Gueorgui Plekhanov

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Gueorgui Valentinovitch Plekhanov (1856-1918), en russe Георгий Валентинович Плеханов, était un théoricien marxiste russe qui joua un rôle fondateur dans le mouvement social-démocrate en Russie, avant de devenir menchévik.

1 Biographie

Né le 29 novembre 1856 à Goudalovka, dans une famille aristocratique, Gueorgui Valentinovitch Plekhanov est élève au corps des cadets de Voronej.

Il étudie à Saint Petersburg à l'école militaire Konstantinovskoe, puis à l'Institut des Mines. A l'université, il rencontre le mouvement populiste russe (narodniki). Il milite d'abord dans l'organisation Zemlia i Volia (Terre et Liberté).

Lorsque ce groupe, ne parvenant pas à rallier la paysannerie, se tourne vers le terrorisme, Plekhanov prend part à une scission en 1879 et fonde avec d'autres militants l'organisation Tcherny Peredel (Partage noir). Vers 1880, traqué par la police politique tsariste (Okhrana), Plekhanov fuit et restera 40 ans à l'étranger, jusqu'à l'amnistie générale proclamée par le gouvernement provisoire de février 1917.

En 1882, Plekhanov réalise une traduction en russe du Manifeste communiste, pour remplacer la première traduction faite en 1869 par Bakounine, qui avait des défauts de traduction.

En 1883, il fonda à Genève le groupe  Osvobozhdeniye truda (Émancipation du Travail) avec Pavel Axelrod, première cellule marxiste de Russie. Friedrich Engels reprocha en 1893 à Plekhanov de beaucoup écrire et peu construire, contrairement aux populistes qui, eux, agissaient en Russie même[1]. Cependant, dans les années 1890, des pamphlets sont introduits clandestinement en Russie et servent de base à la constitution de groupes d'agitation qui interviennent dans les luttes ouvrières. Cela conduit à la fondation du Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR) en 1898.

Plekhanov collabora aussi au journal Iskra, en collaboration avec Martov et Lénine, entre 1900 et 1903. La lecture des textes de Plekhanov contribua fortement à gagner Lénine au marxisme, qui admirait beaucoup le propagateur du marxisme en Russie. Ensemble, ils élaboraient les arguments marxistes pour la situation russe, et dénonçaient les idées révisionnistes comme celles de Bernstein dans l'Internationale ouvrière.

Au congrès d'Amsterdam de l'Internationale (1904), Plekhanov serre la main d'un des leaders socialistes japonais, Katayama Sen, ce qui symbolise l'internationalisme au moment où les empires russe et japonais sont en guerre.

Cependant, Plékhanov et Lénine entrèrent en conflit dès 1903. Plekhanov défendait l'unité du parti à tout prix. Lors du Second congrès du POSDR, il rejoint le courant autour de Lénine (qui avait écrit son fameux Que faire au nom de toute l'Iskra), qui est majoritaire (bolchévik en russe). Mais lorsque les menchéviks (minoritaires) exigent de conserver une majorité dans la rédaction de l'Iskra, Plekhanov se rallie à eux pour éviter toute scission.[2] Il dit « il vaut mieux se tirer une balle dans la tête que scissioner », et écrit notamment Ce qu'il ne faut pas faire en réponse à Lénine. Au moment de ce congrès, assistant à une des premières manifestations de la détermination inébranlable de Lénine, Plékhanov dit à Axelrod : « C'est de cette pâte que l'on fait les Robespierre ».[3]

La vision de Plekhanov était la plus classique : d'abord une révolution bourgeoise, menée par la bourgeoisie, puis après une longue période de développement capitaliste créant une large classe ouvrière, la révolution socialiste. La révolution de 1905 montra que sa théorie ne rendait pas compte de ce qui se passait réellement, notamment parce qu'il ne voyait pas l'importance de la paysannerie. Mais Plekhanov conserva sa théorie telle quelle, et fut de plus en critiqué. Lénine critique alors fermement ce Plekhanov qui « donne des leçons de philistin satisfait de lui-même : il ne fallait pas prendre les armes ! ».[4]

Pendant la Première Guerre mondiale, il prit une position « défensiste », ce qui le plaçait parmi les social-chauvins, à l'extrême droite de la social-démocratie. Il soutenait qu'une victoire de l'Entente serait positive tandis qu'une victoire de la Triplice serait catastrophique. Il publia à la veille de la Révolution de Février 1917 dans un journal américain un article déclarant qu'il serait criminel pour les ouvriers russes de se mettre en grève au risque d'affaiblir militairement la Russie[5]. Il est alors en Finlande, province russe à l'époque.

Après le renversement du tsarisme, Plékhanov resta sur des positions patriotiques mais, cette fois, au nom de la défense de la démocratie russe contre l'impérialisme allemand.

Après la révolution de février 1917, il soutient le gouvernement provisoire bourgeois. Dans L'Etat et la Révolution, Lénine le nomme « le renégat Plekhanov ».[6]

Sans être ouvertement adversaire de la seconde révolution (Octobre 1917), Plekhanov en prévoyait des conséquences catastrophiques. Dans le journal Iedinstvo du 28 octobre 1917, il publia un article intitulé « Lettre ouverte aux ouvriers de Pétrograd », dans lequel il écrivit :

« Si les événements des derniers jours m'affligent (le coup d'état bolchévique), ce n'est pas parce que je ne veux pas le triomphe de la classe ouvrière en Russie, mais justement parce que je l'appelle de toutes les forces de mon être. Il convient de se rappeler la remarque d'Engels selon laquelle il ne peut y avoir pour la classe ouvrière de pire catastrophe historique que la prise du pouvoir à un moment où elle n'y est pas prête. Cette prise du pouvoir la fera reculer loin des positions acquises en février et mars de cette année. »

Plekhanov mourut de tuberculose le 30 mai 1918, à Terijoki (Finlande). Il est enterré au cimetière Volkovo, à la Passerelle des écrivains.

En dépit de sa rupture avec Lénine et la révolution communiste, il conserva une certaine estime en Union soviétique en tant que fondateur du courant marxiste russe. Il est d'ailleurs cité par Staline dans un discours à l'occasion du 24e anniversaire de la révolution d'octobre. Ce discours prononcé en octobre 1941 promettait de soumettre les armées nazies, « ces gens à morale de bête fauve [qui] ont l'impudence d'appeler à exterminer la grande nation russe, la nation de Plekhanov, de Lénine, [...][7] ».

2 Philosophie

Alors que Karl Marx semble mettre de côté la philosophie à partir de L'Idéologie allemande, texte où il règle ses comptes avec le mouvement philosophique des jeunes hégeliens de gauche, pour se consacrer de plus en plus à l'étude scientifique des lois de l'évolution de la société, Plekhanov consacre plusieurs de ses œuvres à expliciter les bases philosophiques de la doctrine de Marx.

Il écrit notamment La Conception matérialiste de l'histoire, où il montre l'évolution de notre conception de l'histoire depuis la conception théologique jusqu'à la conception de Marx, la conception matérialiste de l'histoire. Plus connue, Les Questions fondamentales du marxisme explicite les bases philosophiques de la conception marxiste du monde ainsi que sa méthode d'analyse de la société.

Le Matérialisme militant, recueil de trois lettres publiées entre 1908 et 1910, est une défense vigoureuse du matérialisme dialectique contre les conceptions idéalistes d'Alexander Bogdanov qui cherchait à faire des émules au sein de la social-démocratie russe. Cet ouvrage procède de la même démarche que celui de Lénine, Matérialisme_et_empirio-criticisme, publié à la même époque.

La citation suivante résume les critiques de Plekhanov envers Bogdanov :

« Ceux qui affirment que sans sujet il n'y a pas d'objet confondent tout simplement deux notions tout à fait différentes : l'existence de l'objet « en soi » et son existence dans la représentation du sujet. Nous n'avons pas le droit d'identifier ces deux modes d'existence. Ainsi vous, Monsieur Bogdanov, vous existez tout d'abord « en vous-même » et, ensuite, dans la représentation, mettons, de M. Lounatcharski, qui vous prend pour un penseur profond. La confusion de l'objet « en soi » avec l'objet tel qu'il existe pour le sujet est justement à l'origine de ces sophismes inextricables à l'aide desquels les idéalistes de toutes couleurs et de toutes nuances « réfutent » le matérialisme. »[8]

3 Écrits

1883 Le Socialisme et la lutte politique
1884 Programme du groupe social-démocrate "Libération du travail"
1885 Our Differences
1887 Projet de programme des Social-Démocrates russes
1888 G. I. Uspensky
1889 Discours au Congrès socialiste international de Paris
A New Champion of Autocracy
1890 S. Karonin
The Bourgeois Revolution
1891 Pour le 60° anniversaire de la mort de Hegel
1893 Les bourgeois d'autrefois
1895 Augustin Thierry et la conception matérialiste de l’histoire
Essai sur le développement de la conception moniste de l’histoire
Anarchisme et Socialisme
1896 Essays on the History of Materialism
1897 La Conception matérialiste de l'histoire
N. I. Naumov
A. L. Volynsky: Russian Critics. Literary Essays
N. G. Chernyshevsky's Aesthetic Theory
Belinski and Rational Reality
1898 On the Question of the Individual's Role in History
1903 N. A. Nekrasov
1904 Scientific Socialism and Religion
1905 On Two Fronts: Collection of Political Articles
French Drama and French Painting of the Eighteenth Century from the Sociological Viewpoint
The Proletarian Movement and Bourgeois Art
1906 Henrik Ibsen
1907 Réponse à une enquête faite par le Mercure de France sur l´avenir de la religion
Us and Them
On the Psychology of the Workers' Movement
1908 Les Questions fondamentales du marxisme. Le matérialisme militant
The Ideology of Our Present-Day Philistine
Tolstoy and Nature
1909 On the So-Called Religious Seekings in Russia
N. G. Chernyshevsky
1911 Karl Marx and Lev Tolstoy
A. I. Herzen and Serfdom
Dobrolyubov and Ostrovsky
1912 Lettre à J. Guesde
L'art et la vie sociale

4 Pseudonyme

Il a utilisé le pseudonyme de « Volguine », en référence au grand fleuve Volga, ce qui est peut-être à l'origine de choix du pseudonyme de « Lénine », par analogie à la Léna, le fleuve de Sibérie, car le futur Lénine était alors très influencé par Plekhanov.

5 Notes

  1. Jean-Jacques Marie, Lénine, Balland, (ISBN 2-7158-1488-7), p. 62
  2. - réponse à Mme Plekhanov
  3. Léon Trotsky, Ma vie, 1930
  4. Lettres à L. Kugelmann - Préface de Lénine à l'édition russe, 1907
  5. Léon Trotski, Histoire de la révolution russe, tome 1, Éditions du Seuil, Points politique, ISBN 2-02-000315-5, p. 272
  6. Lénine, L'Etat et la révolution (extraits), 1917
  7. Joseph Staline, Œuvres, Tome 16, 1941-1949, Nouveau Bureau d'Edition, Paris, 1975, p. 31
  8. Plekhanov, Les questions fondamentales du marxisme - Le matérialisme militant, Éditions sociales, 1974, p. 128