Lucien Sève

De Wikirouge
Révision datée du 1 mai 2020 à 00:19 par 86.223.131.158 (discussion) (S.L. ouverture)
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)
Aller à la navigation Aller à la recherche

Lucien Sève, (9 décembre 1926, Chambéry / 23 mars 2020, Clamart) est un philosophe français d'inspiration marxiste. Militant politique, il occupe des responsabilités au sein du Parti communiste français. Il s’en éloigne à partir de 1984 et le quitte définitivement en 2010.

Son épouse, Françoise Sève a traduit une grande partie de l'œuvre de Lev Vygotski en français.

1 La dialectique dans l'histoire

=> Sève, L (2014). Qu'est-ce pensée dialectique ? (p. 487-489). In Lucien Sève, Penser avec Marx aujourd'hui (Tome III) - « La philosophie » ?. La dispute.

« Le sort de la pensée dialectique à travers quelques trois millénaires est un cas unique, passablement stupéfiant, dans l'histoire générale des idées.

Vivace dès la plus primitive intelligence humaine, omniprésente dans les plus vieilles mythologies, la conviction que du vrai se dit dans a contradiction est au cœur des premières philosophies en Chine, en Inde, en Grèce, de Lao-Tseu à Héraclite - avant de voir, en Occident tout au moins, disqualifiée au nom de la logique telle que le codifia Aristote, proscrite même comme attentatoire à l'ordre de la cité , condamné pour vingt siéclèe à végéter en marge de la culture dominante, indéracinable pourtant en sa troublante rationalité contestataire.

Et voici que l'insoupçonnable Kant, au teps de la Révolution française, ose faire ce constat capital : l'effort séculaire de la métaphysique débouche sur de fondamentales contradictions, ce dont il croyait devoir conclure à l'incapacité principielle de l'entendement humain quand Hegel renversa avec autorité la question : si toute recherche du vrai aboutit inexorablement à la contradiction, c'est que la contradiction est le vrai.

Cette puissante reprise moderne de la dialectique fit époque ; elle ouvrait un immense chapitre nouveau de la logique. Hegel mort, on ne tarda pas à voir combien elle comptait d'ennemis jurés : raisonneurs intraitables sur le principe d'identité, croyant de la Sainte Trinité scandalisées par la triade laïque, scientifiques cloitrés dans la positivité du fait et débordants de mépris pour cette absurdité spéculative ... En France plus qu'ailleurs, je le monterai, les conservatismes coalisés l'éradiquèrent pour trois quart de siècle : deuxième refoulement historique de la pensée dialectique.

Mais, vers 1930, le puissant effet culturel de la révolution russe, la montée de violents antagonistes sociaux et nationaux, la crise de la rationalité ordinaire contredite par des savoirs de pointe la remirent à l'ordre du jours, en sa version non pas seulement hégélienne mais marxiste. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, elle fut même une intense mode intellectuelle.

Chaque philosophie exhibait la sienne, la tenant pour meilleure - marxisme stalinien [SL : Garaudy, Althusser], existentialiste athée [SL : Satres], personnalisme chrétien, théologie même... Pendant un temps, il fut impossible de penser sans dialectique, y compris dans les sciences, comme on l'apprenait chez Bacherlard ou Gonseth, Gurvith ou Piaget...

La guerre froide [SL : du moins froide en Europe et USA] lui fut fatale pour une troisième fois : brutalement contestée chez nous en même temps que le communisme, elle se discrédita elle-même en sa version stalinisée à travers l'emblématique affaire Lyssenko [bien que discrédité par Staline lui-même dans les années 50], avant d'être dans les années 1970 déboutée de toute de toute pertinence par les docteurs de la logique formelle : une totale abstinence du mot fut prescrite en son nom à la communauté savante, et pour l'essentiel observée.

C'était avant-hier : voilà quarante ans que cette pensée a été une nouvelle fois rayée en monde francophone de l'actualité philosophique et scientifique, incroyablement délaissée en une conjecture intellectuelle et politique où, on espère le donner à bien voir, elle est criante nécessité.

Qui peut contester ce refoulement répétitif d'ampleur inégalée dans l'histoire des idées sans rechercher le pourquoi de tant de dédain - couvrant parfois tant de haine, on le verra - n'est vraiment pas un esprit curieux. Une pure démarche logique attire sur elle plus de deux mille ans les passions négatives : il sembles que cela mérite examen.

A ma connaissance, il n'existe pourtant à ce jour pas un seul travail d'histoire des idées sur les motifs et procédures de cet interminable ostracisme. Entreprenant ici de montrer contre l'opinion largement dominante, pourquoi et comment il ne peut y avoir démarche de pensée qui vaille sans culture dialectique, il na faut au moins cursivement établir ce point préalable : la mauvaise opinion qui semble aller de soi à propos de ce qu'on appelle 'la dialectique' - entendons par là, sommairement et sous bénéfice d'inventaire, la 'maîtrise logique des contradiction' - relève d'un préjugé dépréciatif sans pertinence grandement facilité par une méconnaissance général non fortuite dont on offrira de peu croyables exemples.

Seront donc à propos pour commencer quelques indications d'ordre théorique et historique sur ces trois refoulements majeurs - celui d'Héraclite, de Hegel, de Marx -, indications rapides plus ou moins connues sur le premier, assez neuves sur les deux suivants, aujourd'hui encore largement inétudiés. À voir d'un peu près ce qui fut opposé à la pensé de la contradiction logique, et de quelle façon cela fut fait on en viendra fort probablement déjà à plus d'attentive ouverture d'esprit au propos dialectique. »

Remarque :

Chez Friedrich Engels et Georges Gastaud, la dialectique est dans le concret réel et pas seulement dans la pensée. Ce que Sève évite contre Engels bien que visible dans la nature par la nature elle-même notamment dans ses formes et sa dynamique dont la spirale est la plus connue. (cf Bibliographie sur le matérialisme dialectique)

2 Œuvres

2.1 Articles

  • « Pavlov, Lénine et la psychologie » [1952], dans La Raison, Cahiers de psychopathologie scientifique, n° 9-10, 1954, p. 79-96.
  • L'École et la laïcité : anthologie commentée des grands textes laïques, Chambéry, EDSCO, 1965.
  • « Henri Lefebvre et la dialectique chez Marx », La Nouvelle Critique, n° 94, mars 1958, p. 55-89.
  • La Différence — deux essais : Lénine, philosophe communiste ; Sur « La Somme et le Reste » d'Henri Lefebvre, Paris, Les Essais de la Nouvelle critique, 1960.
  • La Philosophie française contemporaine et sa genèse de 1789 à nos jours, précédé de Philosophie et politique, Paris, Éditions sociales, 1962.
  • « Les “dons” n'existent pas », L'École et la Nation, octobre 1964, p. 39-64.
  • « Marxisme et « essence humaine » - Réponse à Bernard Chouvier », La Nouvelle Critique, n° 54 (nouvelle série), juin 1972, p. 92-95.
  • Avec Catherine Clément et Pierre Bruno, « Psychanalyse et matérialisme historique » [1972], dans Pour une critique marxiste de la théorie psychanalytique, Paris, Éditions sociales, 1973, p. 195-268.
  • Ouvrage collectif, « Analyses marxistes de l'aliénation: religion et économie politique » [1973], dans Philosophie et religion, Paris, CERM/ Éditions sociales, 1974, p. 203-254.
  • « Introduction à Karl Marx et Friedrich Engels », dans Textes sur la méthode de la science économique (édition bilingue), Paris : Éditions Sociales, 1974, p. 7-31.
  • « Lénine et le passage pacifique au socialisme », conférence au CERM, reprise dans Le XXIIe Congrès, développement léniniste de la stratégie de révolution pacifique, Cahiers du communisme, n° 6, juin 1976, p. 48-68.
  • « Où en sommes-nous avec le socialisme scientifique ? », La Pensée, n° 232, mars-avril 1983, p. 39-61.
  • Structuralisme et dialectique, Paris : Messidor/Éditions Sociales, 1984.
  • Ouvrage collectif, La Personnalité en gestation, dans Je/Sur l'individualité, Paris, Messidor/Éditions Sociales, 1987, p. 211-249.
  • « La question du communisme », intervention au Congrès Marx international (septembre 1995), dans Congrès Marx international, Paris, Actuel Marx/PUF, p. 275-285.
  • « Althusser et la dialectique », dans Althusser philosophe, sous la direction de Pierre Raymond, Paris, Actuel Marx/PUF, 1997, p. 105-136.
  • « Alternative socialiste ou visée communiste ? », intervention au Colloque d'Actuel Marx sur « Le socialisme aujourd'hui » (Nanterre, octobre 1997), Regards, n° 31, janvier 1998, p. 21-23.
  • Ouvrage collectif, coordination Lucien Sève, « Nature, science, dialectique: un chantier à rouvrir », dans Sciences et dialectiques de la nature, Paris : Éditions La Dispute, 1998, p. 23-247.
  • Commencer par les fins : la nouvelle question communiste, Paris, Éditions La Dispute, 1999.
  • « Argenteuil: des apparences d'un texte aux réalités d'un affrontement », dans Aragon et le Comité central d'Argenteuil, Les annales de la Société des amis de Louis Aragon et Elsa Triolet, no 2, 2000, p. 49-71.
  • « Émancipation sociale et libre développement de chacun », Cahiers d'histoire, n° 80-81, 3e-4e trimestre 2000, p. 111-124.
  • « Sciences de l'homme et de la société, la responsabilité des scientifiques », Actes des journées d'études tenues en 1996 et 1998, Réseau national pluridisciplinaire Sciences de l'homme et de la société, éthique et déontologie des métiers de la recherche, sous la direction de Jean-Paul Terrenoire, préface de Lucien Sève, Paris-Budapest-Torino, L'Harmattan, 2001 (ISBN 2747513718).
  • Ouvrage collectif sous la direction d'Yves Clot, « Quelles contradictions ? : à propos de Piaget, Vygotski et Marx », dans Avec Vygotski, Éditions La Dispute, 1999 (2e édition, 2002).
  • « Historische Individualitätsformen », dans Historisch-kritisches Wörterbuch des Marxismus, sous la direction de W.F.Haug, Berlin, Éditions Argument, tome 6/1, 2004.
  • Ouvrage collectif, coordonné par J. Guespin-Michel, « De quelle culture logico-philosophique la pensée du non-linéaire a-t-elle besoin ? », dans Émergence, complexité et dialectique: sur les systèmes dynamiques non-linéaires, Paris : Éditions Odile Jacob, 2005 (ISBN 2738116264).

2.2 Essais

  • Marxisme et théorie de la personnalité, Paris, Éditions sociales, 1969 (5e édition 1981, avec les postfaces à la 2e édition [1972] et à la 3e [1973]; traduit en vingt langues).
  • Avec Jean Fabre et François Hincker, Les Communistes et l'État, Paris, Éditions sociales, 1977.
  • Une introduction à la philosophie marxiste, suivie d'un vocabulaire philosophique, Paris, Éditions sociales, 1980 (1re, 2e et 3e éditions).
  • En collaboration, Recherche biomédicale et respect de la personne humaine, Rapport du Comité consultatif national d'éthique, Paris, La Documentation française, 1988.
  • Communisme, quel second souffle ?, Paris, Messidor/Éditions Sociales, 1990.
  • Pour une critique de la raison bioéthique, Paris, Éditions Odile Jacob, 1994.
  • Penser avec Marx aujourd'hui. I. Marx et nous, Paris, Éditions La Dispute, 2004.
  • Qu'est-ce que la personne humaine?: bioéthique et démocratie, Paris : Éditions La Dispute, 2006 (ISBN 9782843031328).
  • Penser avec Marx aujourd'hui. II. L'homme?, Paris : Éditions La Dispute, 2008 (ISBN 9782843031694).
  • Aliénation et émancipation, Paris : Éditions La Dispute, 2012 (ISBN 9782843032356).
  • Penser avec Marx aujourd'hui. III. La philosophie ?, Paris, Éditions La Dispute, 2014 (ISBN 9782843032561).
  • Pour une science de la biographie, suivi de « Formes historiques d'individualité », Paris, collection « Les parallèles », Éditions sociales, 2015 (ISBN 9782353670208).
  • Octobre 1917. Une lecture très critique de l'historiographie dominante, suivi d'un choix de textes de Lénine, Paris, Éditions sociales, 14 septembre 2017 (ISBN 9782353670383).
  • Capitalexit ou catastrophe. Entretiens avec Jean Sève, Paris, éditions La Dispute, 2018.
  • Penser avec Marx aujourd'hui. IV. Le communisme ?, Première partie, Paris, éditions La Dispute, 2019.

3 Citation