Guerre civile grecque (1946-1949)

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Après la Seconde Guerre Mondiale, la monarchie est rétablie en Grèce sous la forme d'un régime autoritaire protégé par les Britanniques et, de plus en plus, par les Américains, place les anciens résistants dans une situation difficile ; une répression anticommuniste frappe d'anciens résistants. Le KKE (Parti Communiste de Grèce) ne peut pas accepter une telle évolution. L'intensité de l'antagonisme débouche sur la guerre civile, qui dure de 1946 à 1949.

1 Contexte

Le 28 octobre 1940, la monarchie grecque, sous l’influence de son allié anglais, rejette l’ultimatum de l’Italie fasciste et prend part à la guerre. Pendant cette période, de la « dictature » du Premier ministre Metaxas, plusieurs membres du Parti communiste principalement et de petits groupes trotskistes, sont emprisonnés ou exilés. Parmi eux se trouve le secrétaire général de KKE, Nikos Zachariadis, qui, depuis sa cellule, dans une lettre datée du 31 octobre 1940, invite les membres du Parti communiste et le peuple grec à participer à la guerre de libération nationale – dirigée par le gouvernement de Metaxas – contre l’invasion italienne. La Grèce réussira à résister aux Italiens et à stopper l’invasion, mais elle ne sera pas en mesure de réussir la même chose lorsque l’Allemagne attaque. En avril 1941, la Grèce est occupée par les troupes nazies.

L’occupation allemande va dissoudre toutes les institutions politiques dominantes. Le gouvernement grec se rend en Égypte et aucun groupe politique traditionnel ne semble privilégier l’option du conflit avec les occupants. En septembre 1941, le KKE initie la création du Front national de libération (EAM), qui à son tour en février 1942 crée des groupes de résistance armée, appelée Armée de libération du peuple grec (Elas), sous le commandement de Thanassis Klaras, plus connu sous le pseudonyme d’Aris Velouchiotis. L’EAM devient la plus grande organisation de résistance dans le pays, développant une action aussi bien politique que militaire ­contre l’occupation nazie.

La Grèce est finalement libérée en octobre 1944 et la course à la succession a déjà commencé. Au début de décembre 1944 une violente crise gouvernementale se produit. Le 3 décembre, à Athènes, lors d’une manifestation contre la marginalisation de l’EAM dans la vie politique, la police tire, tue 21 personnes et en blesse plus d’une centaine. Les sept ministres de l’EAM dans le gouvernement démissionnent. Des combats commencent entre l’Elas et les Anglais, débarqués à Athènes en automne, qui espèrent surtout se débarrasser des communistes. Les Anglais en sortent victorieux. L’accord de Varkiza en février 1945 prévoit le désarmement de l’Elas et le pardon pour les crimes politiques commis après le 3 décembre 1944.

Immédiatement après le désarmement commence la période de « terreur blanche », où les éléments fascistes, collaborateurs des Allemands et des autres réactionnaires persécutent et assassinent des membres et sympathisants de l’EAM et du KKE. Le gouvernement n’intervient pas pour mettre fin à ces actes terroristes, qui sont des purges à caractère idéologique et politique, et parfois des représailles menées par les proches des collaborateurs tués par l’Elas (généralement des membres des bataillons de sécurité).

La période de la terreur blanche va ouvrir la voie à la guerre civile. Alors que des groupes de partisans quittent spontanément les villes pour reprendre le maquis, le Parti communiste choisit finalement l’action armée pour sortir de l’impasse politique, mais aussi pour protéger les membres et sympathisants de l’EAM. Une déclaration de politique générale annonce également le choix de l’abstention pour les élections du 31 mars 1946.

La veille des élections, des partisans communistes attaquent un poste de police à Litochoro de Pieria en Macédoine. Durant les trois ans de guerre qui suivent, les troupes monarchistes et fascistes utilisent les méthodes d’une « sale guerre » pour priver l’ADG de soutiens : ratissages de la population civile, déportation, assassinats, torture, etc.

2 La guerre civile

Le Parti communiste grec, première force politique du pays à la libération, ne prit pas officiellement le pouvoir en décembre 1944, mais l'EAM-ELAS refusa de se dissoudre et se tourna contre les troupes Alliées (grecques royalistes et britanniques) venues du Caire. L'accord de Várkiza (février 1945) proclama un cessez-le-feu et des élections ainsi que la promesse d'un référendum sur la nature politique du régime. Mais ces élections se tinrent dans un climat de terreur au point, que les partis démocrates boycottèrent cette consultation.

En décembre 1947, une Armée démocratique de la Grèce est crée, conduite par d'anciens résistants de l'EAM, avec un Gouvernement Révolutionnaire communiste. Bientôt, l'armée royaliste fusionna avec les milices de droite (recrutant même d'anciens collaborateurs sortis des prisons pour faire nombre) et la guerre civile prit une dimension internationale avec l'intervention américaine et les enjeux de la Guerre froide. C'est à ce moment que le president does États-Unis, Harry S. Truman, marqua sa volonté d'« aider la Grèce à sauvegarder son régime démocratique » en prenant le relais des Britanniques, qui manquaient d'argent pour continuer le combat anticommuniste.

Pendant près de trois ans, l'Épire (sauf la côte) et la majeure partie de la Macédoine-Occidentale et les zones de la Thessalie et de la Macédoine centrale furent le territoire de la République (communiste) de Konitza. Le reste de la Grèce forma un Royaume anticommuniste (avec toutefois des poches de résistance communiste dans les quartiers modestes des grandes villes). Dans les zones frontalières de la République de Konitza, un véritable front se mit en place avec bombardements (y compris aériens du côté royaliste), offensives et contreoffensives, tandis qu'attentats et répression ensanglantaient les villes. Seules les îles furent épargnées. Des dizaines de villages changèrent de mains plusieurs fois et furent finalement abandonnés par leurs habitants, sommés de choisir un camp et accusés de trahison par l'autre. Le rapport de force fut tout d'abord favorable à l'ELAS, du fait de la connaissance du terrain et de l'expérience de ses 50 000 hommes. D'autre part, les troupes royalistes étaient mal formées et très peu motivées à combattre la résistance communiste. Les tentatives pour reprendre le contrôle des régions du Nord se soldèrent par des échecs.

C'est alors que Márkos Vafiádis, en voulant pousser trop loin son avantage, prit une décision qui allait se révéler être une faute tactique. En effet, il décida de faire, d'une armée de guérilla, une armée offensive contre l'armée et le pouvoir royalistes d'Athènes, mais les andartès (partisans) n'étaient pas préparés. Il fallait s'attirer le soutien de toute une partie de la population pour s'assurer de solides bases arrières et de ravitaillement. Les forces communistes firent pratiquer le rançonnement et l'aide forcée sur des civils, la population devenant ainsi anticommuniste. De plus, les Britanniques et les Américains, craignant voir la Grèce tomber dans l'orbite de Moscou, décidèrent d'aider militairement le gouvernement royaliste d'Athènes. Mieux formée et avec un moral un peu plus élevé, l'armée royaliste parvint peu à peu à reprendre le contrôle des zones perdues.

Plus grave encore pour Márkos, en 1948, Staline exclut Tito du Kominform. Le chef grec perdit ses deux soutiens. Tito était contre Markos pour savoir resté fidèle à la ligne de Moscou. Staline, respectant les accords de Yalta concernant la Grèce, ferma la frontière bulgare (sauf aux réfugiés communistes désarmés). Privé de bases arrières et de logistique, Markos se trouva seul face à une armée gouvernementale redynamisée. En 1949, celle-ci infligea une défaite définitive à l'armée communiste aux monts Gràmmos en Macédoine. Márkos dut donc s'exiler en Bulgarie.

3 Bilan

Tito, jusqu'en 1948, et les partis communistes bulgare et albanais avaient aidé militairement la guérilla, à la différence de l'Union soviétique. La guerre s'est donc terminée en 1949, quand la Yougoslavie, principal fournisseur d'armes, arrêta ses livraisons après la sécession de Tito du bloc communiste en 1948.

En 1949, la Grèce est en piteux état : on estime qu'elle aurait perdu environ 8 % de ses habitants à cause de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre civile combinées. Les destructions furent importantes : 1,2 million de sans-abris, la majeure partie de la flotte marchande détruite, les infrastructures réduites à néant, tout comme les capacités agricoles et industrielles.

Les gouvernements élus, qui se succédèrent, furent dominés par le parti conservateur en attendant la prise de pouvoir par la junte militaire. Le pays en ressortit traumatisé et exsangue.

Beaucoup moins connue que celle la Révolution_espagnole mais proportionnellement aussi tragique, la guerre civile grecque aurait fait 150 000 morts et des dizaines de milliers de réfugiés dans les pays communistes (de 80 à 100 000 selon les estimations) et de nombreuses exactions des deux camps. De nombreuses familles furent déchirées par le conflit et des milliers d'enfants se trouvèrent orphelins ou enlevés à leurs familles.

Une diaspora communiste s'implanta en Yougoslavie et dans d'autres pays d'Europe de l'Est (dont l'Allemagne de l'Est), où elle se trouva rapidement marginalisée en raison de la barrière de la langue et de l'hostilité des populations locales, qui voyait, dans ces étrangers ravitaillés par le Parti, des privilégiés et des alliés de leurs oppresseurs. À partir de 1985 et grâce aux lois d'amnistie, beaucoup de ces familles de Koukoués (communistes, mot issu des initiales du parti communiste, KKE) désenchantés rentrèrent en Grèce malgré les difficultés d'intégration. Certains avaient entretemps appris le russe, le roumain, le serbe, etc. et avaient perdu l'usage du grec. De plus, la plupart n'avaient pas connu l'économie de marché.