Guerre civile grecque (1946-1949)

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Après la Seconde Guerre Mondiale, la monarchie est rétablie en Grèce sous la forme d'un régime autoritaire protégé par les Britanniques et, de plus en plus, par les Américains, place les anciens résistants dans une situation difficile ; une répression anticommuniste frappe d'anciens résistants. Le KKE (Parti Communiste de Grèce) ne peut pas accepter une telle évolution. L'intensité de l'antagonisme débouche sur la guerre civile, qui dure de 1946 à 1949.

1 Contexte

Par l’ampleur de ses ravages et sa brutalité, la Deuxième Guerre mondiale fut plus terrifiante encore que la Première_Guerre_mondiale interimpérialiste de 1914-1918. La bestialité impérialiste y trouva son expression la plus achevée avec d’un côté les camps de la mort nazis, où le meurtre était organisé à l’échelle industrielle, et, du côté adverse, le massacre délibéré à coups de bombes incendiaires (et atomiques) de centaines de milliers de civils allemands et japonais. Les Britanniques provoquèrent aussi une famine dans leur colonie indienne, où la spéculation et une politique impérialiste préméditée entraînèrent la mort de plus d’un million de personnes. La population grecque dut elle aussi endurer la barbarie impérialiste. Quelque 550 000 personnes trouvèrent la mort pendant l’occupation du pays par les impérialistes italiens et allemands (et leurs alliés bulgares), et ce, dans un pays comptant alors à peine plus de sept millions d’habitants. La mortalité était surtout due à la famine, mais aussi à des massacres systématiques et à la destruction de villages entiers. Par la suite, des dizaines de milliers de personnes, notamment des ouvriers et des militants de gauche, furent assassinées par la bourgeoisie grecque et ses parrains britanniques (puis américains).

Les exactions des forces d’occupation allemandes et le pillage systématique du pays provoquèrent un mouvement de résistance plus ou moins spontané dans les villes ainsi que dans les villages. Le KKE fonda le Front de libération nationale (EAM), une coalition sous son hégémonie incluant de petits groupes de sociaux-démocrates, de libéraux bourgeois et de populistes agrariens petits-bourgeois. Des cadres du KKE comme Aris Velouchiotis transformèrent les bandes de guérilla, qui s’étaient développées dans les régions montagneuses, en une Armée populaire de libération (ELAS), bras armé de l’EAM. Il est à souligner que le Front ouvrier de libération nationale (EEAM), basé sur les syndicats, fut créé en juillet 1941, deux mois avant l’EAM lui-même. L’EEAM, mis en place et dirigé lui aussi par le KKE, devint l’organisation hégémonique du prolétariat grec pendant la guerre. Sous la direction de l’EEAM, les quartiers ouvriers d’Athènes et d’autres grandes villes devinrent des bastions de la résistance.

En avril 1944, 90 % de la Grèce continentale était entre les mains du mouvement de résistance. Quand les Allemands furent contraints de quitter la Grèce, les forces dirigées par le KKE se retrouvèrent sans conteste maîtresses du pays. La population dans son immense majorité soutenait l’EAM. L’Organisation unifiée de la jeunesse grecque, qui lui était affiliée, comptait un demi-million de membres. A la fin de l’occupation, l’ELAS disposait d’au moins 70 000 combattants bien armés, auxquels s’ajoutaient d’importantes réserves.

La classe ouvrière d’Athènes, du Pirée, de Salonique et d’autres villes jouait un rôle central en tant que telle dans la Résistance, organisant plusieurs grèves générales ainsi que d’énormes manifestations contre les exactions des forces d’occupation. Les luttes ouvrières se poursuivirent après le retrait allemand. Il y eut notamment une insurrection à Athènes en décembre 1944 (la Dekemvriana) contre les forces coalisées de l’Etat capitaliste grec et d’un corps expéditionnaire britannique.

Cette situation était de toute évidence propice à une prise du pouvoir par les travailleurs sous la direction des communistes, et à un règlement des comptes avec les oppresseurs capitalistes.

2 La guerre civile

Le Parti communiste grec, première force politique du pays à la libération, ne prit pas officiellement le pouvoir en décembre 1944, mais l'EAM-ELAS refusa de se dissoudre et se tourna contre les troupes Alliées (grecques royalistes et britanniques) venues du Caire. L'accord de Várkiza (février 1945) proclama un cessez-le-feu et des élections ainsi que la promesse d'un référendum sur la nature politique du régime. Mais ces élections se tinrent dans un climat de terreur au point, que les partis démocrates boycottèrent cette consultation.

En décembre 1947, une Armée démocratique de la Grèce est crée, conduite par d'anciens résistants de l'EAM, avec un Gouvernement Révolutionnaire communiste. Bientôt, l'armée royaliste fusionna avec les milices de droite (recrutant même d'anciens collaborateurs sortis des prisons pour faire nombre) et la guerre civile prit une dimension internationale avec l'intervention américaine et les enjeux de la Guerre froide. C'est à ce moment que le president does États-Unis, Harry S. Truman, marqua sa volonté d'« aider la Grèce à sauvegarder son régime démocratique » en prenant le relais des Britanniques, qui manquaient d'argent pour continuer le combat anticommuniste.

Pendant près de trois ans, l'Épire (sauf la côte) et la majeure partie de la Macédoine-Occidentale et les zones de la Thessalie et de la Macédoine centrale furent le territoire de la République (communiste) de Konitza. Le reste de la Grèce forma un Royaume anticommuniste (avec toutefois des poches de résistance communiste dans les quartiers modestes des grandes villes). Dans les zones frontalières de la République de Konitza, un véritable front se mit en place avec bombardements (y compris aériens du côté royaliste), offensives et contreoffensives, tandis qu'attentats et répression ensanglantaient les villes. Seules les îles furent épargnées. Des dizaines de villages changèrent de mains plusieurs fois et furent finalement abandonnés par leurs habitants, sommés de choisir un camp et accusés de trahison par l'autre. Le rapport de force fut tout d'abord favorable à l'ELAS, du fait de la connaissance du terrain et de l'expérience de ses 50 000 hommes. D'autre part, les troupes royalistes étaient mal formées et très peu motivées à combattre la résistance communiste. Les tentatives pour reprendre le contrôle des régions du Nord se soldèrent par des échecs.

C'est alors que Márkos Vafiádis, en voulant pousser trop loin son avantage, prit une décision qui allait se révéler être une faute tactique. En effet, il décida de faire, d'une armée de guérilla, une armée offensive contre l'armée et le pouvoir royalistes d'Athènes, mais les andartès (partisans) n'étaient pas préparés. Il fallait s'attirer le soutien de toute une partie de la population pour s'assurer de solides bases arrières et de ravitaillement. Les forces communistes firent pratiquer le rançonnement et l'aide forcée sur des civils, la population devenant ainsi anticommuniste. De plus, les Britanniques et les Américains, craignant voir la Grèce tomber dans l'orbite de Moscou, décidèrent d'aider militairement le gouvernement royaliste d'Athènes. Mieux formée et avec un moral un peu plus élevé, l'armée royaliste parvint peu à peu à reprendre le contrôle des zones perdues.

Plus grave encore pour Márkos, en 1948, Staline exclut Tito du Kominform. Le chef grec perdit ses deux soutiens. Tito était contre Markos pour savoir resté fidèle à la ligne de Moscou. Staline, respectant les accords de Yalta concernant la Grèce, ferma la frontière bulgare (sauf aux réfugiés communistes désarmés). Privé de bases arrières et de logistique, Markos se trouva seul face à une armée gouvernementale redynamisée. En 1949, celle-ci infligea une défaite définitive à l'armée communiste aux monts Gràmmos en Macédoine. Márkos dut donc s'exiler en Bulgarie.

3 Bilan

Tito, jusqu'en 1948, et les partis communistes bulgare et albanais avaient aidé militairement la guérilla, à la différence de l'Union soviétique. La guerre s'est donc terminée en 1949, quand la Yougoslavie, principal fournisseur d'armes, arrêta ses livraisons après la sécession de Tito du bloc communiste en 1948.

En 1949, la Grèce est en piteux état : on estime qu'elle aurait perdu environ 8 % de ses habitants à cause de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre civile combinées. Les destructions furent importantes : 1,2 million de sans-abris, la majeure partie de la flotte marchande détruite, les infrastructures réduites à néant, tout comme les capacités agricoles et industrielles.

Les gouvernements élus, qui se succédèrent, furent dominés par le parti conservateur en attendant la prise de pouvoir par la junte militaire. Le pays en ressortit traumatisé et exsangue.

Beaucoup moins connue que celle la Révolution_espagnole mais proportionnellement aussi tragique, la guerre civile grecque aurait fait 150 000 morts et des dizaines de milliers de réfugiés dans les pays communistes (de 80 à 100 000 selon les estimations) et de nombreuses exactions des deux camps. De nombreuses familles furent déchirées par le conflit et des milliers d'enfants se trouvèrent orphelins ou enlevés à leurs familles.

Une diaspora communiste s'implanta en Yougoslavie et dans d'autres pays d'Europe de l'Est (dont l'Allemagne de l'Est), où elle se trouva rapidement marginalisée en raison de la barrière de la langue et de l'hostilité des populations locales, qui voyait, dans ces étrangers ravitaillés par le Parti, des privilégiés et des alliés de leurs oppresseurs. À partir de 1985 et grâce aux lois d'amnistie, beaucoup de ces familles de Koukoués (communistes, mot issu des initiales du parti communiste, KKE) désenchantés rentrèrent en Grèce malgré les difficultés d'intégration. Certains avaient entretemps appris le russe, le roumain, le serbe, etc. et avaient perdu l'usage du grec. De plus, la plupart n'avaient pas connu l'économie de marché.