Forces productives

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Les forces productives sont un concept qui rassemble la force de travail et les moyens de production.

Ce sont les forces productives associées aux rapports de production qui forment le mode de production d'une société.

1 Généralités

Les forces productives sont :

  • la force de travail déployée par les travailleurs...
  • associée aux instruments de production (machines...)
  • sur les matières premières.

Les forces productives se développent dans le cadre de rapports de production donnés : la production étant sociale, elle est régie par des rapports définis entre les hommes (qui produit quoi, seul ou à plusieurs, librement ou sous contrainte...). Mais ce développement des forces productives n'est pas linéaire :

«À un certain stade de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants, ou, ce qui n'en est que l'expression juridique, avec les rapports de propriété au sein desquels elles s'étaient mues jusqu'alors. De formes de développement des forces productives qu'ils étaient ces rapports en deviennent des entraves. Alors s'ouvre une époque de révolution sociale.»[1]

Les forces productives peuvent à nouveau connaître une nouvelle ère de croissance après ce saut qualitatif[2], et généralement à une vitesse supérieure (la hausse de la productivité s'accélère).

Le niveau et la nature des forces productives est une composante essentielle de l'infrastructure (le mode de production) donc déterminant pour la superstructure sociale bâtie sur elle.

« Une formation sociale ne disparaît jamais avant que soient développées toutes les forces productives qu'elle est assez large pour contenir, jamais des rapports de production nouveaux et supérieurs ne s'y substituent avant que les conditions d'existence matérielles de ces rapports soient écloses dans le sein même de la vieille société. »[1]

2 Perspective historique

Sur le long terme, les forces productives tendent à se développer, mais de façon tout sauf linéaire.

On peut considérer que pendant le "communisme primitif" les forces sociales étaient réduites à presque rien : l'effort pour cueillir des fruits par exemple.

Dès l'apparition des premiers accroissements de productivité avec les premiers outils (révolution néolithique), les forces productives ont commencé à croître, et la division de la société humaine en classes s'en est suivi. Paradoxalement, lorsque les premières formes de noblesse se sont renforcées et ont réussi à fonder de lourds Etats bureaucratiques, elles ont aussi freiné le progrès des forces productives dans l'agriculture, alors source principale de richesse. A de nombreuses reprises, de vastes empires décadents se sont ainsi écroulés, tandis que des peuples moins avancés à leur périphérie apportaient une nouvelle période de chaos, mais aussi d'innovation.

Les forces productives ont par exemple connu un important recul à l’époque du déclin de l’Empire romain en Occident, ou à l’époque du déclin du Califat oriental au Moyen-Orient.

Les forces productives se sont développées en accentuant globalement la division du travail, puis sous le capitalisme en conduisant à une division internationale du travail.

Quelques grands jalons qui ont permis des bonds dans les forces productives :

  • Maîtrise du feu
  • Découverte de l'agriculture
  • Domestication et élevage d'animaux
  • Utilisation des animaux de trait
  • Métallurgie
  • Rotation des cultures (assolement triennal...)

3 Forces productives sous le capitalisme

Le capitalisme connaît à la fin du 19ème siècle et jusqu'à la Première guerre mondiale une période de croissance relativement forte. En revanche, la guerre plonge l'Europe dans la régression économique, et l'économie a du mal à redémarrer après la fin de la guerre. L'Internationale communisme pense alors que « les forces productives ne peuvent plus se développer dans le cadre du régime capitaliste. »[3]

En 1938, alors que le monde capitaliste ne parvient pas à sortir de la Grande dépression, Trotsky écrit que "les forces productives ont cessé de croître"[4]. Cela exprimait la profonde stagnation d'alors, dans un contexte de faible rentabilité du capital productif. Il est vrai que Trotsky semblait penser que les forces productives avaient définitivement cessé de croître :

« [...] nous voyons que les cycles des crises et des périodes de prospérité forme une ligne de déclin. Cela signifie maintenant que la société a totalement épuisé ses possibilités internes et doit ètre remplacée [...]»[5]

En revanche, les vastes destructions de la Seconde guerre mondiale ont permis de relancer l'accumulation, et les forces productives ont connu un bond dans ce qui a été appelé rétrospectivement "les 30 glorieuses".

En raison des contradictions fondamentales du capitalisme, et principalement la contradiction entre d'une part des forces productives toujours plus socialisées, et d'autre part des moyens de production privés, les forces productives sont chroniquement sous utilisées sous le capitalisme.

  • Allemagne : en RFA le taux d'utilisation des capacités de production était arrivé dans les 60%, a grimpé à 90% à la réunification grâce à l'absorption d'un gigantesque nouveau marché.
  • USA aujourd'hui : 69%

Par ailleurs, il peut y avoir croissance des forces productives sans qu'il n'y ait d'amélioration pour les exploités, notamment dans le cas des pays dominés. Par exemple Kautsky écrivait en 1907 qu’en Inde il y a « une augmentation continue de la famine et de la misère, en dépit d'un flux important de capitaux anglais vers l'Inde et d'une augmentation conséquente des forces productives du pays ».

4 Les communistes et les forces productives

4.1 Un facteur objectif de la révolution

Les forces productives représentent une condition objective à la révolution socialiste de deux façons.

Les forces productives doivent atteindre un seuil minimal, à partir duquel non seulement le capitalisme est apparu, mais a développé une grande industrie permettant de répondre aux besoins de la majorité de la population.

Par ailleurs, les marxistes considèrent qu'une société qui est capable de développer les forces productives est "forte", et donc peu susceptible d'être renversée.

« Tant que la société est capable de développer les forces productives et d’enrichir la nation elle demeure forte et stable. »[5]

Or, sous le capitalisme, les forces productives connaissent des cycles de crise et de reprise. Une conclusion serait que les crises, ou plus exactement les périodes de suraccumulation, sont elles-mêmes forment une condition objective permettant la révolution.

4.2 Contre la centralisation militariste

Partant du constat du renforcement politique de l'appareil d'État impérialiste, en pleine période de "capitalisme d'État" et de guerre mondiale, Boukharine écrivait en 1916 :

« Tout autre nouveau développement des organismes d'Etat — avant la révolution socialiste — n'est possible que sous la forme d'un capitalisme d'Etat militariste. La centralisation devient celle de la caserne. Dans la couche supérieure de la société une vile clique militaire accroît inévitablement sa force, aboutissant à une brutale mise au pas et à une sanglante répression du prolétariat. [...] La social-démocratie doit voter contre l'introduction de tout monopole, de toute union douanière, etc. Certains adhérents du centre du Parti essaient en vain de démontrer que de telles innovations signifient une régression économique. Mais ce n'est pas la raison de notre tactique. Au contraire, d'un point de vue économique isolé et limité « nationalement », ces formes entraînent une centralisation supplémentaire et un progrès indubitable. Le véritable point est que ce progrès n'est rien de plus qu'un renforcement et un soutien du militarisme et de l'impérialisme. Soutenir l'Etat contemporain veut dire soutenir le militarisme. De nos jours la tâche historique n'est pas de s'inquiéter pour les nouveaux développements des forces productives (elles sont parfaitement adéquates pour la réalisation du socialisme), mais de préparer une attaque universelle contre les gangsters du gouvernement.»[6]

4.3 Critique écologiste

Depuis plusieurs décennies, des courants écologistes ont adressé pour critique au marxisme qu'il ferait un but en soi de l'augmentation des forces productives (productivisme), et donc de la consommation d'énergie et de ressources.

On trouve par exemple cette formule dans le programme de 1928 de l'Internationale communiste :

« La propriété privée des moyens de production abolie et transformée en propriété collective, le système communiste mondial substitue aux lois élémentaires du marché mondial et de la concurrence, au procès aveugle de la production sociale, l'organisation consciente et concertée - sur un plan d'ensemble - tendant à satisfaire les besoins rapidement croissants de la société. Les crises dévastatrices et les guerres plus dévastatrices encore disparaîtront avec l'anarchie de la production et de la concurrence. Au gaspillage formidable des forces productives, au développement convulsif de la société, le communisme oppose l'emploi systématique de toutes les ressources matérielles de la société et une évolution économique indolore basés sur le développement illimité, harmonieux et rapide des forces productives. »[7]

5 Notes et sources

  1. 1,0 et 1,1 Critique de l'économie politique - Préface, Karl Marx, 1859 Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « criticeco » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  2. On retrouve là la notion dialectique de transformation de la quantité en qualité.
  3. https://www.marxists.org/francais/inter_com/1921/ic3_13.htm
  4. Trotsky, Le programme de transition, 1938
  5. 5,0 et 5,1 Trotsky,Discussion sur le programme de transition, 1938 Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « TK1938 » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  6. Boukharine, Contribution à une théorie de l'Etat impérialiste, 1916
  7. Internationale Communiste, VI° Congrès, Programme, 1928