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=== L'affaire des Romanov ===
 
=== L'affaire des Romanov ===
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L'affaire du massacre de Nicolas II et de toute sa famille dans l'Oural en juillet 1918 constituerait une autre preuve de la volonté destructrice de Lénine, mais ici jamais sourcée. Certains, comme Stephane Courtois dans ''le livre noir du communisme'', en font une affaire de vendetta : Wladimier Oulianov aurait fait assassiner en 1918 les Romanov pour venger son frère Alexandre pendu en 1887 ; et pas davantage de source. Si ce n'est une citation calomnieusement bafouée. Ainsi aurait-il appelé en 1911 à l'extermination de tous les Romanov c'est-à-dire d'"une bonne centaine". En réalité en décembre 1911 il s'exprimait par antiphrase dans un plaidoyer républicain (réclamant en outre pour les ouvriers la journée de travail de 8 H et pour les paysans l'abolition totale de la féodalité) en direction des libéraux russes favorables à une monarchie constitutionnelle de type anglais. Celle-ci, rappelle-t-il, s'était imposée au XVII ème siècle grâce à la décapitation d'un Stuart, Charles Ier ; la nouvelle monarchie constitutionnelle russe devait, le cas échéant, frapper au centuple la Maison Romanov, les "Assassins Cent-Noirs" y ayant chacun au moins un complice :
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L'affaire du massacre de Nicolas II et de toute sa famille dans l'Oural en juillet 1918 constituerait une autre preuve de la volonté destructrice de Lénine. Certains, comme Stéphane Courtois dans ''le livre noir du communisme'', en font une affaire de vendetta : Wladimir Oulianov aurait fait assassiner en 1918 les Romanov pour venger son frère Alexandre pendu en 1887. Mais aucune source n'est jamais communiquée ; si ce n'est une citation de lui calomnieusement bafouée. Ainsi selon Hélène Carrère d'Encausse il aurait appelé en 1911 à l'extermination de tous les Romanov c'est-à-dire d'"une bonne centaine". En réalité en décembre 1911 il s'exprimait par antiphrase dans un plaidoyer républicain (réclamant en outre pour les ouvriers la journée de travail de 8 H et pour les paysans l'abolition totale de la féodalité) en direction des libéraux russes favorables à une monarchie constitutionnelle de type anglais. Celle-ci, rappelle-t-il, s'était imposée au XVII ème siècle grâce à la décapitation d'un Stuart, Charles Ier ; la nouvelle monarchie constitutionnelle russe devait, le cas échéant, frapper au centuple la Maison Romanov, les "Assassins Cent-Noirs" y ayant chacun au moins un complice :
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« Pourquoi la lutte pour la république, est-elle une condition réelle de la conquête de la liberté en Russie ? Parce que l’expérience, la grande, l’inoubliable expérience de l’une des plus grandes décennies de l’histoire russe, je veux dire de la première décennie du XXème siècle, montre de façon claire, évidente, irréfutable, l’incompatibilité de notre monarchie avec les garanties les plus élémentaires de la liberté politique (...) Les ganaches libérales dissertent sur l'exemple d'une monarchie constitutionnelle de type anglais. Eh bien, si dans un pays aussi cultivé que l'Angleterre, qui n'a jamais connu le joug mongol, l'oppression de la bureaucratie, le déchaînement de la caste militaire, il a néanmoins fallu couper la tête à un bandit couronné pour apprendre aux rois à être des monarques "'constitutionnels", en Russie il faudra couper la tête à Cent Romanov au moins, pour enlever à leurs successeurs l'habitude d'organiser des bandes d'assassins Cent-Noirs et de déchaîner des pogroms. Si la social-démocratie a retenu quelque chose de la première révolution russe de 1905 elle doit maintenant bannir de tous nos discours, de tous nos tracts le mot d'ordre de "à bas l'autocratie", qui s'est révélé inadapté et vague, et défendre exclusivement celui de "A bas la monarchie tsariste, vive la république <ref> ''Œuvres de Lénine'', Paris, Editions sociales, tome 17, décembre 1910-avril 1912, "À propos des mots d'ordre et de la conception du travail social-démocrate à la Douma et en dehors ", p. 341(8-21 décembre 1911) </ref>".
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« Pourquoi la lutte pour la république, est-elle une condition réelle de la conquête de la liberté en Russie ? Parce que l’expérience, la grande, l’inoubliable expérience de l’une des plus grandes décennies de l’histoire russe, je veux dire de la première décennie du XXème siècle, montre de façon claire, évidente, irréfutable, l’incompatibilité de notre monarchie avec les garanties les plus élémentaires de la liberté politique (...)  
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Nous étions en fait dans le contexte des votes abolitionnistes du congrès de Coppenhague. Mais l'accusation de massacre des Romanov en juillet 1918 dans la maison d'Ipatiev d'Ekaterinbourg est à mettre en rapport avec la [[question juive en Russie]]. Elle est indissociable de l'antisémitisme qui traverse l'Europe en 1919-1920 et vise les Bolcheviks, vainqueurs en Sibérie des Blancs et de leurs alliés occidentaux, tout autant pour leurs choix politiques que pour leur origine juive : le commandant du détachement assassin, Jacob Iourovsky, et son commanditaire Jacob [[ Sverdlov]], président du conseil régional de l'Oural. Paraissait également en 1920 à grand succès un faux antisémite, ''Le Protocole des Sages de Sion'', créé par la police tsariste quinze ans plus tôt. Pourtant ce dernier annonça à l'été 1918 que suite à un complot visant à libérer les Romanov, le tsar avait été fusillé mais sa famille transférée. De fait le massacre des Romanov en juillet 1918 est de plus en plus contesté par des historiens comme par des experts de la gendarmerie française qui nient la fiabilité de Tests ADN sur des corps retrouvés des décennies plus tard <ref> "Romanov, la contre-enquête", 26 décembre 2018 documentaire télévisé sur la chaine ''Histoire''</ref>. Seule à l'époque jusqu'en 1922 l'exécution du tsar fut reconnue par les dirigeants bolcheviks : en plus de Sverdlov, on relève Tchitcherine, Litvinov, Zinoviev et à nouveau Tchitchérine. En mars 1918 le traité de Brest - Litovsk obligeait les Bolcheviks à protéger la tsarine et ses quatre filles, tout en leur laissant le soin de décider du sort de Nicolas II. Dans les mois qui suivirent, les défaites successives de l'Allemagne de Guillaume II, amenèrent Lénine à demander la livraison de la famille du tsar en échange de la libération des spartakistes allemands, Karl Liebnecht et Léo Jogiches. De juillet à octobre 1918 des négociations entre les deux gouvernements sont entreprises en ce sens. A l'époque alors que les nouveaux occupants tchèques ne retrouvèrent pas les corps une multitude de témoignages en provenance de Perm affluèrent, en mars 1919 auprès du juge Sokolov pour dire que la tsarine et ses quatre filles y avaient été vues, prisonnières de la Tcheka, d'août à octobre 1918. Les témoignages furent enterrés par le juge lors de la publication de son rapport en 1924.  
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(...) Les ganaches libérales dissertent sur l'exemple d'une monarchie constitutionnelle de type anglais. Eh bien, si dans un pays aussi cultivé que l'Angleterre, qui n'a jamais connu le joug mongol, l'oppression de la bureaucratie, le déchaînement de la caste militaire, il a néanmoins fallu couper la tête à un bandit couronné pour apprendre aux rois à être des monarques "'constitutionnels", en Russie il faudra couper la tête à Cent Romanov au moins, pour enlever à leurs successeurs l'habitude d'organiser des bandes d'assassins Cent-Noirs et de déchaîner des pogroms. Si la social-démocratie a retenu quelque chose de la première révolution russe de 1905 elle doit maintenant bannir de tous nos discours, de tous nos tracts le mot d'ordre de "à bas l'autocratie", qui s'est révélé inadapté et vague, et défendre exclusivement celui de "A bas la monarchie tsariste, vive la république "<ref> ''Œuvres de Lénine'', Paris, Editions sociales, tome 17, décembre 1910-avril 1912, "À propos des mots d'ordre et de la conception du travail social-démocrate à la Douma et en dehors ", p. 341(8-21 décembre 1911) </ref>".
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Le 8 novembre 1918 Lénine évoqua rapidement, sans référence à la famille impériale, l'exécution du tsar. Ce fut sa seule allusion à la nuit ouralienne du 16 au 17 juillet 1918. C'était pour comparer l'exécution à celles de Louis XVI et de Charles Ier. Encore se montra-t-il réticent quant à son utilité, dans une optique marxiste, du fait des restaurations française et britannique des Bourbons et des Stuart qui suivirent les deux régicides républicains, :  
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Nous étions en fait dans le contexte des votes abolitionnistes du congrès de Coppenhague. Mais l'accusation de massacre des Romanov en juillet 1918 dans la maison d'Ipatiev d'Ekaterinbourg est à mettre en rapport avec la [[question juive en Russie]]. Elle est indissociable de l'antisémitisme qui traverse l'Europe en 1919-1920 et vise les Bolcheviks, vainqueurs en Sibérie des Blancs et de leurs alliés occidentaux, tout autant pour leurs choix politiques que pour leur origine juive : le commandant du détachement assassin, Jacob Iourovsky, et son commanditaire Jacob [[ Sverdlov]], président du conseil régional de l'Oural. Or Sverdlov avait annoncé à l'été 1918 que suite à un complot visant à libérer les Romanov, le tsar avait été fusillé mais sa famille transférée. Mais parut en 1920 à grand succès un faux antisémite, ''Le Protocole des Sages de Sion'', créé par la police tsariste quinze ans plus tôt et auquel s'adjoignit cette thèse calomnieuse du massacre collectif des Saint Romanov par les Judéo-bolcheviks. 
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De fait le massacre des Romanov en juillet 1918 a de plus en plus été contesté par des historiens tels que Marina Grey et Marc Ferro, comme par des experts de la gendarmerie française assez sceptiques quant à la fiabilité de Tests ADN sur des corps retrouvés des décennies plus tard <ref> "Romanov, la contre-enquête", 26 décembre 2018 documentaire télévisé sur la chaine ''Histoire''</ref>. Seule à l'époque jusqu'en 1922 l'exécution du tsar fut reconnue par les dirigeants bolcheviks : en plus de Sverdlov, on relève Tchitcherine en septembre 1918, Litvinov peu après en décembre, Zinoviev en juillet 1920 et à nouveau Tchitchérine en avril et mai 1922. En mars 1918 le traité de Brest - Litovsk obligeait les Bolcheviks à protéger la tsarine et ses quatre filles, tout en leur laissant le soin de décider du sort de Nicolas II. Dans les mois qui suivirent, les défaites successives de l'Allemagne de Guillaume II, amenèrent Lénine à demander la livraison de la famille du tsar en échange de la libération des spartakistes allemands, Karl Liebnecht et Léo Jogiches. De juillet à octobre 1918 des négociations entre les deux gouvernements sont entreprises en ce sens. A l'époque alors que les nouveaux occupants tchèques ne retrouvèrent pas les corps une multitude de témoignages en provenance de Perm affluèrent, en mars 1919 auprès du juge Sokolov pour dire que la tsarine et ses quatre filles y avaient été vues, prisonnières de la Tcheka, d'août à octobre 1918. Les témoignages furent enterrés par le juge lors de la publication de son rapport en 1924.
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Le 8 novembre 1918 Lénine évoqua rapidement, sans référence à la famille impériale, l'exécution du tsar: la première - de ses deux allusions à la nuit ouralienne du 16 au 17 juillet 1918. C'était pour comparer l'exécution à celles de Louis XVI et de Charles Ier. Encore se montra-t-il réticent quant à son utilité, dans une optique marxiste, du fait des restaurations française et britannique des Bourbons et des Stuart qui suivirent les deux régicides républicains, :  
    
"« Ces gens-là, les koulaks et les vampires sont des ennemis non moins terribles que les capitalistes et les propriétaires fonciers. Et si le koulak demeure indemne, si nous ne triomphons pas des vampires alors le tsar et le capitaliste reviendront immanquablement. L’expérience de toutes les révolutions qui ont éclaté jusqu’ici en Europe confirme que la révolution subira inévitablement une défaite, si la paysannerie ne triomphe pas de l’emprise des koulaks.  
 
"« Ces gens-là, les koulaks et les vampires sont des ennemis non moins terribles que les capitalistes et les propriétaires fonciers. Et si le koulak demeure indemne, si nous ne triomphons pas des vampires alors le tsar et le capitaliste reviendront immanquablement. L’expérience de toutes les révolutions qui ont éclaté jusqu’ici en Europe confirme que la révolution subira inévitablement une défaite, si la paysannerie ne triomphe pas de l’emprise des koulaks.  
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Ce fut le dialecticien marxiste, et non le vengeur obsédé par le souvenir d'un frère mort trente ans plus tôt, qui s'exprima ici. Ce qui comptait à ses yeux c'était la destruction d'une classe paysanne après celle des capitalistes et non pas l'extermination physique d'une maison impériale, dont beaucoup de membres d'ailleurs survécurent : le Grand Duc Cyrille Wladimirovitch, cousin du tsar devenu en 1924 l'héritier présomptif du trône, son frère André toute leur descendance, l'impératrice douairière, Maria Fedorovna, veuve du tsar même Alexandre III qui fit pendre Alexandre Oulianov, ses deux filles et soeurs de Nicolas II, Xenia et Olga Alexandrovna.   
 
Ce fut le dialecticien marxiste, et non le vengeur obsédé par le souvenir d'un frère mort trente ans plus tôt, qui s'exprima ici. Ce qui comptait à ses yeux c'était la destruction d'une classe paysanne après celle des capitalistes et non pas l'extermination physique d'une maison impériale, dont beaucoup de membres d'ailleurs survécurent : le Grand Duc Cyrille Wladimirovitch, cousin du tsar devenu en 1924 l'héritier présomptif du trône, son frère André toute leur descendance, l'impératrice douairière, Maria Fedorovna, veuve du tsar même Alexandre III qui fit pendre Alexandre Oulianov, ses deux filles et soeurs de Nicolas II, Xenia et Olga Alexandrovna.   
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Sa deuxième allusion à cette nuit de juillet 1918 à l’approche du quatrième anniversaire de la Révolution (octobre 1921) fait mentir de manière cinglante ceux qui affirment (avec à nouveau Hélène Carrère d'Encausse qui ne source pas son "information") qu'il aurait finalement reconnu et glorifié la tuerie impériale en 1919 :
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« Maintenant il n’y a plus de grands propriétaires déclarés. Les Wrangel, les Koltchak et les Denikine sont, pour une part, partis rejoindre Nicolas Romanov, et pour une autre part se sont tapis en lieu sûr à l’étranger. Le peuple ne voit pas d’ennemi manifeste, comme auparavant le grand propriétaire foncier et le capitaliste. » ''Œuvres de Lénine'', tome 33-août 1921-mars 1923, 1963-17 octobre 1921 "la lutte sera encore plus cruelle", p. 60-61.
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On le voit c’est à nouveau l’exécution d’un seul Romanov, Nicolas II, qui est évoquée. Les noms suivants Wrangel, Koltchak et Denikine n’ont aucun lien de parenté avec les Romanov. Ils combattirent tous les trois les armes à la main les Soviets et l’armée rouge ; c'est cela seul qui comptait pour Lénine. Et de surcroît un seul d'entre eux, Koltchak, périt fusillé (7 février 1920), les deux autres s’exilèrent sans que Lénine appelle à les tuer. Comme en novembre 1918 il en explique les raisons par les priorités anticapitalistes :
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"Comment le peuple peut-il prendre conscience du fait que à la place de Koltchak, de Wrangel et de Dénikine, se trouve ici même parmi nous l'ennemi qui a fait avorter toutes les révolutions antérieures ? Car si les capitalistes prennent le dessus sur nous, cela signifie le retour au passé, comme le confirme l'expérience de toutes les révolutions antérieures. La tâche de notre parti est de faire pénétrer dans notre conscience que l'ennemi parmi nous, c'est le capitalisme anarchique et l'échange anarchique des marchandises." ''oeuvres de Lénine'' op cit p. 61.
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Six mois plus tard à la conférence de Gênes Tchitchérine explicite l'allusion de Lénine en affirmant que la tsarine et ses enfants avaient été à la différence du tsar épargnés et qu'ils vivaient probablement à l'étranger, fondus dans la masse de l'émigration. 
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=== Le mouvement international ===
 
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