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Mais, malgré les termes rudes employés, il ne faudrait pas avoir une vision apocalyptique de la situation. En effet, le Groupe B.L. possède à son actif la mise en branle du mouvement dans les camps d’ONS et de tirailleurs et, au-delà de ses faiblesses, ses militants sont reconnus pour leur courage, leur dévouement et le travail accompli. En ce début 1946, ils sont toujours la seule force politique organisée présente dans les camps, les staliniens s’étant largement déconsidérés par leurs prises de position favorables à l’Union française.
 
Mais, malgré les termes rudes employés, il ne faudrait pas avoir une vision apocalyptique de la situation. En effet, le Groupe B.L. possède à son actif la mise en branle du mouvement dans les camps d’ONS et de tirailleurs et, au-delà de ses faiblesses, ses militants sont reconnus pour leur courage, leur dévouement et le travail accompli. En ce début 1946, ils sont toujours la seule force politique organisée présente dans les camps, les staliniens s’étant largement déconsidérés par leurs prises de position favorables à l’Union française.
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==Guerre d'Indochine et guerre froide==
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==Basculement==
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===Guerre d'Indochine et guerre froide===
 
Fin 1946, la situation au Viêt Nam va brusquement s’accélérer. Le ''modus vivendi''  signé par Hô Chi Minh et Marius Moutet le 12 septembre après l’échec des discussions de Fontainebleau, n’empêche pas la situation de se dégrader sur place. Le 23 novembre, à la suite d’un conflit à propos des douanes qui s’est envenimé, trois navires français bombardent la ville portuaire de Haïphong faisant 6 000 morts essentiellement civils. La [[guerre d’Indochine]] vient de commencer. Le 19 décembre Hanoi est en insurrection, Hô Chi Minh lance un appel solennel ''« La Patrie est en danger ! L’heure de la lutte a sonné !... »'' avant de prendre le maquis avec son gouvernement.
 
Fin 1946, la situation au Viêt Nam va brusquement s’accélérer. Le ''modus vivendi''  signé par Hô Chi Minh et Marius Moutet le 12 septembre après l’échec des discussions de Fontainebleau, n’empêche pas la situation de se dégrader sur place. Le 23 novembre, à la suite d’un conflit à propos des douanes qui s’est envenimé, trois navires français bombardent la ville portuaire de Haïphong faisant 6 000 morts essentiellement civils. La [[guerre d’Indochine]] vient de commencer. Le 19 décembre Hanoi est en insurrection, Hô Chi Minh lance un appel solennel ''« La Patrie est en danger ! L’heure de la lutte a sonné !... »'' avant de prendre le maquis avec son gouvernement.
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Avec le début des combats en Indochine se pose aussi au gouvernement le problème du retour des Indochinois dans leur pays d’origine. En France, la grande majorité des ONS manifeste régulièrement pour dénoncer la guerre coloniale, réclamer la paix pour certains, l’indépendance pour la plupart. Pour les autorités, ces Indochinois sont source d’agitation et de troubles, mais si on les renvoient ne risquent-ils pas de rejoindre les maquis d’Hô Chi Minh ?
 
Avec le début des combats en Indochine se pose aussi au gouvernement le problème du retour des Indochinois dans leur pays d’origine. En France, la grande majorité des ONS manifeste régulièrement pour dénoncer la guerre coloniale, réclamer la paix pour certains, l’indépendance pour la plupart. Pour les autorités, ces Indochinois sont source d’agitation et de troubles, mais si on les renvoient ne risquent-ils pas de rejoindre les maquis d’Hô Chi Minh ?
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==Vers une organisation trotskyste vietnamienne autonome==
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===Vers une organisation trotskyste vietnamienne autonome===
 
La situation déclencha un débat  au sein des trotskistes sur le front unique et son organe, le journal ''Tranh Ðấu''. Ils estimaient alors qu'ils fallait favoriser désormais la construction d'un parti révolutionnaire pour faire face à l'accélération de la situation. Lors d’une conférence interne à Colombes (région parisienne), la majorité vota pour la dissolution du ''Tranh Ðấu''. La minorité qui entendait poursuivre le journal et le Groupe étant composée de ceux qui justement en avaient la direction. Une autre réunion eut lieu à Sorgues en juin 1946. Toutes les tendances y furent conviées : les deux tendances trotskystes (majorité et minorité)  et les nationalistes « de gauche ».  Tout le monde se mit d’accord pour ''« liquider la politique centriste »''  et construire à terme une organisation strictement révolutionnaire. Plusieurs membres inorganisés du ''Tranh Ðấu'' rejoignirent alors le groupe Bolchévique-Léniniste.
 
La situation déclencha un débat  au sein des trotskistes sur le front unique et son organe, le journal ''Tranh Ðấu''. Ils estimaient alors qu'ils fallait favoriser désormais la construction d'un parti révolutionnaire pour faire face à l'accélération de la situation. Lors d’une conférence interne à Colombes (région parisienne), la majorité vota pour la dissolution du ''Tranh Ðấu''. La minorité qui entendait poursuivre le journal et le Groupe étant composée de ceux qui justement en avaient la direction. Une autre réunion eut lieu à Sorgues en juin 1946. Toutes les tendances y furent conviées : les deux tendances trotskystes (majorité et minorité)  et les nationalistes « de gauche ».  Tout le monde se mit d’accord pour ''« liquider la politique centriste »''  et construire à terme une organisation strictement révolutionnaire. Plusieurs membres inorganisés du ''Tranh Ðấu'' rejoignirent alors le groupe Bolchévique-Léniniste.
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Dans un premier temps ce sont les délégués ONS qui sont visés par ces  mesures de rapatriement expéditif. Ainsi que les plus combatifs : à Roanne, au 6<sup>e</sup> jour d’une grève, les gendarmes envahissent le camp et les travailleurs sont embarqués dans un train pour Marseille (lors du trajet un incendie réduira en cendres les wagons dans lesquels se trouvaient leurs maigres bagages). En février, les arrestations se multiplient dans les camps. 126 délégués arrêtés dans toute la France sont envoyés au camp de Bias, puis embarqués pour le Viêt Nam à Port-de-Bouc le 26 février. Arrivés au Cap Saint Jacques, ils seront remis aux forces militaires françaises. Certains sont emprisonnés, qui pour posséder un drapeau rouge à étoile d’or, qui pour un portrait d’Hô Chi Minh ou une carte de la CGT.
 
Dans un premier temps ce sont les délégués ONS qui sont visés par ces  mesures de rapatriement expéditif. Ainsi que les plus combatifs : à Roanne, au 6<sup>e</sup> jour d’une grève, les gendarmes envahissent le camp et les travailleurs sont embarqués dans un train pour Marseille (lors du trajet un incendie réduira en cendres les wagons dans lesquels se trouvaient leurs maigres bagages). En février, les arrestations se multiplient dans les camps. 126 délégués arrêtés dans toute la France sont envoyés au camp de Bias, puis embarqués pour le Viêt Nam à Port-de-Bouc le 26 février. Arrivés au Cap Saint Jacques, ils seront remis aux forces militaires françaises. Certains sont emprisonnés, qui pour posséder un drapeau rouge à étoile d’or, qui pour un portrait d’Hô Chi Minh ou une carte de la CGT.
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==Massacre à Mazargues==
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===Massacre à Mazargues===
 
Le camp de Mazargues situé dans la banlieue Est de la ville est le plus grand de France. C’est une des places forte du mouvement des ONS où, dès 1944, il fut mis fin aux jeux et aux trafics divers. Environ 2 000 Vietnamiens  y vivent. Par manque de place, les autorités ont créé un second camp à environ deux kilomètres, appelé Colgate. Il est surtout utilisé pour regrouper les ONS en partance pour l’Indochine. Là, la discipline est quasiment inexistante et c’est là que vous se regrouper les éléments dénoncés par les trotskystes comme ''« malandrins, voyous et criminels »''.
 
Le camp de Mazargues situé dans la banlieue Est de la ville est le plus grand de France. C’est une des places forte du mouvement des ONS où, dès 1944, il fut mis fin aux jeux et aux trafics divers. Environ 2 000 Vietnamiens  y vivent. Par manque de place, les autorités ont créé un second camp à environ deux kilomètres, appelé Colgate. Il est surtout utilisé pour regrouper les ONS en partance pour l’Indochine. Là, la discipline est quasiment inexistante et c’est là que vous se regrouper les éléments dénoncés par les trotskystes comme ''« malandrins, voyous et criminels »''.
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Environ 80 arrestations sont opérées. Après enquête, dix-huit ONS sont inculpés. Rapidement un des délégués élus du camp et responsable du comité d’auto défense, Do Than Ky, 28 ans, est désigné comme le maître d’œuvre de l’attaque. C’est le plus jeune des inculpés, tous les autres ont plus de trente ans. Un comité de défense des travailleurs vietnamiens se met en place et publie un bulletin dès le mois d’août 1948. Sous le parrainage d’André Breton, Benjamin Perret ou encore René Dumont, il s’oppose à la manière brutale qui est la règle pour les rapatriements et pour la défense des emprisonnés.
 
Environ 80 arrestations sont opérées. Après enquête, dix-huit ONS sont inculpés. Rapidement un des délégués élus du camp et responsable du comité d’auto défense, Do Than Ky, 28 ans, est désigné comme le maître d’œuvre de l’attaque. C’est le plus jeune des inculpés, tous les autres ont plus de trente ans. Un comité de défense des travailleurs vietnamiens se met en place et publie un bulletin dès le mois d’août 1948. Sous le parrainage d’André Breton, Benjamin Perret ou encore René Dumont, il s’oppose à la manière brutale qui est la règle pour les rapatriements et pour la défense des emprisonnés.
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===Le procès===
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=== Rapatriements des ONS ===
Do Tham Ky et certains de ses camarades ont pour avocat Émile Pollak qui quelques années plus tard deviendra un ténor du barreau marseillais. Le procès commence le 6 mai 1952 à la Cour d’Assises d’Aix-en-Provence. Parmi les dix-huit inculpés, dix ont été mis en liberté provisoire. Entre temps, 52 autres inculpés avaient bénéficié de non-lieu et un certain nombre avait été présenté devant un tribunal correctionnel pour coups et blessures. À cette date, la quasi-totalité des ONS ont été rapatriés. Les témoins, y compris ceux à décharge pour les accusés, ont été renvoyés ''« à la demande du représentant de l’empereur Bao Dai à Marseille selon lequel ils se livraient à des activités subversives dans les milieux indochinois »'' d’après ''Le Monde''. Le 20 juin 1950, le camp de Mazargues était vide de tout Indochinois<ref>Vide de Vietnamiens, le camp continuera de recevoir durant des années des migrants de tous horizons ; voir Émile Temime & Nathalie Deguigne, Le camp du grand Arénas, Marseille, 1944-1966, éd. Autrement, 2001.</ref>. La presse, certes mieux renseignée qu’en mai 1948, n’en continue pas moins à égrener les clichés les plus éculés sur les Annamites : ''« Comme ils sont sages et courtois ces hommes que leur race a prévu de la taille “garçonnet” »'' ; ''« Imaginez un vol de corbeaux se battant sous un ciel obscur. Il y a des corbeaux morts et des corbeaux blessés. Un coup de filet arrête les corbeaux survivants. Ils se ressemblent au point qu’ils ne se distinguent même plus entre eux »''.
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Do Than Ky est présenté comme l’homme clé du procès. C’est à lui que la presse accorde le plus d’attention, pour son rôle présumé, pour sa parfaite maîtrise du français, pour son allure et ses capacités intellectuelles : ''« C’est un inquiétant personnage. Il a vingt-huit ans. Il est fin, racé, intelligent, nourri de culture française. Il parle parfaitement notre langue. C’est un fanatique, raisonneur, insolent, et risque tout. »'' (''L’Aurore'') ; ''« Do Than Ky un garçon fin, distingué, exceptionnellement intelligent. Encore qu’il soit autodidacte, il a un physique d’intellectuel. On le verrait fort bien paré de quelques titres princiers… »''. L’explication crapuleuse des faits par ''Combat'' : ''« Le “fan tan”''<ref>Le fan tan jeu d’origine chinoise tombé en désuétude. Il s’agit de prendre une poignée de haricots, de les mettre sous un bol au centre d’une table ou d’un carton. Les parieurs misent ensuite sur les chiffres 4, 3, 2 ou 1 inscrits de part et d’autre du bol. Le meneur de jeu enlève les haricots quatre par quatre. Le nombre de haricots correspond au chiffre gagnant. Faute de haricots on peut jouer avec quatre pièces de monnaie et parier sur le nombre qui se retrouveront coté pile ou face après avoir secoué et retourné le bol.</ref> ''et les femmes ont causé une rixe. Celle-ci dégénère en bagarre générale, le sang a coulé »'' ne résiste pas  une seconde. Il est vrai que cette explication eût arrangé bien des gens ; une rixe entre indigènes excités par le jeu, l’alcool et les femmes aurait été moins gênante qu’une affaire politique.
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Dans son édition du 9 mai, ''Le Monde'' pose une question intéressante : « Les témoins à charge ont-ils été l’objet de pressions ? ». ''« Au moment de l’instruction, un des témoins à charge Tran Hou Hanh fut trouvé porteur d’une liste de noms dactylographiés portant cette mention “Liste des meneurs de la IV<sup>e</sup> internationale”. Tran Hou Hanh indiqua que le papier lui avait été remis par l’un des chefs de la tendance stalinienne du camp N’Guyen Van Duong avec la consigne de dire aux magistrats que tous les meneurs dont les noms figuraient sur la liste se livrèrent au massacre du 15 mai et qu’ils avaient été vus en train d’y participer. Telle serait la “machination” montée par un comité qui aurait influencé les témoins d’un bout à l’autre de l’instruction »''. C’est ce même Duong que, dans une lettre au juge d’instruction le 11 avril 1949, Do Than Ky accusait de ''« fabriquer des faux témoins »''. Les avocats de la défense et en particulier maître Kamoun insistèrent sur le fait que Nguyen Van Duong qui avait été la cheville ouvrière de l’instruction avait été surpris plus d’une fois, au cours de l’audience du 9 mai, ''« en flagrant délit de mensonge »'' ; et de conclure : ''« nous sommes en présence d’une accusation qui peut se traduire par un mot : le néant »''.
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Il était impossible au tribunal de prouver la participation de tel ou tel individu dans une rixe qui avait eu lieu dans l’obscurité. ''« Ce qui est curieux, c’est que tant de gens m’aient reconnu, alors que l’affaire s’est déroulée dans l’obscurité »'', avait beau jeu de déclarer Do Than Ky. Les témoignages à charge provenaient de personnes ayant eu des griefs divers envers les accusés qui s’occupaient du service d’ordre dans le camp. Surtout l’instruction et les débats mirent en lumière que la violence avait pour origine l’attitude des ''« plaignants »''. Enfin, l’accusation s’appropria l’ensemble des victimes comme si, dans cette rixe, les morts et les blessés n’avaient été que d’un seul côté. Ce procès fut l’occasion pour la presse de se pencher sur ce qu’avait été la vie de ces milliers d’Indochinois depuis 1940 et la manière dont ils avaient été maltraités. Pierre Scize dans ''Le Figaro'' : «  ''on traita cette main-d’œuvre avec une désinvolture qu’explique mais que n’excuse pas le désordre de l’époque »''. L’arrière-fond de l’affaire, le traitement déplorable que les ONS avaient eu à subir pendant des années, explique que les tensions aient pu s’exacerber à ce point, mais il ne s’agissait pas alors de mettre en cause les diverses autorités responsables de cet état de fait.
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Quatre accusés furent acquittés, les autres furent condamnés à des peines s’étalant de quatre ans à dix-huit mois couvrant leur détention en préventive. Les charges retenues : complicité de coups mortels, complicité de coups suivis d’incapacité permanente, complicité de coups suivis d’incapacité de plus de vingt jours. Cette affaire traumatisa durablement l’ensemble des gens présents à Mazargues cette nuit-là. Le silence se fit.  Des décennies plus tard le malaise était toujours palpable, peu de gens souhaitaient évoquer ces évènements. Contacté par l’auteur à Saigon en 1995, Do Than Ky, après un premier accord de principe, refusa de parler de cette période.
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== Rapatriements  des ONS ==
   
Les événements de Mazargues avaient considérablement troublé l’ensemble des ONS et le Groupe trotskyste lui-même. Ces événements allaient se précipiter et modifier profondément la présence des Indochinois en France. En effet, quelques semaines plus tard les autorités de la IV<sup>e</sup> République organisaient le rapatriement expéditif de plusieurs centaines d’ONS. Le comité de défense des travailleurs vietnamiens dénonçait ainsi ce qu’il faut bien appeler des rafles, organisées le 14 juillet 1946.  
 
Les événements de Mazargues avaient considérablement troublé l’ensemble des ONS et le Groupe trotskyste lui-même. Ces événements allaient se précipiter et modifier profondément la présence des Indochinois en France. En effet, quelques semaines plus tard les autorités de la IV<sup>e</sup> République organisaient le rapatriement expéditif de plusieurs centaines d’ONS. Le comité de défense des travailleurs vietnamiens dénonçait ainsi ce qu’il faut bien appeler des rafles, organisées le 14 juillet 1946.  
 
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Entre optimisme politique et nécessité de la solidarité effective avec le Viêt Nam combattant (qui fut une des tâches centrales de la IV<sup>e</sup> Internationale durant des années), toute critique « orthodoxe » sur la nature du PC vietnamien était pour le moins mal comprise ou suspecte de tiédeur révolutionnaire pour une majorité de militants.<ref>Cette question de la nature politique du PC vietnamien fut au centre d’un vaste débat au sein de la plupart des sections de la IV<sup>e</sup> Internationale. Après 1975 ce débat se poursuivit sur la nature de l’état mis en place au Viêt Nam mais aussi au Cambodge. Voir ''Inprecor'' n° spécial Indochine, 1980.</ref> Il fallut attendre la fin de la guerre pour que, à la lumière des évènements, il devint évident que la direction vietnamienne, pour victorieuse et héroïque qu’elle fut, restait alignée sur l’Union soviétique et instaurait un régime qui lui était proche.
 
Entre optimisme politique et nécessité de la solidarité effective avec le Viêt Nam combattant (qui fut une des tâches centrales de la IV<sup>e</sup> Internationale durant des années), toute critique « orthodoxe » sur la nature du PC vietnamien était pour le moins mal comprise ou suspecte de tiédeur révolutionnaire pour une majorité de militants.<ref>Cette question de la nature politique du PC vietnamien fut au centre d’un vaste débat au sein de la plupart des sections de la IV<sup>e</sup> Internationale. Après 1975 ce débat se poursuivit sur la nature de l’état mis en place au Viêt Nam mais aussi au Cambodge. Voir ''Inprecor'' n° spécial Indochine, 1980.</ref> Il fallut attendre la fin de la guerre pour que, à la lumière des évènements, il devint évident que la direction vietnamienne, pour victorieuse et héroïque qu’elle fut, restait alignée sur l’Union soviétique et instaurait un régime qui lui était proche.
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=== Chroniques vietnamiennes ===
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== Chroniques vietnamiennes ==
 
En novembre 1986, le groupe trotskyste vietnamien en France (membre de la [[LCR]]) commence la publication de la revue trimestrielle ''Chroniques Vietnamiennes''. Cette publication faisait suite à l’arrêt de ''Nghiên Cuu'' jusqu’alors édité en vietnamien par le Groupe. Animée par [[Hoang Khoa Khoi]], Dang Van Long, et quelques autres, cette publication en français avait pour principale ambition de s’adresser d’abord à la seconde génération des Vietnamiens de France qui souvent ignorait ou maîtrisait mal la langue de leurs parents. Mais aussi aux ''« anciens des mouvements de solidarité…/… qui, en criant FNL Vaincra, étaient persuadés  que la victoire entraînerait  l’éclosion d’une société plus juste…/… Tout en soutenant de toutes nos forces le combat anti-impérialiste du PCV jusqu’en 1975, nous n’avions pas toutes ces illusions partagées par la plupart de nos camarades français. La société qui s’édifie sous nos yeux est une copie conforme des sociétés  soviétique, bulgare ou polonaise »''.  Cette publication intervint alors qu’en Union Soviétique Mikhaïl Gorbatchev et son équipe avaient initié, depuis  l’année précédente, la ''glasnost'' (transparence) et la ''perestroïka'' (reconstruction). Ces initiatives pour libéraliser le système  laissent à penser  que ces changements en cours pourraient bien se produire dans les pays frères dont le Viêt Nam. Tout en suivant de près et en commentant l’actualité du Viêt Nam (on note à la lecture des numéros une réelle connaissance  de la société via certains correspondants sur place), la revue s’attache à faire connaître l’histoire du trotskysme vietnamien et son implication dans le mouvement des travailleurs indochinois alors quasiment inconnu en France.  En 1988 un dossier complet apportait bien des précisions sur le sujet ainsi que sur l’itinéraire particulier du D<sup>r</sup> Nguyễn Khắc Viện. Cet intellectuel vietnamien rénovateur au soir de sa vie avait séjourné en France de 1937 à 1963.  Passant d’un nationalisme étroit (il avait accepté avec d’autres étudiants l’offre faite par l’Allemagne nazie d’un voyage d’étude dans le Reich en 1943) au stalinisme le plus servile après avoir, un moment, collaboré avec les trotskystes investis dans le mouvement des ONS.
 
En novembre 1986, le groupe trotskyste vietnamien en France (membre de la [[LCR]]) commence la publication de la revue trimestrielle ''Chroniques Vietnamiennes''. Cette publication faisait suite à l’arrêt de ''Nghiên Cuu'' jusqu’alors édité en vietnamien par le Groupe. Animée par [[Hoang Khoa Khoi]], Dang Van Long, et quelques autres, cette publication en français avait pour principale ambition de s’adresser d’abord à la seconde génération des Vietnamiens de France qui souvent ignorait ou maîtrisait mal la langue de leurs parents. Mais aussi aux ''« anciens des mouvements de solidarité…/… qui, en criant FNL Vaincra, étaient persuadés  que la victoire entraînerait  l’éclosion d’une société plus juste…/… Tout en soutenant de toutes nos forces le combat anti-impérialiste du PCV jusqu’en 1975, nous n’avions pas toutes ces illusions partagées par la plupart de nos camarades français. La société qui s’édifie sous nos yeux est une copie conforme des sociétés  soviétique, bulgare ou polonaise »''.  Cette publication intervint alors qu’en Union Soviétique Mikhaïl Gorbatchev et son équipe avaient initié, depuis  l’année précédente, la ''glasnost'' (transparence) et la ''perestroïka'' (reconstruction). Ces initiatives pour libéraliser le système  laissent à penser  que ces changements en cours pourraient bien se produire dans les pays frères dont le Viêt Nam. Tout en suivant de près et en commentant l’actualité du Viêt Nam (on note à la lecture des numéros une réelle connaissance  de la société via certains correspondants sur place), la revue s’attache à faire connaître l’histoire du trotskysme vietnamien et son implication dans le mouvement des travailleurs indochinois alors quasiment inconnu en France.  En 1988 un dossier complet apportait bien des précisions sur le sujet ainsi que sur l’itinéraire particulier du D<sup>r</sup> Nguyễn Khắc Viện. Cet intellectuel vietnamien rénovateur au soir de sa vie avait séjourné en France de 1937 à 1963.  Passant d’un nationalisme étroit (il avait accepté avec d’autres étudiants l’offre faite par l’Allemagne nazie d’un voyage d’étude dans le Reich en 1943) au stalinisme le plus servile après avoir, un moment, collaboré avec les trotskystes investis dans le mouvement des ONS.
  

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