Différences entre les versions de « Libéralisme »

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Au [[Libéralisme économique|sens économique]], il correspond à l'ensemble des doctrines qui prônent le ''« [[libre-échange]] »'', la diminution et l'abolition des règles commerciales et de l'[[intervention étatique]], la recherche du [[profit]] comme moteur de l'économie ([[capitalisme]] non régulé) ; au [[Libéralisme politique|sens politique]], à une souplesse dans la [[dictature]] exercée sur le [[prolétariat]] par la [[Bourgeoisie|classe dominante]] ([[démocratie capitaliste]]).  
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A l'inverse, les autres courants politiques distinguent en général ces deux plans. Il peut ainsi exister des dictatures donnant la plus grande liberté aux capitalistes, mais retirant l'essentiel des libertés individuelles aux masses. Le [[mouvement ouvrier]] et [[Socialisme|socialiste]] quant à lui, défend largement les libertés individuelles, mais veut diminuer la liberté des capitalistes, pour augmenter la ''liberté réelle'' du plus grand nombre. 
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Il y a une différence fondamentale entre des libertés qui sont seulement proclamées (libertés formelles), et des libertés qui existent dans la pratique (libertés réelles). Il est facile pour la bourgeoisie libérale de proclamer que tout le monde a les mêmes droits à [[Méritocratie|montrer son mérite]], à entreprendre et à s'enrichir, mais dans la pratique la [[reproduction sociale]] ne fait pas de cadeau. Il est bien beau de proclamer l'égalité en droit, mais même cette égalité minimale n'existe pas : le petit délinquant passant en comparution immédiate avec un avocat commis d'office n'aura [[Justice de classe|jamais la même application du droit]] que le délinquant en col blanc pouvant se payer une batterie d'avocats.
  
 
==Libéralisme économique et libéralisme politique==
 
==Libéralisme économique et libéralisme politique==

Version du 16 octobre 2021 à 12:01

La statue de la Liberté à New York

Le libéralisme est un courant politique qui prône la défense des libertés individuelles, au nom d'une vision de la société fondée sur l'individu et la coopération volontaire entre individus (contractualisme).

Historiquement, le plus fort développement du libéralisme a été porté par l'essor de la bourgeoisie, et sa lutte pour arracher des droits individuels face à l'arbitraire (des monarchies, des nobles, du clergé...) a été globalement progressiste.

Puis au fur et à mesure du développement du capitalisme, l'antagonisme entre les patrons et les salarié·es s'est développé, et l'attitude face à l'économie dominante est devenu une question politique centrale. Pour la bourgeoisie, le plus naturel est de se contenter de laissez-faire les lois du marché grâce auxquelles elle peut exploiter et s'enrichir. Ses principaux courants politiques ont donc présenté le libéralisme économique (« libre entreprise », « libre-échange », « libre marché »...) comme allant naturellement avec le libéralisme politique (droits démocratiques). C'est ce qui est généralement devenu l'idéologie dominante dans les démocraties capitalistes.

A l'inverse, les autres courants politiques distinguent en général ces deux plans. Il peut ainsi exister des dictatures donnant la plus grande liberté aux capitalistes, mais retirant l'essentiel des libertés individuelles aux masses. Le mouvement ouvrier et socialiste quant à lui, défend largement les libertés individuelles, mais veut diminuer la liberté des capitalistes, pour augmenter la liberté réelle du plus grand nombre.

1 Liberté formelle et liberté réelle

Il y a une différence fondamentale entre des libertés qui sont seulement proclamées (libertés formelles), et des libertés qui existent dans la pratique (libertés réelles). Il est facile pour la bourgeoisie libérale de proclamer que tout le monde a les mêmes droits à montrer son mérite, à entreprendre et à s'enrichir, mais dans la pratique la reproduction sociale ne fait pas de cadeau. Il est bien beau de proclamer l'égalité en droit, mais même cette égalité minimale n'existe pas : le petit délinquant passant en comparution immédiate avec un avocat commis d'office n'aura jamais la même application du droit que le délinquant en col blanc pouvant se payer une batterie d'avocats.

2 Libéralisme économique et libéralisme politique

De nombreux libéraux aiment présenter la démocratie et le libéralisme politique comme allant de pair avec le libéralisme économique. Mais il a toujours existé une certaine contradiction entre les deux facettes. En effet, les revendications populaires ont souvent paru incontrôlables et effrayantes pour les élites, et on peut relever l'existence de deux tendances politiques depuis les origines du libéralisme : d'un côté des réformateurs très modérés issus des élites, méfiants vis-à-vis des foules plébéiennes / prolétaires, de l'autre les mouvements collectifs de ces derniers.

Déjà chez Tocqueville, il y avait une tension entre liberté et démocratie.

Dans la Russie tsariste d'avant 1917, on distinguait souvent "les libéraux" (les bourgeois derrière le parti KD) et "les démocrates" (les SR et les SD).

Friedrich Hayek va jusqu'à opposer deux libéralismes, celui de Smith et Burke, à celui de Voltaire, Rousseau, ou Condorcet, qui sont pour lui les ancêtres du socialisme[1].

Ainsi un certain nombre de penseurs du libéralisme assument franchement de mettre en avant essentiellement la question de la propriété privée des moyens de production, et donc un primat du libéralisme économique. Ainsi Ludwig von Mises écrivait :

« Le programme du libéralisme devrait donc, résumé en un seul mot, se formuler ainsi : propriété, c'est-à-dire propriété privée des moyens de production (car la propriété privée des biens de consommation va de soi, et elle est admise même par les socialistes et les communistes). Toutes les autres exigences du libéralisme découlent de cette exigence fondamentale. »[2]

En cohérence avec cette position, von Mises considérait que le fascisme pouvait ponctuellement sauver le libéralisme économique :

« On ne peut nier que le fascisme et les mouvements similaires cherchant à mettre en place des dictatures sont remplis des meilleures intentions et que leur intervention a, pour l'instant, sauvé la civilisation européenne. Le mérite qui en revient au fascisme demeurera éternellement dans l'histoire. Mais bien que sa politique ait apporté provisoirement le salut, elle n'est pas de nature à nous assurer les succès futurs. Le fascisme était une solution d'urgence. Le considérer comme quelque chose de plus serait une erreur fatale. »

De même, Friedrich Hayek se dit contre les dictatures en général, mais a soutenu que celles-ci peuvent être un régime transitoire nécessaire, et qu'il préfèrait une "dictature libérale" à une "démocratie totalitaire" (ce qui signifie pour lui une démocratie ne garantissant pas la propriété privée capitaliste). C'est ce qui l'a conduit très concrètement, lui et les Chicago Boys (économistes néolibéraux de l'Ecole de Chicago) à soutenir activement la dictature de Pinochet au Chili (anti-socialiste et néolibérale).

Bien sûr, face au socialisme et plus encore face au communisme stalinisé, de nombreux idéologues et politiciens libéraux vont insister sur le lien entre les deux facettes du libéralisme. Ainsi le socialisme conduirait nécessairement à une position "anti-libérale" et donc anti-démocratique. Le monde libre occidental serait le garant de la démocratie, tandis que le communisme serait intrinsèquement source de totalitarisme. Mais étant donné que les masses ont une fâcheuse tendance à porter des revendications sinon anticapitalistes, du moins gênantes pour les profits, les théoriciens néolibéraux émettent de sérieuses réserves sur la démocratie.

Samuel Huntington en 1975 écrivait qu’il fallait “de la modération dans la démocratie. Le système politique a besoin “d’une certaine dose d’apathie et de non-engagement” de la part des gouvernés. “Les tensions susceptibles de prévaloir dans une société post-industrielle exigeront probablement un modèle de prise de décision gouvernementale plus autoritaire et plus efficace”.[3]

3 Notes

  1. Friedrich Hayek, The Principles of a Liberal Social Order, 1966
  2. Ludiwg Von Mises, Le Libéralisme, 1927
  3. Samuel Huntington, Postindustrial politics : How Benign will it be, 1974