Grève générale de Seattle

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La Grève Générale de Seattle du 6 février au 11 février 1919, est une grève générale à laquelle prirent part plus de 65 000 personnes dans la ville de Seattle aux États-Unis. Des travailleurs mécontents de plusieurs syndicats entamèrent une grève pour obtenir une hausse de salaire après deux années de restrictions dues à la Première Guerre mondiale.

1 Contexte

La colonie de Seattle est fondée en 1855 ; en 1900, elle compte déjà 80000 habitants, 237000 en 1910 , 315312 en 1920. Une telle progression s’explique par l’extension du réseau ferré, la création du port ouvert sur l’Océan Pacifique, les industries du bois et de l’or. Avant 1914, un mouvement ouvrier combatif a réussi parfois à s’imposer publiquement malgré une répression souvent sauvage.

Le patronat de l’Etat de Washington (capitale Seattle) est alors célèbre pour sa capacité à écraser le milieu ouvrier (organisation des chefs d’entreprise, imposition concertée de salaires bas et de statuts précaires...).

Cependant, d’une part l’AFL (American Federation of Labour), fondée en 1886, commence à se construire ici, d’autre part cette région autour de Seattle devient un fief du syndicat révolutionnaire IWW. Le nom d’ Industrial Workers of the World (travailleurs industriels du monde) s’explique par le très fort pourcentage d’immigrés parmi les salariés (Irlandais, Allemands, Italiens, Chinois, Mexicains...). De 1915 à 1918, le nombre de syndiqués progresse de 400% dans la ville.

Face à l’organisation syndicale et à la combativité du milieu ouvrier, les capitalistes locaux paient des milices paramilitaires et organisent des raids meurtriers sur les locaux syndicaux comme à Everett en 1916.

Le grand capital étatsunien croit voir le fantôme des bolcheviks dans les forêts des Appalaches. Un article dans l’ « Oregonian » le 13 janvier 1919 rapporte une réunion de « Bolcheviques » à Seattle au croisement de la 4ème et de Virginia où les intervenants poussent à une grève générale pour empêcher l’envoi de matériel en Sibérie pour l’armée blanche qui combattait là-bas les Rouges.

Des rapports de police relatent une réunion du Conseil des soldats, marins et travailleurs/euses de Tacoma où les intervenants, incluant des représentants des IWW, poussent à « un renversement pacifique de la forme de gouvernement actuel aux États-Unis et à l’appropriation des industries du gouvernement par la classe ouvrière »..)

Les Wobbies des IWW sont suspectés de préparer en secret une grève générale des mineurs et bûcherons de l’Ouest, prélude à une révolution sociale. Des lois "anti-sédition" naissent à Washington. Trente-deux syndicalistes sont arrêtés à Spokane. Soixante-dix wobbies sont emprisonnés à Seattle.

2 La grève générale

Après deux années de blocage de toute revendication et en particulier des salaires pour cause de première guerre mondiale, des syndicats de la construction navale du port de Seattle demandent une augmentation pour les ouvriers non qualifiés particulièrement défavorisés. Les patrons concernés acceptent une hausse, mais seulement pour les ouvriers qualifiés dans le but évident de diviser le mouvement.

Le 21 janvier 1919, les 35000 salariés des chantiers cessent le travail. Le patronat national du secteur, l’Emergency Fleet Corporation (créé par le gouvernement durant la guerre et lié à lui) envoie un message aux propriétaires locaux afin qu’ils refusent toute augmentation. Ce texte arrive aux mains des syndicats.

En quelques jours, la solidarité ouvrière joue à fond et les 110 syndicats de la Bourse du Travail de Seattle (Seattle Central Labor Council), même ceux dont les traditions sont les moins combatives ou les plus "jaunes" appellent à la grève générale pour le 6 février à 10h.

Le 28 janvier 1919, le Conseil des soldats et marins de Seattle apporte son soutien au Conseil Central Ouvrier de la ville qui prépare la lutte.

3 La vie durant la grève

Le texte sur ce sujet du Wikipedia anglophone intitulé « Seattle General Strike » étant excellent, je préfère le citer :

Un comité coopératif composé de la base syndicale des différentes organisations fut créé et baptisé le General Strike Committee (ou Comité de Grève Générale). Il agissait comme un contre-gouvernement virtuel de la ville ("a virtual counter-government for the city" selon Jeremy Brecher) rappelant la Commune de Paris en 1871. Les travailleurs du Comité s’organisèrent pour parer aux besoins essentiels des habitants de Seattle durant la grève. Par exemple, les ordures furent collectées pour éviter tout risque sanitaire et les pompiers ne cessèrent pas le travail. Les exceptions à la grève devaient être décrétées par le Comité. En général, l’activité était poursuivie partout où son arrêt aurait mis des vies en danger. Dans d’autres cas, les travailleurs ont agi de leur propre chef pour créer de nouvelles institutions plutôt que de faire perdurer les anciennes. Les livreurs de lait, après s’être vus refusé la permission de maintenir certaines laiteries ouvertes par leurs employeurs, mirent en place un système de distribution comprenant 35 stations laitières de quartier. Un système de distribution alimentaire vit également le jour, qui tout au long de la grève distribua pas moins de 30.000 repas chaque jour. Les grévistes payaient 25 cents par repas, et les autres, 35 cents. Ragoût de bœuf, spaghetti, pain et café étaient distribués gratuitement. Dans une optique de maintien de la paix, des vétérans de l’armée mirent sur pied une police alternative. Elle prit pour nom la Labor War Veteran’s Guard. Elle interdisait l’usage de la force et ne portait pas d’arme ; elle usait uniquement de persuasion. Il s’avéra en fait que le maintien de l’ordre ne fut pas nécessaire : la police officielle n’eût à effectuer aucune arrestation en ce qui concerne les grèves, et les arrestations en général baissèrent de plus de moitié. Le général John F. Morrison, stationné à Seattle, déclara qu’il n’avait jamais vu une ville aussi tranquille et ordonnée ("a city so quiet and orderly").

4 Fin de la grève

Les troupes du gouvernement fédéral furent envoyées sur requête de l’Attorney General de l’État de Washington. 950 marins et marines étaient cantonnés dans la ville au 7 février. Dans le même temps, le maire de Seattle adjoignit 600 hommes aux forces de police et embaucha 2.400 special deputies (aux États-Unis le deputy est l’adjoint du sheriff). Le comité exécutif du General Strike Committee, craignant une violente répression comme c’était alors la coutume lors des grèves américaines du début du XXe siècle, vota la fin de la grève mais se rétracta quand il devint évident que l’enthousiasme pour cette grève était toujours vif au sein de la base syndicale. La direction de l’AFL se mit à exercer des pressions sur les travailleurs pour qu’ils cessent la grève. Pour diverses raisons, quelques organisations cédèrent et reprirent le travail. La poursuite de la grève créa des divergences si fortes entre grévistes et non-grévistes que le Comité vota la fin de la grève pour le 11 février à midi. Il expliqua les raisons qui l’avait poussé à prendre cette décision :: "Des pressions de la part des directions syndicales fédérales, locales, de la part des meneurs du mouvement, de la part même de certains leaders qu’une certaine presse qualifie de Bolcheviks. Et ajouté à tout cela, la menace qui pèse sur les travailleurs eux-mêmes, pas de celle de perdre leurs emplois, plutôt celle de vivre dans une ville bouclée." La grève initiale des chantiers navals continua. Immédiatement après la fin de la grève générale, 39 membres de l’IWW furent arrêtés comme "meneurs de l’anarchie" ("ringleaders of anarchy), bien qu’ils n’aient joué qu’un rôle mineur dans le déroulement des évènements.

5 Références

  • Brecher, Jeremy. Strike!. Revised edition. South End Press, 1997. (ISBN 0-89608-569-4)
  • Zinn, Howard. A People's History of the United States. Perennial Classics Edition. Perennial, 1999. (ISBN 0-06-093731-9)
  • Gauchemip, Seattle (USA) 6 au 11 février 1919