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Le rapatriement pour l’Indochine qui est une des premières revendications des ONS ne commence réellement qu’en février 1948<ref>Voir : [http://www.travailleurs-indochinois.org travailleurs-indochinois.org]. La section « Rapatriements » recense par date et par bateau le retour des ONS</ref>. La manière dont il s’opère est indigne et le mot est faible. Les autorités sont inquiètes de l’agitation qui règne contre la guerre en Indochine en France et en particulier dans les camps qu’elles soupçonnent d’être un vivier ''« d’agitateurs vietminh »''. Le rapatriement s’apparente alors à des rafles avec force compagnies de CRS casqués et armés.  L’ambiance est tendue dans toute la France à la suite des [[grèves]]  parfois violentes. Le gouvernement mobilise toutes les forces de l’ordre, rappelle les réservistes et le contingent de la classe 1943. Dans le Nord l’armée est envoyée contre les mineurs. La répression est diversifiée : à Paris, Trân Ngoc Danh président de la délégation du Viêt Nam en France est arrêté et écroué à la prison de la Santé.
 
Le rapatriement pour l’Indochine qui est une des premières revendications des ONS ne commence réellement qu’en février 1948<ref>Voir : [http://www.travailleurs-indochinois.org travailleurs-indochinois.org]. La section « Rapatriements » recense par date et par bateau le retour des ONS</ref>. La manière dont il s’opère est indigne et le mot est faible. Les autorités sont inquiètes de l’agitation qui règne contre la guerre en Indochine en France et en particulier dans les camps qu’elles soupçonnent d’être un vivier ''« d’agitateurs vietminh »''. Le rapatriement s’apparente alors à des rafles avec force compagnies de CRS casqués et armés.  L’ambiance est tendue dans toute la France à la suite des [[grèves]]  parfois violentes. Le gouvernement mobilise toutes les forces de l’ordre, rappelle les réservistes et le contingent de la classe 1943. Dans le Nord l’armée est envoyée contre les mineurs. La répression est diversifiée : à Paris, Trân Ngoc Danh président de la délégation du Viêt Nam en France est arrêté et écroué à la prison de la Santé.
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Dans un premier temps ce sont les délégués ONS qui sont visés par ces  mesures de rapatriement expéditif. Ainsi que les plus combatifs : à Roanne, au 6<sup>e</sup> jour d’une grève, les gendarmes envahissent le camp et les travailleurs sont embarqués dans un train pour Marseille (lors du trajet un incendie réduira en cendres les wagons dans lesquels se trouvaient leurs maigres bagages). En février, les arrestations se multiplient dans les camps. 126 délégués arrêtés dans toute la France sont envoyés au camp de Bias, puis embarqués pour le Viêt Nam à Port-de-Bouc le 26 février. Arrivés au Cap Saint Jacques, ils seront remis aux forces militaires françaises. Certains sont emprisonnés, qui pour posséder un drapeau rouge à étoile d’or, qui pour un portrait d’Hô Chi Minh ou une carte de la CGT.
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Dans un premier temps ce sont les délégués ONS qui sont visés par ces  mesures de rapatriement expéditif. Ainsi que les plus combatifs : à Roanne, au 6<sup>e</sup> jour d’une grève, les gendarmes envahissent le camp et les travailleurs sont embarqués dans un train pour Marseille (lors du trajet un incendie réduira en cendres les wagons dans lesquels se trouvaient leurs maigres bagages). En février, les arrestations se multiplient dans les camps. 126 délégués arrêtés dans toute la France sont envoyés au camp de Bias, puis embarqués pour le Viêt Nam à Port-de-Bouc le 26 février. Arrivés au Cap Saint Jacques, ils seront remis aux forces militaires françaises. Certains sont emprisonnés, qui pour posséder un drapeau rouge à étoile d’or, qui pour un portrait d’[[Hô Chi Minh]] ou une carte de la [[CGT]].
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===Massacre à Mazargues===
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===Massacre à Mazargues (mai 1948)===
Le camp de Mazargues situé dans la banlieue Est de la ville est le plus grand de France. C’est une des places forte du mouvement des ONS où, dès 1944, il fut mis fin aux jeux et aux trafics divers. Environ 2 000 Vietnamiens  y vivent. Par manque de place, les autorités ont créé un second camp à environ deux kilomètres, appelé Colgate. Il est surtout utilisé pour regrouper les ONS en partance pour l’Indochine. Là, la discipline est quasiment inexistante et c’est là que vous se regrouper les éléments dénoncés par les trotskystes comme ''« malandrins, voyous et criminels »''.
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{{See also|Massacre de Mazargues}}
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Le camp de Mazargues situé dans la banlieue Est de Marseille est le plus grand de France. C’est une des places forte du mouvement des ONS où, dès 1944, il fut mis fin aux jeux et aux trafics divers. Environ 2 000 Vietnamiens  y vivent. Par manque de place, les autorités ont créé un second camp à environ deux kilomètres, appelé Colgate. Il est surtout utilisé pour regrouper les ONS en partance pour l’Indochine. Là, la discipline est quasiment inexistante et c’est là que vous se regrouper les éléments dénoncés par les trotskystes comme ''« malandrins, voyous et criminels »''.
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À la suite de l’expulsion des délégués ONS vers le Viêt Nam dont les plus connus étaient Hoàng Nghinh, Bui Dinh Thiêp, Nguyên Dinh Lâm… un certain relâchement dans la bonne tenue du camp se fit ressentir, ce qui fut, pour les soi-disant militants du groupe Salut National l’occasion d’investir la place. Quoique très minoritaire ce groupe se livra à des provocations diverses. Dang Van Long se souvenait : ''« Ce groupe se composait de 60 à 70 éléments. Outre les voyous, il y avait des membres de la 41<sup>e</sup> compagnie qui étaient originaires de Ha Tinh qui était la terre natale de Phan Nhuân et certains membres de la 12<sup>e</sup> compagnie. Ils injuriaient les gens en désaccord avec eux, les agressaient parfois. Il y avait une tension extrême dans le camp à cause d’eux. Quand ils étaient majoritaires dans une compagnie, ils interdisaient nos journaux. Malgré leurs attaques calomnieuses nous n’avons jamais procédé de la même façon, nous avons toujours préféré le débat démocratique. À la veille du rapatriement des premiers ONS, les Staliniens se sont efforcés d’effrayer les travailleurs coupables de ne pas s’inféoder à leur politique en les menaçant « des tribunaux de la république démocratique du Viêt Nam »''. Les dirigeants des travailleurs furent qualifiés « de renégats et d’accusés en liberté provisoire » par leur journal Lao Dong. En février un membre du Comité d’autodéfense a reçu un coup de poignard. Au mois de mai durant la première quinzaine il y eut cinq agressions physiques contre des délégués ou des membres du comité. » Au début du même mois le Lao Dong publie une brochure en quoc ngu au titre évocateur : « Les travailleurs démasquent les traîtres trotskystes vietnamiens ». On y lit en autre : ''« Aux traîtres trotskystes vietnamiens nous disons : le jour de l’extermination de votre clique est arrivé. Plus vous crierez fort plus vite vous serez détruits. Aux camarades encore hésitants nous disons revenez à la patrie. La patrie généreuse acceptera tous ses enfants vietnamiens. Chaque jour où vous resterez liés aux traîtres trotskystes vietnamiens est un crime de plus à votre actif. Ne tardez plus vous en supporteriez les conséquences avec eux. »''<ref>Journal La Vérité n° 219, 18 juin 1948.</ref>
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À la suite de l’expulsion des délégués ONS vers le Viêt Nam dont les plus connus étaient Hoàng Nghinh, Bui Dinh Thiêp, Nguyên Dinh Lâm… un certain relâchement dans la bonne tenue du camp se fit ressentir, ce qui fut, pour les soi-disant militants du groupe Salut National l’occasion d’investir la place. Quoique très minoritaire ce groupe se livra à des provocations diverses, et multiplie les violences physiques à partir de février 1948. Au début du  mois de mai le Lao Dong menance : ''« Aux traîtres trotskystes vietnamiens nous disons : le jour de l’extermination de votre clique est arrivé. Plus vous crierez fort plus vite vous serez détruits. Aux camarades encore hésitants nous disons revenez à la patrie. La patrie généreuse acceptera tous ses enfants vietnamiens. Chaque jour où vous resterez liés aux traîtres trotskystes vietnamiens est un crime de plus à votre actif. Ne tardez plus vous en supporteriez les conséquences avec eux. »''<ref>Journal La Vérité n° 219, 18 juin 1948.</ref>
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Le 14 mai, deux trotskystes sont roués de coups par des staliniens devant leur responsable réduit à l’impuissance par les agresseurs. Dang Van Long : ''« Le soir du 15 mai le Comité d’autodéfense chargé de la sécurité du camp apprit que le groupe Salut National organisait une réunion dans un réfectoire. Comme par le passé ils avaient dressé des listes de personnes à éliminer, et comme les violences des jours précédents ne laissaient rien présager de bon, la nouvelle se répandit qu’ils préparaient l’élimination de leurs opposants les plus farouches. En un clin d’œil des dizaines d’ONS sortirent des baraques pour se joindre au groupe d’autodéfense se munissant de manière préventive de toutes sortes d’armes et d’objets divers. Jamais, nous Trotskystes, n’avons donné l’ordre d’aller attaquer cette réunion. L’extrême tension des jours précédents avait rendu Mazargues comme un baril de poudre, cette réunion a été l’étincelle fatale. Nous avons essayé de calmer la situation, mais c’était impossible. Des gens qui n’avaient rien à voir avec tout ça ont même été menacés ; c’était une nuit d’horreur. »''
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Le 15 mai, la situation dégénère en [[Massacre de Mazargues|massacre]]. Dang Van Long : ''« Le soir du 15 mai le Comité d’autodéfense chargé de la sécurité du camp apprit que le groupe Salut National organisait une réunion dans un réfectoire. Comme par le passé ils avaient dressé des listes de personnes à éliminer, et comme les violences des jours précédents ne laissaient rien présager de bon, la nouvelle se répandit qu’ils préparaient l’élimination de leurs opposants les plus farouches. En un clin d’œil des dizaines d’ONS sortirent des baraques pour se joindre au groupe d’autodéfense se munissant de manière préventive de toutes sortes d’armes et d’objets divers. Jamais, nous Trotskystes, n’avons donné l’ordre d’aller attaquer cette réunion. L’extrême tension des jours précédents avait rendu Mazargues comme un baril de poudre, cette réunion a été l’étincelle fatale. Nous avons essayé de calmer la situation, mais c’était impossible. Des gens qui n’avaient rien à voir avec tout ça ont même été menacés ; c’était une nuit d’horreur. »''
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Des témoins affirment que des ONS avaient ceint leur front de tissu blanc : signe de reconnaissance pour une rixe dont ils savaient qu’elle aurait lieu dans le noir ? ou ce signe du deuil vietnamien était-il un avertissement que l’affaire allait être sanglante ? Personne n’a répondu à la question. Une violente dispute éclate entre les deux groupes. Soudain, la lumière est éteinte dans tout le camp<ref>Les descriptions de cette nuit de violence diffèrent selon les sources, témoins ou journaux en particulier à propos de la coupure d’électricité et de l’heure à laquelle la police est intervenue. Lors du procès de 1952, les mêmes incohérences subsistent à propos de la coupure d’électricité.</ref>, l’affrontement éclate, violent, meurtrier, des détonations, des clameurs et des cris sont entendus jusqu’aux abords du camp. La police est prévenue par la standardiste du camp (une Irlandaise mariée à un interprète vietnamien) mais reste à la lisière n’entrant qu’au matin pour découvrir cinq morts<ref>Les décédés sont Bui Van Ngo (matricule TJ 901), Lê Van Dich (TJ 1257), Bui Van La (TJ 927), Pham Van Doai (TJ 746) ; une dernière personne ne put être identifiée. En fait, deux d’entre eux décédèrent à l’hôpital.</ref> et une soixantaine de blessés dont certains, très gravement atteints, resteront handicapés à vie. Lê Van Dich le responsable du Salut National est parmi les victimes. Beaucoup d’ONS ont quitté le campement après les violences, certains sont partis en ville, d’autres au camp Colgate. Dans un rapport de police du 19 mars, il est signalé que ''« 130 Indochinois ont quitté d’autorité le camp Viêtnam pour le camp Colgate. Il s’agit d’éléments de la 12 C<sup>ie</sup> qui seraient favorables à la politique de Bao Dai. Selon l’encadrement, 400 travailleurs ont déserté le camp pour passer la nuit en ville. »'' <ref>Le problème des archives policières est que la compréhension politique des faits échappe le plus souvent aux inspecteurs et aux commissaires chargés des rapports. Trouver des partisans de l’empereur Bao Dai à Mazargues semble relever de la plus pure fantaisie. Les premiers articles de journaux qui se basent sur les explications des policiers sont tout aussi incongrus : « des pacifistes auraient attaqué des anarchistes ».</ref>
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Une violente dispute éclate entre les deux groupes. Soudain, la lumière est éteinte dans tout le camp<ref>Les descriptions de cette nuit de violence diffèrent selon les sources, témoins ou journaux en particulier à propos de la coupure d’électricité et de l’heure à laquelle la police est intervenue. Lors du procès de 1952, les mêmes incohérences subsistent à propos de la coupure d’électricité.</ref>, l’affrontement éclate, violent, meurtrier, des détonations, des clameurs et des cris sont entendus jusqu’aux abords du camp. La police est prévenue mais reste à la lisière n’entrant qu’au matin pour découvrir cinq morts<ref>Les décédés sont Bui Van Ngo (matricule TJ 901), Lê Van Dich (TJ 1257), Bui Van La (TJ 927), Pham Van Doai (TJ 746) ; une dernière personne ne put être identifiée. En fait, deux d’entre eux décédèrent à l’hôpital.</ref> et une soixantaine de blessés dont certains, très gravement atteints, resteront handicapés à vie. Lê Van Dich le responsable du Salut National est parmi les victimes. Beaucoup d’ONS ont quitté le campement après les violences, certains sont partis en ville, d’autres au camp Colgate.  
 
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Deux jours plus tard, Bui Ngan, responsable du comité d’autodéfense qui s’était caché dans un poulailler proche du camp se trouva cerné par des policiers en armes. Selon eux, il fit feu et fut alors abattu immédiatement.
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Dang Van long : ''« Au lendemain des affrontements nous pleurons tous les morts. C’est un deuil pour l’ensemble des ONS.  Nous avons de la compassion pour l’ensemble des morts et des blessés. Nous ne les considérons nullement comme des ennemis mais comme des victimes de M. Danh et du groupe Salut National, c’est-à-dire de ceux qui usèrent des calomnies à la place de l’argumentation, qui abusèrent de la violence pour imposer aux ONS une politique qu’ils refusaient. »''
      
Le message adressé ''« aux Vietnamiens de France »'' par Trân Ngoc Danh le 18 mai, dans lequel ''« il regrettait l’incident sanglant de Marseille et réprouvait totalement tous actes de violence entre compatriotes contraires à la politique de large union nationale préconisé et poursuivie par le gouvernement du président Hô Chi Minh »'', fut ressenti par certains comme le comble du cynisme.
 
Le message adressé ''« aux Vietnamiens de France »'' par Trân Ngoc Danh le 18 mai, dans lequel ''« il regrettait l’incident sanglant de Marseille et réprouvait totalement tous actes de violence entre compatriotes contraires à la politique de large union nationale préconisé et poursuivie par le gouvernement du président Hô Chi Minh »'', fut ressenti par certains comme le comble du cynisme.
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La presse locale fit ses gros titres sur « La Saint Barthélemy indochinoise », sur « La secte des Tu Vê organisme d’exécuteurs du groupe trotskyste de la IV<sup>e</sup> Internationale »<ref>Dans le même article du Provençal du 20 mai 1948, quelques lignes plus bas le Tu Vê devient tout à coup « un groupe d’auto-défense regroupant marxistes staliniens et trotskystes ».</ref>. Certains articles regorgent de poncifs coloniaux et racistes : « Sauvage scène de carnage au camp indochinois » (''Le Méridional''). ''« Ce fut un carnage et les hommes s’adonnèrent à des scènes de sauvagerie inexplicable »'' (commissaire principal Mevel). ''« Déchaînés, assoiffés de sang, les attaquants sautèrent sur leurs camarades »'' (''Le Provençal'' du 17 mai). Force détails sont donnés sur les yeux crevés ; un corps transpercé par un tube de métal, fiché sur le sol comme un papillon ; les râles des blessés…
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La presse locale fit ses gros titres sur « La Saint Barthélemy indochinoise » et déversa des flots de commentaires racistes sur « la sauvagerie » des vietnamiens.  Ce n’est que le 22 mai que ''Le Provençal'' commence à publier les déclarations de la Délégation Générale des Travailleurs Vietnamiens qui ''« attribue la responsabilité des évènements à des éléments qui, depuis trois mois, se sont livrés à des provocations incessantes allant jusqu’à menacer et frapper violemment certains représentants démocratiquement élus par les travailleurs »''.  
 
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Pendant plusieurs jours le bruit courut que des cadavres avaient été enterrés à la hâte dans le camp, puis que des groupes de tueurs se cachaient dans les calanques… Ce n’est que le 22 mai que ''Le Provençal'' commence à publier les déclarations de la Délégation Générale des Travailleurs Vietnamiens qui ''« attribue la responsabilité des évènements à des éléments qui, depuis trois mois, se sont livrés à des provocations incessantes allant jusqu’à menacer et frapper violemment certains représentants démocratiquement élus par les travailleurs »''. Une déclaration de la section vietnamienne de la IV<sup>e</sup> internationale va dans le même sens.
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Environ 80 arrestations sont opérées. Après enquête, dix-huit ONS sont inculpés. Rapidement un des délégués élus du camp et responsable du comité d’auto défense, Do Than Ky, 28 ans, est désigné comme le maître d’œuvre de l’attaque. C’est le plus jeune des inculpés, tous les autres ont plus de trente ans. Un comité de défense des travailleurs vietnamiens se met en place et publie un bulletin dès le mois d’août 1948. Sous le parrainage d’André Breton, Benjamin Perret ou encore René Dumont, il s’oppose à la manière brutale qui est la règle pour les rapatriements et pour la défense des emprisonnés.
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=== Rapatriements  des ONS ===
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===Rapatriements  des ONS===
 
Les événements de Mazargues avaient considérablement troublé l’ensemble des ONS et le Groupe trotskyste lui-même. Ces événements allaient se précipiter et modifier profondément la présence des Indochinois en France. En effet, quelques semaines plus tard les autorités de la IV<sup>e</sup> République organisaient le rapatriement expéditif de plusieurs centaines d’ONS. Le comité de défense des travailleurs vietnamiens dénonçait ainsi ce qu’il faut bien appeler des rafles, organisées le 14 juillet 1946.  
 
Les événements de Mazargues avaient considérablement troublé l’ensemble des ONS et le Groupe trotskyste lui-même. Ces événements allaient se précipiter et modifier profondément la présence des Indochinois en France. En effet, quelques semaines plus tard les autorités de la IV<sup>e</sup> République organisaient le rapatriement expéditif de plusieurs centaines d’ONS. Le comité de défense des travailleurs vietnamiens dénonçait ainsi ce qu’il faut bien appeler des rafles, organisées le 14 juillet 1946.  
 
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À partir de fin 1946, quelques courriers d’anciens militants étaient parvenus en France, un fragile contact avait été rétabli. Chose qui avait été difficile parce que, au Viêt Nam, les trotskystes avaient à faire face à la fois à la répression coloniale et à celle des staliniens. En France les militants qui avaient survécu à la guerre ne vivaient plus nécessairement à la même adresse. Les lettres envoyées par les Vietnamiens à leur camarades français (via l’ancienne adresse de l’Étoile nord-africaine de l’algérien [[Messali Hadj]]) ne furent jamais en possession de leurs destinataires. Cette anecdote prouve l’étroite collaboration entre les divers mouvements de travailleurs coloniaux héritée de la période du journal ''Le Paria'' au début des années 1920 et qui se perpétua en 1946 par la publication de la revue ''La lutte anticolonialiste''. En 1949 le Congrès des Peuples coloniaux appelait ''« au boycott de la guerre d’Indochine »''.
 
À partir de fin 1946, quelques courriers d’anciens militants étaient parvenus en France, un fragile contact avait été rétabli. Chose qui avait été difficile parce que, au Viêt Nam, les trotskystes avaient à faire face à la fois à la répression coloniale et à celle des staliniens. En France les militants qui avaient survécu à la guerre ne vivaient plus nécessairement à la même adresse. Les lettres envoyées par les Vietnamiens à leur camarades français (via l’ancienne adresse de l’Étoile nord-africaine de l’algérien [[Messali Hadj]]) ne furent jamais en possession de leurs destinataires. Cette anecdote prouve l’étroite collaboration entre les divers mouvements de travailleurs coloniaux héritée de la période du journal ''Le Paria'' au début des années 1920 et qui se perpétua en 1946 par la publication de la revue ''La lutte anticolonialiste''. En 1949 le Congrès des Peuples coloniaux appelait ''« au boycott de la guerre d’Indochine »''.
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== Tentatives de poursuite des activités ==
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==Tentatives de poursuite des activités==
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=== Regroupement des forces ===
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===Regroupement des forces===
 
Une fois les relations maritimes rétablies entre la France et l’Indochine, quelques militants rejoignent Paris. C’est le cas de Lu Sanh Hanh, dit Lucien, qui arrive avec une lettre d’accréditation signée René et adressée à Raymond ([[Raymond Molinier|Molinier]] ?) et [[Yvan Craipeau|Craipeau]]. René est le pseudonyme de Nguyên Van Linh, ancien étudiant à Paris en 1926 et compagnon de [[Ta Thu Thâu|Ta Thu Thau]]. Avec d’autres étudiants annamites, ils avaient créé le Groupe Indochinois de la [[Ligue communiste (1930)|Ligue Communiste]], la première organisation de l’opposition de gauche à l’époque<ref>Un Paris révolutionnaire, Emeutes, subversions, colères, par Claire Auzias, illustré par Golo Esprit frappeur, [Dagorno], Nautilus, 2001, P. 150.</ref>. Nguyên Van Linh de retour au Viêt Nam en 1939 participa à la formation de la milice ouvrière des Tramways de Go Vap dans la banlieue de Saigon en août 1945. Il fut assassiné par le Vietminh en 1951. Lucien avait été un des fondateurs de l’organisation à Saigon et un dirigeant du Comité central des comités révolutionnaires de la région Saigon-Cholon en 1945. Il publia en 1947 un texte dans la revue ''IV<sup>e</sup> Internationale'', « Quelques étapes de la révolution au Nam Bo »<ref>Revue IV<sup>e</sup> Internationale, sept/oct 1947.</ref> qui servit de point de repère important à l’époque sur les événements de 1945. Il repartit en 1954 au Viêt Nam.
 
Une fois les relations maritimes rétablies entre la France et l’Indochine, quelques militants rejoignent Paris. C’est le cas de Lu Sanh Hanh, dit Lucien, qui arrive avec une lettre d’accréditation signée René et adressée à Raymond ([[Raymond Molinier|Molinier]] ?) et [[Yvan Craipeau|Craipeau]]. René est le pseudonyme de Nguyên Van Linh, ancien étudiant à Paris en 1926 et compagnon de [[Ta Thu Thâu|Ta Thu Thau]]. Avec d’autres étudiants annamites, ils avaient créé le Groupe Indochinois de la [[Ligue communiste (1930)|Ligue Communiste]], la première organisation de l’opposition de gauche à l’époque<ref>Un Paris révolutionnaire, Emeutes, subversions, colères, par Claire Auzias, illustré par Golo Esprit frappeur, [Dagorno], Nautilus, 2001, P. 150.</ref>. Nguyên Van Linh de retour au Viêt Nam en 1939 participa à la formation de la milice ouvrière des Tramways de Go Vap dans la banlieue de Saigon en août 1945. Il fut assassiné par le Vietminh en 1951. Lucien avait été un des fondateurs de l’organisation à Saigon et un dirigeant du Comité central des comités révolutionnaires de la région Saigon-Cholon en 1945. Il publia en 1947 un texte dans la revue ''IV<sup>e</sup> Internationale'', « Quelques étapes de la révolution au Nam Bo »<ref>Revue IV<sup>e</sup> Internationale, sept/oct 1947.</ref> qui servit de point de repère important à l’époque sur les événements de 1945. Il repartit en 1954 au Viêt Nam.
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Il était dans les intentions des Vietnamiens en France de créer une ''« puissante section vietnamienne de la IV<sup>e</sup> Internationale »'' comme le déclarait un article du journal ''La Vérité'' de mai 1947. Tout concordait pour que cette espérance se voie concrétisée. Le poids qu’avait eu ''La Lutte'' de Ta Thu Thau avant-guerre et l’influence de la L.C.I. dans le prolétariat de Saigon, l’importance numérique de la section vietnamienne en France donnaient à penser que, au regard de la situation en Indochine, c’était une chose réalisable. La manière dont s’effectua le retour des militants au Viêt Nam, suite aux rafles et à l’internement plus ou moins long qui suivit compliqua la tâche des militants.
 
Il était dans les intentions des Vietnamiens en France de créer une ''« puissante section vietnamienne de la IV<sup>e</sup> Internationale »'' comme le déclarait un article du journal ''La Vérité'' de mai 1947. Tout concordait pour que cette espérance se voie concrétisée. Le poids qu’avait eu ''La Lutte'' de Ta Thu Thau avant-guerre et l’influence de la L.C.I. dans le prolétariat de Saigon, l’importance numérique de la section vietnamienne en France donnaient à penser que, au regard de la situation en Indochine, c’était une chose réalisable. La manière dont s’effectua le retour des militants au Viêt Nam, suite aux rafles et à l’internement plus ou moins long qui suivit compliqua la tâche des militants.
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=== La Brigade Octobre chez Tito ===
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===La Brigade Octobre chez Tito===
 
L’année 1948 est riche en bouleversement divers. En février, à Prague, le parti communiste se retrouve seul au pouvoir. Le 28 juin 1948, le [[Kominform]] publie une résolution condamnant le président yougoslave. [[Staline]] ne peut supporter l’indépendance de cet État qui a réussi à se libérer sans l’[[Armée rouge]].
 
L’année 1948 est riche en bouleversement divers. En février, à Prague, le parti communiste se retrouve seul au pouvoir. Le 28 juin 1948, le [[Kominform]] publie une résolution condamnant le président yougoslave. [[Staline]] ne peut supporter l’indépendance de cet État qui a réussi à se libérer sans l’[[Armée rouge]].
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Après la dissolution volontaire du Comité Central des ONS en juin 1950, consécutive au dernier rapatriement des ONS, l’affrontement entre les organisation d’ONS et le Groupe Salut national de Trân Ngoc Danh prit fin ; mais il continua entre trotskystes et staliniens vietnamiens. Le débat s’il n’avait rien perdu de sa vigueur ne donnait plus lieu, après l’affaire de Mazargues, à des violences physiques. L’Union vietnamienne (Liên Viêt) prit la relève du Salut National. Dans le bulletin de l’Union, Nguyên Kach Viên, qui avait collaboré un temps au mouvement des ONS et donc de fait avec les trotskystes avant de rompre avec eux en avril 1949 pour rejoindre le PCF, polémiquait rudement avec ses anciens amis. Sous le titre « Petits bourgeois et révolutionnaires » il écrivait : ''« Ceux-là [les ONS du Groupe trotskyste] restent à Paris et osent enseigner la révolution à Hô Chi Minh […] ils veulent enseigner la révolution à Thorez ; ils viennent de lire quelques livres et veulent enseigner la révolution à Staline ou à Mao Tsé Toung. »'' Ce à quoi les intéressés répondaient : ''« Le socialisme selon Marx devait promouvoir une société où toutes les capacités et aptitudes du peuple peuvent être intégralement développées dans une démocratie totale. Le socialisme à la Staline n’a engendré qu’un régime contraignant, répressif et cruel. Staline considère le pouvoir du prolétariat comme le monopole d’un groupe d’hommes et non pas la démocratie démocratique des masses. »''
 
Après la dissolution volontaire du Comité Central des ONS en juin 1950, consécutive au dernier rapatriement des ONS, l’affrontement entre les organisation d’ONS et le Groupe Salut national de Trân Ngoc Danh prit fin ; mais il continua entre trotskystes et staliniens vietnamiens. Le débat s’il n’avait rien perdu de sa vigueur ne donnait plus lieu, après l’affaire de Mazargues, à des violences physiques. L’Union vietnamienne (Liên Viêt) prit la relève du Salut National. Dans le bulletin de l’Union, Nguyên Kach Viên, qui avait collaboré un temps au mouvement des ONS et donc de fait avec les trotskystes avant de rompre avec eux en avril 1949 pour rejoindre le PCF, polémiquait rudement avec ses anciens amis. Sous le titre « Petits bourgeois et révolutionnaires » il écrivait : ''« Ceux-là [les ONS du Groupe trotskyste] restent à Paris et osent enseigner la révolution à Hô Chi Minh […] ils veulent enseigner la révolution à Thorez ; ils viennent de lire quelques livres et veulent enseigner la révolution à Staline ou à Mao Tsé Toung. »'' Ce à quoi les intéressés répondaient : ''« Le socialisme selon Marx devait promouvoir une société où toutes les capacités et aptitudes du peuple peuvent être intégralement développées dans une démocratie totale. Le socialisme à la Staline n’a engendré qu’un régime contraignant, répressif et cruel. Staline considère le pouvoir du prolétariat comme le monopole d’un groupe d’hommes et non pas la démocratie démocratique des masses. »''
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=== Soutien critique au Vietminh ===
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===Soutien critique au Vietminh===
 
Dans la guerre de reconquête qui avait lieu au Viêt Nam il était impératif de soutenir la lutte pour l’indépendance quels qu’en soient les dirigeants. Cependant pour le Groupe il était hors de question de soutenir sans réserve Hô Chi Minh. Le point principal de divergences était déjà apparu en 1946 lorsque le Comité central des travailleurs vietnamiens avait apporté son « soutien critique » au gouvernement vietnamien. Pour Nguyên Khach Viên le soutien au gouvernement Hô Chi Minh devait être total et même ''« aveugle »''. Au mot d’ordre des travailleurs des camps, « Soutien au gouvernement de la Résistance », il aurait voulu substituer  celui-ci : « Soutien au gouvernement dirigé par Hô Chi Minh ».
 
Dans la guerre de reconquête qui avait lieu au Viêt Nam il était impératif de soutenir la lutte pour l’indépendance quels qu’en soient les dirigeants. Cependant pour le Groupe il était hors de question de soutenir sans réserve Hô Chi Minh. Le point principal de divergences était déjà apparu en 1946 lorsque le Comité central des travailleurs vietnamiens avait apporté son « soutien critique » au gouvernement vietnamien. Pour Nguyên Khach Viên le soutien au gouvernement Hô Chi Minh devait être total et même ''« aveugle »''. Au mot d’ordre des travailleurs des camps, « Soutien au gouvernement de la Résistance », il aurait voulu substituer  celui-ci : « Soutien au gouvernement dirigé par Hô Chi Minh ».
    
Les militants trotskystes vietnamiens et français participèrent à la lutte conte la « sale guerre » soit au nom de leur organisation respective, soit dans le cadre de structures unitaires comme les Comités pour la libération d’Henri Martin<ref>Voir de Jean-Guillaume Lanuque, Le mouvement trotskyste français et la question coloniale : le cas de la guerre d’Indochine, 1945-1954, mémoire de maîtrise d’histoire, Université de Nancy II, 1995.</ref>. À la signature des accords de Genève des journaux comme l’Union vietnamienne (Liên Viêt) et Le Secours Populaire (Cuu Tê Binh Dân) saluèrent ''« avec enthousiasme ces accords et déclarèrent qu’ils ont apporté un succès total au Viêt Nam et ce, grâce au soutien inconditionnel de la Chine et de l’Union Soviétique, quoique le problème de l’unification ne soit pas encore résolu, il le sera certainement par l’organisation d’un référendum »''. Ce en quoi ils étaient au diapason de la presse communiste orthodoxe. Le Groupe troskyste et l’Association des travailleurs vietnamiens en France avaient un tout autre jugement : ''« Grâce à la victoire de Diên Biên Phu, les accords de Genève ont apporté un certain nombre de succès importants pour le Viêt Nam. Au lieu d’obtenir des succès encore plus grands proportionnés à Diên Biên Phu, le Viêt Nam a subi les pressions des représentants de l’Union Soviétique et de la Chine qui, en défendant leurs intérêts nationaux ont poussé les représentants du Viêt Nam à faire des concessions notamment sur le problème de la réunification et sur le délai du référendum. Sur ce point, on ne peut pas croire que les autorités du Sud Viêt Nam respecteront le délai fixé. Le peuple doit être vigilant et une seconde guerre ne sera sans doute pas évitable. »''.  Une analyse, partagée à l’époque avec plus d’un commentateur politique (et avérée fondée depuis), mais qui valait à l’époque l’épithète de « provocateur belliciste » !
 
Les militants trotskystes vietnamiens et français participèrent à la lutte conte la « sale guerre » soit au nom de leur organisation respective, soit dans le cadre de structures unitaires comme les Comités pour la libération d’Henri Martin<ref>Voir de Jean-Guillaume Lanuque, Le mouvement trotskyste français et la question coloniale : le cas de la guerre d’Indochine, 1945-1954, mémoire de maîtrise d’histoire, Université de Nancy II, 1995.</ref>. À la signature des accords de Genève des journaux comme l’Union vietnamienne (Liên Viêt) et Le Secours Populaire (Cuu Tê Binh Dân) saluèrent ''« avec enthousiasme ces accords et déclarèrent qu’ils ont apporté un succès total au Viêt Nam et ce, grâce au soutien inconditionnel de la Chine et de l’Union Soviétique, quoique le problème de l’unification ne soit pas encore résolu, il le sera certainement par l’organisation d’un référendum »''. Ce en quoi ils étaient au diapason de la presse communiste orthodoxe. Le Groupe troskyste et l’Association des travailleurs vietnamiens en France avaient un tout autre jugement : ''« Grâce à la victoire de Diên Biên Phu, les accords de Genève ont apporté un certain nombre de succès importants pour le Viêt Nam. Au lieu d’obtenir des succès encore plus grands proportionnés à Diên Biên Phu, le Viêt Nam a subi les pressions des représentants de l’Union Soviétique et de la Chine qui, en défendant leurs intérêts nationaux ont poussé les représentants du Viêt Nam à faire des concessions notamment sur le problème de la réunification et sur le délai du référendum. Sur ce point, on ne peut pas croire que les autorités du Sud Viêt Nam respecteront le délai fixé. Le peuple doit être vigilant et une seconde guerre ne sera sans doute pas évitable. »''.  Une analyse, partagée à l’époque avec plus d’un commentateur politique (et avérée fondée depuis), mais qui valait à l’époque l’épithète de « provocateur belliciste » !
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=== Soutien à l'indépendance algérienne ===
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===Soutien à l'indépendance algérienne===
 
Le 24 avril 1954, le camarade Hugues devenait gérant de la société Typo-Lino Service (rue du Vide Gousset à Paris 2<sup>e</sup>), société au capital de 2 millions de francs. Bien entendu, le jeune saigonnais n’avait pas fait fortune depuis son arrivée en France. Cette société s’était constituée avec l’argent de la IV<sup>e</sup> Internationale et du Groupe vietnamien auprès duquel cotisaient des centaines de travailleurs, 512 exactement avant le rapatriement des ONS. À ses cotés Tran Van Sam, un ancien ONS linotypiste, chargé depuis longtemps de l’impression des tracts et revues<ref>« Tran Van Sam 1919-1990 » in Chroniques vietnamiennes n°10-11, printemps été 1991.</ref>. Cette imprimerie allait jouer un rôle important durant la guerre d’Algérie. Le Secrétariat Unifié de la IV<sup>e</sup> Internationale apportait un soutien politique et concret aux nationalistes algériens. «  ''Le jour nous éditions des journaux et des brochures pour “ la propagation de la Foi ”, le soir en heures supplémentaires nous faisions des faux papiers pour les Algériens, nous imprimions des tracts ou des journaux, tout ce qu’il fallait pour leur lutte clandestine. Nous n’étions pas les seuls bien sûr, mais la police ne nous a jamais trouvés ! C’est pour ça que nous ne sommes même pas répertoriés dans le livre Les porteurs de valises d’Hervé Hamon et Patrick Rotman. Mais contrairement à [[Michel Raptis|Pablo]] nous n’avons jamais fait de fausse monnaie »'', ajoute-t-il en riant !  
 
Le 24 avril 1954, le camarade Hugues devenait gérant de la société Typo-Lino Service (rue du Vide Gousset à Paris 2<sup>e</sup>), société au capital de 2 millions de francs. Bien entendu, le jeune saigonnais n’avait pas fait fortune depuis son arrivée en France. Cette société s’était constituée avec l’argent de la IV<sup>e</sup> Internationale et du Groupe vietnamien auprès duquel cotisaient des centaines de travailleurs, 512 exactement avant le rapatriement des ONS. À ses cotés Tran Van Sam, un ancien ONS linotypiste, chargé depuis longtemps de l’impression des tracts et revues<ref>« Tran Van Sam 1919-1990 » in Chroniques vietnamiennes n°10-11, printemps été 1991.</ref>. Cette imprimerie allait jouer un rôle important durant la guerre d’Algérie. Le Secrétariat Unifié de la IV<sup>e</sup> Internationale apportait un soutien politique et concret aux nationalistes algériens. «  ''Le jour nous éditions des journaux et des brochures pour “ la propagation de la Foi ”, le soir en heures supplémentaires nous faisions des faux papiers pour les Algériens, nous imprimions des tracts ou des journaux, tout ce qu’il fallait pour leur lutte clandestine. Nous n’étions pas les seuls bien sûr, mais la police ne nous a jamais trouvés ! C’est pour ça que nous ne sommes même pas répertoriés dans le livre Les porteurs de valises d’Hervé Hamon et Patrick Rotman. Mais contrairement à [[Michel Raptis|Pablo]] nous n’avons jamais fait de fausse monnaie »'', ajoute-t-il en riant !  
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== Le reflux des années 1950 ==
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==Le reflux des années 1950==
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=== La scission de la IV<sup>e</sup> internationale ===
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===La scission de la IV<sup>e</sup> internationale===
 
Au début des années 1950, sous l’égide de [[Michel Pablo]], la direction de l'Internationale estime qu'une [[troisième guerre mondiale]] est imminente, et qu'il faudra être pleinement capables de militer dans le camp de l'[[URSS]]. En prévision, il fallait donc rejoindre les principaux partis existants, communistes ou social-démocrates selon les pays, afin d’y développer, en leur sein, une orientation révolutionnaire. Cette tactique fut appelée ''« [[entrisme sui generis]] »'', ou entrisme à long terme.  
 
Au début des années 1950, sous l’égide de [[Michel Pablo]], la direction de l'Internationale estime qu'une [[troisième guerre mondiale]] est imminente, et qu'il faudra être pleinement capables de militer dans le camp de l'[[URSS]]. En prévision, il fallait donc rejoindre les principaux partis existants, communistes ou social-démocrates selon les pays, afin d’y développer, en leur sein, une orientation révolutionnaire. Cette tactique fut appelée ''« [[entrisme sui generis]] »'', ou entrisme à long terme.  
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Au Viêt Nam donc, et en particulier dans le Nord, des militants trotskystes de retour de France adhérèrent au Lao Dong, le Parti des Travailleurs. Dans le contexte de l'époque ils n'auraient pas pu créer publiquement une organisation indépendante. À ce jour il n'y a pas d'information disponible sur ce que devinrent ces militants. Dans le Sud, la plupart des militants avaient refusé cet entrisme et se lancèrent dans un travail syndical à Saigon qui semble avoir connu quelques succès, en particulier dans les transports.
 
Au Viêt Nam donc, et en particulier dans le Nord, des militants trotskystes de retour de France adhérèrent au Lao Dong, le Parti des Travailleurs. Dans le contexte de l'époque ils n'auraient pas pu créer publiquement une organisation indépendante. À ce jour il n'y a pas d'information disponible sur ce que devinrent ces militants. Dans le Sud, la plupart des militants avaient refusé cet entrisme et se lancèrent dans un travail syndical à Saigon qui semble avoir connu quelques succès, en particulier dans les transports.
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=== Derniers grands départs pour le Viêt Nam ===
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===Derniers grands départs pour le Viêt Nam===
 
Le Groupe trotskyste vietnamien s’était développé au sein de l’immigration forcée des ONS et des tirailleurs indochinois. Le retour massif de ceux-ci asséchait donc leur base sociale. Dès la constitution du Groupe, il était clair qu’outre la défense des ONS en France, à travers la constitution d’organismes adéquats et pluralistes<ref>Comme : Délégation générale des Indochinois en France, Délégation générale des Travailleurs vietnamiens, ou Association des travailleurs vietnamiens en France, les noms changent au fur et à mesure que ces organisations sont dissoutes par le gouvernement français.</ref>, la tâche spécifique du Groupe était la constitution, au Viêt Nam même, d’une puissante section vietnamienne de la IV<sup>e</sup> Internationale, prolongeant le combat de [[Ta Thu Thâu|Ta Thu Thau]].
 
Le Groupe trotskyste vietnamien s’était développé au sein de l’immigration forcée des ONS et des tirailleurs indochinois. Le retour massif de ceux-ci asséchait donc leur base sociale. Dès la constitution du Groupe, il était clair qu’outre la défense des ONS en France, à travers la constitution d’organismes adéquats et pluralistes<ref>Comme : Délégation générale des Indochinois en France, Délégation générale des Travailleurs vietnamiens, ou Association des travailleurs vietnamiens en France, les noms changent au fur et à mesure que ces organisations sont dissoutes par le gouvernement français.</ref>, la tâche spécifique du Groupe était la constitution, au Viêt Nam même, d’une puissante section vietnamienne de la IV<sup>e</sup> Internationale, prolongeant le combat de [[Ta Thu Thâu|Ta Thu Thau]].
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''Le S.I. a demandé d’autre part à la direction du groupe d’organiser une ultime préparation idéologique et politique des camarades en instance de départ, à laquelle il participera lui-même […] »''.
 
''Le S.I. a demandé d’autre part à la direction du groupe d’organiser une ultime préparation idéologique et politique des camarades en instance de départ, à laquelle il participera lui-même […] »''.
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=== Un candidat « trotskyste » désavoué à Saigon ===
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===Un candidat « trotskyste » désavoué à Saigon===
 
Dans la grande ville du Sud, qui avait vu les succès de ''La Lutte'' et de Tha Thu Tau, une liste « trotskyste » avait, début 1953, remporté une victoire aussitôt dénoncée par le Secrétariat de la IV<sup>e</sup> Internationale dans les colonnes du mensuel ''La Vérité des Travailleurs'' de février 1953 : ''« Plusieurs journaux ont fait état à l’occasion des élections municipales au Vietnam de la victoire remportée par la liste du candidat « trotskyste » Nguyên Dan Thang à Saïgon.'' ''Le Secrétariat […] déclare que le nommé Nguyên Dan Thang (surnommé Phan Tuan Triet) avait séjourné en France entre 1939 et 1948 n’a aucun rapport avec la section vietnamienne de la IV<sup>e</sup> Internationale fondée par Tha Thu Tau. La section vietnamienne […] a, à plusieurs reprises, dénoncé dans sa presse les relations douteuses de cet individu. Exploitant habilement le prestige toujours énorme à Saigon du leader trotskyste Tha Thu Tau, qui a toujours lutté jusqu’à son assassinat en 1945 par les staliniens, pour une indépendance réelle du Vietnam et l’avènement d’un véritable gouvernement socialiste dans ce pays, ainsi que la clandestinité complète dans laquelle l’impérialisme et le gouvernement de Bao Daï  maintiennent la section vietnamienne de la IV<sup>e</sup> Internationale, le nommé Nguyen Dan Thang a pu polariser un grand nombre de voix. Ces voix proviennent d’éléments qui voulaient à la fois protester contre l’impérialisme, contre le régime réactionnaire de Bao Dai et contre les agissements bureaucratiques des staliniens vietnamiens. »'' Là encore, l’état des recherches ne permet pas d’en savoir plus, mais il est important de noter qu’à Saigon, sept ans après l’assassinat de Tha Thu Tau et ses camarades, de multiples suffrages se portent encore sur un candidat se réclamant (à tort ou à raison) de lui et de son combat pour un socialisme démocratique.
 
Dans la grande ville du Sud, qui avait vu les succès de ''La Lutte'' et de Tha Thu Tau, une liste « trotskyste » avait, début 1953, remporté une victoire aussitôt dénoncée par le Secrétariat de la IV<sup>e</sup> Internationale dans les colonnes du mensuel ''La Vérité des Travailleurs'' de février 1953 : ''« Plusieurs journaux ont fait état à l’occasion des élections municipales au Vietnam de la victoire remportée par la liste du candidat « trotskyste » Nguyên Dan Thang à Saïgon.'' ''Le Secrétariat […] déclare que le nommé Nguyên Dan Thang (surnommé Phan Tuan Triet) avait séjourné en France entre 1939 et 1948 n’a aucun rapport avec la section vietnamienne de la IV<sup>e</sup> Internationale fondée par Tha Thu Tau. La section vietnamienne […] a, à plusieurs reprises, dénoncé dans sa presse les relations douteuses de cet individu. Exploitant habilement le prestige toujours énorme à Saigon du leader trotskyste Tha Thu Tau, qui a toujours lutté jusqu’à son assassinat en 1945 par les staliniens, pour une indépendance réelle du Vietnam et l’avènement d’un véritable gouvernement socialiste dans ce pays, ainsi que la clandestinité complète dans laquelle l’impérialisme et le gouvernement de Bao Daï  maintiennent la section vietnamienne de la IV<sup>e</sup> Internationale, le nommé Nguyen Dan Thang a pu polariser un grand nombre de voix. Ces voix proviennent d’éléments qui voulaient à la fois protester contre l’impérialisme, contre le régime réactionnaire de Bao Dai et contre les agissements bureaucratiques des staliniens vietnamiens. »'' Là encore, l’état des recherches ne permet pas d’en savoir plus, mais il est important de noter qu’à Saigon, sept ans après l’assassinat de Tha Thu Tau et ses camarades, de multiples suffrages se portent encore sur un candidat se réclamant (à tort ou à raison) de lui et de son combat pour un socialisme démocratique.
    
Un certain nombre de militants, pour diverses raisons, ne suivirent pas la directive du S.I. et restèrent en France. Dans l’ensemble, soit ils avaient « raté » le dernier bateau qui, dans le cadre du rapatriement, pouvait les ramener gratuitement au Viêt Nam, soit mariés et ayant fondé une famille, ils ne souhaitaient pas l’exposer aux dangers d’un pays en guerre.
 
Un certain nombre de militants, pour diverses raisons, ne suivirent pas la directive du S.I. et restèrent en France. Dans l’ensemble, soit ils avaient « raté » le dernier bateau qui, dans le cadre du rapatriement, pouvait les ramener gratuitement au Viêt Nam, soit mariés et ayant fondé une famille, ils ne souhaitaient pas l’exposer aux dangers d’un pays en guerre.
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=== Pour la réhabilitation de Ta Thu Thau et de ses camarades ===
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===Pour la réhabilitation de Ta Thu Thau et de ses camarades===
 
Après la mort de [[Joseph Staline|Staline]] en 1953 et le rapport Khrouchtchev en 1956 qui critiquait les crimes du [[stalinisme]], un vent de relative libéralisation souffla dans les « démocraties populaires ». Khrouchtchev vint lui-même à Belgrade en mai 1955 pour exprimer des excuses publiques aux communistes yougoslaves et y signer une déclaration promettant des rapports fraternels et égalitaires. La réhabilitation des « titistes » exécutés ou emprisonnés au tournant des années 1950 à Budapest, Prague, Sofia ou Varsovie s’ensuivit. En Chine et au Viêt Nam, la [[Campagne des Cent fleurs]] promettait une plus grande liberté d’expression<ref>À lire Cent fleurs éclosent dans la nuit du Viêt Nam de Georges Boudarel, Paris, Jacques Bertoin, 1991. Belles œuvres rebelles ou la révolte des intellectuels par Hoang Khoi Khoi Carnets du Viêt Nam n°1</ref>. C’est dans ce contexte qu’une « lettre des travailleurs vietnamiens en France » fut envoyée au gouvernement Hô Chi Minh.  
 
Après la mort de [[Joseph Staline|Staline]] en 1953 et le rapport Khrouchtchev en 1956 qui critiquait les crimes du [[stalinisme]], un vent de relative libéralisation souffla dans les « démocraties populaires ». Khrouchtchev vint lui-même à Belgrade en mai 1955 pour exprimer des excuses publiques aux communistes yougoslaves et y signer une déclaration promettant des rapports fraternels et égalitaires. La réhabilitation des « titistes » exécutés ou emprisonnés au tournant des années 1950 à Budapest, Prague, Sofia ou Varsovie s’ensuivit. En Chine et au Viêt Nam, la [[Campagne des Cent fleurs]] promettait une plus grande liberté d’expression<ref>À lire Cent fleurs éclosent dans la nuit du Viêt Nam de Georges Boudarel, Paris, Jacques Bertoin, 1991. Belles œuvres rebelles ou la révolte des intellectuels par Hoang Khoi Khoi Carnets du Viêt Nam n°1</ref>. C’est dans ce contexte qu’une « lettre des travailleurs vietnamiens en France » fut envoyée au gouvernement Hô Chi Minh.  
 
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Un mois après cette demande les chars soviétiques entraient à Budapest, la « libéralisation » avait très vite trouvé ses limites. Bien entendu, il n’y eut jamais de réponse à cette lettre.
 
Un mois après cette demande les chars soviétiques entraient à Budapest, la « libéralisation » avait très vite trouvé ses limites. Bien entendu, il n’y eut jamais de réponse à cette lettre.
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== A travers la Guerre du Viêt Nam ==
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==A travers la Guerre du Viêt Nam==
 
[[Natalia Sedova]], la veuve de Trotsky, s’éteignait le 26 janvier 1962 à Paris. [[Hoang Khoa Khoi]], qui comptait parmi ses amis intimes, se souvenait avec plaisir de ses discussions et de l’émotion que lui procurait la compagnie de cette vieille dame, ''« comme si à travers elle, on touchait à la révolution d’Octobre 1917 »''.
 
[[Natalia Sedova]], la veuve de Trotsky, s’éteignait le 26 janvier 1962 à Paris. [[Hoang Khoa Khoi]], qui comptait parmi ses amis intimes, se souvenait avec plaisir de ses discussions et de l’émotion que lui procurait la compagnie de cette vieille dame, ''« comme si à travers elle, on touchait à la révolution d’Octobre 1917 »''.
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Entre optimisme politique et nécessité de la solidarité effective avec le Viêt Nam combattant (qui fut une des tâches centrales de la IV<sup>e</sup> Internationale durant des années), toute critique « orthodoxe » sur la nature du PC vietnamien était pour le moins mal comprise ou suspecte de tiédeur révolutionnaire pour une majorité de militants.<ref>Cette question de la nature politique du PC vietnamien fut au centre d’un vaste débat au sein de la plupart des sections de la IV<sup>e</sup> Internationale. Après 1975 ce débat se poursuivit sur la nature de l’état mis en place au Viêt Nam mais aussi au Cambodge. Voir ''Inprecor'' n° spécial Indochine, 1980.</ref> Il fallut attendre la fin de la guerre pour que, à la lumière des évènements, il devint évident que la direction vietnamienne, pour victorieuse et héroïque qu’elle fut, restait alignée sur l’Union soviétique et instaurait un régime qui lui était proche.
 
Entre optimisme politique et nécessité de la solidarité effective avec le Viêt Nam combattant (qui fut une des tâches centrales de la IV<sup>e</sup> Internationale durant des années), toute critique « orthodoxe » sur la nature du PC vietnamien était pour le moins mal comprise ou suspecte de tiédeur révolutionnaire pour une majorité de militants.<ref>Cette question de la nature politique du PC vietnamien fut au centre d’un vaste débat au sein de la plupart des sections de la IV<sup>e</sup> Internationale. Après 1975 ce débat se poursuivit sur la nature de l’état mis en place au Viêt Nam mais aussi au Cambodge. Voir ''Inprecor'' n° spécial Indochine, 1980.</ref> Il fallut attendre la fin de la guerre pour que, à la lumière des évènements, il devint évident que la direction vietnamienne, pour victorieuse et héroïque qu’elle fut, restait alignée sur l’Union soviétique et instaurait un régime qui lui était proche.
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== Chroniques vietnamiennes ==
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==Chroniques vietnamiennes==
 
En novembre 1986, le groupe trotskyste vietnamien en France (membre de la [[LCR]]) commence la publication de la revue trimestrielle ''Chroniques Vietnamiennes''. Cette publication faisait suite à l’arrêt de ''Nghiên Cuu'' jusqu’alors édité en vietnamien par le Groupe. Animée par [[Hoang Khoa Khoi]], Dang Van Long, et quelques autres, cette publication en français avait pour principale ambition de s’adresser d’abord à la seconde génération des Vietnamiens de France qui souvent ignorait ou maîtrisait mal la langue de leurs parents. Mais aussi aux ''« anciens des mouvements de solidarité…/… qui, en criant FNL Vaincra, étaient persuadés  que la victoire entraînerait  l’éclosion d’une société plus juste…/… Tout en soutenant de toutes nos forces le combat anti-impérialiste du PCV jusqu’en 1975, nous n’avions pas toutes ces illusions partagées par la plupart de nos camarades français. La société qui s’édifie sous nos yeux est une copie conforme des sociétés  soviétique, bulgare ou polonaise »''.  Cette publication intervint alors qu’en Union Soviétique Mikhaïl Gorbatchev et son équipe avaient initié, depuis  l’année précédente, la ''glasnost'' (transparence) et la ''perestroïka'' (reconstruction). Ces initiatives pour libéraliser le système  laissent à penser  que ces changements en cours pourraient bien se produire dans les pays frères dont le Viêt Nam. Tout en suivant de près et en commentant l’actualité du Viêt Nam (on note à la lecture des numéros une réelle connaissance  de la société via certains correspondants sur place), la revue s’attache à faire connaître l’histoire du trotskysme vietnamien et son implication dans le mouvement des travailleurs indochinois alors quasiment inconnu en France.  En 1988 un dossier complet apportait bien des précisions sur le sujet ainsi que sur l’itinéraire particulier du D<sup>r</sup> Nguyễn Khắc Viện. Cet intellectuel vietnamien rénovateur au soir de sa vie avait séjourné en France de 1937 à 1963.  Passant d’un nationalisme étroit (il avait accepté avec d’autres étudiants l’offre faite par l’Allemagne nazie d’un voyage d’étude dans le Reich en 1943) au stalinisme le plus servile après avoir, un moment, collaboré avec les trotskystes investis dans le mouvement des ONS.
 
En novembre 1986, le groupe trotskyste vietnamien en France (membre de la [[LCR]]) commence la publication de la revue trimestrielle ''Chroniques Vietnamiennes''. Cette publication faisait suite à l’arrêt de ''Nghiên Cuu'' jusqu’alors édité en vietnamien par le Groupe. Animée par [[Hoang Khoa Khoi]], Dang Van Long, et quelques autres, cette publication en français avait pour principale ambition de s’adresser d’abord à la seconde génération des Vietnamiens de France qui souvent ignorait ou maîtrisait mal la langue de leurs parents. Mais aussi aux ''« anciens des mouvements de solidarité…/… qui, en criant FNL Vaincra, étaient persuadés  que la victoire entraînerait  l’éclosion d’une société plus juste…/… Tout en soutenant de toutes nos forces le combat anti-impérialiste du PCV jusqu’en 1975, nous n’avions pas toutes ces illusions partagées par la plupart de nos camarades français. La société qui s’édifie sous nos yeux est une copie conforme des sociétés  soviétique, bulgare ou polonaise »''.  Cette publication intervint alors qu’en Union Soviétique Mikhaïl Gorbatchev et son équipe avaient initié, depuis  l’année précédente, la ''glasnost'' (transparence) et la ''perestroïka'' (reconstruction). Ces initiatives pour libéraliser le système  laissent à penser  que ces changements en cours pourraient bien se produire dans les pays frères dont le Viêt Nam. Tout en suivant de près et en commentant l’actualité du Viêt Nam (on note à la lecture des numéros une réelle connaissance  de la société via certains correspondants sur place), la revue s’attache à faire connaître l’histoire du trotskysme vietnamien et son implication dans le mouvement des travailleurs indochinois alors quasiment inconnu en France.  En 1988 un dossier complet apportait bien des précisions sur le sujet ainsi que sur l’itinéraire particulier du D<sup>r</sup> Nguyễn Khắc Viện. Cet intellectuel vietnamien rénovateur au soir de sa vie avait séjourné en France de 1937 à 1963.  Passant d’un nationalisme étroit (il avait accepté avec d’autres étudiants l’offre faite par l’Allemagne nazie d’un voyage d’étude dans le Reich en 1943) au stalinisme le plus servile après avoir, un moment, collaboré avec les trotskystes investis dans le mouvement des ONS.
  

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