à la plus ouverte (une [[émeute]] ouvrière...). En général elle s'exprime d'abord sous une forme "économique", "syndicale" (lors d'une [[grève]] pour l'augmentation des [[salaires]]...). Parfois les travailleur-se-s sont poussés par les conditions de leur lutte à transformer celle-ci directement en lutte politique (lorsque la lutte se fait contre en employeur public, lorsqu'un gouvernement apparaît trop directement au service du patronat...). Mais pour les communistes, il est nécessaire qu'une organisation révolutionnaire organise la classe travailleuse dans le but de lui faire vraiment prendre [[Conscience_de_classe|conscience]] de ses intérêts communs de classe. Pour qu'elle devienne non plus seulement une classe en soi mais une [[classe_pour_soi|classe pour soi]].
  
=== ...et illustré à maintes reprises<br> ===
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== Histoire du concept<br/> ==
  
Quant à l'époque moderne, celle de la victoire complète de la bourgeoisie, des institutions représentatives, du suffrage élargi (sinon universel), de la presse quotidienne à bon marché qui pénètre dans lesmasses, etc., l'époque des associations puissantes et de plus en plus vastes, celles des ouvriers et celles des patrons, etc., elle a montré avec plus d'évidence encore (bien que parfois sous une forme très unilatérale, «&nbsp;pacifique&nbsp;», «&nbsp;constitutionnelle&nbsp;») que la lutte des classes est le moteur des événements. <br>
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Depuis la [[Révolution française|Révolution française]], l'histoire de l'Europe a, dans nombre de pays, révélé avec une évidence particulière cette cause réelle des événements&nbsp;: la lutte des classes. Déjà, à l'époque de la Restauration, on vit apparaître en France un certain nombre d'historiens (Thierry, Guizot, Mignet, [[Adolphe Thiers|Thiers]]) qui,dans leur synthèse des événements, ne purent s'empêcher de reconnaître que la lutte des classes était la clé permettant de comprendre l'histoire de France.
  
Dans nombre d'ouvrages historiques (voir Bibliographie), Marx donna des exemples brillants et profonds d'histoire matérialiste, d'analyse de la condition de chaque classe particulière et parfois des divers groupes ou couches au sein d'une classe, montrant jusqu'à l'évidence pourquoi et comment «&nbsp;toute lutte de classes est une lutte politique&nbsp;». La théorie de Marx trouve sa confirmation et son application la plus profonde, la plus complète et la plus détaillée dans sa doctrine économique.  
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Dans nombre d'ouvrages historiques, Marx donna des exemples d'histoire matérialiste, d'analyse de la condition de chaque classe particulière et parfois des divers groupes ou couches au sein d'une classe, montrant pourquoi et comment «&nbsp;toute lutte de classes est une lutte politique&nbsp;». C'est de ces historiens bourgeois que Marx a repris le concept de lutte de classe, pour en faire un élément fondamental. Car chez Marx il ne s'agit pas seulement d'un concept utilisé dans l'étude de l'histoire, mais également la base de sa théorie économique. Et évidemment, également un champ de bataille dans l'engagement politique !
  
== Le jeu de société ==
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== Le jeu de société<br/> ==
  
[[Bertell Ollman|Bertell Ollman]], un théoricien marxiste vivant aux Etats-Unis, a créé un jeu de société nommé "Class struggle"<ref>http://www.nyu.edu/projects/ollman/game.php</ref>, édité en France sous le nom de "Lutte des classes"<ref>http://jeuxsoc.fr/jeu/lutte</ref>. C'est une sorte de parodie de Monopoly où les joueurs (de 2 à 6) sont des classes (capitalistes, travailleurs, paysans) ou des groupes sociaux alliés à telle ou telle classe (petits commerçants, étudiants, professions libérales).<br>
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[[Bertell Ollman|Bertell Ollman]], un théoricien marxiste vivant aux Etats-Unis, a créé un jeu de société nommé "Class struggle"<ref>http://www.nyu.edu/projects/ollman/game.php</ref>, édité en France sous le nom de "Lutte des classes"<ref>http://jeuxsoc.fr/jeu/lutte</ref>. C'est une sorte de parodie de Monopoly où les joueurs (de 2 à 6) sont des classes (capitalistes, travailleurs, paysans) ou des groupes sociaux alliés à telle ou telle classe (petits commerçants, étudiants, professions libérales).
  
[[Image:LutteDesClassesJeu.jpg|center|LutteDesClassesJeu.jpg]]  
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[[File:LutteDesClassesJeu.jpg|center|LutteDesClassesJeu.jpg]]
  
== Notes et sources<br> ==
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== Notes et sources<br/> ==
  
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[[Catégorie:Bases_théoriques]] [[Catégorie:Classes_sociales]] [[Catégorie:Histoire]]
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[[Category:Bases théoriques|Bases_théoriques]]<br/>[[Category:Classes sociales|Classes_sociales]]<br/>[[Category:Histoire]]

Version du 23 décembre 2013 à 20:41

LutteDeClasse.jpg

La lutte des classes est, comme son nom l'indique, le conflit, ouvert ou larvé, entre les classes sociales pour leurs intérêts. Elle est pour le marxisme le fondement de l'histoire des sociétés de classe et ce qui permet de les comprendre.

1 Le moteur de l'histoire

1.1 Les conflits d'intérêt font la politique

Chacun peut faire l'expérience que, dans toute société, les aspirations de certains de ses membres se heurtent à celles des autres, que la vie sociale est pleine de contradictions, que l'histoire nous révèle la lutte entre les peuples et les sociétés, ainsi que dans leur propre sein, et qu'elle nous montre, en outre, une succession de périodes de révolution et de réaction, de paix et de guerre, de stagnation et de progrès rapide ou de décadence. Le marxisme a donné le fil conducteur qui, dans ce labyrinthe et ce chaos apparent, permet de découvrir l'existence de lois : la théorie de la lutte des classes. Seule l'étude de l'ensemble des aspirations de tous les membres d'une société ou d'un groupe de sociétés permet de définir avec une précision scientifique le résultat de ces aspirations. Or, les aspirations contradictoires naissent de la différence de situation et de conditions de vie des classes en lesquelles se décompose toute société.

C'est ce que résument Marx et Engels dans le Manifeste du Parti communiste :

« L'histoire de toute société jusqu'à nos jours[1], n'a été que l'histoire de luttes de classes. Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurande et compagnon, en un mot oppresseurs et opprimés, en opposition constante, ont mené une guerre ininterrompue, tantôt ouverte, tantôt dissimulée, une guerre qui finissait toujours soit par une transformation révolutionnaire de la société tout entière, soit par la destruction des deux classes en lutte... La société bourgeoise moderne, élevée sur les ruines de la société féodale, n'a pas aboli les antagonismes de classes. Elle n'a fait que substituer de nouvelles classes, de nouvelles conditions d'oppression, de nouvelles formes de lutte à celles d'autrefois. Cependant, le caractère distinctif de notre époque, de l'époque de la bourgeoisie, est d'avoir simplifié les antagonismes de classes. La société se divise de plus en plus en deux vastes camps ennemis, en deux grandes classes diamétralement opposées : la bourgeoisie et le prolétariat. »[2]

1.2 Un modèle de l'évolution des sociétés de classe

Il est important de garder à l'esprit que la théorie de la lutte des classes sert à modéliser une partie de l'histoire de l'humanité. Ce n'est pas une loi intemporelle, mais une loi qui décrit les sociétés de classes, depuis la révolution néolithique, jusqu'à la révolution socialiste pour laquelle nous nous battons. Tout comme la sociologie devient plus pertinente que la génétique pour expliquer les comportements des primates grégaires, la lutte des classes nous apprend bien plus de choses sur les sociétés féodales ou capitalistes que la seule "loi du plus fort". Cela ne signifie bien sûr pas que rien ne peut être dit sur l'histoire depuis 10 000 ans sans la lutte des classes. En particulier, au sein d'une même classe, la loi du plus fort s'applique évidemment. Dans le cas de fiefs, de monarchies absolues, ou de régimes fascistes très personnifiés, la psychologie du tyran a même directement un impact sur l'histoire. Autre exemple, les tensions guerrières entre nations et les conquêtes impérialistes ne relèvent pas que de la lutte des classes.

Mais lorsque l'on s'intéresse à ce qui fait apparaître ce que l'on peut appeler le progrès social dans l'histoire, la lutte de classes est un outil théorique indispensable.

2 Une dialectique complexe

2.1 Classe progressiste ou réactionnaire

Bien loin de la caricature dépeinte par ses détracteurs, le marxisme n'a rien d'une méthode simpliste de catégorisation. Il n'a que la rigueur dont font preuvent ceux qui raisonnent avec. Par exemple il n'y aurait aucun sens à étudier la lutte des classes à partir d'un instantanné de la structure sociale : les transformations en cours et le devenir des classes sont encore plus déterminants. Ainsi la bourgeoisie n'est pas une classe réactionnaire en soi, elle a eu un rôle progressiste lorsqu'elle était dans son mouvement ascendant.

Le passage suivant du Manifeste du Parti communiste de Marx montre que celui-ci exigeait de la science sociale l'analyse objective de la situation de chaque classe au sein de la société moderne, en connexion avec les conditions de développement de chacune d'elles :

« De toutes les classes qui, à l'heure présente, s'opposent à la bourgeoisie, le prolétariat seul est une classe vraiment révolutionnaire. Les autres classes périclitent et périssent avec la grande industrie ; le prolétariat, au contraire, en est le produit le plus authentique. Les classes moyennes, petits fabricants, détaillants, artisans, paysans, tous combattent la bourgeoisie parce qu'elle est une menace pour leur existence en tant que classes moyennes. Elles ne sont donc pas révolutionnaires, mais conservatrices ; bien plus, elles sont réactionnaires : elles cherchent à faire tourner à l'envers la roue de l'histoire. Si elles sont révolutionnaires, c'est en considération de leur passage imminent au prolétariat : elles défendent alors leurs intérêts futurs et non leurs intérêts actuels ; elles abandonnent leur propre point de vue pour se placer à celui du prolétariat. » [2]

2.2 Lutte, idéologies et conscience de classe

La lutte des classes a en général lieu sans que les classes elles mêmes en soient conscientes. La plupart du temps, elles se représentent leurs motivations à travers des idéologies. En temps de "paix sociale", l'idéologie dominante est celle de la classe dominante, qui évidemment ne parle pas clairement de domination de classe, ou alors la justifie par des arguments d'autorité (religion...). En temps de troubles révolutionnaires, la classe qui lutte pour le pouvoir ou pour une réforme radicale défend une ou plusieurs idéologies propres. Mais ces idéologies ne sont en général pas non plus une analyse de la réalité de la lutte de classe, mais une justification qui part de l'idéologie dominante et la contredit (une autre religion, le rationalisme des Lumières...).

En revanche, il y a une différence majeure dans le cas de la révolution socialiste : il est impératif que la classe travailleuse lutte consciemment pour le pouvoir, sans idéologie mystificatrice. En effet, de par sa position dans les rapports de production, elle ne pourra pas devenir une classe possédante progressivement. Elle ne pourra pas devenir dominante économiquement avant d'avoir pris le pouvoir politique, cela ne peut être que simultané. Par ailleurs, la révolution socialiste réussie, par définition, ne peut être que le prélude immédiat à l'abolition des classes. A cet âge de pleine conscience de l'humanité ne peut que correspondre une idéologie scientifique de la réalité, sans fausse conscience.

Du côté de la bourgeoisie, des analyses scientifiques sérieuses en sciences sociales tendent à déboucher sur la conclusion de l'existence des classes et de leur lutte. L'idéologie dominante rejette ce concept comme une lubie ou au moins une vieillerie dépassée, mais il y a régulièrement des prises de consciences individuelles. En 2006 par exemple, Warren Buffet - seconde fortune des États-Unis - disait :

« Il y a une guerre de classes, bien sûr, mais c'est ma classe, celle des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner » [3]

En France, certains sondages consistaient à demander si les gens ont le sentiment que la lutte de classe existe :[4]

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3 Formes de la lutte des classes

La lutte de classe est permanente mais prend différentes formes, qui peuvent aller de la plus discrète (une hausse de la TVA) jusqu'à la plus ouverte (une émeute ouvrière...). En général elle s'exprime d'abord sous une forme "économique", "syndicale" (lors d'une grève pour l'augmentation des salaires...). Parfois les travailleur-se-s sont poussés par les conditions de leur lutte à transformer celle-ci directement en lutte politique (lorsque la lutte se fait contre en employeur public, lorsqu'un gouvernement apparaît trop directement au service du patronat...). Mais pour les communistes, il est nécessaire qu'une organisation révolutionnaire organise la classe travailleuse dans le but de lui faire vraiment prendre conscience de ses intérêts communs de classe. Pour qu'elle devienne non plus seulement une classe en soi mais une classe pour soi.

4 Histoire du concept

Depuis la Révolution française, l'histoire de l'Europe a, dans nombre de pays, révélé avec une évidence particulière cette cause réelle des événements : la lutte des classes. Déjà, à l'époque de la Restauration, on vit apparaître en France un certain nombre d'historiens (Thierry, Guizot, Mignet, Thiers) qui,dans leur synthèse des événements, ne purent s'empêcher de reconnaître que la lutte des classes était la clé permettant de comprendre l'histoire de France.

Dans nombre d'ouvrages historiques, Marx donna des exemples d'histoire matérialiste, d'analyse de la condition de chaque classe particulière et parfois des divers groupes ou couches au sein d'une classe, montrant pourquoi et comment « toute lutte de classes est une lutte politique ». C'est de ces historiens bourgeois que Marx a repris le concept de lutte de classe, pour en faire un élément fondamental. Car chez Marx il ne s'agit pas seulement d'un concept utilisé dans l'étude de l'histoire, mais également la base de sa théorie économique. Et évidemment, également un champ de bataille dans l'engagement politique !

5 Le jeu de société

Bertell Ollman, un théoricien marxiste vivant aux Etats-Unis, a créé un jeu de société nommé "Class struggle"[5], édité en France sous le nom de "Lutte des classes"[6]. C'est une sorte de parodie de Monopoly où les joueurs (de 2 à 6) sont des classes (capitalistes, travailleurs, paysans) ou des groupes sociaux alliés à telle ou telle classe (petits commerçants, étudiants, professions libérales).

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6 Notes et sources

  1. excepté l'histoire de la communauté primitive, ajoutera plus tard Engels
  2. 2,0 et 2,1 Karl Marx, Friedrich Engels, Le Manifeste du Parti communiste, 1847 Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « manifeste » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  3. New York Times, 26 novembre 2006
  4. L'Humanité, La lutte des classes, une réalité bien vivante, 2013
  5. http://www.nyu.edu/projects/ollman/game.php
  6. http://jeuxsoc.fr/jeu/lutte