Financiarisation

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La financiarisation est le nom donné à l'accroissement de l'importance de "la finance" dans l'économie capitaliste.

C'est un phénomène qui caractérise certaines phases de déclin des cycles prospérité-crise.

Aujourd'hui, il est souvent employé par des réformistes qui voient dans "le capitalisme financier" le parasite d'un capitalisme industriel plus sain.

1 Rôle de la financiarisation

1.1 La finance

Marx, Hilferding et ceux qui ont étudié la théorie du capital porteur d’intérêt après eux ont reconnu différentes fonctions à la finance, notamment celle de faciliter les transactions commerciales et les investissements lourds. C'est un processus historique qui a conduit, au tournant du XXème siècle, à la fusion du capital industriel et du capital bancaire en ce qu'on pourrait appeler le capital financier. La fianciarisation en tant que phénomène qui paraît "excessif" est un autre problème, abordé dans le chapitre suivant.

1.2 La financiarisation

La fuite dans la financiarisation est également une "solution" pour le capitalisme lorsque le taux de profit baisse trop. Parmi le capital, on peut alors distinguer un "capital fictif" qui prend de l'ampleur et déborde le cadre de la production réelle de marchandises et donc de valeur. Ce sont les phases de bulles spéculatives durant lesquelles des surinvestissements financiers sont réalisés, d'une rentabilité très élevée, et permettant en apparence de créer de l'argent à partir de l'argent (cycle A-A')... jusqu'à l'éclatement de la bulle. Ces éclatements lors de crises financières sont des "rappels à l'ordre" de la loi de la valeur. Ce capital fictif fait passer toujours plus les financiers d'une position de simples "prêteurs" à une position d'usuriers. L'encouragement à l'endettement des ménages, des entreprises ou des États constituent en quelques sortes des bulles en puissance...

2 La financiarisation contemporaine

Ce que l'on pourrait appeler la financiarisation contemporaine a débuté dans les années 1970-1980, et sa description est plutôt consensuelle.

2.1 Situation dans l'Après-guerre

Au sortir de la Seconde guerre mondiale, un certain nombre de mesures assez radicales ont été prises au niveau international pour permettre la reconstruction des économies capitalistes et/ou leur reconversion vers une économie de paix (Etats-Unis). En particulier, la finance a été largement subordonnée aux besoins de financement de l'industrie.

En France notamment, l'État nationalise les banques de dépôts, et collecte ainsi l’épargne qui sert à financer le capital industriel (aux ⅔ en 1978[1]) à des taux d’intérêt modérés.

2.2 Changement de paradigme

Dans les années 1970, la situation change. Les taux de profits sont en baisse, et l'inflation grève le capital financier (de l'ordre de 10%, elle génère des taux d'intérêt réels souvent négatifs[1]). Les Etats-Unis sont particulièrement touchés, avec la perte de valeur du dollar, et ce sont eux qui en premier vont adopter des mesures en faveur du capital financier : austérité des dépenses sociales, hausse des taux d'intérêt. En 1979 lors du sommet du G5, les puissances impérialistes généralisent ce qui devient le dogme monétariste.

Partout, le crédit bancaire fut rationné et les emprunteurs potentiels (États, entreprises, etc.) furent encouragés à se tourner vers le marché des capitaux pour se financer. Les Etats pratiquèrent massivement la dérèglementation du secteur, et un véritable marché financier mondial vit rapidement le jour. En France, le mouvement de dérèglementation commence dès 1984 (1986 : abolition de l'encadrement du crédit) et accompagne la vague de privatisations décidées dès 1986. En 1993, c'est la mise en place du « marché européen des capitaux », donc la mise en concurrence des diverses places boursières concernées.

Source de financement des entreprises françaises :


1980
1990
2000
Endettement bancaire
63%
55%
28%
Actions
2,8%
31%
52,5%

Les banques, largement privatisées et dérèglementées durant les années 1980, vont suivre le mouvement, en s'intégrant à ce marché financier. Elle vont rapidement perdre totalement leur ancien rôle de collecte de l'épargne, pour faire de la spéculation leur coeur de métier, comme le montre le tableau ci-dessous :

Actif Passif
2002 1980 2002 1980
Crédits 84 38 Dépôts 27 73
Titres 5 47 Titres 52 6
Valeurs 9 7 Opérations interbancaires 5 13
Divers 2 8 Divers 7 0
Fonds propres 9 8


2.3 Conséquences

Premièrement, une gigantesque accumulation de capital fictif a eu lieu, comme le montre ce graphe de la valeur des actifs comparée à la valeur réelle (PNB) au niveau mondial.

CapitalFictifMondialEtPIB.jpg

Les grands capitalistes ont effectivement trouvé par ce biais un moyen d'atteindre des taux de rentabilité record, tandis que la rentabilité dans la production réelle avait souffert d'une chute durant les "30 glorieuses", bien que se relevant sous l'effet de la hausse de l'exploitation.

RentabilitéFinancière.jpg

Ce qui explique la part croissante prise par les profits financiers sur le total :

PartDesProfitsFinanciers1963-2007.jpg

The Economist estimait en 2008 que les « profits » tirés des commissions et autres frais de gestion de spéculations financières représentaient 27% des profits des 500 sociétés de l’index Standard & Poor.

Fred Moseley estime que le nombre de personnes employées dans la finance aux Etats-Unis a augmenté de 1,9 millions à 5,2 millions, tandis que la main-d'œuvre productive a seulement augmenté de 28 millions à 40,3 million.[2]

3 Notes et sources

Le Capital, 5ème section du Livre III, Karl Marx
La finance capitaliste, François Chesnais, 2006
La crise du capitalisme d'aujourd ́hui : une analyse marxiste
Crise de suraccumulation mondiale ouvrant sur une crise de civilisationFrançois Chesnais, janvier 2010
Marx and the crisis, Nicholas Potts, Mars 2010
Marx’crisis Theory, Scarcity, Labor and Finance, Michael Perelman, 1987

  1. 1,0 et 1,1 Au dessous du volcan, Notes sur la crise capitaliste et la Dette, G. Lefranc et P. Morsu, septembre 2011
  2. The rate of profit and the future of capitalism, Fred Moseley, mai 1997