Grèves de 1947 en France

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La grève de 1947 chez Renault fut une grande grève dans laquelle des militants trotskystes[1] jouèrent un rôle important.

1 Les événements

Le vendredi 25 avril 1947, dès 6h30, les travailleurs des départements 6 et 18 de l’usine Renault-Billancourt se mettent en grève, coupant l’électricité et mettant en place des piquets qui empêchent l’accès aux transformateurs. La production est paralysée et l’appel à la mobilisation diffusé par le Comité de grève est massivement suivi.

Tout était soigneusement préparé : une semaine plutôt, plusieurs centaines d’ouvriers rassemblés à la sortie de la cantine par les militants de l’Union Communiste (UC)[1] revendiquent une augmentation de 10 francs sur le taux de base et désignent un Comité de grève pour porter à la direction de l’usine la revendication des travailleurs.

La direction la refuse.

Au milieu de la semaine qui suit, le mercredi 23 avril, le Comité de grève convoque un nouveau meeting rassemblant plus de 700 travailleurs qui votent le principe de la grève et chargent le comité de grève de l’organiser "dans les plus brefs délais".

1.1 "10 francs pour tous !"

L’UC ne compte pas plus de huit militants, tout concentrés dans les départements 6 et 18. Depuis le 15 février, ils publient "La Voix des Travailleurs de chez Renault" et organisent des réunions qui regroupent jusqu’à 15 personnes : le "comité des mécontents".

Dès la fin du mois, des réunions élargies regroupent le réseau de l’UC ainsi que les quelques militants du Parti Communiste Internationaliste (PCI) de l’usine et des militants de divers courants révolutionnaires dont des bordiguistes et des anarchistes. Ces réunions rassemblent alors jusqu’à 60 personnes. Ces militants décident d’avancer un mot d’ordre rassembleur : une augmentation de 10 francs sur le salaire de base. Dès le mois de mars, le Comité Central du PCI relaye et justifie la revendication dans l’optique de toute la métallurgie, et non pas des seuls travailleurs de Renault :

"Dans la métallurgie, le combat doit se mener pour les dix francs de l’heure d’augmentation pour tous (…) Les dix francs doivent être considérés comme un acompte sur le véritable minimum vital en rapport avec le coût de la vie et garanti par l’échelle mobile".

Pour leur part, dès le début du mois d’avril les militants de l’UC font circuler une pétition réclamant l’augmentation de 10 francs sur le taux de base. Dans le seul département 6, ils recueillent 850 signatures. C’est le point de départ de la grève.

1.2 La CGT sabote

Le mouvement de grève du 25 avril n’a pas le soutien de la direction de la section locale de la CGT, qui fait tout pour la reprise du travail. Au meeting de 8h, Plaisance, dirigeant CGT de Billancourt, condamne l’action engagée. Tout au long de la matinée, les délégués cégétistes poussent à la reprise les travailleurs qui rejoignent le mouvement sous l’impulsion des 1 500 ouvriers des départements 6 et 18 qui parcourent l’usine en appelant à la grève.

La CGT n’hésite pas à utiliser les pires calomnies. A midi, elle organise un meeting contre les grévistes où le dirigeant CGT Plaisance déclare : « Ce matin, une bande d’anarcho-hitléro-trotskystes a voulu faire sauter l’usine. »

La manoeuvre "subtile" des staliniens réussit en partie : à la veille du week-end la grève n’est totale qu’aux départements 6 et 18, là où elle a été déclenchée.

Mais les grévistes ne sont pas découragés : tout le week-end, les ateliers en grève sont occupés par des piquets. Et le lundi 28, la mobilisation se propage dans toute l’usine tandis que l’essentiel des travailleurs de l’entreprise participe au meeting appelé par le Comité de grève à 12h30.

La revendication des 10 francs sur le salaire de base pour tous rassemble les travailleurs. Le lendemain, la grève touche
environ 12.000 des 30.000 travailleurs de l’usine. Sentant le vent tourner, les staliniens manoeuvrent. La direction de Renault les reçoit dans l’après-midi du 28 et leur concède une petite augmentation de la prime de rendement.

Forte de cette "concession", la CGT appelle l’ensemble des travailleurs à débrayer le lendemain, espérant ainsi reprendre
l’initiative. Cette action-choc doit durer... une heure, de 11 à 12 !

Mais la tactique stalinienne se retourne contre la CGT. A midi, les travailleurs refusent de reprendre le travail. Hénaff, dirigeant des Métaux CGT, est hué par les travailleurs quand il annonce les bases du compromis avec la direction.

La grève est votée par plus de 80% des travailleurs, qui se dotent d’un Comité central de grève comptant 105 membres. Ayant échappé au carcan bureaucratique de la CGT, la mobilisation offre dorénavant la possibilité d’une extension de la lutte dans l’ensemble des industries métallurgiques de la région parisienne. Les militants de l’UC et du PCI semblent en situation de force dans l’usine.

1.3 Et pourtant, la situation va leur échapper...

Pour ne pas se couper des grévistes, la CGT se rallie aux travailleurs le 29, suivi le lendemain par le PCF. Mais, la CGT ne revendique qu’une augmentation de trois francs sur la prime à la production (encore et toujours la "Bataille pour la production").

Et avant tout, elle cherche par tous les moyens à contourner le Comité central de grève. Ainsi, dès le mardi 29, deux directions alternatives défendant deux revendications différentes se disputent le contrôle de la mobilisation. D’une part la puissante machine bureaucratique CGT, forte de ses 17 000 adhérents à l’usine et de ses relais gouvernementaux, de l’autre le Comité de grève, émanation démocratique des travailleurs en lutte.

1.4 Reprise en main par la CGT

L’action des révolutionnaires face à la volonté des bureaucrates de briser la mobilisation aurait du se déployer dans trois directions :

  • Assurer la mise en place de comités de grève démocratiques élus par les travailleurs mobilisés dans chacun des départements en grève afin de structurer le mouvement.
  • Lutter à l’intérieur des rangs de la CGT pour que le syndicat se mette au service de la lutte.
  • Assurer l’extension de la grève aux usines voisines, aux autres sites Renault et enfin à toute la métallurgie parisienne et au delà.

La consolidation des organes de luttes démocratiques n’eut pas lieu.

Un an plus tard le dirigeant de l’UC, Barta, avouait que « les ouvriers qui viennent [qui sont élus au Comité central de grève] représentent leur propre bonne volonté mais n’ont pas d’appui sérieux parmi leurs camarades d’atelier ». Cette absence de relais solides dans les départements facilite largement la reprise en main de la grève par la CGT. Les militants de l’UC au sein de la CGT n’ont pas compris l’importance fondamentale de contester la direction bureaucratique de l’intérieur lors du mouvement. Pourtant le nombre des syndiqués CGT en grève était un réel point d’appui qui aurait pu être renforcé par la syndicalisation de tous les travailleurs grévistes.

Il ne s’agit pas d’une critique facile, avec le recul : en juillet 1947, dans leur bulletin au sein de la CGT, les camarades du PCI expliquaient bien l’importance de cette tactique :

"Durant le développement de la grève, quand les délégués se démasquaient comme des jaunes, le comité de grève aurait dû donner le mot d’ordre de renouveler, par tous, les collèges syndicaux. Il aurait fallu donner la directive de chasser les jaunes et d’élire au CE (comité exécutif - ndlr) ceux qui s’étaient montrés les plus aptes à défendre les revendications."

1.5 L’extension de la grève

Vendredi 1er mai, malgré les provocations répétées des staliniens, des membres du Comité central de grève ainsi que des Jeunesses socialistes diffusent massivement un tract rédigé par Barta appelant à l’extension du mouvement.
Le tract explique :

"Notre usine a commencé le mouvement. Nous appelons tous nos camarades de la métallurgie, tous les ouvriers de la région parisienne, à se joindre à nous. Faisons pour nous-mêmes, ne fût-ce qu’une partie, des sacrifices que nous obligent à faire tous les jours les patrons pour leur profit et nous vaincrons. Vive les 10 francs ! Vive le minimum vital garanti par l’échelle mobile ! Vive la solidarité de la classe ouvrière unie dans ses revendications !"

Le lendemain, de nombreuses délégations sont envoyées par le comité de grève, appelant les travailleurs à entrer dans la lutte. Ces délégations interviennent notamment dans la banlieue ouest de la région parisienne où le PCI compte quelques cellules comme à l’usine UNIC (aussi dans l’automobile), en vain. Néanmoins, des débrayages ont lieu dans quelques entreprises de la métallurgie (Panhard par exemple).

Mais la grève est déjà reprise en main par une CGT omnipotente. Jamais plus, les révolutionnaires de Renault ne furent en
mesure de reprendre l’initiative du mouvement. Dès le 29, la CGT ouvre les négociations avec le ministre du travail, Ambroise Croizat, communiste et militant de la Fédération des Métaux de la CGT ! Celui-ci propose, naturellement, une augmentation de la prime à la production afin que les bureaucrates puissent obtenir la reprise du travail. Et le vendredi 2 mai, la CGT organise une consultation des travailleurs à bulletin secret sur la base du compromis avec Croizat.

Ceci marque un changement fondamental dans la lutte, qui s’était menée par consultation à main levée. Malgré tout, 12 671 se prononcent pour la grève, 8 715 contre. Quelle claque pour la CGT : les travailleurs rejettent la tentative de mettre fin au mouvement et poursuivent la lutte. La grève est et reste générale.

1.6 La CGT s’incline… et repart négocier

Le tournant se produit durant le week-end : le lundi 5 mai, trois jours seulement après le vote fatidique, le Comité central de grève ne contrôle plus que quelques départements et la CGT tous les autres. La veille, le PCF est exclu du gouvernement par Ramadier, sous prétexte de son soutien à la grève. Le 8 mai le nouveau gouvernement accorde les 3 francs revendiqués par la CGT et livre à la régie 26 000 tonnes d’acier supplémentaires pour augmenter la production ! Un nouveau vote est organisé par les staliniens le lendemain : 12 075 se prononcent pour la reprise du travail contre 6 866.

La reprise s’amorce. Malgré leur implantation, malgré leur expérience, les militants de l’UC et du PCI, et les centaines de
travailleurs rassemblés autour d’eux dans le comité de grève, ne peuvent rien faire pour empêcher la mainmise des staliniens sur le mouvement. Barta reconnaîtra sur le tard l’erreur de l’UC - d’avoir accepter que la CGT organise le deuxième vote. Mais dès la première tentative des staliniens, il fallait lutter pour une AG contrôlée par les travailleurs et condamner le vote à bulletin secret.

Néanmoins, même si le lundi 12 mai la reprise est presque générale, les départements 6, 18, 88, 31, 49 et 48 restent en lutte. A la fin de la semaine, les départements 6 et 18 sont toujours en grève pour le paiement des heures de grève. Ce mouvement a des conséquences importantes : ces départements ont un tel poids dans l’organisation de la production que, dès le mardi 13, le travail s’arrête faute de pièces. Le lendemain, la production est totalement paralysée. Enfin, les ouvriers du secteur Collas ne reprennent le travail qu’après avoir gagné sur le paiement des heures de grève, le gouvernement ayant annoncé, le jeudi 15, une prime de 1 600 francs et une avance de 900 francs pour tous les travailleurs de l’usine.

2 Les leçons à tirer de cette lutte

Une chose fondamentale : les travailleurs des départements 6 et 18 peuvent reprendre le travail la tête haute. Ils ont résisté aux pressions des staliniens et arraché pour l’ensemble des travailleurs le paiement des heures de grèves. Et si on ne peut parler d’une victoire faute d’avoir obtenu les 10 francs, la grève a ouvert un cycle de lutte dont la vague de grèves de novembre décembre 1947 fut l’apogée.

A peine les travailleurs de Renault reprennent-ils le chemin des ateliers que les grèves se multiplient partout dans le pays. Des grèves touchent la métallurgie, le bâtiment, le textile, les mines... Le 2 juin, la grève s’étend à la SNCF. Elle est totale le 7.

La fin de l’été est marquée par une nouvelle flambée de grèves, avant qu’en novembre-décembre, Renault n’explose à nouveau, cette fois-ci sous la pression de la CGT et du PCF. Le gouvernement parle d’ "insurrection" et envoie les chars... La grève d’avril 1947 n’est pas seulement un signe avant-coureur de ce qui allait venir, elle montre aussi comment les révolutionnaires peuvent jouer un rôle fondamental dans le lancement de mouvements, même là où ils sont minoritaires.

Comme l’a expliqué Barta un an plus tard :

"Personne n’avait la naïveté de croire qu’une augmentation de 10 francs sur le salaire de base et le paiement des heures de grève pouvaient être obtenus par douze cents grévistes ! (…) Pour renverser la vapeur, pour mettre un frein à la rapacité capitaliste, il fallait, comme en juin 1936, une action gréviste de la majorité de la classe ouvrière".

Pourtant, c’est le seul moment où le groupe Barta a pu réellement peser. Dans les mouvements qui ont suivi, l’UC a été effectivement incapable d’intervenir dans les luttes qui ouvraient la possibilité d’une grève générale. Implanté dans une seule usine, le groupe de Barta s’est trouvé coupé de l’avant garde ouvrière qui entrait alors en action vers la fin de 1947. Le Syndicat Démocratique Renault que l’UC lance suite à la grève du mois d’avril a fini par faire couler l’organisation, sans gains effectifs (voir encadré).

Oui, la grève Renault a démontré la capacité d’un noyau de militants révolutionnaires à impulser et diriger une lutte. Mais elle souligne plus encore les limites d’une telle intervention sans un parti implanté fortement dans la classe ouvrière et armé d’un solide programme capable de contrer les bureaucraties syndicales et de structurer la lutte autour de revendications transitoires.

2.1 Après la grève : le Syndicat Démocratique Renault

Après la grève, l’UC cherche à structurer les travailleurs qui rejettent ouvertement le PCF mais ne sont pas encore prêts à la rejoindre. Leur première tentative de "reconstruction à la base" du mouvement ouvrier est d’organiser des élections au CE de Renault contrôlées par les travailleurs. Ni la CGT, ni la direction ne reconnaissent la validité du vote. Mais les camarades vont jusqu’au bout de leur logique et lancent un syndicat autonome, le Syndicat Démocratique Renault (SDR).

L’UC, comme le PCI, défendaient jusqu’alors une orientation vers la base de la CGT. Le sous-titre de leur bulletin "la Voix des Travailleurs", "bulletin inter-usines de l’opposition syndicale lutte de classe de la CGT" indiquait clairement leur option.

Jusqu’à la grève de 1947, la politique syndicale de l’UC rejette les syndicats "rouges". L’UC critique violemment la création de la CNT en mai 1946. Mais ses succès immédiats et la perspective d’une explosion sociale orientent l’UC vers la construction d’une opposition extérieure à la CGT.

Pierre Bois, dans la Voix des Travailleurs du 3 Juin 1947, l’avoue :

"le problème que nous posons n’est pas de faire un syndicat 'opposé' à la CGT. Ce que nous voulons, c’est reconstruire le syndicat à la base. Nous sommes partisans d’une seule centrale syndicale, c’est à dire de syndicats regroupés en fédérations elles-mêmes regroupées en une confédération CGT".

Cela peut constituer un passage obligé face à des exclusions ou à une fin de conflit. Cependant par la suite, Bois, qui tient lieu de porte-parole de l’UC, avance des analyses unilatérales qui conduisent à une dérive destructrice :

"Mais actuellement il n’y a pas de CGT, il y a seulement une bureaucratie syndicale qui encaisse des cotisations".

Nier l’existence de la CGT, forte de millions d’adhérents à cette époque, et jeter dans le même sac bureaucrates et majorité de la classe ouvrière, voilà à quoi conduit la position de l’UC. La suite des événements démontre les confusions profondes que la petite taille du groupe ne feront qu’amplifier.

Le SDR reprend à son compte les revendications de la Voix des Travailleurs - échelle mobile des salaires, et des heures de travail ; retour aux 40 h, contrôle syndical sur l’embauche - et la tradition internationaliste. Ses campagnes contre le chauvinisme "anti-Boche", le racisme, et sa lutte de solidarité avec les travailleurs vietnamiens constituent des exemples pour les révolutionnaires d’aujourd’hui.

La révocabilité des élus, possible à chaque AG, et la publication de bulletins de discussion, abordant tous les aspects politiques de la vie syndicale, assurent non seulement la participation active des travailleurs, mais aussi évitent la bureaucratisation.

Les succès se révèlent pourtant fragiles et limités. Le projet de contournement des organisations traditionnelles - en les régénérant par le bas et en dehors - commence à buter sur la réalité. L’impatience et la difficulté à trouver une politique capable de se poser en alternative à la bureaucratie syndicale amènent l’UC à faire des ouvriers les responsables de ses propres limites. Dès la rentrée 1947, le problème de la conscience politique des travailleurs sert de justification.

Le conseil syndical SDR du 27 septembre affirme « que la classe ouvrière a perdu sa conscience de classe… qu’avant les travailleurs luttaient pour la disparition du capitalisme. Maintenant ils veulent améliorer leur situation ».

Quelle est la signification profonde de cette analyse, outre une nostalgie peu fondée ? Le syndicat est l’outil de tous les travailleurs, quelle que soit leur conscience politique. Le SDR, sans pour autant rejeter les travailleurs réformistes, ne regroupe que l’avant-garde, et coupe les travailleurs avancés de la majorité de la classe.

Le caractère anticapitaliste du SDR, montre la confusion de l’UC sur les tâches dans les syndicats, en partie celles du front unique, et sur les tâches du parti de délimitations sur la base du programme. Le travail des révolutionnaires est de remplir ces tâches, sans confusion. L’UC et son syndicat SDR en sélectionnant les ouvriers "anti-capitalistes" ne peut dès lors prétendre représenter l’ensemble des travailleurs, ce qui doit être l’ambition de tout véritable syndicat.

Les tâches du SDR sont énormes et reposent seulement sur les militants de l’UC. Le journal de l’organisation ne parait plus, faute des forces nécessaires. Le travail SDR, qui engloutit toutes les forces du groupe ne permet cependant pas de gagner de nouveaux militants. Un rapport interne d’avril 1949 reconnaît « nous n’avons pas trouvé au sein de la classe ouvrière même des éléments avancés capables de lutter. » Barta préconise alors de retirer quelques militants de l’usine afin de « pouvoir restaurer l’instruction de cadres pour un travail en dehors de l’usine tout en maintenant nos acquis ».

Malgré sa reconnaissance légale et sa capacité à imposer à la CGT un front unique en novembre 1949, les jours du SDR sont comptés. Les tensions se renforcent dans l’UC. A l’automne 1949, la crise éclate sur le mot d’ordre de "grève générale" avancé par les directions syndicales. Barta dénonce l’adaptation des camarades les plus engagés dans le travail SDR, mais il est minoritaire.

Après l’émergence de deux fractions internes, au début de décembre 1949, l’UC reconnaît l’imminence de sa fin, et tire une conclusion franche : « en tant qu’organisation politique nous n’existons pas : la seule organisation réelle a été le syndicat. » La volonté de contourner le mouvement ouvrier s’achève sur un échec. En se coupant du mouvement majoritaire, en laissant les travailleurs seuls face à la bureaucratie syndicale, les militants de l’UC, malgré leur courage, n’ont réussi ni à construire un syndicat, ni un parti révolutionnaire.

En janvier 1950, le SDR se sépare publiquement de l’UC. Une bagarre de procédure éclate, laissant libre court aux réflexes bureaucratiques qui ne sont pas simplement l’apanage des grandes centrales. En avril 1950, on apprend par exemple que "la CE du SDR a retiré ses mandats" aux oppositionnels, partisans du repli politique et que cette CE n’a pas été élue par… la base.

Les élections de 1950 entérinent la marginalisation du SDR. Il passe de 1300 voix en 1949, à 500 voix. Pour autant, il serait faux de simplement conclure que l’UC s’est épuisée à la tâche, seulement à cause de ses effectifs réduits. La raison majeure tient à la confusion entre tâches et priorités. Un groupe, même limité en force, doit intervenir dans la lutte de classe. Mais il doit avant tout former des cadres politiques, hiérarchiser ses priorités et justifier son existence par des délimitations programmatiques.

En 1945, le Bulletin Intérieur indique qu’il est nécessaire de faire la conquête de la classe ouvrière avant de vouloir faire une politique révolutionnaire. Les étapes du processus révolutionnaire sont ici clairement renversées. L’obsession est de s’implanter à tout prix. Comment conquérir la majorité du prolétariat sans la confrontation réelle du programme révolutionnaire et l’action des travailleurs ? L’implantation ouvrière est essentielle mais ne règle pas tous les problèmes.

S’il est vrai que les principes généraux de l’action révolutionnaire imposent des contraintes et des tâches générales, un ordre de priorité est indispensable. Il faut adapter le programme révolutionnaire en le confrontant avec la réalité, mais aussi savoir reculer sans sacrifier les idées pour l’action. La grève d’avril-mai montre qu’il est possible de sortir le trotskysme de la marginalité. Elle confirme aussi qu’il n’y a pas de raccourci dans la construction d’un parti révolutionnaire, armé d’un programme solide et basé sur des cadres à la fois implantés et formés à tous les aspects de la lutte des classes : économique, politique et théorique.

2.2 Le PCF et le gouvernement

En 1945, Thorez annonce qu’il veut participer « avec enthousiasme à la bataille de la production. » Il dénonce la grève comme « l’arme des trusts » et appelle les travailleurs du pays à soutenir la reconstruction de l’impérialisme français. La présence des ministres "communistes" apaise une classe ouvrière qui a soif de changements. Le rôle du PCF - comme toujours chez les réformistes - consiste à assurer que les travailleurs se contentent de quelques miettes, au lieu d’exiger un contrôle total sur la production et la société.

La bureaucratie soviétique, qui jouit d’une influence déterminante sur le PCF, imagine que la "coexistence pacifique" avec
le capitalisme est possible, et qu’en faisant une série de compromis, les rapaces impérialistes la laisseront tranquille.
Les impérialistes ont repris le pouvoir des mains des bureaucrates une fois le danger d’une vague révolutionnaire éloignée. Le "Plan Marshall" en Europe de l’Est met les staliniens dos au mur : soit ils acceptent l’argent des USA, et donc leur droit d’ingérence, soit ils refusent, ce qui implique de rompre avec le capitalisme, de façon bureaucratique, voire contrerévolutionnaire.

Pour augmenter la pression, les USA déclenchent la guerre froide. Le 12 mars 1947, Truman, Président des USA, lance sa campagne de "résistance à la subversion". En avril 1947, utilisant la grève chez Renault comme prétexte, le gouvernement, dirigé par la SFIO, exclut les ministres communistes.

3 Notes et sources

Article de Pouvoir Ouvrier

Artcile de mai 1947 de La Révolution Prolétarienne

Archives INA

  1. 1,0 et 1,1 Il s'agit à l'époque du groupe Barta, qui donnera en 1968 le parti Lutte Ouvrière.