Internationale Communiste

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L'Internationale Communiste (IC), ou Troisième internationale, a été crée en 1919 par scission avec l'Internationale ouvrière, sous l'impulsion des bolchéviks victorieux. La perspective de la révolution socialiste est réaffirmée, par opposition à la trahison du mouvement social-démocrate. Mais l'IC va très vite se staliniser en même temps que l'URSS, et deviendra un appareil contre-révolutionnaire.

1 Rupture avec la Deuxième internationale

1.1 La guerre et les résistance des internationalistes

Le pacifisme était une valeur proclamée des socialistes, et les partis social-démocrates de l'Internationale ouvrière menaçaient officiellement les gouvernements bourgeois d'une agitation révolutionnaire au cas où une guerre était déclarée. Mais le 4 août 1914, la Première guerre mondiale éclate, et les députés du Parti social-démocrate d'Allemagne (SPD) votent les crédits de guerre. Lénine apprend de son exil à Zurich cette trahison du plus grand parti ouvrier au nom de l'Union Sacrée, c'est à dire la collaboration de classe. La quasi-totalité des autres partis se rangent chacun derrière leur "Nation", et les frères de classe se retrouvent opposés dans les tranchées...

Les quelques opposants très minoritaires à cette ligne se retrouvent en septembre 1915 lors de la conférence de Zimmerwald, puis en avril 1916 à la conférence de Kienthal. Parmi eux, un clivage apparaît vite entre une aile révolutionnaire, qui veut s'appuyer sur le chaos de la guerre pour précipiter la chute des capitalistes (défaitisme révolutionnaire), et une aile centriste, qui appelle au pacifisme. Les centristes veulent convaincre l'Internationale et se réconcilier, tandis que Lénine déclare qu'elle est morte, et qu'il faut en fonder une nouvelle.

1.2 La révolution russe

En février 1917, un mouvement populaire provoque la chute du régime tsariste en Russie, et un gouvernement provisoire bourgeois est mis en place. Lénine rentre en Russie, et parvient à orienter le parti bolchévik sur une ligne sans concession mais capable d'obtenir l'appui croissant des masses. Cette ligne, qui reste à ce jour un exemple irremplaçable pour de nombreux révolutionnaires, permet au parti bolchévik de devenir majoritaire et de diriger la première grande révolution socialiste.

Cette victoire, créant une « grande lueur à l'Est » (Jules Romains), provoque une vague révolutionnaire en Europe, et donne aux bolchéviks un immense prestige. Selon Paul Levi, dirigeant communiste allemand, la révolution russe « rendait le courage aux découragés, le calme à ceux qui désespéraient, l’orgueil aux humiliés, l’humanité aux déshumanisés ».

1.3 Fondation (1919)

Une conférence internationale appelée par les bolcheviks se tient en mars 1919 à Moscou, en pleine guerre civile, et se transforme en congrès de fondation de la IIIe Internationale. Cependant le délégué du seul véritable Parti représenté (hors du Parti bolchevik), Hugo Eberlein du Parti communiste d'Allemagne, s'abstient sur la création d'une Troisième Internationale.

Le vrai congrès de fondation sera le deuxième, tenu à l'été 1920, en pleine euphorie de la marche sur Varsovie (guerre russo-polonaise). Lors de ce deuxième congrès, l'IC fixe des conditions précises pour l'appartenance d'un parti, connues comme les "21 conditions". Celles-ci visaient à assurer que la rupture avec la Deuxième internationale soit complète, pour que les nouveaux partis communistes soient clairement révolutionnaires.

2 Programme de l'internationale communiste

2.1 L'I.C et les révolutions coloniales

Fichier:TourTatlin maquette1919.jpg
La tour Tatline, monument à la Troisième internationale

Au cours des premières années de la révolution russe se posa avec force le problème des nationalités qui avaient été opprimées par le régime tsariste ou qui, vivant au voisinage de la Russie, avaient été éveillées par la Révolution russe. Aussi l'Internationale Communiste fut-elle amenée à prendre des positions sur la question nationale et coloniale, notamment à ses 2e 4e et 5e Congrès. Voici les conclusions de l'I.C. :

  1. L'I.C. se prononce pour le droit des nationalités à disposer d'elles-mêmes, jusque et y compris le droit de séparation. Ce n'était pas là quelque chose d'acquis, même parmi les marxistes révolutionnaires de l'époque : par exemple Rosa Luxemburg considérait que seule la bourgeoisie en profiterait.
  2. L'I.C. considère - pour la première fois dans l'histoire du mouvement ouvrier international que les nationalités et les peuples colonisés en lutte contre l'impérialisme peuvent être des alliés de la révolution socialiste. Dans la Seconde Internationale avant 1914, certains partis s'étaient élevés contre les expéditions coloniales, mais pas nécessairement contre la colonisation. L'I.C. a donc dû débarrasser de leurs préjugés d'anciens cadres socialistes de l'I.C.
  3. L'I.C. se prononce catégoriquement pour l'indépendance des partis communistes des pays colonisés, par rapport aux forces anti-impérialistes en lutte dans ces pays, tout en préconisant des alliances avec elles.
  4. L'I.C. envisage la possibilité pour certains pays de devenir des républiques soviétiques sans passer par une étape capitaliste. Mais on peut dire que cette position était liée d'une part à la perspective d'une victoire rapide de la révolution socialiste à l'échelle mondiale, d'autre part et surtout que cette perspective concernait d'anciens territoires de l'Empire tsariste.[1]

Les transformations de l'IC étaient loin de se limiter aux textes de congrès. Par exemple, la 4ème des 21 conditions d'appartenance à l'IC soulignait « la nécessité absolue de mener une propagande et une agitation systématique et persévérante parmi les troupes », tandis que la 8ème insistait sur le fait que « tout parti appartenant à la IIIe Internationale a pour devoir […] de soutenir, non en paroles mais en fait, tout mouvement d'émancipation dans les colonies, [...] et d'entretenir parmi les troupes de la métropole une agitation continue contre toute oppression des peuples coloniaux ».

L'IC a par ailleurs organisé un Congrès des peuples de l'orient à Bakou en 1920.

En France, dans la jeune SFIC, un groupe autour de Nguyen-Ai-Quac (le futur Ho Chi Minh) fut très impliqué dans l’organisation des travailleurs d’origine coloniale vivant en France – l’Union intercoloniale. A partir d’avril 1922, une publication spécifique fut lancée : Le Paria. Hadjali Abdelkader et Messali Hadj furent également dans ce milieu et fondèrent l’Étoile Nord-Africaine, le premier grand mouvement pour l’indépendance de l’Algérie. Les deux grandes guerres de libération nationale qui ont secoué la France après 1945 – l’Indochine et l’Algérie – ont eu leurs origines dans les milieux communistes à Paris dans les années 1920.

2.2 L'IC et la paysannerie

Dans son programme de 1928, l'IC indique encore qu'il ne faut pas collectiviser de force les petites et moyennes exploitations agricoles[2], mais combiner une logique d'aide immédiate à ces couches sociales et d'incitation au regroupement en coopératives. L'année suivante, Staline lancera la collectivisation forcée de toute l'agriculture.

3 Histoire et politique de l'I.C.

3.1 Exclusion de la gauche communiste

Dans les années 1920-1921, des conflits surgissent sur des questions de tactique révolutionnaire, en particulier avec un courant qui sera par la suite appelé "gauche communiste". Une partie d'entre eux faisait déjà partie de l'extrême gauche de la Deuxième internationale (Anton Pannekoek, Herman Gorter…), et beaucoup se radicalisent sous l'effet de la rupture avec l'opportunisme social-démocrate. Ceux-ci sont par exemple opposés à toute utilisation des parlements bourgeois, au travail dans les syndicats bureaucratisés, au rapprochement avec des courants centristes de gauche, à l'entrée dans le Labour en Angleterre... Cela conduira à des exclusions de ces courants.

En février 1922, une tendance au sein du parti bolchévik, dite "opposition ouvrière", lance "l'appel des 22"[3].

3.2 La "bolchévisation" (1924-1926)

En 1924, le président du Komintern, Zinoviev, réputé et critiqué pour son autoritarisme, lance le mot d'ordre de bolchevisation des PC au Ve Congrès du Komintern. C'est un durcissement autoritaire qui provoque une crise et des exclusions dans la plupart des partis-membres. Au même moment, de surcroît, Staline, Zinoviev et Kamenev lancent une violente campagne pour mettre sur la touche les trotskistes en URSS comme à l'étranger.

3.3 La stalinisation

Après avoir été exclu du Parti communiste d'Union soviétique par Staline, Léon Trotsky espère encore quelque temps une régénération possible de la IIIe Internationale, puis déclare en 1933 que l'Internationale est irrémédiablement morte. Il fonde en 1938 la IVe Internationale. D'autres opposants, souvent exclus, créent ou participent à l'Opposition communiste internationale, ou encore au Centre marxiste révolutionnaire international.

Résolution au sujet du camarade Boukharine, 1929

Trotsky dira en 1934 :

« Si l’I.C. n’avait pas été écrasée par la bureaucratie soviétique, mais avait poursuivi et développé la politique de ses quatre premiers congrès, elle aurait depuis longtemps assuré la victoire de la révolution dans de nombreux pays d’Europe et d’Asie » [4]

3.4 «Classe contre classe»

3.5 Les fronts populaires

Front populaire

4 Les congrès de l'I.C.

5 Historiographie sur l'IC

L’étude du communisme a été dominée par deux traditions : la pensée bourgeoise issue de la guerre froide, qui considère le communisme comme pourri dès le départ, et la pensée qui a longtemps dominé le mouvement ouvrier, la vision stalinienne qui présente le communisme des années 1930 comme l’héritier authentique de la révolution russe. Ces deux écoles ont pour point commun d'affirmer que Lénine menait directement à Staline, et tout ce qui dérangeait ce schéma simpliste était évacué. Beaucoup des fondateurs des partis communistes, disparus de l’Internationale dès qu’elle a commencé à dégénérer, sont absents des histoires.

Les seules voies dissidentes sont issues principalement des trotskistes, notamment des ouvrages de Pierre Broué. Récemment, les travaux d’une nouvelle génération d’historiens peuvent aider à faire la lumière sur les premières années de l’IC.

6 Notes et sources

L'I.C. après Lénine, Trotsky, 1928

La 3ème "période" d'erreurs de l'I.C, Trotsky, 1930

La III° Internationale Communiste, Mathias Rakosi, 1923

Politiques antimilitaristes et anticoloniales de l’Internationale communiste (1919-1926), Contretemps, 2012

  1. Notons que les textes de Marx mentionnés ici étaient pour la plupart encore inconnus. L'apport de l'I.C. sur ces questions était sans aucun doute extrêmement considérable, mais il n'y était pas question de révolution permanente. En outre, il subsistait dans cet apport une large confusion sur la nature de classe des formations nationalistes révolutionnaires avec lesquelles il était question de faire des alliances.
  2. Internationale Communiste, VI° Congrès, Programme, 1928
  3. Appel des 22 (Opposition ouvrière), février 1922
  4. Trotsky, La situation présente dans le mouvement ouvrier et les tâches des bolchéviks-léninistes, (octobre 1934)